GUERROYER [PV Matthew Schaeffer] (abandonné)

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GUERROYER

Abe aimait bien les missions de repérage. Premièrement, ça lui permettait de se changer les idées, et ainsi de briser le quotidien certes tout à fait adapté à l'évolution d'un demi-dieu comme lui, mais tellement monotone. Pour tout dire, quand on a pas d'amis à la Colo, on s'y fait rapidement chier, et ce n'était certainement pas sa compilation des meilleurs tubes de Chet Baker écoutées pour la soixante-troisième fois qui allaient faire passer le temps plus vite.
Deuxièmement, il se sentait enfin utile. En effet, il était souvent désigné pour ce genre de missions, car ses pouvoirs d'ombre en faisaient un élément idéal pour se camoufler même en pleine lumière. C'était comme si la Colonie lui accordait une toute petite reconnaissance et même si il avait du mal à se l'avouer, il se délectait de cette reconnaissance comme la nourriture qu'on jetait à un animal en cage, rare mais tellement savoureuse.

Pour l'occasion, il avait lustré son bâton en bronze et avait un peu exercé " ses ombres " comme il les appellait, comme s'il s'agissait d'un animal qu'il s'appliquait à dresser chaque jour. Celles-ci étaient toujours soumises à la lumière du soleil ( " Il pourrait pas un peu bouger sa grosse boule lui ? " en pensant à Apollon ), mais il parvenait chaque jour à les tortiller un peu mieux, un peu plus vite, pour qu'elle se plient à sa volonté.

Sur le chemin cependant, il n'avait pas vraiment en tête son entraînement, mais quelque chose qui occupait son esprit de manière bien plus insistante. Comme à son habitude, à l'arrière du groupe d'éclaireurs, équipé de la combinaison camouflage Kaki de la Colonie, pataugeant dans le marécage putride et enjambant les monceaux de vase, Abe ruminait dans sa barbe. Mission d'éclairage voulait dire lui. Forcément. Il était rare de ne pas le croiser. Et, par tous les dieux, on pouvait dire que ce foutu lui, il lui trottait bien dans la tête.

A chaque mission d'éclairage, quasiment, ils réussissaient à débusquer un groupe de Résistants. Comment ? Abe ne le savait pas : le commandement des opérations se faisait à l'avant, position bien trop inconfortable pour lui ( en plus c'est loin arf ). Parler aux gens ? Très peu pour lui ; en tous cas, ceux là étaient de vrais connards à son sens. La découverte de troupes Résistantes entraînaient, naturellement, une escarmouche sans merci, qui se soldait généralement par des blessures un peu partout dans les deux camps ( peu de morts, fort heureusement.). ET LA. C'est là qu'Abel l'apercevait. Il ne se rappellait pas exactement de la première fois qu'il l'avait aperçu, il ne l'avait réellement remarqué qu'après plusieurs rencontres avec son régiment. Il savait pertinemment que ce lien qui les unissait, l'homme le ressentait aussi ; au milieu de la bataille, ils échangaient des regards brefs mais expressifs, se tournant autour dans la danse du combat.

Il ne savait pas ce qu'il était exactement. Un homme. Plus qu'un homme. Un demi-dieu. Mais même encore plus qu'un demi-dieu. Abel, au milieu de la bataille, l'avait vu commander ; il l'avait vu mener et disposer ses hommes ; il l'avait vu saper littéralement le moral des demis-dieux de la Colonie. Il avait vu son regard flamboyant, la haine crépitant avec vivacité au fond de ses orbites. Abel avait tout vu. Et il en voulait encore. Cet homme l'obsédait, et il voulait savoir. Quoi ? Aucune idée. Il voulait le voir, c'est tout.

L'odeur de l'eau croupie se chargea de tirer Abel de ses pensées obscures. Ils pataugeaient dans l'eau depuis bientôt vingt minutes... Qu'est ce que la Résistance tramait, sérieux ? Abel appréhendait le moment où ils leurs tomberaient dessus. Il avait peur de décevoir ses camarades, mais aussi d'offrir une piètre performance de combat. Ses phalanges se resserèrent autour de son bâton à cause du stress.

