De vraies gamines...

J'avais été assignée à l'entraînement de nouveaux résistants aujourd'hui. Autant dire que la journée s'annonçait assez longue... Ils avaient trouvés des sangs-mêlés jamais formés, jamais passés par la Colonie et qui n'avaient jamais affronté de monstres. Je partais de zéro et j'en avais déjà mal au crâne mais, en bon soldat, je descendis quand même au centre d'entraînement à 10h où les trois garçons m'attendaient.

Quelle ne fut pas leur surprise en voyant une blonde arriver. Apparemment, on ne leur avait pas dit qu'ils seraient entraînés par une fille... Et ils me rirent presque au nez quand je me présentais. Aussitôt, j'eus envie de leur tordre le cou... Mais ce n'était pas vraiment recommandé si l'on voulait plus de guerriers avec nous. Je me contentais donc de leur faire une petite démonstration sur un mannequin. Une fois leur attention acquise, je commençais par leur enseigner les bases.

Contrairement à ce à quoi je m'attendais, ils n'étaient pas trop gauche. Je ne savais pas qui était leur parent divin mais j'étais au moins sûre d'une chose : ce n'était pas des Aphrodite. Eux, ils avaient tendance à aimer passer leur temps à se regarder dans le miroir... La formation de base se termina donc plus tôt que prévue. Je les quittais donc, leur annonçant qu'ils pourraient passer au prochain niveau très bientôt s'ils continuaient de s'entraîner avec assiduité.

Il était 17h quand je montais au dortoir me reposer un peu. Même si les lits n'étaient pas fameux, j'avais au moins le dortoir des filles pour moi toute seule. La plupart des autres préféraient aller dormir ailleurs, comme Alice qui préférait le lit des chefs. Drôle de façon de monter en grade... Que je n'appréciais pas d'ailleurs. En parlant du loup, c'est sur elle que je tombais dans l'ascenseur alors que je montais me reposer. Je la dévisageais. Sa tenue était encore bien courte. Aguicheuse. Du Alice tout craché. En comparaison, ma tenue d'entraînement me parut si prude que je m'en sentis fière. Les pratiques de la fille d'Hades ne me plaisaient pas et elle le savait.

"Salut. Tu dors pas dans la chambre de Cyril pour une fois ?"

Je ricanais.

De vraies gamines...

"Cyril n'est pas là ce soir, et la nuit d'hier que j'ai passé avec lui me suffit, il faut changer un peu de jouet de temps en temps."

Je levais les yeux au ciel alors qu'elle se retournait pour sortir de l'ascenseur et débarquer dans le dortoir. Je n'allais pas avoir le choix : je devrais passer la soirée à la supporter... Moi qui voulais me reposer, c'était raté. Même si dernièrement, ça allait mieux entre nous - c'est-à-dire que j'avais moins envie de lui tordre le cou - ce n'était pas non plus ma meilleure amie. J'allais m'allonger dans mon lit pendant qu'elle allait dans la salle de bain se remaquiller. Elle n'en avait pas déjà assez sur le visage ? Si j'aimais la mode, le maquillage et les trucs de filles, je trouvais Alice quand même vulgaire. Trop, c'est trop, il fallait savoir y aller modérément mais apparemment, ce n'était pas son credo.

"Bon, vu qu'on à rien à foutre dans ce foutu entrepôt, je te propose qu'on fasse un truc, on est les seuls filles et les mecs de la résistance sont pour moi inutile. Si t'es partante on peut aller boire un verre ou deux dehors, et éventuellement fumer un joint si ça te tente."

Je la dévisageais de loin, les lèvres pincées. Je n'étais pas prude, loin de là. De toute évidence, elle n'avait jamais dû me voir m'entraîner ou mettre une trampe à des gars bien plus grands que moi. En revanche, fumer ce n'était pas pour moi : ça empêchait de penser clairement et ça détériorait la condition physique. Et j'étais fatiguée, je n'avais pas envie d'aller boire. Toujours franche, c'est ce que je lui répondis.

"Désolée mais j'ai passé la journée à entraîner les petits jeunes et je suis épuisée... Pas de sortie pour moi mais si tu veux vraiment me tenir compagnie, tu peux rester ici."

