Ma très chère Cassandre.
Oui, c’est le nom que je t’ai finalement donné. C’est drôle, n’est-ce pas ? C’est encore un personnage de la mythologie grecque, mais cette fois-ci aucun rapport avec Aphrodite, n’est-ce pas ? La chose est telle que tu connais déjà toute cette mythologie. Cassandre avait le don de prédiction, donné par Appolon, et était dotée d’une grande beauté qui selon Homère –tu connais Homère, je n’ai pas besoin de te rappeler qui il est- était semblable à celle d’Aphrodite, ta mère. C’est aussi celle qui a refusée les avances d’Appolon, tombé amoureux d’elle pour sa beauté, qui par vengeance à décidé de lancer une sorte de malédiction à la belle, qui est de ne plus jamais être crû par personne, ni même sa famille. C’est fâcheux, pour une femme ayant le pouvoir de prédire l’avenir, n’est-ce pas ? C’est elle qui a prédit la chute de Troie par l’arrivée de son frère, Pâris, c’est elle qui lui a prédit qu’il enlèverait Hélène, qui causera la perte de Troie, et elle prédit le malheur quand son frère amène sa belle à Troie, mais personne ne l’écoute, tous ébahis par la beauté de la nouvelle arrivée. Elle a prévenue les Troyens que le cheval envoyé par les Grecs était une ruse, mais encore une fois, personne ne l’a écoutée. Elle meurt d’un coup de lance dans le ventre, par Idoménée, petit-fils de Minos.
Je t’avoue espérer que tous ces malheurs ne t’arrivent jamais. Aurais-je raison ?


Il y a trois jours, ta mère est venue, une nuit, toquer à ma porte. Tu étais là, dans ses bras, enveloppée de jolis draps fins et blancs, semblables à ceux qui couvraient le corp de celle qui t’a mise au monde. Je savais, que j’aurais un enfant d’elle. Je savais, qu’elle était une déesse. Je savais, que tu serais une demi-déesse. J’ai acceptée. De toutes manières, je n’avais pas vraiment le choix. Mais je ne regrette rien. Car, quand je t’ai vue, cette nuit, rayonnante, endormie et sereine, je suis tombé sous ton charme. Je t’ai pris dans mes bras, et là, tu as ouvert tes grands yeux bleus, des yeux semblables aux miens, et sans doute semblables à ceux de ta mère, telle qu’elle s’était montrée à moi. Je t’ai donné ma main, et tu t’es mise à mettre mon petit doigt à la bouche, comme une tétine. Puis tu as éclatée de rire. Ta mère te regardait, avec amour, comme elle devait regarder chaque enfant qu’elle avait mise au monde. Et elle m’a dit quelque chose, une phrase, dont je me souviendrais chaque instant de ma vie. Un souhait, qu’elle me faisait. « Elle est née en Grèce, prends soin d’elle, et appelles la Amaliah. » puis elle a disparue. Bien sur, comme le montre le début de cette lettre, je n’ai pas exaucé son souhait. Tu es ma fille, c’est moi qui t’élèverais, elle n’avait pas à choisir ton prénom. Mais, je te l’ai finalement donné en second prénom. Tu t’appelles donc Cassandre Amaliah Avery.


A présent, je vais te laisser, mon rayon de soleil. Il te tarde de manger. Tu es très gourmande, à a peine quelques jours.
Ton père, qui t’aime.
[…]


Ma chère Cassandre.
Tu es devenue une pure beauté : tes yeux, bleus océans, apparemment semblables aux miens, sont immenses, et tes cils magnifiques. Ton visage, ovale, fin, pâle et doux donne à tout le monde l’envie de t’embrasser à chaque instant. Tes cheveux bruns ondulent jusqu’au bas de ton dos. Tu es petite de taille, mais extraordinairement grande d’esprit. Tu connais déjà toute l’histoire de ta mère, et pratiquement toutes celles des plus grands et importants dieux de l’Olympe. Tu as quatre ans, et tu t’intéresse énormément à toutes ces légendes et histoires, que tu sais, comme moi, vraies.


Je t’ai toujours bercé en te lisant des histoires sur ta mère. Tu as toujours su qui elle était. Pourquoi te le cacher ? Le second mot, après « Papa » qui est sortie de ta petite bouche en cœur est « Aphrodite », et Zeus sait que ce nom est difficile à prononcer pour une enfant de ton âge.