" Tout le monde s'arrête ! " siffla Ravi Shajahan, le garçon qui dirigeait l'escouade, un " Déméter " particulièrement agaçant.
Les clapotements produits par la troupe cessèrent immédiatement. Un silence s'installa ; seuls les sons habituels de grillons, crapauds, libellules et autres horreurs des marais subsistaient.

Abe, même l'oreille tendue, n'eut pas le temps de réagir. Il aperçut seulement certaines silhouettes devant lui tomber à la renverse. Pendant un instant, il fut le seul debout, complètement déboussolé. Une lueur fendit la brume. Puis une autre. Puis encore une autre. Bientôt, une pluie de flèches enflammées s'abattait sur l'escouade de la Colonie.

Abe se précipita à couvert, trouvant son salut sous une souche pourrie grouillante d'insectes. Le torrent de flèches continuait à tomber, tandis que les Alliés tentaient de se réorganiser et trouver un moyen de se protéger. Les archers valides se positionnaient derrière des rochers ou des arbres et visaient une corniche qui surplombait les marécages, et qui semblait être l'endroit d'où venaient les tirs de flèche.

Abe fit dépasser sa tête hors de la souche. A sa plus grande déception, il n'était d'absolument aucune utilité dans cette situation. Avec son gros bâton, il avait carrément l'air débile.
Alors que son escouade commençait à se ressaisir et à engager une contre attaque sur les tireurs d'élite ennemis, Abel le vit. Cette fois, il fut le premier à voir la horde de Résistants débouler de toutes parts, chaque sentinelle hurlant comme un seul homme. L'un des combattants alliés n'eut même pas le temps de tourner la tête quand elle finit au bout d'une lance. Les Alliés se faisaient complètement submergés par les troupes Résistantes, sur tous les points. Il eut le temps de s'emparer de son bâton et d'assommer deux ou trois adversaires, tout en progressant à travers ce qui se transformait peu à peu en champ de bataille vaseux. Alors qu'il venait de désarmer une javelière Résistante, il tourna la tête et son sang ne fit qu'un tour.

Il était là. Il se baladait au milieu du combat comme si c'était son terrain de jeu - d'ailleurs, c'était son terrain de jeu en quelque sorte - un demi-sourire espiègle aux lèvres, décimant le commando de la Colonie sans efforts. Il dominait la bataille, c'était bien lui.

L'homme.

Abel s'empara de son bâton et se projeta dans sa direction, sans réfléchir une seconde, pour lui, la confrontation n'était pas seulement nécessaire, elle était évidente.

Codage par Libella sur Graphiorum

Matthew détestait les missions de repérage. Premièrement il ne comprenait même pas la logique de ces missions. Quel était l’intérêt de chercher des Alliés alors que ces mêmes Alliés les recherchait ? Il y avait une sorte de cercle vicieux dans ses missions à but, selon lui, tout à fait inutile. Et, plus il se rendait compte qu’il n’aimait pas cela, plus il avait l’impression d’en faire. Il pensait pourtant qu’il y avait des choses plus utiles que cela. Comme entraîner les nouveaux par exemple.
Deuxièmement, il se sentait complètement inutile. Il savait qu’il était doué pour combattre, mais, ça, n’importe quel Résistant y arrivait en principe. Quand il savait que d’autres étaient sur le terrain pour la véritable mission, il sentait son cœur se gonfler de jalousie. Et il détestait cela. Il savait que ce n’était pas intentionnellement qu’on le poussait à faire ces missions qu’il avait en horreur. Et, il ne voulait pas faire de vague, alors il obéissait.

Pour l’occasion, on lui avait confié une escouade qu’il avait immédiatement pris en grippe. A l’exception de John Blake, celui qui le secondait généralement pour ce genre de mission, il était entouré de gamins qui étaient tout excités à l’idée de combattre des Alliés. Pour la plupart, ils n’y connaissaient rien à la guerre. Matthew se savait exigeant, mais il espérait être juste. Alors, il n’avait pas contesté, puisque de toutes manières, il faudrait bien qu’ils apprennent. De plus, ils étaient plus nombreux que d’ordinaire alors restés silencieux étaient compliqués.