Je souris un peu froidement. J'imaginais bien que ma réponse ne lui plairait pas et qu'elle ne comprendrait pas. Après tout, sa vie se résumait à faire la fête et d'ailleurs, je ne comprenais toujours pas ce qu'elle faisait à la résistance. Elle ne faisait presque rien à part torturer quelques prisonniers (et ça encore, j'étais sûre que ça lui faisait plaisir). En revanche, je ne voyais pas trop quel intérêt elle avait dans notre cause. Autant dire que son manque d'idéaux ne me l'avait jamais rendu très sympathique. Heureusement pour elle, nous n'étions que deux filles et je faisais donc des efforts. Mais les efforts, justement, ça demande de l'effort et cela me fatiguait. J'espérais presque qu'elle accepterait d'aller faire la fête sans moi...

"Je ne veux pas t'empêcher de... de faire ce que tu fais d'habitude surtout."

Je souriais de nouveau avec un petit rictus.

De vraies gamines...

"Je ne veux pas t'empêcher de... de faire ce que tu fais d'habitude surtout."
"Oh mais personne n'est capable de m’empêcher de faire quoi que ce soit ne t'en fais pas, mais ce soir je vais devoir rester là, alors bon, on va se tenir compagnie. Mais je ne te cache pas que j'ai des besoins physiques que je vais devoir assouvirent, donc ne t'en fais pas je m'en sors très bien seule, mais donc ne t'attend pas à passer la soirée avec une enfant de cœur."

Je me retins de soupirer et me redressais en tailleur sur mon lit, l'observant. C'était bien dommage qu'elle ait ce caractère, sinon, elle m'aurait été plus sympathique. Mais puisqu'on était toutes les deux coincées là pour la soirée, autant faire plus ample connaissance. Et, qui sait, peut-être cela me surprendrait-il ? (dans le bon sens du terme j'entends).

J'attrapais un vernis sur le lit à côté qui me servait de range-tout et commençais à l'appliquer sur mes ongles. Tout en faisant cela, je demandais à Alice :

"Alors, puisqu'on est là, qu'est-ce que je devrais savoir sur toi ? Que je ne sais pas déjà bien sûr..."

Je continuais d'appliquer le vernis rouge sang sur mes ongles de la main droite. Je tirais un peu la langue, comme toujours quand je faisais attention (comme quand je dessinais ou écrivais...). J'agitais la main ensuite en soufflant dessus. Ca ne servait à rien, mais au moins ça m'occupait. Et avec le syndrome d'hyper activité de tous les demi-dieux, j'avais toujours besoin de m'occuper et de bouger et, assise sur un lit, ce n'était pas la meilleure position pour gigoter.

J'observais ensuite de nouveau Alice. Elle était jolie, c'est sûr mais vraiment trop vulgaire ce qui était bien dommage. Et elle n'était pas vulgaire que dans sa façon de s'habiller. Je me demandais comment elle avait bien pu tourner de la sorte... Il y avait sûrement une histoire derrière tout ça, derrière son comportement. Mais je ne m'expliquais quand même pas qu'on pouvait se conduire de la sorte. Pour moi, c'était presque ne pas se respecter soi-même. Je me mordais les lèvres. Jamais je ne pourrais m'imaginer gravir les échelons comme elle le faisait : en couchant avec le boss. Moi, je voulais mériter les choses. Et ce fossé entre nous resterait toujours bel et bien présent...

De vraies gamines...

Après avoir fini de me mettre le vernis sur les mains, je passais au pied, Alice faisant de même. Peut-être pouvait-on se trouver des points communs finalement ?

"Donc tu veux connaitre des choses sur moi... Hum... par où commencer... Que sais-tu de moi d'abord ? Et ensuite qu'aimerais-tu savoir ?"

Je réfléchis à ses questions. En fait, je ne savais pas grand chose d'elle à part qu'elle était la fille d'Hadès, qu'elle semblait ne pas avoir une enfance des plus faciles (ce qui était pure déduction) et qu'elle aimait (voire adorait) la compagnie des hommes. Et peut-être même des femmes même si je n'avais pas de preuves. Ca faisait peu et je rechignais à lui avouer. Ce n'était pas mon genre de ne rien savoir sur mes partenaires de combat... Mais s'il y avait bien quelque chose que je voulais savoir c'était pour quelle raison elle était véritablement ici. C'est donc ce que je lui répondis.

"J'aimerais savoir pourquoi tu nous as rejoins... Je ne comprends pas pourquoi tu es dans la résistance et ça m'ennuie... J'ai besoin de savoir que tout le monde est vraiment impliqué sinon on court au carnage."

