Non non, vous ne rêvez pas ! C'est bien la musique de "l’Étrange Noël de Monsieur Jack."




Monstre !
Nous étions en 1922, les japonais n'étaient pas encore les démons bridés que combattaient les américains... C'étaient juste des hommes comme des autres, à l'exception près qu'ils étaient cloitrés dans leur carcan, à l'abris du monde, d'autant plus que leur empire avait connu quelques annexions de contrées alliées, comme la Corée, par exemple. Les nippons, comme certains aiment les appeler, venaient tout juste de s'ouvrir à l'ère prochaine de la mondialisation et découvraient donc le Monde et ses différentes cultures. Parmi elles, la culture de la Grèce antique. Si les nobles, les intellectuels ou encore les voyageurs connaissaient déjà tout ce qu'il y avait à savoir des beaux arts grecs, les paysans eux étaient encore loin de connaître tout cela... A l'image de la famille Fujimori, de miséreux paysans qui vivaient en périphérie de Nagoya, une métropole en devenir, dans une maison traditionnelle. Comme toute famille, ils avaient des enfants -deux pour être précis- et hébergaient les anciens, à savoir le grand-père maternel qui allait tout juste fêter son soixante et unième anniversaire, cette année même. La famille vivaient d'un faible commerce peu fructueux, avait tout juste assez pour nourrir l'ensemble des enfants et l'aïeul, les parents récoltant les restes. La pêche n'était plus vraiment ce qui rapportait le plus de ce temps là...  Surtout avec d'aussi misérables prises.

Takedo Fujimori et Saika Fujimori, les parents, ne s'aimaient pas plus que cela. C'était l'ami d'un ami du cousin de l'aïeul, Otoboshi, qui avait recommandé le jeune Takedo -à l'époque- pour prétendre à la main de sa fille unique. Otoboshi avait accepté, convaincu par la nature travailleur du garçon et son industrie de pêche à la ligne qui était alors en expansion, à l'époque. Les deux amants ne s'étaient jamais réellement aimés d'un amour brûlant, mais se respectaient, ne disaient rien devant leurs enfants ou l'ancien, mais pensant tout deux à la même chose... Aller voir ailleurs. Bien entendu, Takedo ne supporterait pas tel affront. La femme, pour l'époque, se devait d'être dévoué corps et âme à son mari, ne devait jamais se plaindre, se soumettre à lui, enfanter, et être une bonne ménagère. Rien de plus. Il n'était donc pas question qu'elle bafoue l'honneur de sa famille en allant prétendre à la main d'un autre. Néanmoins, c'est ce qu'elle fit. Et quel ne fut pas cet "autre"... Il s'eut présenté comme un grand asiatique à la chevelure fauve, le corps athlétique, la peau dorée, et se comportait avec courtoisie. C'était très différent de Takedo : rustre, rachitique, braillard, vulgaire et dominateur. Il ne fallut pas bien longtemps pour que la jeune trentenaire ne se laisse prendre dans les filets de cet inconnu qui semblait la respecter, l'aimer, la chérir... Et qui l'eut récompensé d'un enfant. Enfant qui ne tarda pas à attirer les soupçons sur lui. Saika ne fut cependant pas là pour avouer ses pêchés, mourant en couche sous les yeux de son époux, son grand-père et de ses deux enfants : Natoshi et Itsuya qui regardaient la scène avec horreur à travers les pailles tressées de la porte qui les séparait de la salle à manger... En ce sombre jour de décembre 1922, Saika rendit l'âme et, selon la tradition, fut brûlé.

L'enfant survécu. Il s'appelait Ando, et était donc le dernier enfant de la famille. Les premières années furent difficiles, son père Takedo savait pertinemment que cet enfant n'était pas le sien et le repoussait donc constamment, au profit d'Itsuya et Natoshi. Au bout de trois ans, étant veuf, il quitta Nagoya en emportant ses deux enfants avec lui et délaissant l'ancien avec Ando. La vie devint très vite difficile, plus qu'auparavant... L'aïeul n'avait plus l'âge pour travailler dans les champs, ne savait plus pêcher, et s'était donc abaissé à mendier avec l'enfant, espérant amadouer les passants. Les pièces roulaient, il devait se battre avec plus jeune lion que lui pour les arracher au sol et pleurait chaque soir en maudissant sa défunte fille, mais aussi son petit-fils illégitime. Un bâtard, purement et simplement... Il ne ressentait aucun amour, aucune pitié, quand il le regardait brailler, quand il le regardait se débattre, quand il le regardait se faire frapper encore et encore par ses propres poings. Cet enfant était à l'origine de la mort de sa fille unique qui devait, selon la coutume, le soignait jusqu'à sa mort et le remercier du traitement qu'il lui avait offert alors qu'elle n'était qu'une jeune fille.

