Après l’épisode de la mémé dans les orties, Grace avait du s’expliquer auprès de ses compagnes Chasseresses. Oh c’était quelque chose dont la jeune femme avait malheureusement l’habitude. Ces nombreuses petites virées en solitaire ne lui réussissaient pas toujours bien, hélas pour elle. Et à son retour, généralement, Artémis était là pour lui faire un serment. Et quand ce n’était pas la déesse, c’était sa chef. Cette fois ci, Grace avait passé une heure à se faire sermonner, et devant tout le monde. Mais pour une fille d’Aphrodite, le regard des autres et leur jugement, c’était presque… inoffensif. Grace avait toujours su garder la tête haute, sur les épaules. En public la jeune femme avait toujours était à l’aise et même quand elle fréquentait encore son école de New York, lorsque les professeurs la grondait devant la classe, Grace avait prit pour habitude de tout embellir. Elle aimait bien se donner en spectacle, c’était sa nature.

Après être sortit du camp quelques instants pour réfléchir, Grace avait eu l’idée lumineuse de s’enfuir à nouveau. Elle se mit alors à courir au beau milieu des bois, sans vraiment savoir dans quelle direction elle devait aller. C’était ça qui était bon, courir sans but. Sa bonne humeur fut accentuée lorsqu’elle distingua à une trentaine de mètre une clairière dans laquelle trônait une jolie… taverne. Ses demi-sœurs et ses demi-frères de la colonie se seraient trouvés sur place avec elle, ils auraient sans doute été offusqués. Comment des gens aussi propres, beaux et bien élevés pouvaient mettre les pieds dans ce genre d’endroit ? Mais Grace était du genre à casser les codes de temps en temps et elle n’hésita pas une seconde. Au moins, les Chasseresse ne viendraient pas l’embêtait ici. Elle poussa la porte de la taverne et fut immédiatement mise dans l’ambiance du lieu. Chaleureux. Bon, le public était essentiellement masculin mais Grace n’y prêta pas attention. Elle changea ses traits de visage plutôt  doux contre des traits plus durs. Hop hop, elle ajusta sa couleur de cheveux en noir et entra, enfilant son sweat shirt sombre sur ses épaules. Elle avait l’air de la même chose que les autres gens ici présent, de voyageurs.

Ce n’était pas bien grand, et Grace ne tarda pas à trouver ce qui pouvait provoquer l’excitation de tous les occupants. Un jeu. Curieux, elle s’approcha, commandant au passage une bière. La serveuse le lui apporta et Grace se hissa sur la pointe des pieds pour voir en quoi le jeu constituait. Elle fit uen petite moue qui disparue bien vite en voyant qu’ils jouaient tous avec des insectes, des scarabées. Elle regarda le jeu pendant quelques minutes, histoire de comprendre les règles. Il avait l’air plutôt marrant. C’était une course. Grace jeta à présent un coup d’œil aux joueur et son cœurs ne fit qu’un tour lorsqu’elle posa son regard sur un garçon brun, assit en bout de table. Le jardinier de l’autre jour ! Elle avala une gorgé de sa bière et se rapprocha du jardiner en silence, écrasant quelques pieds au passage. Tient, où était son copain débile et fou furieux là… Volt ? Elle se pencha vers son oreille et lui lécha la joue.

Salut mon p’tit jardiner ! C’est fou comme on se retrouve !

Même sous une autre apparence, Grace était sûre et certaine qu’il avait comprit à qui il avait à faire.

L'ambiance commençait à s'échauffer dans cette petite taverne japonaise perdue au milieu de nul part. En théorie, l'endroit était un hôtel pour les voyageurs de passage qui s'attaquaient à la longue randonnée dans la vaste forêt. En théorie seulement car les trois quarts des clients étaient des habitués des lieux qui vivaient quasiment ici. Un nouveau concert de hurlements s'éleva dans le coin le plus reculé de la petite salle boueuse et Neal leva un point en l'air avant d'embrasser son petit scarabée porte-bonheur. Il commençait à se faire un sacré pactole aujourd'hui et visiblement, Lucien (son scarabée) avait bien compris qu'il fallait gagner s'il voulait manger. Un serveur se fraya un chemin jusqu'à la petite table et chercha à prendre des commandes.

- Trois mesures de Gin Gordon's, une de vodka, 1/2 mesure de Kina Lillet. Servez-le frappé avec un citron zesté très fin. Vous l'avez ?

Le serveur ouvrit des grands yeux ronds, se hâta de griffonner un truc sur un papier qui avait connu des jours meilleurs et s'éloigna presque en courant. Neal secoua la tête : les gens n'avaient aucun humour de nos jours. En vérité, il commençait à bien être alcoolisé à force de passer des commandes plus tordues les unes que les autres. Avec un nouveau rire un peu trop fort, il lança une nouvelle course et regarda son scarabée avaler la piste en laissant en plan les autres. Nouveau concert de cris, de sifflements et de hurlements.

- J'vais tous vous *** ! Il attrapa son petit scarabée. Tu es génial !

Il se rassit avec un peu plus de contrôle et reposa l'insecte dans son boxe en attendant la course suivante. Il empocha ses gains en ignorant royalement les grimaces agacés des autres clients et s'apprêtait à lancer les mises lorsqu'un truc humide passa sur sa joue. Il se retourna un peu trop lentement pour faire vrai et se raidit légèrement en entendant les paroles.