Ce qui était vrai. Mon instinct de guerrière sûrement. Elle se leva pour aller allumer le chauffage et fermer la porte puis revint mettre du vernis. J'attendais sagement qu'elle me réponde. Vu l'ambiance plutôt calme ici, je n'avais pas besoin de brusquer quoi que ce soit et nous avions la soirée - voire la nuit - devant nous. Elle aussi semblait le savoir puisqu'elle me dit :

"Mais d'abord j'aimerai savoir qui tu es toi. Car au final je ne te connais presque pas"

Je réfléchis à sa demande. Savoir qui j'étais... C'était difficile comme question. Même moi parfois je me le demandais. Pourtant, depuis le temps que j'y réfléchissais, j'aurais dû trouver une réponse satisfaisante mais non. Fille d'Arès ? Oui, mais c'était un détail, ça ne me définissait pas tout comme le fait que j'étais une sang-mêlée. Bagarreuse, guerrière ? Drôle ? Attachante ? Qui étais-je pour me juger ? Je décidais donc de faire quelque chose que je ne fais que rarement : raconter mon histoire, par bribes, si elle souhaitait l'entendre. Tant qu'elle me renvoyait la pareille... Nous pourrions même devenir amies, qui sait ?

"Voyons voir... Je suis née à Rome. Ma mère était une sportive de haut niveau et elle m'en a voulue de la forcer à arrêter sa carrière. Quand j'avais deux ans, elle a suivi mon beau-père, américain, aux USA d'où le fait que je vive ici depuis si longtemps. A 13 ans, j'ai fugué pour l'Italie mais je suis vite revenue, chassée par les monstres. Et un satyre m'a trouvé, j'ai donc rejoint la Colonie."

Je n'allais pas m'appesantir sur la mort de mon demi-frère. Ca ne servait à rien et je détestais en parler. Personne ne savait rien de lui et c'était mieux comme ça. Les faiblesses, c'est dangereux et il était l'une des miennes. Après, la suite de mon histoire pouvait être facile à deviner. J'ai combattu pendant la guerre des Titans puis j'ai rejoint la résistance. Je ne doutais pas que, puisque je lui avais demandé ses raisons pour être ici, elle me demanderait les miennes mais chaque chose en son temps. Je lui demandais à nouveau :

"Et toi ? Ton enfance ? Tes raisons pour nous avoir rejoint ?"

De vraies gamines...

"Et toi ? Ton enfance ? Tes raisons pour nous avoir rejoint ?"
"Ma mère était une pute. Je suis née à Hollywood, dans un squat de drogué et prostituées. Un jour la police à viré tout le monde en arretant pas mal. Ma mère a réussit à nous sortir de là avant de se faire choper. J'avais trois ans quand elle vola un camping-car qui nous servit de maison. J'allais à l'école tandis qu'elle faisait le trottoir. Nous ne restions généralement pas plus d'un an au même endroit. Parfois quand je rentrais de l'école, elle était en plein travail avec un de ses clients. Et dans ces cas là... je devais souvent participer... Mais bref, après elle m'a abandonné près de la colo parce qu'elle ne pouvait plus me nourrir. Du coup j'ai vécu à la colo, mais après je les ai tous détesté, surtout une certaine Jade Taylor et son mec qui avait été le mien... Mais donc si je suis ici, ce n'est pas pour les Dieux, peu m'importe qu'ils soient là ou non, je ne veux que la mort et la souffrance de la Colonie. Je suppose que toi tu nous a rejoins parce que tu en voulais à ton père ?"

Je restais bouche-bée, ne sachant que dire. J'avais raison : son enfance n'avait pas été rose. Si c'était le cas pour la plupart des demi-dieux, je dois bien avouer qu'elle avait sûrement la palme d'or. Elle passa un doigt sous son oeil pour essuyer une larme. Je me détournais, me mordant la lèvre. J'imaginais bien qu'elle n'avait pas l'habitude de se mettre à nue. En tout cas émotionnellement... Mais je la comprenais un peu mieux. Passer d'un lit à l'autre, c'était une sorte d'habitude, de carapace pour jouer les dures. Etonnamment, je me prenais à compatir avec sa situation.

Pourtant, il y avait une chose que je ne pouvais pas approuver dans ses raisons d'avoir rejoint la résistance : détruire la Colonie. Certes, je voulais détruire les Dieux mais la Colonie ? Ca avait été ma première véritable maison, mes premiers véritables amis... Malgré mes airs de dur à cuire quand j'en parlais, j'avais toujours une certaine affection pour ce lieu et ses pensionnaires. Ils ne me manquaient pas mais parfois, je me prenais à vouloir les prévenir pour les épargner. Heureusement, je n'allais jamais au bout sinon, la résistance serait déjà morte et enterrée. Mais Alice n'avait pas à le savoir. Je me contentais donc de faire la moue et de lui répondre :

"Il n'y a pas qu'à mon père que j'en veux... D'abord il y a eu la mort de Luke et des autres pendant la guerre des Titans. Je déteste jouer la chaire à canon ou que mes amis deviennent de la pâté pour monstres. Alors je suis devenue de plus en plus obsédée par l'idée de partir loin de tout ça. Mais mon père m'en empêchait alors j'ai trouvé une quête. Deux de mes demi-frères y ont laissé la vie et j'aurais dû mourir aussi si mon cher papa n'avait pas décidé de me garder comme jouet... Alors oui, je veux l'anéantir lui et son espèce. Les demi-dieux ne sont que des victimes, des jouets pour eux et je veux que ça s'arrête."