Démon... Ô combien de fois il l'appelait ainsi ? Otoboshi considérait cet enfant comme un monstre véritable. Il l'apparentait aux terrifiants akumas, aux tengus ou aux divinités vampiriques qui hantaient les rêves des petits enfants... Néanmoins, malgré cette haine sans pareille qu'il lui vouait, Otoboshi ressentait de la peur en le regardant. L'enfant avait grandi, et il inspirait toujours cette même terreur à son grand-père. Son aura était démoniaque... Otoboshi finit par croire aux vérités que lui seul proclamait, et il finit par sombrer dans la folie. Ando avait cinq ans, six ans tout au plus, quand cela avait commencé. Il se faisait battre de plus en plus souvent, était littéralement vendu par son aïeul à des hommes qui abusaient de lui pendant des heures durant pour que le vieux récolte quelques yens... Quelle triste enfance. Ando ne comprenait pas vraiment ce qu'il avait fait pour mériter cela, il pleurait des heures encore et encore, subissait la folie de son grand-père, les coups de fouet, de bâtons... Et il pensait, car il ne lui restait que ça à faire : Qu'il ait peur, peur comme moi j'ai eu peur toutes ces années.

Ce qui affectait le plus Ando, ce n'était en aucun cas la souffrance physique... Non, de ça, il s'était habitué. Cependant, il ne s'était jamais habitué à la peur. Cette sensation terrible qui s'engouffrait en vous, vous étouffer, parvenait même à vous faire taire, à estomper les cris les plus profonds de votre âme, vous brider, et faisait de vous l'allégorie même de l'Impuissance devant nombre de tyrans. Cette peur... Ando la connaissait. Et Ando en devint maître...

« Que... Qu'est-ce que c'est ? Brailla le vieux. Que fais-tu ? Arrête...
- Tu as peur, toi aussi... Otoboshi-dono ? »

Il avait les mains moites, le coeur qui s'accélérait, descellérait, l'adrénaline qui grimpa d'un coup jusqu'à en faire lâcher son corps qui s'effondra, ayant perdu l'ensemble de ses appuis. Son organe vital toquait dans sa poitrine, il haletait considérablement jusqu'à perdre haleine et finalement sentir son dernier souffle passer ses lèvres charnues... L'aïeul s'effondra donc dans la boue, inanimé, sous le regard de son petit-fils qui pleurait malgré lui sans aucun sanglot... Ces larmes n'étaient pas symbole de tristesse mais bien de détresse, mais aussi de soulagement.

« Je n'étais donc pas ton seul démon, Otoboshi-dono... » Lâcha Ando en faisant face au cadavre, la pluie ruisselant sur lui et plaquant ses cheveux d'ébène sur son crâne.
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Neuf ans plus tard.
1931, Ando allait bientôt fêter ses quinze ans. Il vivait seul depuis la tragique mort de son grand-père qui fut considérée comme un accident, son coeur qui avait lâché suite à une dégénérecence... Un choc émotionnnel trop puissant. Ando avait appris, entre temps, que son grand-père était bel et bien mort par sa faute, comme il s'en doutait. A l'époque, il ignorait encore comment il avait réussi à accomplir cet exploit. Il s'était néanmoins rendu compte que lorsqu'il était triste, ou en colère, il pouvait agir sur le ressenti des personnes près de lui, il parvenait à les effrayer quelle que soit la situation... Pourtant, du haut de ses un mètre soixante, son corps filiforme et ses yeux semblables à des virgules, il n'avait rien de bien plus effrayant que les autres.

