Depuis combien de temps n'avait-elle pas mis le nez dehors ? Et lorsqu'elle pensait dehors, elle ne parlait pas de sortir de son palais, mais bien de quitter les Enfers, le royaume des Morts, là ou elle habitait, à la frontière des deux mondes. Au moins quelques années, c'était certain Depuis cette histoire avec un mortel, comme cela arrivait rarement. Plus qu'une bonne dizaine d'année. Elle ne savait plus, et elle s'embrouillait dans les dates. Mêmes les dieux aujourd'hui utilisaient les datations des mortels, oubliant celles qu'ils avaient auparavant, renommant leur calendrier originelle - bien que calendrier soit un trop grand mot. Qu'étaient devenu les grandes années qui réglementaient leur ? Dissipées, oubliées. Alors le temps avait passé, sans doute un peu trop sans qu'elle ne s'en rende compte. Surtout que le motel qu'elle avait fréquenté... Elle n'avait pas vraiment connu son monde. Mais elle savait que les mortels avaient changés, énormément, et... eh bien elle était curieuse d'aller constater ce changement.

Bien sûr, elle avait peur. La dernière fois qu'elle s'était aventurée à la surface, les promesses brisées étaient venues la hantés, perturbant son esprit. Mais elle maitrisait bien ses pouvoirs aujourd'hui, et elle devrait pouvoir s'en sortir. Elle devait bien non ? Respirant profondément, Styx choisit de se matérialiser dans un endroit peu fréquenté, un village vide et calme. Quelques dizaines de personnes étaient aisément gérable. Ce qui l'effrayait, c'était les grandes foules. Mais elle pouvait s'en sortir non ?

Quelques micro-secondes plus tard, son corps apparaissait en plein milieu d'une grande avenue de New York. Le bruit, les chuchotements, le grondement des véhicules, les sens de la déesse furent soudainement bouleversés et submergés. Tout était... trop. Plantée au milieu de la route, les voitures - qui croyaient avoir vu une femme courir sous leur roue - dévièrent brusquement leur trajectoire, et comme d'autres en face, à coté et partout faisait de même, le carrefour fut bientôt encombrés de nombreuses voitures fumante, de sirènes braillant leurs alertes et d'hommes et de femmes se hurlant dessus. Ce n'est pas que ses sens étaient sensible, mais Styx était habituée au silence de sa demeure, et ce soudain capharnaüm la dérouta, de même que tout son environnement. Elle pensait arriver dans un paisible village, et elle atterrissait dans... dans une immense cité ? Tout ce qui l'entourait était couvert d'une matière dur et grise, et les bâtiments couvraient chaque parcelle disponible. Ces bâtiments d'ailleurs... étaient immense. Ils étaient même si grand que lorsqu'elle basculait sa tête, elle ne pouvait en voir le bout. Ils fleurtaient avec les nuages.

-Où suis-je ?

Attirant son attention, de grands véhicules arrivèrent de tout coté, produisant une lumière intense et un bruit couvrant le boucan ambiant. Et quelque chose disait à la déesse que ce n'était pas très bon, tout ça. Reculant d'un pas, puis d'un autre, elle chercha une échappatoire des yeux, totalement perdue et déboussolés, ne pensant même pas à se dématérialiser, tout simplement. Elle semblait totalement décalée, dans sa robe vaporeuse aussi sombre que ses Eaux. Où était le petit village ? Combien de temps avait donc passé depuis sa dernière sortie ici ? Qu'avait donc fait les mortels de ce monde ?Elle ne parvenait absolument pas à réfléchir, car sous la surprise et l'effarement, les barrières de son esprit était tombées, laissant libre court aux chuchotements dans son crâne, de tous ceux qui ne tenaient parole, et tout ceux qui s'y essayaient. Grimaçant, elle se prit la tête entre ses mains. Que cela cesse, peu importe comment !

Les mortels sont si nombreux ici. Bien plus que ce qu'elle pensait trouver.  Ils envahissent son champs de vision, compact et oppressant autour d'elle, ils se pressent autour d'elle et produisent un vacarme incessant douloureux pour ses pauvres oreilles. Les alentours sont majoritairement gris, comme le ciel au-dessus de sa tête, et les bâtiments qui s'élèvent au-dessus des nuages - des nuages gris -, comme les vitres étincelantes et leur véhicule, gris comme leurs visages et leurs expressions. La colère gronde dans leur petit corps fragile, et ils tournent tous vers elle, sortant de leur voiture. Mais le pire, c'est dans sa tête. Styx avait l'impression que son crâne allait exploser. Papa, pourquoi n'es-tu pas venu ? Tu avais promis ?, tu avais juré de me retrouver, et tu ne l'a pas fait, tu avais juré de me retrouver et tu ne l'a pas fait. Milles et un murmures traversent sa têtes. Une femme devant elle, des cheveux sombres sur ses épaules. Elle avait promis de ne plus tromper son mari, parce qu'elle l'aime. Elle ne l'a pas fait. Une inspiration traverse le corps de la déesse, elle a besoin de faire quelque chose, d'en parler c'est vital, c'est urge...

-Ne restons pas là, ne restons pas là !

Une jeune femme vient de la pousser sur le coté, et Styx heurte quelque chose, peut-être une voiture, ou bien un bâtiment. La foule se presse autour d'eux, et la jeune femme qui vient de l'interrompre l'entraine soudainement vers un autre lieu. Elle s'arrête lorsqu'elle est plus loin, dans une rue bien plus tranquille, et Styx s'arrête aussi, se calquant automatiquement sur la jeune femme qui l'a sortit de tout ce bazar.

-Mais qu'est-ce qu'il vous a pris? Vous êtes inconsciente ou quoi? Vous auriez pu vous faire tuer!

-Je...

La jeune femme était plutôt jolie. Des cheveux roux encadrait son visage, des yeux pétillants - actuellement plutôt désapprobateur. Dans son esprit, les chuchotements poursuivent leur incessant discours, perdant Styx quelques instants. La déesse inspire un bon coup, tentant d'effacer toutes ces voix. Au lieu de cela, elle parvient à les garder à l'écart. C'est mieux que rien. Elle contrôle ses pouvoirs, ne cesse-t-elle de se répéter. Elle s'est laissé submergé par le nombre, mais elle se contrôle. Elle le doit. rester enfermer toute sa vie n'est pas envisageable, elle commence à le comprendre. Elle l'a fait jusqu'à maintenant, se cloitrant entre les murs de son palais et dans les eaux sombres de son fleuve. Mais le monde avance, sans elle, et il est temps de se remettre sur les rails. Son regard revient, dissipant le flou de ses pupilles, pour ce centrer sur la jeune mortelle en face d'elle. Enfin, mortelle. Elle sait bien qu'il y a quelque chose de diffèrent avec elle. Pas totalement mortelle. Pas totalement divine. Un subtil mélange de ces deux auras, une sang-mêlé. D'un mouvement de la main,

-Pardonnez-moi. L'environnement m'a quelques peu ... déconcerté. Et puis, je ne crois pas pouvoir mourir, ajoute-t-elle en haussant des épaules. Pas à ma connaissance en tout cas.