Comment mettre une femme enceinte, tout le monde s’en fou. C’est un peu pareil partout. À tout le moins pour la méthode dite "conventionnelle". Je veux dire. Il suffit de mettre la bonne partie de son anatomie au bon endroit dans l’anatomie de l’autre. Et pouf! Avec un peu de chance, un bébé sera en train de créer ensuite. Mais parfois, cela n’a pas grand chose à faire avec la chance. Parfois, en de rares moments, une déité peut choisir de descendre sur terre et de s’accoupler à un mortel, créant ainsi un demi-dieux, un sang-mêlé, un bâtard ou peu importe le nom que vous lui donnez.

C’est ce qui m’est arrivé. Mon père a fourré la bonne partie de son anatomie dans celle d’une femme. Elle est tombée enceinte. Et je suis née. Ainsi, mon père eu la joie de revoir la femme quelques mois plus tard. Elle me laissa entre ses bras. Il ne pouvait refermer la bouche, étonné qu’il était de la revoir. Cette dernière lui confia la petite créature que j’étais. Indiquant que le moment venu, je devrais me rendre à l’endroit voulu pour recevoir l’éducation digne de mon rang. Sans lui donner tous les détails, elle lui confia une lettre qui m’était destinée lorsque j’atteindrais la puberté.

Ainsi donc, je grandis en territoire connu. Dans le monde mortel. Entouré de mon père biologique, de ma belle-mère et de mes deux demi-frères humains. Nous formions une famille plus qu’heureuse. En fait, j’aurais pu vivre ainsi pour toujours. Mais j’ai grandit. Bien que mon enfance se soit passée sans embûches et que je fus une élève modèle avec de bonnes notes, mon père du, un jour, me donner la lettre. Je savais déjà que je ne connaissais pas ma mère, mais cela ne me dérangeais pas le moins du monde. Aussi, lorsqu’il me donna ce courrier de la part de ma mère biologique, je la fourrais dans mes affaires sans même la lire. À quoi bon, puisque mon choix était de rester ici malgré tout? Ce fut ce que je me dis alors. Certaine que tout resterait toujours ainsi, rose et joyeux. Mais malheureusement, ce ne fut pas le cas.

J’étais attachée à ma belle-mère, même si elle n’était pas la femme qui m’avait mise au monde. Mais un jour, elle et mon père se chicanèrent. À propos de quoi? De mon demi-frère Luke. Bien entendu. Il n’était pas bon élève. Récemment, il avait commencé à prendre de la drogue. Ma belle-mère reçu alors un appel, c’était l’hôpital. Luke, qui avait fugué quelques heures plus tôt, venait d’être retrouvé, en état d’overdose. Ainsi, elle se rendit à l’hôpital aussi vite que possible. Mon père suivit dans sa propre voiture, accompagné de mon autre demi-frère. Seulement, ils ne rentrèrent pas ce soir-là. J’avais du rester pour étudier mes matières extra-scolaire. Et vers minuit, me rendant compte qu’ils n’étaient pas là, j’allais me coucher.

Le lendemain matin, mon père était rentré avec mon demi-frère. Ma belle-mère était sans doute restée à l’hôpital pour prendre soin de Luke. Lorsque je descendis à la cuisine pour prendre mon déjeuné, je ne m’attendais toutefois pas à leurs mines d’enterrement… Ma belle-mère, Sophie, avait brûlé un feu rouge sur le chemin de l’hôpital et avait causé un accident mortel. Trois personnes étaient morte : un père de famille, sa petite fille de quatre ans et… ma belle-mère. En état de choc, je remontais dans ma chambre et y passais la journée enfermée. À quoi bon sortir aujourd’hui? Je ne voulais pas entendre les milles et uns commentaires et les condoléances des gens.

Malgré la mort de ma belle-mère, je serais sans doute restée chez moi, avec les gens que j’aimais. Mais mon père tomba, étonnement, éperdument amoureux de la veuve de l’autre famille… Ainsi, mes deux demi-frère et moi-même choisirent de partir. Cette maison n’était pas pour nous, si notre père oubliait aussi vite notre mère.

Trois fugueurs, nous n’eurent pas la police à nos trousses : nous étions visiblement en fugue et deux d’entre nous étaient déjà majeurs. Nous n’étions donc pas un cas pressant. La police au Québec négligeant souvent les cas du genre, nous avons pu fuir sans aucune difficulté et, nos passeports en poche, nous passâmes la frontière et nous nous rendîmes aux États-Unis. Être parfaitement trilingue allait enfin me servir!

Ce ne fut qu’après quelques mois de vie difficile avec mes frères que je me souvins de la lettre, que j’avais emportée et cachée entre deux chandail. Un soir, je l’ouvris. Maintenant que mes parents étaient tous les deux morts à mes yeux, pourquoi pas? Cette nuit-là, je ne fermais pas les yeux. Je réfléchis toute la nuit. Au matin, alors que Luke était partit travailler, je m’assieds avec mon autre frère, le plus raisonnable des deux, Sébastien. Je lui exposais mon plan.

Ici, faute d’avoir un diplôme, je n’étais qu’une bouche de plus à nourrir. Je lui dit donc que ma mère m’avais laissé une adresse dans sa lettre et que je comptais aller la retrouver pour lui demander de l’aide. Ainsi, eux auraient plus d’argent et une jeune inutile de moins dans les pattes. Je savais bien des choses, mais le savoir ne me servait à rien ici.

Ainsi, il me laissa partir, me confiant les clés de sa voiture. Si je conduisais comme il me l’avait appris, mes chances de me faire arrêter étaient moindre et, comme ma destination était proche, je n’avais pas à conduire longtemps.

Ce qu’il ne savait pas, c’est que je ne partais pas chez ma mère. La lettre faisait mention de mes origines, de mes capacités et du camp des sang-mêlés. Faute de pouvoir me rendre utile dans mon état actuel, mon seul choix était de partir afin d’apprendre à me servir de mes capacités. Ainsi donc, je quittais mes frères et partit pour le camp.

Depuis 2 ans, je vis donc parmi mes semblables. J’ai quitté ma famille de mortels afin de devenir la sans-mêlée que je peux être. Je me demande souvent ce que sont devenus mes frères. Ils sont probablement les deux personnes qui ont le plus compté dans ma vie, les deux seules personnes à ne m’avoir jamais trahie ou déçue. N’empêche que je n’ai pas pu les revoir encore à ce jour. Ici, je me suis fait un ou deux amis par-ci par-là et je ne suis pas malheureuse. J’ai même appris à connaître ma mère à travers les textes anciens et les légendes! Je me dis que j’aurais pu tomber sur pire et que, un jour, j’aimerais bien lui ressembler. Après tout, ce n’est pas qu’elle a voulu m’abandonner, mais bien qu’elle y était obligée, puisque j’étais à demi humaine. Si?