Peu après avoir été déclaré orphelin, avoir passé quelques temps dans un abris délabré où sommeillaient des violeurs récidivistes, des clochards aux démarches désespérés, et autres rejetés de la société; il fut recueilli illégalement par une famille. L'adoption n'était pas vraiment d'actualité au Japon, et les choses se faisaient ainsi... La famille était composé d'un père, d'une mère, et d'une jeune fille fraîchement née. Ando eut bien du mal à se faire à l'idée d'être adopté, il se méfiait désormais de tout et tout le monde, ayant fini par croire qu'il vallait mieux pour lui de demeurer solitaire éternellement plutôt que de subir d'autres mauvais traîtements de la part d'adultes. Cependant, cette fois, il se savait capable de répliquer si on le menaçait... Il ignorait tout de la nature de ses étranges capacités mais avait fini par se persuader que son grand-père, Feu Otoboshi-dono, avait peut-être raison sur sa véritable nature... Peut-être avait-il été engendré dans le Yomi, lieu de désolation mythologique se traduisant généralement par "ténèbres". Peut-être était-il réellement le fruit d'un akuma, ou peut-être avait-il été maudit par Susanoo, devennt ainsi un yokai, un esprit errant, tourmenteur et étranger du monde matériel. Bien qu'illettré, Ando connaissait bon nombre de choses sur le monde qui l'entourait, et plus exactement sur les mythes nippons. Il connaissait l'histoire de la genèse de ce monde, le nom de chacune des divinités de ce culte polytéïste, et pouvait réciter certaines histoires par coeur. Il préférait de loin s'enfoncer dans les mythes, les mensonges, plutôt que de vivre dans la cruelle vérité qui tortionnait ce bas-monde et l'effrayait au plus haut point...

Désormais membre de cette nouvelle famille, portant pour nom Kogashi, Ando tenta de se faire une place assez timidement. Il n'avait pas vraiment la même éducation que ces gens là, des urbains, alors que lui était plutôt un rural. Les seules choses qu'il connaissait de la ville, c'était qu'il y faisait froid en dehors, que les rues étaient peu fréquentables, et qu'elle fut son logis malgré elle des années durant... Il ne s'était jamais rendu compte de l'envers du décors qui présentait des familles éduquées, une vision "heureuse" des choses, un quotidien monotone mais pourtant si enrichissant aux yeux de l'enfant démoniaque... Si il demeura muet les premières semaines, effrayé par ses parents adoptifs, il dût se laisser aller aux bons traîtements dont il bénéficiait. Il finit par s'extravertir un peu plus, il noua des liens avec d'autres enfants -étant enfin scolarisé, bien qu'il eut du mal-, s'ouvrit un peu plus aux yeux de sa nouvelle famille et tenta de s'abstenir de ses souvenirs passés... Peut-être n'étais-je pas celui auquel on m'apparentait autrefois... Finit-il par croire.

Néanmoins, il dût se rendre à l'évidence... Les fantômes de notre passé finissent toujours par ressurgir...
Désormais âgé de quinze ans, Ando était quelqu'un de plus libre, de plus intelligent, plus éduqué et également plus mature. Ses pouvoirs se faisaient de moins en moins présents, il n'avait plus tué depuis cette sombre nuit durant laquelle Otoboshi-dono avait perdu la vie. Il finit par croire à la coincidence, au hasard, à la Providence... Et pourtant, il dût se rendre à l'évidence quand un jour, alors qu'il rentrait paisiblement chez lui un volatile inconnu fondit sur lui. Une créature de la nuit, d'apparence humanoïde, aux yeux de braise et aux canines acérées qui rugissait contre lui en battant ses ailes découpées dans la nuit elle-même. Une sorte d'Otoroshi ailé ! Surpris, il s'écroula par terre, roula sur son flanc gauche en sentant sa respiration s'accélérer soudainement... La bête déploya ses serres et vint lui aggriper le bras, enfonçant ses griffes dans la chaire de sa cible qui se débatta, hurla et frappa machinalement sur la bestiole pour qu'elle le relâche. Alors que le monstre prenait son envol, l'arrachant au sol de quelques centimètres (une vingtaine, peut-être), une nouvelle créature apparu... Un grand type, bien plus vieux qu'Ando et dont les traits ne laissaient pas sous-entendre une quelconque origine ethnique en rapport avec les asiatiques. Il avait deux épaisses cornes nouées sur elles-mêmes en plein milieu de son front, un bouc belliqueux et des sabots à la place des pieds.

« Relâche le gamin, maintenant ! » Avait-il clâmé dans une langue encore inconnue aux oreilles d'Ando, à l'époque.