- Tu viens pour m'achever, chérie ?

Neal pivota de nouveau vers la foule de mecs pas très fréquentables.

- Qu'on lui donne un scarabée !

Un insecte passa de main en main jusqu'à Neal qui le tendit à cette fille qui le suivait apparemment partout.

- Okay, les règles sont simples. Toi et moi, on joue. Chaque fois qu'on perd, on ôte un vêtement. Compris ?

Il savait qu'elle était chasseresse et qu'elle devait son immortalité à sa virginité et tout le tralala aussi. Il savait aussi qu'Artémis n'aimerait pas qu'un de ses partisanes joue à ce genre de jeu devant une foule bizarre dans une taverne miteuse avec un garçon qu'elle ne connaissait pas. Neal se fendit d'un sourire narquois en glissant ses mains dans les poches.

- Alors, prête à relever le défi ? Tu peux ajouter une règle si le coeur t'en dit.

Un Scarabée, génial ! Grace s’assit à coté de lui et fit signe au serveur de s’approcher. Elle lui agrippa le col de la chemise et le tira vers elle. Il y avait trop de bruit autour des jeunes gens alors Grace cru utile de hurler plutôt que de parler d’une voix basse.

Une vodka-Martini. Mélangée au shaker, pas à la cuillère !!!

Le serveur repartit à moitié sonné et Grace attrapa le scarabée des deux mains. C’est partit ! Le jeu de Neal avait l’air drôle.

Je suis partante ! Et je rajoute que celui qui perd tout deviendra l’esclave du gagnant pendant toute la journée !

Elle rigola bruyamment, sentant les effets de ses nombreuses bières lui monter à la tête. Et le jeu commença. Sous les cris, les applaudissements des spectateurs essentiellement masculin. Si Grace avait honte ? Absolument pas. Si elle trouvait cela dérangeant ? Non plus. Son scarabée était mauvais, elle avait beau lui hurler dessus, il perdait à chaque fois. Marcel était un perdant né. Et Grace haïssait les gens –ou les insectes en l’occurrence – comme ça.  Elle commença d’abord par ses chaussures. Mais à l’allure où allait le jeu, Grace ne tarda pas à retirer sa veste, ses chaussettes, son tee shirt. Son scarabée gagna enfin une course, elle l’attrapa au creux de ses mains pour le remettre sur la ligne de d épart.

Mon préciiiieux… siffla t-elle.

Elle se tourna vers Neal, un grand sourire sur le visage. A vrai dire, elle ne savait pas vraiment pourquoi elle souriant comme ça. Elle était plutôt en mauvaises postures, à moitié bourré et tout les gens autour de la table la relooker d’un œil assez malsain.

Prouve-moi que tu peux gagner, Jardinier.

Elle avait dit ça sur un ton tellement théâtral que sur le coup, elle se trouva ridicule. Mais quand son deuxième verra arriva, elle se mit à rire encore plus fort avec les gens autour de la table. Elle attrapa une nouvelle fois son scarabée et le serra si fort que bientôt il lui en resta plus qu’une bouillie verdâtre entre les doigts. Elle attrapa sa chope de bière et, d’un grand geste brute, la jeta par terre.

Encore ! Je veux encore de ce breuvage ! Et un autre insecte !

On le lui en donna un autre –plutôt à contre cœur vu le châtiment qu’elle avait réservé au dernier – et Grace se remit à jouer. Si les Chasseresses la voyaient ainsi, elle serait surement banni pour quelques temps, renier, insulté ou pire. Mais sur le moment, elle s’en fichait pas mal. Elle commençait bien à s’amusait avec ce Neal. Même si elle devait bien avouer qu’un nouveau tee shirt ne serait pas de trop.

Haha ! Tu as perdu cette manche ! Enlève tes fringues mon choupinet !

Elle était d'accord. Content de lui, Neal avala une nouvelle rasade de son cocktail compliqué et reprit son scarabée. Les autres ne suivraient pas car c'était des trouillards, des imbéciles, de la mauvaise gente. Pas de problème, elle pouvait rajouter toutes les règles qu'elle voulait : au final, c'était elle qui risquait sa vie. Enfin Neal aussi techniquement car si la déesse de la chasse le trouvait en train de forcer une chasseresse à se déshabiller... Bah il avait de grandes chances de finir sa vie sous la forme d'un animal quelconque et non pas d'un gars. Enfin, il était prêt à courir le risque, surtout après autant d'alcool avalé. Alors le jeu commença. Grace perdait beaucoup et les habitués des lieux sifflaient et criaient fort eux aussi. Mais il arrivait que le champion de Neal n'arrive pas premier aussi. Neal enleva d'abord son tee-shirt en adressant un sourire coquin - quoi qu'un peu déformé par l'alcool - à Grace. Puis il opta pour une chaussure, deux, les chaussettes, les mitaines qu'il portait... Et son pantalon. Bah oui, le scarabée avait beaucoup perdu mais c'était des choses qui arrivaient, non ?

« Je vais te le prouver, chasseresse. »

Ça faisait très réplique d'un mauvais film et Neal partit d'un grand rire, son esprit embrumé par les effets combinés de l'excitation et de l'alcool. Il sentait les regards des autres sur leurs corps quasiment dénudés - notamment Grace - et il se sentait presque l'âme d'un héros.