Tout en prononçant ces mots, je sentais mon ton se refroidir, ma colère monter. Je leur en voulait tellement à tous ces divins. Ils ne méritaient pas d'exister, ne méritaient pas qu'on leur rende hommage, qu'on les vénèrent. Ils méritaient de mourir en menant leur propre guerre. Et ils auraient bientôt droit à une guerre mémorable. Je m'allongeais, les bras sous la tête pour tenter de me calmer. Je respirais lentement et, une fois calme, je me redressais de nouveau.

"Mais assez parler de ces affreux moins-que-rien. Alors, il te plaît Cyril ?"

Quoi de mieux que de bons vieux potins de filles pour me faire oublier ma rancoeur ? Rien. Je souris gentiment pour l'une des premières fois de ma vie à Alice.

De vraies gamines...

"Mais assez parler de ces affreux moins-que-rien. Alors, il te plaît Cyril ?"
"Cyril ? Bah il est pas mal. Mais bon pour moi c'est juste un bon coup au lit, nous avons lui et moi des besoins physiques que nous comblons mutuellement. Mais je ne préfère pas me poser avec quelqu'un pour le moment. Mais alors toi ? T'as un gars qui te plaît ? Ou même une fille, tu sais moi j'ai testé les deux et c'est vraiment bien"

Je souris alors qu'elle riait. Je ne doutais pas qu'elle ait apprécié les deux. C'était tout à fait son genre. Mais sa question me posait un problème. Certes, je pouvais parler de Tyler. Oui, il y avait un garçon qui me plaisait depuis ma dernière mission à la Colonie. On pouvait même dire que je sortais avec lui mais... Il était censé représenter l'ennemi, surtout pour Alice qui ne voulait que détruire la Colonie et les sangs-mêlés y vivant. De plus, il était peut-être aussi puissant qu'elle et si elle le trouvait, je ne préférais pas imaginer le résultat. C'était dangereux comme question et je décidais de botter en touche.

"Oui il y a bien quelqu'un qui me plaît mais c'est compliqué... Tu sais, je fais peur aux garçons en vrai alors avant de trouver celui qu'il me faut..."

Je me mis à rire pour cacher la vérité et mon embarras. Moi qui pensait que ce sujet serait moins sensible, je m'étais trompée. Je n'avais même pas pensé, en attaquant sur Cyril, que ça risquait de me retomber dessus. Et je m'étais promis de cacher l'existence de Tyler à la résistance comme je lui cachais à lui l'existence de la résistance. Un double-jeu qui risquait de devenir dangereux mais, pour le moment je m'en sortais plutôt bien. Jusqu'à ce soir en tout cas. Je me mordis la lèvre et baissais la tête, faisant mine de peaufiner mon vernis. Mieux valait que Alice ne puisse détecter mon mensonge.

Je me creusais donc la tête pour changer de sujet mais rien ne venait. Je préférais éviter parler de son job. J'aurais été mal à l'aise pour moi, strip-teaseuse n'était pas un vrai boulot mais peu importe. Nos missions ici ? Pour l'entendre parler de comment elle pouvait torturer ceux qui auraient été mes amis si j'étais restée à la Colonie ? J'avoue que ça aussi ça me mettait mal à l'aise. Les pauvres n'avaient rien fait de mal à part avoir des parents divins. Ils ne méritaient pas de souffrir pour autant. Pas s'ils n'essayaient pas de nous tuer.

Quoi alors ? J'avais beau cherché, les seules options qui me venaient étaient soit la nourriture soit la météo. Pathétique. Je préférais donc laisser venir et attendre qu'elle me réponde. Je risquais moins à lui répondre qu'à tenter de changer de sujet. Je reposais le vernis rouge et admirais mes doigts de pied.

De vraies gamines...