La créature sembla en rire. Elle engloutit une bourrasque dans ses ailes et s'éleva encore plus haut malgré les réticences de sa proie. L'hybride homme-bouc bondit alors sur une paroi, la talonna et fonça droit sur la bête. Il agrippa le jeune Ando, l'arracha aux griffes de la démoniaque demoiselle ailée dans un cri de douleur qui lui coûta une partie de sa chaire, et retomba durement au sol avec lui. La créature ailée lâcha un râle, elle fronça ses sourcils et piqua en direction de ses deux cibles. Le bouc se releva d'un bond, fit mystérieusement apparaître une épée à partir d'une amulette quelconque et trancha dans un hurlement de rage une patte à la bestiole ailée qui s'enfuit alors en crachant quelques paroles qui pouvaient s'apparenter à des cris.

Ando, terrifié, voulut s'enfuir sans même remercier son sauveur. Celui ci l'attrapa néanmoins avant sa fugue désespérée, et lui expliqua ce qui venait de se passer. C'était sa première rencontre avec le monde mythologique... Mythologique oui, mais pas japonnais. Une mythologie plus ancienne encore, appelée "mythologie grecque". Afin de se remettre dans le contexte, le bouc humanoïde lui expliqua les grandes lignes de cette mythologie tout en y mêlant un contexte totalement différent : notre propre monde. Si Ando avait du mal à y croire au départ, il finit par se résoudre à avaler ces couillonneries. Pourquoi donc ? Parce qu'elles expliquaient bon nombre de choses quant à ses étranges capacités suscitant la peur chez les autres... Il apprit alors que la créature qui s'en était prise à lui était une furie, un monstre lambda qui était attiré par les sangs-mêlés, tels que lui. Sa parenté était encore flou, aucun divin ne l'ayant encore revendiqué. Le satyre, tel était sa nature, se présenta à lui comme étant un envoyé d'une colonie américaine du nom de Trace. Trace était fils de Pan, et d'une mortelle résident en Floride, d'après ces dires. Il demanda à Ando de le suivre jusqu'aux Amériques, mais ce dernier refusa en premier temps. Il avait terriblement peur de quitter le Japon alors qu'il venait tout juste de s'intégrer... Mais il dût s'y résoudre après bien des arguments évoqués par son protecteur tels que la sereinité au sein de sa famille d'adoption, sa propre sécurité (la colonie empêchant les monstres de s'attaquer aux demi-dieux), etc...  
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Deux ans plus tard.
Débarqué aux Etats-Unis depuis un peu plus de deux ans maintenant, Ando s'est difficilement adapté au rythme de vie de la colonie, et s'est faite quelques fréquentations. Si au départ, il fut considéré par erreur comme étant l'enfant d'un des trois dieux de la Trinité grecque, le fervent défenseur des Enfers : Hadès, cette rumeur fut elle-même démentit dans la semaine qui suivit par le concerné. Le grand gourrou des Enfers refusait de porter la responsabilité de ce sang-mêlé et le châtia donc sans aucun regret, ayant d'autres chats à fouetter. Le japonais demeura donc chez les Hermès un long moment, et il y resta. Un mois plus tard, les dirigeants de la colonie apprirent que l'un des dieux mineurs avait revendiqué la parenté du jeune Fujimori... Déimos, dieu de la terreur. Ceci expliquait donc cela, n'est-ce pas ? Voici donc le responsable de tout ceci... L'instigateur du malheur qui avait littéralement fait imploser sa famille et qui a fait naître cette crainte permanente dans l'esprit tourmenté d'Ando. Désormais, le jeune nippon avait un nom à mettre sur celui qu'il haïssait le plus... Déimos, cet être supérieur qui croyait pouvoir se désservir de tout ce qu'il avait causé, ce prétendu "dieu" qui n'avait sût protéger sa mère ou éviter tous les malheurs qui se sont abattus sur Ando depuis sa naissance.