« Mais avant cela, je dois accomplir quelque chose de grand. »

Encore ce ton théâtral. Alors Neal sauta sur l'alcoolique le plus proche, le prenant totalement par surprise, et ils volèrent par dessus la table. Plusieurs scarabées s'envolèrent eux aussi et profitèrent de l'occasion pour se glisser dans le moindre interstice susceptible d'offrir une cachette et de se mettre hors d'atteinte. Neal heurta le sol en terre avec un bruit sourd et se mangea un coup de poing. De petites étoiles dansèrent un instant et il se rendit compte que sa lèvre saignait. Alors il frappa comme on le lui avait appris : vite et bien, aux bons endroits. Le fils de Déméter se redressa lentement, couvert de terre et la lèvre légèrement fendue, et il s'inclina devant Grace.

« A votre service, chère dame. »

La scène devait certainement faire grand guignol vu d'un esprit clair mais Neal et Grace avaient de la chance : toutes les personnes présentes en étaient à... à beaucoup de verre. Et les deux ados étaient en sous-vêtements à présent.

« Cap, pas cap d'enlever ce qui reste, miss-chasseresse ? »

Ben ouais, autant lancer des paris débiles tant qu'ils y étaient.

Quelque chose de grand ? Grace, à travers des yeux de jeune femme complètement bourré, vit Neal faire… faire quoi au juste Bondir sur un pauvre type qui n’avait rien demandé à personne et faire… quelque chose de grand ! Ces yeux s’écarquillèrent et elle se mit à applaudirent, se balançant sur sa chaise. Neal exécuta en suivant une sorte de révérence et Grace ne se priva pas pour le relooker de haut en bas. Elle étouffa u petit rire digne d’une grosse pouffe quand Neal lui proposa un nouveau défis. D’enlever tout ce qui reste ?

Je vais te le prouver Jardinier… regarde ! Je te le prooooouve !

Sa voix n’était plus tout à fait celle d’une Grace à l’aise dans ses basket, sûre d’elle. Elle passa un doigt sur son corps en hésitant. Il lui restait quoi. Une pauvre chaussette, son soutien gorge et sa culotte. Ouais, elle c’était plutôt mal débrouillé jusqu’à maintenant. Elle ôta sa chaussette en rigolant de plus belle, un rire rauque et faux, qui était tout sauf le sien. Sauf que les hommes de la taverne, bourrés à mort eux aussi ne voyaient pas ça comme ça. Ils se mirent à taper sur la table pour qu’elle aille plus vite. Et la partie consciente de Grace se rendit compte que deux ados en sous vêtements dans un tel endroit n’était pas vraiment une bonne idée. Elle se leva en chancelant, envoyant sa chaussette sur la figure d’un type assit à deux table de là, qui l’attrapa comme s’il s’agissait d’un trophée. Deux autres hommes se jetèrent sur lui pour avoir la précieuse chaussette. Elle se dirigea vers Neal, une espèce de sourire sur le visage et l’attrapa par le bras.

Reste cool sac à merde ! – Elle le tira en avant – Il faut qu’on dégage d’ici ! Le vaisseau va exploser !

Quel vaisseau, tel était la question. Elle se précipita à la porte, suivit de tous les hommes bourrés de la taverne. Elle sortit et claqua la porte derrière elle. Comme une poigné de Vampire, les hommes s’arrêtèrent dès qu’ils virent la lumière d jour. Ah bah oui, quel choc pour eux de découvrir que dehors la vie poursuivait son cours. Elle se tourna vers Neal, lui tombant à moitié dans les bras, et lâcha la phrase qu’elle n’aurait jamais cru sortir à tel un gars.

Tu as gagné ! Ton esclave je suis !

Et elle partit dans un fou rire que personne ne pouvait arrêter. Pour couronner le tout, elle se pencha vers lui pour l’embrasser – d’ailleurs elle ne comprit pas pourquoi elle faisait tout cela – mais ces lèvres ne touchèrent jamais les siennes. Oh non, son médaillon qu’elle portait autour du coup sembla lui envoyer une décharge et les effets de l’alcool firent leur apparition. Elle lui vomi dessus, littéralement. Et puisqu’elle était complètement ailleurs, qu’elle planait à des années lumières de l’endroit auquel elle se trouvait, elle n’eu aucune réaction logique.

Oups !!!

Elle lui passa la main sur le visage, voulant sans doute l’essuyer un coup, lui repeint le visage. Elle sourit, fière d’elle, pensant avoir été d’une grande utilité. Elle lui attrapa la main, mai pleine de… de scarabée écrasé et de plein d’autre chose immondes, et attendit ses ordres.

On va oùùùù ?

Alors Neal prit le vaisseau. Dans sa tête du moins car le vaisseau invoqué par Grace n'avait absolument rien de réel. Il embarqua avec sa camarade de jeu du jour et dégagea le plancher du bar, laissant verres et sang derrière lui. Tandis qu'il marchait derrière la demoiselle, Neal ne put s'empêcher de la relooker de A à Z, ses courbes, ses hanches, ses jambes. Peut-être qu'il avait l'esprit embrumé par l'alcool mais il la trouvait jolie. Et Neal Evans ne trouvait jamais une fille jolie. Potable, à la limite, juste assez pour sortir avec et se donner un genre une semaine ou deux avant de la larguer. Enfin, il avait vu il ne savait combien de verres de ce cocktail un peu spécial, donc ses pensées n'avaient rien d'étonnant. Et puis Grace se retourna et lui vomit littéralement dessus.