Il fit un signe de tête sévère à un Résistant bavard qui était à l’arrière et regarda autour de lui. Ils finissaient toujours par débusquer une troupe ennemie. Comment ? Et bien, simplement parce que cette même troupe ennemie les recherchait. Quand il parlait d’inutilité… Heureusement, leurs batailles ne finissaient jamais avec un grand nombre de morts. Plus de blessés. Matthew savait qu’il se devait d’impressionner l’ennemi afin de faire grimper leur peur. Aussi, aujourd’hui, il avait été clair avec ses soldats. Il avait pris une décision qui l’avait lui-même dégoûtée mais il comptait bien s’y tenir. Cette fois-ci, il n’y aurait pas de pitié. Il fallait des morts. Pour effrayer.

Il s’arrêta au bord d’une corniche avant de faire un signe de sa main. Son escouade s’arrêta et il fit signe aux quatre archers présents de se préparer. Avec un sourire satisfait, il murmura doucement : « Encochez. Bandez. Tirez ! ». Une pluie de flèches enflammées s’envola dans les marécages. Tandis que les archers continuaient, il fit signe aux autre de le suivre alors que des flèches volaient dans leur direction. « Maintenant ! » hurla-t-il.

Les Résistants déboulèrent, hurlant comme un seul homme. Le début du combat fut un massacre. Ils étaient plus nombreux et obéissant à son ordre, la pitié n’était pas de mise. Complètement submergés, les Alliés mourraient. Un sourire pervers naquit sur ses lèvres. Il sentait son sang s’échauffer au rythme du combat et il sentit la noirceur qu’il avait passé sa vie à fuir prendre les dessus. Il aimait cette sensation. Il était le maître du jeu, il tenait des vies entre ses mains. Et il tuait parce que c’était la définition même d’une guerre. Il comprit également que les soldats de son escouade étaient forts. Il s’était trompé. Il n’avait pas à faire à une bande d’incapable. Les lèvres étirées, il se baladait sur le champ de bataille, faisant pleuvoir les coups.

« Matthew attention ! » lui hurla John. Le fils d’Eris tourna la tête et vit un bâton lui foncer dessus. D’un arc d’épée, il para le lancer et se maudit de son inattention. Il remercia John d’un signe de tête et leva les yeux vers le lanceur. Lui. Il avait l’impression de le connaître. Il le croisait tout le temps. Il y avait entre eux une connexion si étrange qu’il avait arrêté d’essayer de comprendre. Il savait juste que Lui était son ennemi et qu’un jour où l’autre il leur faudrait se battre. Ce gamin, parce que oui, il était très jeune, le fixait déjà les fois précédentes. Contrarié d’avoir manqué de perdre sa tête par un vulgaire bâton, Matthew se décida à planifier les choses. Il voulait jouer, le gamin ? Très bien.

Il ramassa le bâton. Sans le quitter des yeux, il tua un Allié qui était dos à lui. Ce dernier ne comprit même qui l’avait tué. Il esquissa un sourire. Le gamin ne faisait presque jamais de morts. Il blessait et assommait la plupart du temps. Matthew tenait à lui montrer ce qu’était la guerre. En avançant, il acheva un blessé qui gisait sur le sol. Il ne laissait aucun répit aux Alliés et son escouade faisait de même. Néanmoins, la troupe ennemie commençait enfin à réagir et le fils d’Eris vit quelques-uns de ses soldats en difficulté. Néanmoins, il leur faisait confiance. Il voulait juste assouvir sa curiosité morbide. Il voulait savoir ce que lui voulait cet Allié.

« Tu as perdu quelque chose, je crois. »

Debout devant le gamin, il lui tendait le bâton. Il avait pris soin de parler avec arrogance et il lui lançait un regard froid. Il essuya le sang de son épée sur son pantalon avant de relever les yeux vers l’Allié. Il allait enfin savoir ce qu’il lui voulait…

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