"Oui il y a bien quelqu'un qui me plaît mais c'est compliqué... Tu sais, je fais peur aux garçons en vrai alors avant de trouver celui qu'il me faut..."
"Tu sais, dans ce domaine même si vous me voyez comme... comment dire ça... comme une pute voilà simplement, eh bien j'ai eu deux trois aventures qui avaient duré quelques mois chacune, dont une avec un gars de la colo d'ailleurs."

Elle me sourit et je lui répondis par un sourire timide à mon tour. J'avais du mal à croire qu'elle se confiait vraiment à moi sur ce genre de choses, comme d'une amie à amie. Pouvait-on réellement devenir amies ? J'avais mes réserves sur ce point. On était si différentes... En même temps, j'avais déjà apprécié des personnes bien plus étranges qu'elle.

Il n'empêche que je ne pouvais pas vraiment dévoiler l'identité de Tyler comme ça. Je n'étais pas folle, il n'était pas résistant et je savais les risques. En plus, si c'était pour que ça lui retombe dessus, très peu pour moi.

"Ce que je veux dire c'est que des choses pas très honorables j'en ai faites dans ma vie, certains qualifieraient même mon métier de pas très honorable justement, mais bref, je peux tout entendre. Que cela soit fille, garçon, jeune, vieux, de ta famille ou je ne sais quoi, tu peux y aller, pis je le garderai pour moi."

Je réfléchis quelques instants à ce qu'elle me disait. De ma famille ? Comme un de mes frères ? Ca, c'était vraiment très peu ragoûtant... L'inceste, même chez les demi-dieux, c'était trèèèèèès mal vu. A la Colonie, on pouvait sortir avec tout le monde tant qu'il ne venait pas du même bungalow que nous. Rien que cette idée me faisait frissonner de dégoût.

Curieusement pourtant, quelque chose me poussait à faire confiance à Alice. Elle avait raison, elle plus que tout autre pouvait comprendre ce genre de secrets vu ses goûts plus qu'ouverts... Mais je ne pouvais quand même pas TOUT dire. Je me contentais donc du nécessaire, de la base.

"Il est à la Colonie... Du coup, il ne sait pas que je suis résistante, ne sait même pas qu'on existe alors forcément, c'est un peu compliqué..."

Je tortillais mes mains fraîchement manucurée. Je pris mon poignard accroché à ma ceinture et commençais à jouer avec pour m'occuper les mains. Hyperactivité. Plus que la dyslexie, j'en souffrais fortement de par mon statut de guerrière hérité de mon père. Je ne savais que dire d'autres, je pensais à Tyler. Il me manquait. Tant que je m'entraînais, que j'étais occupée, je n'y pensais pas mais là... Je secouais la tête pour essayer de penser à autre chose, me concentrant sur ma dague avec laquelle je jouais.

De vraies gamines...

"Il est à la Colonie... Du coup, il ne sait pas que je suis résistante, ne sait même pas qu'on existe alors forcément, c'est un peu compliqué..."
"Oui c'est normal... qui est au courant ? Que j'évite de faire des gaffes, parce que pour ça je suis la reine, je ris, mais est-ce que je peux pousser la question jusqu'au bout ? Puis-je savoir qui c'est ? Ou au moins son parent divin"

Je continuais de réfléchir en jouant avec mon poignard. Je ne pouvais pas dire qui était son père. Ni son nom. Elle ne le connaîtrait pas mais le fait qu'il soit un fils de Zeus, je préférais que personne ne le sache sinon j'étais sûre que ma prochaine mission serait de le faire passer de notre côté et je voulais le laisser libre de ses choix, en-dehors de ça. Je ne voulais pas être celle qui le forcerait à se joindre à la résistance. S'il le faisait, ce serait de lui-même. Mais je pouvais au moins répondre à sa première question.

"Ici personne. A la Colonie, je ne sais pas s'il l'a dit à quelqu'un... Mais je préfère qu'ici ça ne se sache pas... Je n'ai pas envie qu'il se retrouve dans un cachot..."

Je tentais de rire mais c'était un rire nerveux et j'étais sûre que Alice l'avait senti. Elle continua.

"Je comprendrai que tu ne veuilles rien me dire, mais juste, sache que ça restera pour moi et que je n'essaierai pas de lui faire de mal. Non en fait ne me dis rien, si c'est quelqu'un que je n'aime pas, je risquerai de ne pas tenir ma promesse de ne pas lui faire de mal"

Je rigolais. Elle avait le mérite d'être honnête et j'appréciais cela. Néanmoins, je sentais que je faisais bien de ne rien lui dire pour Tyler. Qui sait, peut-être détestait-elle viscéralement les enfants de Zeus ? Je préférais ne pas tenter l'expérience. N'empêche que maintenant, je ne savais trop que répondre. L'imaginer tuant peut-être ceux qui étaient mes anciens amis me faisait froid dans le dos. Je savais de quoi elle était capable et je ne souhaiterais à personne de faire partie de ses ennemis.