Aujourd’hui, tu es revenue de l’école avec une drôle d’histoire. Tu étais en train de jouer à la dinette avec quelques amies de maternelle, quand tu as vue une image d’une fille blonde, dans un magasine posé sur le bureau de la maitresse. Tu m’as racontée que tu t’es ensuite vue dans le miroir posé contre la porte et que tu étais devenue blonde. Personne n’a eu le temps de voir quelque chose, car tu t’en es vite rendue compte et comme par magie, est tout de suite redevenue brune. Quand tu me l’a annoncé, j’ai d’abord crû que c’était une illusion, mais tu as réussie à le faire de nouveau, te souvenant qu’au moment où c’était arrivé pour la première fois tu avais eu envie de devenir blonde. C’est là que j’ai compris que tu serais dotée de dons, de pouvoirs. Si ta mère me l’avait dit, ça aurait été plus simple, et tu n’aurais pas manqué d’être découverte, mais visiblement c’était trop lui demander.
Depuis que tu es rentrée de l’école, tu t’entraine. Tu deviens blonde, rousse, de nouveau brune. Tu as même réussie à changer la couleur de tes yeux en un bleu-violet et en vert. La longueur de tes cheveux, elle aussi, tu as réussie à la faire changer, et tu as tout essayé, ou en tout cas, toutes les coiffures que tu connaissais. Tiens, tu viens de venir me voir avec une chevelure longue et lisse, une frange et les yeux gris, puis tu es repartie, essayer d’autres choses.


Tout cela t’amuse, et moi aussi. J’ai hâte de voir ce que tu sauras faire d’autre, si tu sais faire autre chose.


Je t’embrasse, ma fille. Ta grand-mère ne va pas tarder à arriver, et je ferais bien de t’en avertir avant qu’elle ne te découvre avec les cheveux bleus et les yeux violets.
Ton père.
[…]


Mon ange,
Hier, c’était ton anniversaire. Tu as soufflée tes dix bougies. Ton premier nombre à deux chiffres. Tu m’as demandée en chuchotant pendant que je coupais le gâteau combien de chiffres composaient le nombre qu’avais ta mère en âge. Je t’ai avoué que je n’en savais rien, malgré mes études en histoire, mais qu’il devait y en avoir beaucoup. Tu m’as demandée si j’en aurais moi aussi, autant qu’elle un jour. Je t’ai répondue que j’en doutais, parce que moi je n’étais qu’un mortel. Tu as croisée tes bras sous ta poitrine en faisant la moue avant de dire que tu obligerais Aphrodite à me donner autant de chiffres qu’elle quand tu l’as verras.

Tu étais d’ailleurs très déçue de ta mère. Tu pensais qu’elle viendrait, pour fêter tes dix premières années passées dans ce monde, mais elle n’en a rien fait. Pas la moindre visite d’une femme inconnue à tes yeux. Tu as d’abord crû qu’elle s’était déguisée en l’un de tes amis. Mais tu as finalement vite abandonnée cette idée.

Tu maitrise parfaitement ton pouvoir, maintenant. Tu n’as plus besoin d’aller chez le coiffeur, et tu reste en général brune, sauf dans l’appartement où tu continue de t’amuser à tester diverses coiffures et couleurs multicolores, changer le teint de ta peau, faire disparaitre quelques défauts ici et là, avoir les yeux de différentes couleurs.

Tu aimes aussi beaucoup avoir une chevelure blonde-argentée, presque décolorés, longs et bouclant sur tes épaules et ton dos, gardant tes beaux yeux bleus. Plus tu le fais, plus tu me rappelle ta mère, ou du moins l’apparence qu’elle prenait toujours pour se montrer à moi. Mais pour moi, tu resteras toujours plus belle sous ta véritable apparence. Cette petite fille, pas très grande pour son âge, au teint claire mais un peu allé, aux cheveux bruns mi-longs et aux yeux d’un bleu éclatant.

Je vais te laisser, il se fait tard, et tu dors dans ta chambre à l’heure où je t’écris. Je ne sais pas quelle heure il est, ni où tu es, là où tu lis cette lettre, mais je te souhaite bonne nuit, en espérant que tes rêves soient remplis de bonnes choses.
Je t’aime,
Ton père.
[…]


Ma belle Cassandre,
Tu grandis, de jours en jours, un peu plus. Tu muris, aussi. Tu deviens une femme. Tu as eu quinze ans il y a deux mois, et tu n’as toujours pas rencontrée ta mère. Et pourtant j’ai l’impression que tu lui ressemble bien plus qu’il n’y paraît.

Tu viens de rentrer, accompagnée par un jeune homme que je n’avais encore jamais vu. C’est le troisième que tu me ramènes ce mois-ci, et nous ne sommes pas encore à la fin du mois de février. Quand vas-tu cesser ? J’espère en tout cas que ça ne fait pas trop de mal à ces jeunes gens. Pauvres garçons.