La chose la plus sensée à faire, dans cette situation-là, ça aurait été de râler, voire de bouder. Mais comme Neal n'était jamais normal, même sans la présence d'alcool, il se contenta de ricaner, d'attraper la miss et de la jeter sur son épaule comme un vulgaire sac à patates. Deux années d'errance avait rendu le garçon assez endurant et résistant, aussi porter Grace ne fut pas si compliqué que cela. Il trouva rapidement le ruisseau qu'il cherchait et balança la fille d'Aphrodite dans l'eau glacé sans ménagement.

« Hop, une petite douche. »

Neal prit une profonde inspiration et plongea tout habillé dans l'eau glacée. De toute façon, lui comme ses fringues avaient bien besoin d'un nettoyage express. Une seconde, deux secondes, trois... Quatre... Et il refit surface en inspirant profondément. Il avisa Grace à moins de trois brasses de lui et se précipita dans sa direction, avide de la couler. Avec un grand éclat de rire purement joyeux, il l'enfonça sous l'eau et la maintint. Mort de rire.

« Et le petit poisson nage nage nage nage nage. Et le petit poisson nage aussi bien que les gros. »

Neal chantonna encore quelques secondes avant de la libérer avec un nouvel éclat de rire.

« Voilà où nous allons, galante demoiselle ! Au pays de Poséidon ! »

L'eau aurait techniquement dû lui éclaircir un minimum les esprits mais Neal se sentait encore... Euphorique. Oui, c'était le bon terme. Là tout de suite, il jubilait intérieurement.

Lorsque Neal rigola puis la jeta sur ses épaules, Grace se laissa faire, tout bêtement. Elle qui était toujours là à vouloir tout faire seule, prouver qu’elle savait se contrôler à merveille et tout ce qui allait avec… Si quelqu’un l’avait filmé à ce moment là puis lui avait montré le film, la jeune femme aurait sans nul doute péter un câble, avant de partir en ermite dans une forêt bien profonde. Et quand il balança dans l’eau, toujours aussi soigneusement, elle bu la tasse avant de se malaxer les cheveux, comme elle l’aurait fait avec de l’eau chaude et un bon shampoing. Une partie consciente de Grace se félicita de toujours porter des sous vêtements noirs, utile dans ces cas là. Et puis là, ce fut le flou. Le noir le plus complet. Elle comprit que son ami la maintenait sous l’eau et entendait son rire, quelque peu lointain, là haut, la surface. Grace se laissa faire, comme une vulgaire morue et quand il eu fini, elle chancela avant de se redresser, à genoux dans le ruisseau.

Nan mais ça va pas ?!

Durant une fraction de seconde, l’eau avait eu un effet plutôt positif sur la Chasseresse. Mais hélas pour elle, cela ne dura que quelques secondes avant qu’elle se remette à rire de plus en plus grave.

Au pays de Poséidon ?! Meuuuh c’est géant !

Elle l’éclaboussa, comme un vulgaire gamin de cinq ans.

Hé mais c’est qu’t’es drôlement bien foutu toi dis donc ! Héhéhé !

La Grace en était normal n’aurait jamais prononcé ces mots. Même dans un élan amoureux, de compassion ou autre. A vrai dire, ce qu’elle venait de dire ne lui allait pas. Très fière de son compliment envers son ami, elle lui sourit bêtement avant de tourner sur elle-même, les pieds en l’air. Soudain, quelque chose autre que son ami qui faisait le pitre devant elle attira son attention. Une personne. Une personne était là, les observant sur la berge. Une Grace pas bourré aurait tout de suite comprendre que cette personne était juste une nymphe. Mais la Grace bourré voyait là tout autre chose.

Hé ! Tu fais quoi là ! Neal ! Un monstre !

La nymphe eu l’air effrayé et Grace se sentit soudain en colère. Allait-elle les dénoncer à Poséidon ? Oui, surement, les nymphes étaient toutes ces espionnes de toute façon. Dans l’esprit embrumé de Grace, tout cela rythmé parfaitement bien. Elle se redressa, debout dans le ruisseau, et pointa la pauvre créature du doigt.

A l’attaque !

Et la pauvre femme s’enfuie, poursuivit par une Grace trempé, qui voyait pas mal de chose en double et qui en cessait de parler comme un de ses GPS, que beaucoup de mortels avaient dans leur voitures.

Prochaine à droite mon amiral Neal ! On l’aura !

Si seulement la jeune femme pouvait se rendre compte, qu’en ce moment même, elle était en train de ruiner sa vie auprès du seul groupe qui avait bien voulu d’elle…

Quand Grace partit au triple-galop à la poursuite de cette nymphe, Neal n'hésita pas une seule seconde avant de la suivre. Il s'amusait trop bien pour laisser partir son amie du jour comme ça, aussi facilement. De plus, la créature s'était montrée particulièrement insultante, à les observer comme ça, en train de jouer dans l'eau. La part raisonnée de Neal s'inquiétait aussi pour son secret, et pour celui de Grace. Lui était sensé être mort mais la Colonie aurait du mal à le croire si un mort se mettait à noyer ses amis dans un ruisseau. Quand à la jeune fille... C'était une Chasseresse alors batifoler avec un autre demi-dieu serait très mal vu. Voire pire. Les pieds nus de Neal martelait la terre de la forêt tandis qu'il laissait ses vêtements loin derrière lui, en petit tas au bord du ruisseau. Avec ceux de Grace. Franchement, si Artémis et ses copines passaient par là, ils seraient bien mal barrés.