Ainsi, Ando se fit quelques amis au fur et à mesure de son séjour ici. Après tout, ils étaient pratiquement tous dans le même bateau. Des adolescents perdus dans les méandres de leur génétique... Sans parents, sangs-mêlés, et dôtés de capacités qui les dépassaient très certainement. Le premier véritable que s'eut fait Ando s'appelait Curtis, Curtis O'Connor pour être plus précis. Il était fils d'Enyo, la déesse de la bataille. C'était un grand type sec, athlétique, qui passait son temps à taquiner tout le monde. Il inspirait une joie de vivre contadictoire avec son parent divin et qui semblait manipuler l'humour noir à merveille, raillant presque ses ancêtres qui ont donné leur vie pour lui durant la Grande Guerre. Curtis avait des cheveux noirs de jais, des yeux verts, et un rire singulier qui se distinguait d'entre milles et qui avait toujours eut le mérite de faire naître un sourire sur le masque de marbre d'Ando. Son second ami, et certainement celui dont il était le plus proche, s'appelait Harrisson Matthews, dit "Harry", fils de la déesse Némésis. Harrisson était un peu le "meneur" d'un petit groupuscule essentiellement constitué d'enfants de dieux mineurs -étrange, non ?-, il avait toujours eut un esprit de leader, il était autoritaire mais juste, il était amical, réfléchi et savait faire tourner les têtes de toutes les filles aux alentours. Harrisson était grand, blond, l'air désinvolte, toujours vêtu de noir ou de mauve, qui enchaînait les expériences avec les femmes et les garçons, et qui avait la rancune facile -signe de sa parenté avec la déesse de la vengeance-. Tout comme Ando, il haïssait son parent divin pour de multiples raisons mais la principale était bien évidemment son absence...
Son troisième ami faisait également parti de la troupe d'Harrisson, tout comme Curtis, et s'appelait Lorenzo di Capullo, un italien fils de la déesse Hygie. C'était un type assez timide qui peinait à s'affirmer mais dont les idéaux étaient clairs : il haïssait sa mère... Mère qui, malgré ses capacités en tant que divinité de la médecine, de la santé, n'avait sût épargner le père de Lorenzo, mort de la grippe espagnol, ou son grand-père décédé des suites de ses blessures lors de la Grande Guerre. Lorenzo était le plus jeune de la bande, 14 ans, était de taille moyenne, fin, les cheveux noirs, le regard profond, l'air sérieux... Le teint blâfard.
Enfin, il en fallait bien une, la fille de ce groupuscule s'appelait Sasha Murphy et autant dire qu'elle savait faire tourner toutes les têtes... Grande blonde aux cheveux bouclés, l'air froide et distante, réfléchie et impitoyable lors des missions, elle était fille de Phobos et donc demi-cousine d'Ando. Néanmoins, malgré leur étroite parenté, Ando ne pouvait s'empêcher de fantasmer sur les courbes de cette magnifique créature made in USA.

« Hum ? Tu m'écoutes, Ando ? Demanda Curtis.
- Heu... Oui, désolé. Répondit brièvement le japonais avec un fort accent, dans un anglais approximatif.
- Laisse le un peu, Curt' ! Tu sais très bien que notre petit Ando est trop occupé à relooker Sasha ! Le taquina Harrisson, perché sur une rembarre de bois du bungalow.
- J'ai tout compris ce que tu as dis, Harrisson ! Répliqua le japonais qui se sentait un peu considéré comme crédule, pour l'occasion.
- J'ose espérer, oui ! Ricana son camarade. Ouh ! "Harrisson" ! Depuis quand tu m'as pas appelé par mon prénom en entier, hein ? On dirait mon père quand il cherche à me disputer, snif ! Eclata le fils de Némésis.
- Bon... Fit le fils d'Enyo en s'avançant. Je vais me renseigner quant aux nouvelles missions, je serai de retour d'ici... Quelques heures je pense ! J'embarque Lorenzo avec moi !
- Fait donc ça, oui. Lança Harry, en souriant.
- Qu... Quoi ? Fit le plus jeune en se débattant alors que son camarade l'attrapait par la capuche. Mais j'ai pas envie, moi !
- Cesse de brailler, va ! » Grommela Curtis.

Une fois les deux hommes partis, Harrisson se pencha un peu plus sur son meilleur ami en étirant un sourire de satisfaction alors que le regard du japonais se perdait à l'horizon, regardant Sasha qui s'exerçait avec d'autres demi-dieux un peu plus loin. Harry se risqua alors à demander d'une voix suave, et calme :

« A quel moment comptes-tu leur dire que tu vas retourner au pays, hein ?
- En temps voulu. Murmura Ando.
- Tu ne comptes pas leur dire, n'est-ce pas ? Ou tout du moins, tu ne comptes rien dire à Sasha. » Comprit le grand blond.