Il y a moins d’un an, tu as découvert ton second pouvoir, et je suppose le dernier. Alors que je travaillais sur un très vieux parchemin romain, j’ai vu une colombe blanche voler autours de moi, faisant voler tous les papiers qui n’étaient pas fixés ou tenus. Je n’ai d’abord pas compris ce que faisait une colombe dans l’appartement, puis j’ai deviné que c’était toi, en te voyant le poser par terre et tenter de ramasser tant mieux que mal les documents que tu avais fais tomber. C’est drôle, quand j’y pense, de savoir que ma fille unique à le pouvoir de changer d’apparence et de devenir une colombe. Pourquoi n’as-tu pas hérité du fait de pouvoir retourner le temps ? Tu aurais fait une magnifique historienne, et tu aurais pu m’aider dans mes recherches. M’enfin, si j’avais voulu que ce soit le cas, j’aurais plutôt dû rencontrer Chronos –bien que selon l’unes de légendes de ta mère, Chronos n’y serait pas pour rien dans la naissance d’Aphrodite-. Mais je doute que ça m’aurait apporté quelque chose. Ce qui est sûr, c’est que tu ne serais pas arrivé. Alors crois-moi, je ne regrette rien. Et la seule chose que je regretterais te concernant serait que tu n’ais jamais existée…

Ce qui est sûr, c’est que depuis que tu as découvert ta possibilité de métamorphose animale, tu sors de plus en plus. Bien sur, je n’ai pas de quoi m’inquiéter, tu sors en tant que cette belle colombe, et non avec une bande de camarades douteux.

Mon cœur, je vais te laisser, j’ai entendu du bruit provenant de ta chambre, et je pense que c’est toi qui es encore en train de t’énerver pour rompre avec ton nouveau copain. Bien sûr, tout cela n’est que comédie, tu as juste envie de t’en débarrasser car il n’est pas si intéressant qu’il en avait l’air. Ah-là, les adolescentes.

Je t’aime malgré tout.
[…]


Mon cœur, mon rayon de soleil, ma mélodie, ma muse, ma fille.
Tu me manques. Tu ne peux pas savoir à quel point. Ou peut-être que si, qui sait, peut-être que je te manque, moi aussi, à l’endroit où tu es.

Ta naissance à rompue toute la monotonie de mes journées, de mes nuits, de ma vie entière. Mais tu es partie. Tu as rejoint les autres enfants comme toi, demi-dieux, avec des dons, des pouvoirs. Peut-être y trouveras-tu tes autres frères et sœurs, là-bas ? Je ne doute pas une seconde que ta mère ait eu d’autres enfants, avant ou après toi. Mais ça ne me fait rien, tu sais. Ta mère et moi, ce n’était qu’une histoire de quelques jours. Elle est partie après avoir appris sa grossesse et m’en avoir informé. Je ne l’ai jamais véritablement aimé. Mais je l’aime, je l’aime pour t’avoir donné naissance, je l’aime pour t’avoir laissé à moi, à mes soins. Je l’aime car elle t’a aimé, comme elle devait aimer ses autres enfants. Mais je lui en veux, car elle t’a laissé, sans que jamais tu ne la voies. Mais si tu l’avais vu, ne serais-ce qu’une fois, aurais-tu été comme tu étais avec moi, du temps où tu habitais dans l’appartement ? Ça aurait changé ta façon de voir certaines choses, je le sais. Peut-être même que nous n’aurions pas été aussi proches.

Ma fille, tu sais à quel point je t’aime, je te l’ai répété, encore et encore dans ce livre rempli de lettres que je t’ai écris, tout le long de ton enfance et de ton début d’adolescence à mes côtés. J’ai fais tout ça pour te rappeler que je suis là, et que je le serais toujours. Pour te rappeler ton enfance, des moments les plus importants à ceux qui le sont moins. Je t’ais écris durant toutes ces années, j’ai pris chaque fois une dizaine de minutes sans rien regretter, pour t’écrire et que tu lises ceci, une fois le moment qui est arrivé il y a deux semaines, arrive. Tu n’as que quinze ans, presque seize, et pourtant tu es déjà partie dans ce camp pour sang-mêlé.

Seulement, maintenant je ne pourrais plus te rappeler tous ces moments. Je ne serais plus avec toi. Alors tu devras le faire seule, te souvenir seule. Tenir un journal ? Car c’est un peu ce que j’ai fais durant quinze années, pour toi. J’ai tenu ton journal. A toi de le finir.
Écris-moi.
Ton père.