« On va l'avoir, tu verras Grace ! »

Neal accéléra encore un peu, rattrapa son amie, la dépassa même et... Et sauta. Nul doute que s'il n'avait pas été complètement sous l'emprise de l'alcool, il n'aurait jamais osé faire un tel saut. Il dérapa lamentablement, se mangea Grace et l'emporta dans sa chute. Puis, sans trop savoir comment, le fils de Déméter rebondit sur la nymphe fuyarde et c'est un petit tas de bras, de jambes et de cheveux qui dévala la pente. Neal n'avait pas trop regardé la configuration du terrain mais dans sa chute infinie, il eut le temps de constater que 1/ le ruisseau s'enfonçait dans des gorges, 2/ ils roulaient droit en direction de ladite falaise. Le petit demi-dieu se rattrapa au dernier moment à une espèce de liane. Le trio improbable tira dessus, bascula dans le vide, resta un bref instant suspendu dans le vide... Puis la liane craqua, précipitant tout ce beau monde à l'eau. Retour au point de départ. Neal attrapa un truc dans l'eau avant de se rendre compte qu'il tenait le coude de Grace.

« Merde ! On l'aura un jour, on l'aura ! »

Crachotant encore un peu d'eau, il chercha la créature du regard et la vie s'enfoncer dans les profondeurs.

« Elle s'enfuie ! Alerte ! Grace ! Elle... Elle plonge ! »

Et Neal, presque à poil si on oubliait ses sous-vêtements, n'avait pas de bouteilles pour faire de la plongée.

« On fait quoi ? »

Hors de question de laisser filer cette sale porteuse de ragots !

Grace ne vit vraiment rien venir. Quand Neal sauta, qu’il lui tomba dessus, qu’ils tombèrent sur la nymphe et qu’ils dégringolèrent pendant une dizaine de secondes avant de retomber… dans le ruisseau… Non, ça, elle ne l’avait pas vu venir. En temps normal, la jeune femme aurait dû avoir les idées plus claires après une telle chute mais il ce ne fut pas le cas, loin de là. A présent, elle était encore plus hystérique. Un truc l’empoigna par le cou et la jeune fille eu vite fait bien fait la tête hors de l’eau. Neal. Elle lui sourie, le plus bêtement possible, mais pensant lui faire un de ces plus jolis sourire. Raté. Mince, la nymphe avait reprit l’avantage, fuyant de nouveau.

Non, ne la laissons pas partir Neal ! ALLONS-Y ALONSO !

Elle lui fit signe de plonger par là où la nymphe était passé. C’était une sorte de… de quoi déjà ? Elle venait de plonger sous un rocher. Grace ne pensa pas une seule seconde que sans poches d’air ou bouteille d’oxygène, elle n’en ferait pas long feu sous la roche. Et pourtant, elle y alla tête baissé, à fond. La jeune femme avait du souffle encore heureux car la chose n’était pas aisé. Elle suivait les petons de la nymphe, qu’elle distinguer bien mal sous l’eau. C’était une sorte de réseau de grottes sous marines. Elle souleva soudain la tête. Tient… Il y avait donc des espaces d’airs ici… L’eau lui montait jusqu’aux épaules et Grace avait presque pied, malgré sa petite taille. C’était un endroit fascinant.

Neal ! On a pied ici ! Et on peut respirer !

Elle s’avança un peu. Il y avait deux nouveaux tunnels donnant certainement à un endroit similaire à celui ou elle se tenait. Gauche ou droite ? Elle décida de prendre le gauche mais n’eu pas à nager à nouveau. Dès lords qu’elle posa les pieds dans le nouveau tunnel elle se senti aspiré. Un véritable toboggan le truc.

C’est gégannanattt !

Ou autrement dit « C’est géant » crié par quelqu’un qui buvait la tasse. Elle fini par atterrir dans un endroit tout aussi insolite. Comme quoi les profondeurs des ruisseaux étaient fort étranges. Le lieu avait être magique, maintenu et entretenu par les nymphes elles mêmes.

Neal ?

Où était-il ? Bah, il finirait bien par passer par ce chemin, il se croisait toujours de toute façon… Grace fit quelques pas au ralentit, car une étrange pression dans l’eau l’empêcher d’avancer aussi vite qu’elle l’aurait souhaité. Et là, ce fut le pompon. Un clan entier de nymphes, qui se baignait, papoter toute ensemble dans leur espèces de petites piscines sous terraines. Elle vit SA nymphe, celle qui allait TOUT raconter à TOUT le monde.

Toi là bas ! s’écria t-elle en la désignant du doigt, rompu le brouhaha de la grotte.

Toutes les nymphes s’était tus, elle avait toutes la têt tournée vers la Chasseresse en sous vêtement qui pointait une des leur du doigt. Ce fut à ce moment là que Grace vit Neal de l’autre côté de là où elle se trouvait. Il avait du prendre l’autre tunnel. A présent, ils allaient faire quoi ?