Un simple soupir de sa part servit de réponse. Harrisson sourit, amusé, et se releva avant de s'étirer un peu. L'attention de l'asiatique fut alors retenu par son ami qui semblait bien gai ce matin là. Il se tourna alors vers Ando, lui tendit la main pour l'aider à se redresser et vint ensuite le serrer dans ses bras affectueusement, le gratifiant de deux tapes dans le dos.

« Fais bonne route, tu vas nous manquer tu sais ! »

Un mince sourire apparût sur les lèvres du fils de Déimos qui hocha la tête positivement, mit une petite tape à l'arrière du crâne de l'américain et retourna au bungalow en mettant ses mains dans ses poches. Il n'avait pas tout dit à son camarade, ce jour là... Il ne quittait pas la colonie innocemment, loin de là, il retournait à Nagoya sur demande de son père adoptif au vue des relations de plus en plus houleuses entre le Japon et le reste du monde. Nous étions en août 1938, la guerre n'avait pas encore éclaté mais était imminente...
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Ando était marié à une mortelle. Shizuka. Une mortelle d'origine japonaise également, ni belle, ni laide, une femme banale comme on peut en rencontrer à n'importe quel coin de rue... Une demoiselle effilée, cheveux sombres et courts, la peau laiteuse étant donné qu'elle se préservait du soleil à l'aide d'une ombrelle constamment. Ce mariage fut arrangé par les parents adoptifs d'Ando, un mariage de principe avec une autre famille nippone. Ando et Shizuka ne s'étaient jamais rencontré avant ce jour... C'était difficile à avaler et pourtant, même au XXème siècle, les mariages arrangés existaient toujours. Ando en fut bouleversé mais ne montra rien ce jour là pour ne pas bafouer l'honneur de la famille qui avait eu la grâce de l'accueillir néanmoins, sa colère était intense et tempêtait en lui... Lui qui s'imaginait déjà avec Sasha, voilà tous ses espoirs réduits à néant... D'autant plus qu'un jour, alors qu'il fut réquisitionné par l'armée nippone, il reçut une lettre de Curtis. Une lettre lui indiquant que le mariage entre Harrisson et Sasha était imminent. Ce fut un véritable poignard dans le coeur. Le fils de Déimos maudit son ami, tempêta, devint plus froid, et battit même sa femme un soir sous un excès de colère.