Je m'allongeais sur le ventre, lui faisant face, tripotant mes cheveux.

"Je ne pense pas que tu puisses ne pas l'aimer, il est arrivé il y a peu de temps, aucune chance que tu le connaisses... Mais dis-moi, y a beaucoup de gens que tu rêves d'étriper... Ca ne t'ennuie pas parfois ?"

Personnellement, moi ça m'ennuierait de sans cesse être en guerre contre la Terre entière. Et je suis une fille d'Arès. Quelle ironie... Ne pas aimer les conflits, c'était un peu étrange pour la fille du Dieu de la guerre mais allez savoir, j'avais toujours été comme ça. Et voilà que j'allais me retrouver, encore une fois, si peu de temps après la guerre contre les Titans, au beau milieu d'un conflit de taille. Vraiment, j'avais le chic pour me fourrer dans le pétrin.

De vraies gamines...

"Je ne pense pas que tu puisses ne pas l'aimer, il est arrivé il y a peu de temps, aucune chance que tu le connaisses... Mais dis-moi, y a beaucoup de gens que tu rêves d'étriper... Ca ne t'ennuie pas parfois ?"

Elle sembla y réfléchir avant de me répondre.

"Alors non il n'y a pas de risque que je veuille le tuer, si il est arrivé il y a peu. Mais en revanche je ne saurais te dire exactement si cela m'ennuie ou non. Il est vrai que ceux qui m'ont fait du mal à moi ou ceux que j'apprécie, enfin que je trouve cool quoi, ceux là j’éprouve du plaisir à leur faire du mal. Après il est vrai que certaines personnes ne mériteraient pas forcément de subir ma colère, mais j'ai retenue une chose de mon existence jusqu'ici: c'est que la vie exerce le même métier que ma mère."

Je cessais de jouer avec mes cheveux à la fin de sa phrase. C'était une horrible philosophie de vie. Ca signifiait ne jamais faire confiance à qui ni quoi que ce soit, ne jamais se réjouir de la vie de peur d'être de nouveau blessée, préférer attaquer plutôt que se défendre... Je ne pourrais pas. Bien sûr, être attaquant plutôt que défenseur, chasseur plutôt que proie avait de multiples avantages. Mais être tout le temps sur la défensive, prêt à étriper ses ennemis, ça devait être lassant.

Ca expliquait pourtant qu'elle cherchait toujours à s'occuper de nos prisonniers. Et quand je dis s'occuper, je veux bien sûr dire soutirer des informations par la torture. Je n'aurais aimé faire cela pour rien au monde. Ca me répugnait, l'honneur comptait plus que tout pour moi et dans la torture, il n'y avait rien d'honorable. Je préférais mille fois un vrai combat, à la loyale que de menotter quelqu'un pour faire "joujou" avec. Je ne pus donc me retenir de faire un commentaire quelque peu sarcastique mais honnête.

"A t'écouter, personne ne vaut rien. Je sais que ton père est le Dieu de la Mort... Mais toi plus que tout autre, tu ne respectes pas vraiment la vie alors que tu devrais savoir à quel point c'est précieux... S'amuser à faire du mal, ça ne sert à rien à part souffrir soi-même."

Je la regardais droit dans les yeux, pas le moins du monde impressionnée. Je savais qu'elle faisait peur à pas mal de monde au QG pourtant, je n'arrivais pas à avoir peur d'elle. Je savais de quoi elle était capable mais, mine de rien, elle avait aussi des faiblesses : elle ne savait pas gagner la confiance des autres, leur loyauté ou alors seulement par la peur et la violence et un jour, cela pourrait lui jouer des tours... Enfin je l'espérais. Qu'elle apprenne quelque chose, qu'elle comprenne que parfois, il fallait savoir pardonner et passer outre. Pas tout à fait son genre à ce que j'avais pu en juger pour le moment.

De vraies gamines...

"Je prends plaisir à faire mal en effet, car c'est le seul moyen que j'ai de sortir toute cette souffrance que j'ai ! La vie est précieuse mais elle ne fait aucun cadeau ! Si tu veux avoir quelque chose il faut te servir avant que quelqu'un d'autre ne le fasse ! Le plaisir que je prend en faisant du mal c'est pour combler une soif de sang que j'ai en moi depuis des années ! A la colonie je faisais peur parce que j'étais fille d'Hadès et parce que je faisais passer près de la mort toute personne venant s’entraîner avec moi ! Je me retenais de les tuer mais chaque fois c'était dur !"