Neal ne put s'empêcher de sourire comme un idiot quand Grace fit un clin d’œil à cette série qu'il connaissait mal (quel demi-dieu avait le temps de mater des séries alors qu'il était en fuite, hein ?) mais qu'il appréciait. Puis il plongea à sa suite en retenant sa respiration. Punaise, voilà qu'ils faisaient de la plongée dans une rivière, dans un canyon même, pour dénicher un nymphe un peu trop joueuse. Ou effrayée, ça fonctionnait aussi. Si Neal n'avait pas eu le cerveau complètement embrumé par l'alcool, il ne se serait jamais lancé dans une aventure pareille. En effet, sans poche d'air dans ces tunnels, les deux gamins seraient sans doute morts noyés très rapidement. Mais puisque la rivière leur faisait une fleur, autant en profiter. Peut-être que l'esprit du con avait pitié de ces deux jeunes gens perpétuellement maudits par la vie ? Ou peut-être qu'il n'aimait juste pas cette nymphe. Quoi qu'il en soit, il y avait bel et bien des poches d'air dans les grottes et Neal et Grace survécurent sans trop de mal. Ils étaient au moins des nageurs corrects. Les cavernes sous-marines n'étant pas très hautes, il avait largement pied et ne risquait pas de se fatiguer. Même dans son état, Neal trouva encore le moyen de s'en étonner : il était sous l'eau mais il respirait et il avait pied. Ce constat lui arracha bien évidemment un petit rire. Eh ! C'était marrant, non ?

« T'as raison, c'est trop... Blup. »

En fait, Neal parlait en emboîtant le pas à son amie. Et si elle fut aspirée, il le fut également. Ainsi, il n'eut même pas le temps de terminer sa constatation que dix milles litres d'eau l'entraînaient sans répit vers il ne savait quelle destination. Mais puisque le ruisseau continuait à leur faire des fleurs - ou qu'ils avaient vraiment beaucoup de chance - ils ne se noyèrent pas plus que la première fois. Il n'arriva que quelques instants après la petite chasseresse mais elle était déjà en difficulté. Car une cinquantaine de nymphes bien pudiques à souhait trempouillaient là. Et qu'elle gueulait après leur nymphe. Alors ce fut un déluge de nymphes des ruisseaux. Ils furent renversé dans l'eau, emprisonnés, picotés, massés, mangés, grignotés, tripotés - dans tous les sens du termes - et finalement pendus par les pieds au moyen de quelques algues étranges mais solides.

« Pfft, on a vraiment pas de bol... Et on boit la tasse en plus. »

Ouais bon, le Neal tête à l'envers qui se lançait dans l'humour pouvait avoir des conséquences graves sur la santé mais au moins prenait-il leur aventure avec philosophie.

« Tu crois qu'il faut qu'on l'attrape...? Non ! Il faut qu'on l'attrape ! »

Et le voilà qui se réveille à présent. Gesticulant mais incapable de faire quoi que ce soit d'utile, Neal se contenta de... Bah de gesticuler encore plus. Le fils de Déméter avait l'impression de faire quelque chose comme ça. Une nymphe s'approcha lentement d'eux avec ce qui devait être un crabe et marmotta un truc comme « on va les faire parler ». La torture à présent. Une seconde arriva avec une anémone toute frétillante et fort bizarre et en colla deux exemplaires sur leurs pieds respectifs. La crise de fou rire assurée. Neal crut mourir sous les chatouilles de ces véritables monstres et aurait pu raconter n'importe quoi pourvu qu'on laisse ses nerfs tranquilles...

« Nous sommes Bonnie and Clyde ! Ou Jessie et James ! Dupont et Dupond ! Euh... Minnie et Mickey ! »

Et Neal espéra que Grace aurait elle aussi des choses à dire puisque les nymphes semblaient ravies de les entendre parler. Au loin, le fils de Déméter entraperçu leur nymphe, en train de boire un tasse d'infusion d'algues - a priori.

Grace n’eu pas le temps de comprendre ni de voir venir quoi que ce soit, elle se retrouva accroché par les pieds, la tête en bas, une bande de nymphes en colère la dévisageant avec plus ou moins de colère dans les yeux. Oulààà ! Elles n’avaient pas l’air commodes ces petites !  Et puis Grace n’aimait pas être examinée de la sorte ! Nan mais oh ! Neal lui parla à nouveau, oui il fallait l’attraper. Mais comment ? Ils étaient fait prisonnier ! Et les nymphes passèrent à la torture. Enfin la torture. La Grace actuellement complètement saoul prenait ça comme de la torture. Mais la Grace qui ne l’était pas prenait ça comme une blague. Et pourtant, elle riait à cause des machins que les nymphes des ruisseaux avaient posés sur leurs pieds respectifs. Et tandis qu’ils se faisaient ainsi torturé, leur nymphe était tranquille, buvant quelque chose qui ressemblait de loin à du thé.  « La fourbe ! Oh la bête quoi ! ».

Je dirais même plus mon cher ! Nous sommes Tic et Tac ! Brad Pitt et Angelina Jolie ! – sur le coup elle se rendit compte que les nymphes ne lisaient probablement pas de journaux people mortels et elle enchaîna sur quelque chose complètement hors sujet – et heu…  Une lampe et sa pile !

Très fière de sa tirade – qui n’avait pas vraiment de sens au fond – elle croisa les bras sur son torse. Pour couronner le tout, elle tira la langue à une nymphe aux cheveux verts, imitant des bruits étranges au passage.