Enfin, vint ce triste jour. Le 7 décembre 1941 sonna l'entrée en guerre des USA contre l'Axe... Mais ce jour sonna également la mort d'Harrisson.
Présent sur le navire appelé Pearl Harbor après avoir quitté la colonie subitement sans prévenir personne d'autre que Sasha qui s'enfuit avec lui pour Colombus, le fils de Némésis ne fit pas long feu... Les japonais abordèrent le navire et le carnage fut horrible. Les armes à feu crachaient des balles à tout va, les corps des soldats américains étaient perforé avant même qu'ils n'eurent le temps d'entendre le retentissant bruit sacageur... Ando arriva également, assoma un premier soldat avant de placer son fusil d'assaut contre lui pour lui trouer le corps sans aucun état d'âme, subissant lui aussi les secousses de son arme quand son buste commença à être repousser en arrière sous la puissance des balles. Plus habitué aux armes blanches qu'aux armes à feu, Ando avait encore du mal à maîtriser son arme. Alors qu'il venait tout juste de tuer son premier américain, la contre-offensive avait déjà commencé. Trois hommes apparurent devant lui, prêts à en découdre, il tira une première salve tout en se lançant derrière un mur alors que ses trois assaillants se firent bien vite éventrés sans qu'Ando n'en soit le responsable direct. Ce dernier traversa alors le navire en éliminant ses cibles, sans l'ombre d'un remord. Lorsqu'il se retrouvait en mauvaise posture, il fixait dans les yeux ses ennemis et les fit tréssaillir. La terreur les gagnait. Leurs mains tremblaient, leurs doigts ne pouvaient plus appuyer sur la gachette, et leur vie était aussitôt enlevée par le sang-mêlé... Des torrents de flammes continuaient à pleuvoir tout autour du navire. Américains comme japonais tapissaient le sol avec leurs corps et leurs sangs qui se confondaient...
Encore une fois, Ando avait peur. Son coeur se serrait de lui-même dans sa poitrine et lui arrachait une grimace, ses battements étaient irréguliers et tout semblait se ralentir autour de lui... Il entendait la moindre contraction de ses muscles, le moindre soupir de son coeur qui gonflait encore et encore. Là, il fit volte-face... Le doigt qui se déchaînait sur sa gachette, si bien qu'il finissait par en souffrir. Là, ce qu'il vit déchaîna en lui un fléau qu'il ne soupçonnait même pas. Il ne savait pourquoi, il ne savait comment, et il ne voulait savoir mais la personne qui se tenait désormais face à lui était loin d'être un étranger qui s'exprimait avec un horrible accent dans la langue de Shakespeare... C'était Harrisson. Ando sentit son coeur manquer un battement, il déglutit et observa la même expression chez son ennemi. Peut-être voulait-il s'expliquer sur son départ de la colonie, sur son mariage avec Sasha, celle qu'Ando aimait en secret depuis tant d'années, mais il n'eut le temps de se défendre verbalement. Le visage calme de l'asiatique se déchira, un hurlement lui échappa et... Il ne se souvenait plus. Il ne se souvenait plus vraiment de leur affrontement, il se souvenait juste d'un corps baignant dans son sang au loin alors qu'il avait regagné un navire de sa flotte.
En ce 7 décembre 1941, Harrisson Matthews venait de mourir de la main d'Ando Fujimori...
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Harrisson n'était certes pas le fils prodige tant espéré par sa mère, mais il demeurait tout de même son fils. Némésis n'était pas la déesse de la vengeance pour rien, elle avait en effet la rancune facile. La déesse mineure eut tout juste le temps de vérifier auprès d'Hadès la mort de son enfant qu'elle commença déjà à tempêter. Ando était revenu au Japon depuis lors, il ne resta qu'une semaine avant qu'une nouvelle mission ne lui soit finalement confiée pour contrer une probable offensive américaine. Néanmoins, ce fut une nuit... Une nuit agitée. Une ombre se faufila jusqu'à la couche du japonais qui se tenait assit sur son matelas, l'esprit encore embrumé alors que de la fumée d'opium tourbillonnait autour de lui, empestant la pièce. L'asiatique haussa un sourcil en voyant l'ombre s'approcher, il était encore sous le choc de la mort de son meilleur ami et avait noyé son malheur dans l'alcool et la drogue et n'était donc plus vraiment maître de ses actes, à l'heure actuelle. L'ombre commença à prendre une forme humanoïde et laissa finalement apparaître un être humanoïde au teint pâle, avec des cheveux noirs de jais qui s'hérissaient sur sa tête. Ando se leva d'un bond et recula jusqu'au mur derrière lui, collant son dos à lui. La vengeresse inspira grandement et lâcha d'une voix tonitruante :

« Toi ! Fils de Déimos ! Tu as osé tuer mon fils !
- ... Némésis ? Demanda t-il à voix basse. Nous étions en temps de guerre, c'était lui... Ou moi.
- Silence, sang-mêlé ! » Mugit-elle.

Ando se sentit paralysé. Il ne pouvait plus tendre le moindre de ses muscles et déglutit par réflexe. La déesse vengeresse fronça ses sourcils et pointa du doigt son interlocuteur :

« Ando Fujimori, fils de Déimos, je te maudit, moi -Némésis-, tu devras supporter pour l'éternité les maux qui te torturent présentement ! Tu ne pourras expier tes pêchés, tu ne pourras te pardonner la mort de mon fils, celui qui fut autrefois ton "meilleur ami" et tu seras hanté par son esprit... A jamais ! »

Une épaisse brume obscure se souleva dans la pièce, décorée par une multitude d'éclairs colorés alors que la déesse commençait à disparaître petit à petit dans un vacarme assourdissant... Sa disparition créa un puissant choc qui repoussa avec violence le militaire japonais qui s'écrasa durement contre le mur, perdant automatiquement connaissance avant de finalement retomber à plat ventre sur le sol, des morceaux de verre lui tombant dessus... Il s'en voulait... Vraiment. Il avait agi sur le coup de la colère, ce 7 septembre 1941... Une larme perla alors son oeil clos, il serra petit à petit ses poings et lâcha à voix basse :