Ses mots résonnaient en moi comme une lame de couteau acérée. Je ne pouvais pas comprendre un tel raisonnement, c'était au-dessus de mes forces. Pourtant, un petit quelque chose me retint d'hurler encore plus fort qu'elle, debout au-dessus de moi, s'agitant. Peut-être parce que ça avait l'air de la toucher. Alors Alice serait capable d'émotions autre que la haine et la violence ? Intéressant... J'étais presque sûre qu'elle pleurait. Je n'allais en revanche pas pousser jusqu'à la prendre dans mes bras... Déjà, elle n'aurait pas forcément apprécié et surtout, je ne comprenais toujours pas sa façon de penser.

Je ne pus donc m'empêcher de finir par lui répondre après un temps de réflexion.

"Tu sais, ton vrai problème ce n'est pas qui est ton père mais comment tu te comportes. Tu as peut-être cette envie en toi de tuer mais on l'a tous et on fait avec. Tu crois que c'est mieux d'être fille d'Arès ? Tu imagines ce que les gens pensent de moi ? Mais ce n'est pas ça l'important ! L'important c'est qui toi tu veux être alors cesse un peu de t'apitoyer et jouer les victimes à qui la vie n'a pas fait de cadeaux... On est tous dans cette situation."

Ca, ça s'appelait parler franchement. Je m'attendais presque à ce qu'elle me défie en duel pour avoir oser lui parler comme ça. Mais tant pis, même si je devais y laisser quelques membres ou plus, au moins j'aurais toujours ma dignité et mon honneur. Il fallait que quelqu'un la secoue, même si c'était dangereux. Et puis, si elle avait l'air de vouloir devenir mon amie, il allait falloir qu'elle s'y habitue, je n'allais pas me laisser faire sous prétexte que son père était le dieu des Enfers. Je n'étais pas une chiffe molle !

De vraies gamines...

Je ne m'étais pas trompée. Elle n'appréciait pas du tout, mais alors PAS DU TOUT, ce que je venais de lui balancer à la figure. Elle aurait dû se douter que je n'allais pas rester de marbre à la laisser dire que tuer, c'est cool. Je n'en avais pas grand chose à faire de ses excuses. Ca restait impardonnable pour moi.

"M'apitoyer ? Jouer les victimes ? Jamais je ne m'étais plains de rien, jamais. Tout ce que j'ai toujours voulu obtenir je le prenais, mais jamais je ne me suis plainte de quoi que ce soit. Tu ne sais absolument rien de moi. La vie ne m'a pas fait cadeau, oui c'est vrai, mais c'est grâce à ça si aujourd'hui je ne perd aucuns de mes combats, grâce à ça si j'arrive à avoir tout ce que je souhaite, j'ai souffert, oh oui j'ai souffert même plus que beaucoup de gens je pense. Mais sans ça, je ne serai pas celle que je suis aujourd'hui. Celle qui vous déplaît tant, celle que vous jugez de pute et d'idiote ! Celle qui jamais n'a perdu un seul combat, celle qui couche avec le bras droit pour ne pas faire le travail ! Oui je suis cette fille, et je sais parfaitement ce que vous pensez de moi. Je ne cherche même plus à gagner votre respect ou votre sympathie, quand j'ai essayé de l'avoir, jamais je n'ai eu de retour..."

Je la laissais déblatérer son petit speech. Certes, elle avait souffert. Comme nous tous j'ai envie de dire. Plus que certains mais ce n'était pas une raison pour devenir une peste ou vouloir tuer tout ce qui bouge. Pour moi, ses excuses restaient non valables. Je ne pouvais m'enlever ce ressentiment de la tête. Elle était peut-être qui elle était, certes, mais j'avais pensé qu'elle ne jouait peut-être qu'un rôle et que, finalement on pourrait être amies. Peut-être m'étais-je trompée?

"Tu penses comme tous les autres que je ne suis qu'une putain qui ne sait qu'aller faire plaisir aux mecs pour obtenir tout ce que je souhaite, que je ne suis pas digne de respect ou de gentillesse, digne d'avoir des amis. Et vous avez peut être raison, mais jamais je ne m'en suis plains, alors oui peut être que mon problème c'est mon comportement, oui certainement, mais de toute façon jamais vous ne changerez de regard sur moi !"