Haha t’as vu sa tête Neal ! Une tête d’algue ! Hihi ! Une vraie tête de moule ! Regarde stupide chose ! Moi aussi je peux avoir une tête d’algue !

Sur ces paroles – qui irritèrent la petite nymphe – Grace changeant de couleur de cheveux. Ils virèrent au vert radio actif avant de passer au vert sombre puis revinrent à leur couleur initiale. La torture reprit et cette fois ci ce fut la nymphe verte qui fit le travail. Oui, Grace avait vraiment du la mettre en colère. Elle s’approcha avec des espèces de petits vers et lui colla sur le torse. Des sangsues. DES SANGSUES !  Elle avait beau être ivre, la jeune femme connaissait ses choses. Elle buvait le sang de tout être vivant jusqu’à… Elle frissonna en voyant un tas de nymphe, dont celle que Neal et poursuivait, se rapprocher des deux jeunes gens. La nymphe verte ordonna alors à Neal de lui enlever toutes les sangsues. Chose impossible ou presque quand on était attaché la tête en bas. Grace jeta un coup d’œil à Neal. Allons, il allait bien la sortir de là on ? Les sangsues avaient déjà commencé leur travail et Grace se sentait de plus en plus mal. Et les nymphes mortes de rire autour d’elle n’arrangeait rien à la chose. Elles allaient voir, une fois libéré de ce cauchemar, elles allaient toutes craindre la grande Grace Turner ! Une fois de plus, Grace était ailleurs.

Et voilà que la torture prenait une forme différente et nettement moins drôle pour les deux aventuriers du jour. Neal regarda avec horreur le clan de nymphes accrocher des sangsues sur la poitrine de Grace et ne fut que faire. Il avait quand même la tête à l'envers et aucun moyen de se libérer ! Se fiant à la puissance de ses abdos, il se tortilla pour agripper les lianes qui le pendaient au plafond de la caverne. Lorsque le sang n'afflua plus en masse dans son cerveau, il se sentit nettement mieux - quoi qu'un peu vaseux - et put réfléchir un peu clairement. Grace n'avait pas l'air bien, ce qui était compréhensible, mais il était trop loin pour faire quoi que ce soit, même en tendant le bras. Une nymphe le vit reprendre lentement ses esprits et lui donna un coup si violent qui lâcha la liane et revint - non sans douleur - à sa position initiale, soit la tête en bas.
Neal se sentit un peu désespéré et particulièrement idiot sur le coup. Et puis il regarda Grace et sa pâleur nouvelle et cela suffit à lui redonner un peu d'énergie. Ouais, c'était terriblement cliché et tout mais Neal était Neal et il restait un chevalier quand il s'agissait de filles qu'il aimait bien. Non pas qu'il apprécia particulièrement cette Chasseresse fort agaçante mais... Bon, d'accord, oui, il considérait Grace comme une amie, une vraie. Une sur qui il pourrait compter et avec qui il s'amusait à tous les coups. Ce n'était pas une confidente mais elle pourrait le devenir avec le temps. C'était... Grace, tout simplement. Alors il fit la chose la plus stupide du monde : il moulina avec les bras. Une nymphe ricana mais le fils de Déméter n'en tint pas compte : il avait un plan cette fois-ci. Les lianes oscillèrent et lui avec, dans un mouvement incessant de balancier. Encore et encore, encore un petit peu. Ça lui foutait limite la gerbe mais bon, il avait une bonne raison de le faire. Tel un trapéziste, il finit par se balancer en l'air et attrapa la main de la jeune fille au vol. Les deux entamèrent une danse bizarre qui faisait tourner la tête et Neal en profita pour enlever un maximum de sangsues de la poitrine de Grace. Comment ça, c'était intime ? Bien sur que non.

« Ça va aller ! » Ou pas, car ils étaient toujours cernés par une bonne cinquantaine de nymphes, ils étaient toujours en sous-vêtements et n'avaient plus leurs armes. « On va... faire un truc ! »

Merci Neal pour la pertinence de cette proposition. Deux nymphes s'approchèrent avec des grimaces menaçantes mais les mouvements de balanciers des deux demi-dieux eurent tôt fait de les repousser. Génial, ils étaient toujours à l'envers mais à présent ils tournoyaient et personne ne pouvait rien y faire. Mais le pire n'était pas encore arrivé. Car le pire, c'était l'entrée fracassante de la divinité qui reignait sur ce bébé cours d'eau. L'homme entra avec une démarche majestueuse et toutes les nymphes s'accroupirent dans un signe de soumission. Toutes sauf... leur nymphe. Évidemment. Celle-ci glissa sa main dans celle de la divinité avec un sourire narquois.

« Qui êtes-vous, sangs-mêlés, pour oser pourchasser ma femme de cette façon ? Qui êtes-vous pour être entrés ici sans permission ? Qui êtes-vous pour troubler mon repos à une heure aussi tardive ? »

Neal trouva la tirade peut-être un peu clichée et ridicule mais elle eut l'effet escompté : les deux demi-dieux avaient bien compris que 1/ ils étaient dans de sales draps, 2/ la divinité qu'ils croyaient être de leur côté depuis le début était en fait contre eux. Bref, très mal barrés. Et ils tournaient toujours, la tête à l'envers.