« Harry...
- Hum ? Je t'ai manqué, l'ami ? Lâcha une voix familière. Toi tu ne m'as pas tellement manqué, depuis la fois où tu m'as troué... »

Les heures étaient passées, la nuit était sur le point de se conclure et, sous les minces rayons du soleil naissant, il apparût aux yeux du sang-mêlé... Harrisson se tenait là, à côté de lui, accroupit, un sourire taquin sur les lèvres. Que faisait-il ici ? N'était-il pas mort ? En vérité, il n'était autre que la matérialisation de la malédiction de Némésis...
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La guerre était fini, ils avaient perdu. Ando avait perdu. Mais il avait perdu bien plus que la guerre, il avait perdu sa vie. Paradoxalement, sa vie avait été considérablement rallongée par Némésis... Mais elle avait aussi été infectée par la rancune éternelle de celle ci. Harrisson était "revenu" sous la forme d'une entité que seul Ando pouvait voir et qui ne cessait de le tourmenter en lui rappelant les pêchés auxquels il s'adonnait, en lui rappelant sa triste mort. Les mortels appelaient ça "la schyzophrénie", Ando appelait ça "un calvaire"...

La vie avait repri son cours à la suite de l'abandon du Japon, de la chute du IIIème Reich, et Ando n'avait pas prit la moindre ride. Ayant quitté la colonie depuis le début du conflit mondial, il n'avait plus vraiment de "chez lui" étant donné qu'il avait perdu sa femme lors du bombardement de Nagasaki, en été 1945. Il se souvenait encore des funérailles pour ces milliers de morts auxquelles il avait assisté, parmi tant d'inconnus, camouflé dans l'ombre... Seul, ou presque. Harry était là aussi, mais uniquement à ses yeux. Il avait troublé le silence mortuaire par ses plaisanteries de mauvais goût, et Ando avait dû se retenir d'hurler... Il devait le supporter constamment, lui et toutes ses reproches. D'un autre côté, il fallait le comprendre : il était mort, tout de même. Mort de la main de son meilleur ami.

Le fils de Déimos était désormais en marge de la société, comme à sa naissance. Il errait sans but, voyageant malgré sa nature xenophobe, et acceptait divers travails peu recommandables. Tantôt garde du corps pour un milliardaire coréen, tantôt assassin... Depuis cette triste nuit où il avait arraché la vie à Harrisson, il n'était véritablement plus le même. Il avait sombré, et son esprit ne cessait de se faire torturer par les lamentations de ce maudit esprit qui le hantait... Fraîchement revenu aux Etats-Unis quelques années après la fin de la guerre, Ando était entré dans une intense dépression et se résolu donc à s'isoler au casino Lotus afin de se laisser aller à des plaisirs intenses et éternels et ce, jusqu'à ce qu'il ne soit finalement délivré par une personne extérieure au casino, dont il a aujourd'hui oublié le nom. Il était resté si longtemps dans le casino, le monde avait tellement changé autour de lui. Il fut comme prisonnier d'une cellule intemporelle là-bas. Il s'était adonné à différentes drogues nouvelles, issues de trafics clandestins mythologiques. Ce long séjour lui permit de se détâcher un peu de sa triste réalité, ou plutôt de son horrible passé. Les cadavres qui s'amoncellent, l'odeur âcre du sang, les détonations, les crissements de lames... Les cris, les pleurs, les lamentations, les supplications même. C'était ça... Être un chien de l'armée.

Désespéré, le natif du pays du soleil levant retourna à la colonie sans apporter d'explications sur sa mystérieuse disparition tant d'années auparavant, et le fait qu'il ait gardé sa jeunesse... Bien évidemment, de nombreux soupçons se sont levés contre lui. Seuls Monsieur D et Chiron connaissent la vérité, à l'heure actuelle. Et c'est bien mieux ainsi...
Bien évidemment, il n'est revenu à la colonie que pour ses propres intérêts, intérêts qu'il est bien décidé à cacher aux autres. Des bruits courent... Des bruits suggèrent que son retour est émissaire d'une catastrophe imminente.
Les masques tombent. Les traîtres apparaissent, sortent de l'ombre... Est-il l'un des leurs ? Les hauts placés de la colonie gardent un oeil sur lui. Et lui ? Il attend, mais quoi... ?