Je continuais de l'écouter sans broncher. Elle pouvait s'énerver, ça n'allait pas me faire changer d'avis. Pas si elle continuait sur cette lancée. Elle était persuadée que tout le monde la détestait parce qu'elle était fille d'Hadès ? Pas vraiment non... A cause de sa façon de faire, d'agir ? En partie oui. Mais surtout, elle avait un mépris pour tout le monde sauf elle-même alors, forcément, elle n'attirait pas la sympathie.

C'est ce que j'allais lui répondre quand elle tourna les talons pour s'enfermer dans la salle de bain. La petite Alice craquerait-elle ? J'étais presque certaine que oui. Au moins, ça prouvait qu'elle était encore humaine... Tout espoir n'était donc pas perdu. Mais peut-être y avais-je été un peu fort... Elle n'avait pas l'air prête à entendre tout ça. Pas prête à l'accepter en tout cas ou à essayer de comprendre mon point de vue.

Je m'approchais de la porte et parlais plus doucement, espérant qu'Alice m'écoutais.

"Ecoute, ce n'est pas parce que tu couches avec tout le monde et que tu es la fille d'Hadès que les gens ne t'aiment pas. C'est parce que tu les méprises, tu cherches à les casser voire à les tuer. Ca n'attire pas vraiment la sympathie, tu peux le comprendre non ?"

Je m'attendais presque à recevoir la porte en pleine face mais non. Le silence. Je continuais donc.

"Je ne voulais pas te blesser. Si je l'ai fait, excuse moi. J'aimerais juste que tu comprennes que ce n'est pas en te comportant comme ça que les gens vont t'apprécier... Et je suis sûre que tu aimerais qu'on t'apprécie, je me trompe ?"

De vraies gamines...

Je me reculais un peu en entendant la poignée de la porte s'actionner. Alice passa dans l'entrebâillement de la porte et me fixa avant de me parler d'une voix calme. J'aurais peut-être préféré qu'elle me hurle dessus d'ailleurs... Ca aurait été plus facile de la détester mais non.

"Ecoute, j'ai maintes fois essayé que l'on m'accepte sans que j'ai besoin d'imposer le respect et la peur, ça n'a jamais marché. Je ne te demande pas d'être d'accord avec mes agissements ou ma façon de penser, mais juste de comprendre, maintenant je comprends ce que toi tu veux me dire, mais jamais ça ne pourra être autrement, on fait ses propres choix, ça je l'ai toujours dit, on peut inspirer le respect, la peur, la haine auprès des autres, mais jamais tu ne pourra forcer à aimer quelqu'un, pour mon cas, personne ne pourra jamais."

Je la regardais fixement, comme si je n'entendais pas ces paroles. Pourtant je l'écoutais mais j'étais comme ahurie. Je ne savais pas quoi répondre. Il fallait croire qu'Alice avait réponse à tout et était persuadée du bien fondé de sa pensée. Je hochais donc la tête avec un peu de dépit et tournais les talons pour aller ramasser quelques unes de mes affaires éparpillées. Elle fit de même, prenant des affaires et se dirigeant vers la salle de bain.

"Je sais que tu penses qu'en me changeant de comportement ça irai mieux, mais crois moi, ça ne sera jamais le cas."

Je secouais la tête et entendis l'eau couler. Je regardais derrière moi et la vis, nue, sous la douche. Aucune pudeur. Tant mieux pour elle mais qu'elle ne s'attende pas à ce que je fasse de même. Au vu de mes cicatrices, dont une très jolie au milieu du ventre due à ma dernière quête, il était hors de question que je me montre nue devant qui que ce soit. En plus, je l'entendais déjà se moquer de mon tatouage. Je tournais donc les talons alors qu'Alice tentait de me retenir.

"Tu peux rester tu sais."

Je secouais de nouveau la tête. J'avais besoin de prendre l'air et de m'éloigner pour réfléchir. Je trouverai peut-être même un endroit où dormir pour éviter Alice. Mieux valait reporter notre prochaine confrontation...

"Non merci, j'ai besoin de prendre l'air. Ne m'attends pas."

Je marchais hors du dortoir, pensant que finalement, Alice n'était pas si affreuse que ça. N'empêche, jamais elle ne serait ma meilleure amie, nous étions trop différentes. En revanche, il n'y avait aucune raison pour que je garde rancune contre elle. De là à devenir comme culs et chemises, il y avait une limite. D'ailleurs, si j'étais souvent appréciée, je n'avais que très peu de vrais amis. Et j'avais comme un doute sur les capacités d'Alice à en faire partie. Néanmoins, je ne doutais pas que nous pouvions avoir de bonnes relations maintenant que tout avait été mis à plat.