Les vacances touchent à leur fin, ce qui signifie que Liev doit rentrer chez lui. Comme la plupart des résidents de la Colonie, il ne vient que lors des vacances, étant scolarisé à New York et vivant dans un petit appartement avec son beau-père et beau-frère. Bien sûr, en cas de pépin, il peut toujours prendre un taxi et rejoindre la Colonie pour y trouver de l’aide, mais il aime avoir sa petite vie à New York, aller à ses cours de musique, travailler dans un bar, sortir et voir ses amis mortels. Il aime bien prétendre pouvoir vivre une vie de mortel lambda, quand bien même il n’en est pas un. C’est pour ça que quitter la Colonie est toujours un bon moment pour lui. Pas qu’il n’aime pas y vivre, loin de là. Il a son petit groupe d’amis, ses occupations, il aime l’ambiance de son bungalow même si sa demi-sœur Rheïma est partie. Mais disons qu’il apprécie davantage sa vie à New York.

Il quitte son bungalow, un sac de randonnée sur le dos, la housse de sa guitare à la main. L’équilibre est difficile à trouver entre les deux charges mais il a fini par s’y habituer à force de faire le voyage. Il commence à s’éloigner du petit U formé par les bungalows quand il aperçoit une silhouette adossée à un arbre, une silhouette qu’il ne lui est pas inconnue. Il reconnaît Ruby, la fille de Zeus. Fille de l’un des Trois Grands, hein ? Ça doit être dur à porter comme poids sur les épaules. À la colonie, ils sont tous un peu catalogués en fonction de leur parent divin, lui le premier – on le surnomme affectueusement le givré, mais quand l’on est l’enfant d’un des Trois Grands, c’est trois fois pire. Il s’approche un peu d’elle, pose l’étui de sa guitare par terre en soupirant et lève les yeux vers elle, souriant.

« Hey ! T’étais pas en train de manger juste à l’instant ? J’aurais bien besoin d’un petit remontant, tu sais, pour pouvoir porter tout ça jusqu’à l’extérieur du camp. » Il marque une pause, passe nerveusement sa main dans ses cheveux avant de soulever l’hypothèse qu’elle puisse ne pas le reconnaître. Après tout, sa présence au camp n’est que saisonnière. Il lui tend alors la main poliment. « Je suis Liev, du bungalow de Borée. Ravi de te faire ta connaissance ! »

Ruby esquisse un sourire et lui répond presque aussitôt.

« Moi c'est Ruby, du bungalow moche, là-bas. » Elle lui désigne l’imposant bungalow de Zeus, massif, puissant, austère, grande gueule. Comme son père, en fait. C’est l’incarnation même de la prétention – il a aucun mal à comprendre pourquoi elle le trouve moche. C’est too much, ça fait tâche dans la forêt paisible qu’est la Colonie. Même parmi les autres bungalows qui ressemblent davantage à des petites maisons le bungalow n’a pas sa place. « En effet, j'ai toujours de la bonne bouffe sur moi ! » Et elle sort la boîte de frites qu’elle lui tend en souriant, l’invitant à se servir. Liev se fait pas prier – il adore les frites – et en chipe une. « C’est vrai qu’il est pas très beau ton bungalow, mais bon… Tu préfèrerais dormir dans la forêt avec les nymphes ? » Demanda-t-il en riant, avant de bredouiller. « Merci pour les frites ! »

Puis une sorte de gros chat (ou un petit lion ?) apparaît dans son champ de vision, sorti de nulle part. Il en a jamais vu de pareil, d’aussi gros – et pourtant, il a visité le zoo de Central Park ! Faisant un mouvement de recul, il lève les bras en signe de défense, s’attendant à ce que Ruby fasse de même face à cette drôle de créature. Mais elle sourit et se tourne vers lui, le plus naturellement du monde.

« C'est mon Lionceau. Un peu envahissant, mais je l'aime bien ! » Dit-elle en riant tandis que le fils de Borée reste hébété. En plus d’être capables de se battre avec un glaive et un bouclier comme s’il s’agissait d’une discipline ordinaire, de lire le grec ancien plus facilement que l’anglais et de pouvoir faire tout un tas de trucs chelous comme congeler les gens, les demi-dieux possèdent vraiment de drôles d’animaux de compagnie. Lui préfère son carlin Booboo, dont l’unique super pouvoir est de baver partout, même sur sa truffe.

« Alors ça ! T’as pas peur qu’il te bouffe la nuit ? Pour un lionceau il m’a l’air plutôt coriace ! » Dit-il d’un air suspicieux avant de finir par rire à son tour, comme contaminé par celui de Ruby. De toute façon, il aime bien rire – c’est probablement l’une des choses qu’il fait le plus souvent, étant amusé par un rien. « Moi, j’ai juste un clebs mais il reste dans mon appartement à New York, pour tenir compagnie à mon beau-père. Certes, ça vaut pas un lionceau comme le tien mais bon… Je suis sûr qu’ils doivent avaler la même quantité de nourriture ! »