«Allez, dors bien ma chérie, tu dois être en forme si tu veux voir ton cousin Morigan demain.»  La femme déposa un baiser sur le front de sa fille avant de la recouvrir d’une épaisse couverture. Jetant un dernier regard tendre sur sa progéniture, elle ferma la porte, laissant l'enfant endormie seule dans le noir. Aussitôt, la petite fille qui répondait au doux nom d'Avalon, s'empressa d'ouvrir les yeux et de se précipiter hors du lit pour courir vers la fenêtre. Le parquet de bois de la petite chambre grinça sous les pieds minuscules de l'enfant qui priait pour que sa mère ne rapplique pas aussitôt. Le clair de lune de cette fraiche nuit d'été nimbait la petite Avalon d'une aura enchanteresse alors qu'elle se hissait sur la pointe des pieds pour atteindre le rebords de sa fenêtre. Avalon était une enfant menue, bien trop petite pour son age, du à une maladie héréditaire qui se transmettait dans cette branche de la famille O'Lear. C'est donc avec grande difficulté qu'elle parvint à se hisser et à s'assoir sur le rebord, mais il parvint tout de même, prenant le temps de faire une pause après ce qu'y avait été un effort olympique pour une petite fille de cinq ans. Elle observa quelques instants le paysage magnifique qui s'étendait à perte de vue. Une terre à la végétation luxuriante, un air d'une pureté incroyable qui emplissait vos poumons et au loin, le son berçant de l'eau qui tombait en cascade. Et pourtant, déjà, Avalon voulait plus que ça. Enfant du siècle, enfant biberonnée à la télévision, elle voulait être une star, partir loin dans ces contrées merveilleuses qu'elle voyait dans son petit écran. Et c'était pour cela que chaque soir, elle accomplissait ce de rituel. Elle sortit quelque chose de la poche de son pyjama, et le déposa sur une petite coupelle dans un bruit clinquant. Des pièces de monnaies, chapardées de la veste de papa, ainsi qu'un bout un peu écrasé de gâteau, reste du diner. Elle ajouta une petite marguerite à qui il manquait la plupart des pétales pour compléter cette drôle d'assiette. Les yeux fermés, elle se mit a chantonner une comptine aux étranges sonorités. «Tha mi sgìth 's mi leam fhìn, buain na rainich, buain na rainich, tha mi sgìth 's mi leam fhìn, buain na rainich daonnan» Du gaélique, la langue de ses ancêtres, que sa grand-mère lui avait appris pour perpétuer la tradition. Vous vous demandez surement maintenant a quoi rime tout ce cirque, pourquoi cet étrange rituel.

                                                                           


« Mon père pardonnez-moi parce que j’ai péché. » Le vieux prêtre Donovan releva subitement la tête. Il ne s'attendait pas à ce qu'il y'ait quelqu'un de si bon matin dans le confessionnal. A vrai, dire les sièges moelleux lui servaient plus à rattraper ses heures de sommeil qu'autre chose. Le viel homme reconnu aisément celle qui avait pris place derrière la grille. Avalon O'Lear. Dix-sept ans, jeune fille sans histoire, pieuse et gentille mais qui avait eu le malheur de naitre dans la mauvaise famille. On murmurait souvent dans le village sur les O'Lear. Une famille maudite, pervertie par ce vice sournouis qu'est l'alcool.



                                                                         

Avalon avait le cœur au bord des lèvres. Une envie de vomir lui tordait les entrailles. Et pourtant, elle ne s’était jamais sentie aussi heureuse.


                                                                           

Ne pas pleurer. Inspirer. Expirer. Ne pas pleurer. Trop tard, voilà déjà que les larmes traîtresses coulent sur ses joues, aussi torrentielles que la pluie qui bat contre les vitres de sa voiture.