Être la personnification de l’Harmonie constitue, entre autres, à pressentir lorsque l’équilibre du monde est menacé, mais aussi lorsqu’il s’agit de conflits mineurs qui, en soi, n’auraient qu’un impact infime sur la paix. Mais malheureusement, Harmonie ne pouvait pas choisir de ne ressentir que le plus important – alors elle ressentait tout.

Et aujourd’hui, alors qu’elle ne souhaitait que passer une journée incognito parmi les mortels, loin de l’Olympe et de toutes ces divinités hypocrites qui ne l’avaient délivrée que lorsqu’elles s’étaient rendues compte que sans elle la victoire était perdue d’avance. Comment pouvait-elle les supporter, faire comme si de rien n’était alors qu’on l’avait négligée pendant des siècles ? Harmonie était furieuse, et seul le monde des mortels parvenait à l’apaiser. Ici, elle devenait lambda. Elle pouvait être n’importe qui – et aujourd’hui, elle n’était pas Harmonie. Du moins c’était avec cette pensée qu’elle se promenait, jusqu’à ce qu’un terrible sentiment l’envahisse, signe de troubles. Merci l’empathie, toujours là pour te rappeler que le cœur des mortels était empli de mauvais sentiments. Alors qu’elle cherchait d’où venait la source de ce sentiment, ses pieds la menèrent dans une petite ruelle et elle découvrit un spectacle plus qu’étrange.

Un gosse, pas plus âgé de treize ans, était entouré par une bande de vauriens bien plus âgés que lui. Comment en était-il arrivé là ? Aucune idée, mais les garçons étaient visiblement bien remontés contre lui à en juger par les bleus qui marquaient déjà son corps. Harmonie soupira. Sa journée incognito tombait à l’eau… Elle retira la capuche, dévoilant des cheveux bleus descendant en cascade sur ses épaules frêles et aussitôt, l’ambiance s’apaisa, comme si les mauvais sentiments se dissipaient. Elle fit quelques pas et posa sa main sur les épaules des adolescents qui la regardèrent, hébétés, se demandant ce qu’ils faisaient ici comme s’ils avaient soudainement oublié qu’ils en voulaient au plus jeune. Elle les poussa gentiment vers le bout de la ruelle pour au final se retrouver face à face avec le dernier, ne l’ayant toujours pas touché. Elle reconnaissait son aura, devinant son ascendance divine sans même avoir à poser la question.

« Tu n’auras pas toujours la chance de tomber sur quelqu’un pour te sortir d’un mauvais pas. Qu’as-tu donc fait pour t’attirer de tels ennuis ? » Demanda-t-elle d’une voix douce.