Sans bruits ou presque, je me cachais entre les buissons attendant que ma cible m'offre un meilleur angle de tire. Le molosse reniflait à droite et à gauche, cherchant certainement un petit sang-mêlé à déchiqueter entre ses crocs bien aiguisés, à pouvoir jeter dans tous les sens comme une vulgaire poupée de chiffon. Non, pas ce soir. Le chien des Enfers ne pourrait pas sortir victorieux du jeu, aujourd'hui.
  Chiron nous avait prévenu. Ils étaient cinq, et ce soir les équipes étaient réparties en trois bungalows. Oubliés les alliances du Capture Étendards. Tout cela avait été fait par tirage au sort, au grand mécontentement de certains. Personnellement, je jugeait que ce n'était pas plus mal. Pas d'inégalités, pour une fois. Néanmoins il était évident que le mécontentement des Chasseresses d'être en équipe avec des mâles, était bien présent. Comme à l’accoutumée, les filles pestaient contre mon indifférence à la présence masculine, et voir même à la sympathie dont je faisais preuve à leur égard. Sérieusement, ces garçons ne portent pas la peste ! Enfin, pas tous. Il était difficile de faire entendre raison à ces jeunes demoiselles immortelles. Mais puisqu'Artémis avait renoncé à la compagnie des hommes, ses suivantes en faisaient autant et dénigraient toute approche de la gente masculine. Néanmoins, notre équipe était tout de même composée du groupe de Chasseresses en entier ainsi que du bungalow d'Arès et celui d'Hypnos. A mon goût, le trio était assez bien, malgré les quelques dormeurs qui y résidaient.

  Le chien s'éloigna un peu plus de moi et j'entrevis la breloque qui lui pendait au cou. Ce simple collier n'était pas là pour faire beau. Il s'agissait d'une preuve sur laquelle nous pouvions compter pour montrer que nous avions bien abattue le monstre, et ainsi donner le point à notre groupe. Pour avoir plus de chance de remporter les lauriers, l'équipe s'était divisée. Certains (comme les Chasseresses) étaient restées en groupe et d'autres comme moi, étaient partis de leur côté sans autre compagnie que leurs armes. Bonus pour moi, la nuit commençait légèrement à tomber ce qui pouvait certainement jouer en ma faveur.
  Le monstre noir se figea et huma l'air pour la énième fois, mais pas dans ma direction. Y avait-il quelqu'un d'autre là bas ? Bonne question. Dans tous les cas, mon objectif n'était pas de savoir qui était assez bête pour presque se donner en pâture au molosse, mais bien de tuer ce dernier et de rapporter le collier. Chiron avait insisté sur les faits de ne pas mutiler délibérément un concurrent ou de le tuer, pas sûre que cela incluait que les monstres présents au jeu pouvaient à leur guise s'amuser avec les participants. De toute façon, je doutais que le chien des Enfers puisse blesser quelqu'un. Lui, ou un des autres monstres présents ce soir. Leur nombre par rapport à celui des pensionnaires de la Colonie était vraiment infime et ne leur prédisait que très peu de chance de survie.
  Trop concentrée dans mes pensées, je tressaillit lorsque derrière moi, le son d'un conque annonça la mort de la troisième bestiole. Comme je l'avais prédit, elles n'allaient pas faire long feu. Raison de plus pour s'activer à tuer celle en face de moi. Je me déplaçais donc de façon à avoir un meilleur angle de vu, et par la même occasion, de tire. Je m'accaparais d'une flèche dans mon carquois, prenais bien appuie sur mes deux pieds et encochait le projectile à mon arc. Je visais, puis tirais. La flèche se logea un peu au dessus du coup du chien qui émit un gémissement plaintif. A peines quelques secondes après, il explosa en une gerbe de poussière, laissant la preuve de son abattage tomber au sol, et un autre son de conque retenti. Je souris et, prudemment, je m'avançais vers la babiole que je devais rapporter, mon arc toujours à la main. Une fois sur place, je ramassais le collier de cuir étonnement léger et le passais à mon épaule. Un bruit dans les buissons environnants attira soudain mon intention. Méfiante, je reculais et me préparais à une éventuelle attaque. Mais à la place du monstre que j'avais imaginé me faire face (pour venger la mort de son compagnon, qui sait ?), je me retrouvais devant un garçon qui n'avait pas l'air - à en juger à la tête mécontente qu'il affichait - très ravi.