Les sangsues étaient bien accrochées. Et Grace sentait bien que son ami, oui son ami Neal, faisait tout pour la sortir de cette situation délicate pour le moins étrange. Tandis qu’ils se balançaient comme des fous furieux, Grace commençait à retrouver ses esprits. Moins une sangsue, moins deux… Elle remercia Neal du fond du cœur, mais en silence. Pour uen fois elle n’avait pas l’impression d’être délaissé. Peut être qu’ils deviendraient de vrais amis après cette aventure ? Au fond, Grace ne demandait que ça. Elle n’avait jamais eu de vrais amis hors de la colonie et elle devait bien avouer que cela lui manquait terriblement. Ils tournaient toujours et Grace avait l’impression que rien n’allait pouvoir les arrêter. Elle se retint de vomir tout ce qu’elle avait bu le matin même et plissa les yeux, voyant quelque chose de nouveau arriver. Le maitre des lieux en gros. Et visiblement le mari de LEUR nymphe. Oh celle là commençait vraiment à taper sur les nerfs de la jeune Chasseresse. Et même en tournoyant la tête en bas, les paroles de la divinité arrivèrent aux oreilles de la jeune femme. Non mais pour qui il se prenait lui ? Une divinité d’accord, mais de là à parler comme un prince du moyen âge ? Grace lui rit au nez.

Neal, on ne va pas se laisser faire par ce mec hein ? Regarde le, c’te bête, complètement… out.

La divinité ouvrit de grands yeux. Oui il avait l’air un peu simplet mais il avait comprit que la jeune femme se foutait ouvertement de lui. Leur nymphe lui agrippa le bras, toujours son grand sourire qui sonnait faux sur le visage. Grace espérait vraiment que sa tactique marcherait. Et quelle tactique ! Oui elle avait un peu honte parfois.

Hein gros lourdaud, tu crois que tu nous fait peur ?

Il s’avança vers eux, les mais sur les hanche, le visage défiguré par une colère soudaine. Et Grace jubila. Quand il se pencha vers elle afin de la réprimander sévèrement, Grace, toujours en tournoyant, lui mordit la tronche. Oui plutôt le nez. Il hurla et les nymphes, sa femme y comprit, se reculèrent toute d’un coup.

Qu’on les détache ! Je les ferais souffrir moi-même !

Une pauvre nymphe, après s’être pris plusieurs fois un Neal et une Grace qui tournait en rond, les détacha et ils tombèrent avec un drôle de bruit au sol. Voilà, ils étaient presque sortis d’affaire. Maintenant il fallait que Grace trouve un moyen de partir avec Neal, et de semer un monsieur –qui avait le bout du nez en sang – très en colère. Il sortit alors un espèce de sceptre verdâtre et le pointa vers le duo infernal.

Vous… vous ne passerez pas !

Et, après l’avoir brandit, il tapa le sol avec. Les murs semblèrent alors bouger et les nymphes se cachèrent toute dans des espèces de mini trous. La bonne ambiance de toute à l’heure avait totalement disparue. Grace recula d’un pas, attrapant la main de Neal au passage. D’accord ils étaient libres, mais comment sortir d’ici ? Elle fit alors une espèce de courbette qui se voulait élégante.

Oh grand maître des lieux ! Mon ami et moi ne voulions pas vous déranger, ni vous faire de mal, mais vos nymphes ont mal interprété notre message ! Mille excuses de vous avoir mordu, mais je voulais que vous m’écoutiez et je n’ai trouvé que cal pour heu… Bref !

L’homme sembla se calmer légèrement, mais son « arme » était toujours pointée vers les deux pauvres demis dieux.

Mais nous voulions vous informer d’une chose capitale ! De la… Heu… Tromperie de votre femme !

Elle pointa son doigt vers leur nymphe, un grand sourire parfaitement innocent sur le visage. Oui, elle n’avait rien trouvé de mieux que de balancer une pauvre nymphe au grand maître des lieux. Mais elle l’avait cherché ! D’abord, que faisait –elle dehors hein alors que son peuple était réunis sous terre ? D’accord, son accusation n’était pas fondé mais tant pis, il fallait que le maître des lieux punisse une autre personne que Grace et Neal. Et peut être même qu’il allait leur faire un cadeau pour leur précieuse information ?

Avec la divinité du ruisseau voisin très cher maître des lieux !

Et voilà, un bobar en plus n’allait tuer personne. Ou presque.

Le duo infernal. Ça en jetait, comme nom, et ça leur allait plutôt bien. Neal faisait beaucoup de conneries lorsqu'il était livré à lui-même et qu'il n'y avait pas volt pour calmer ses ardeurs. Mais quand il était livré à lui-même et qu'il rencontrait en plus Grace, sa vie devenait... L'enfer. Un bel enfer, particulièrement brillant, mais l'enfer tout de même. Il passait à deux doigts de la mort presque à tous les coups. Et c'était sans doute pour ça qu'il appréciait autant cette fille. Pour la première fois depuis son départ de la Colonie, Neal appréciait quelqu'un assez pour lui venir en l'aide et se retrouver dans une situation grotesque en sa compagnie. Et puis elle était belle, géniale, originale... Et éternellement vierge. On ne pouvait pas tout avoir dans la vie. Ce n'était que la deuxième fois que leurs chemins se croisaient mais ils avaient déjà un lien particulier, le fils de Déméter le sentait. C'était mince, invisible, mais ils en avaient conscience tous les deux. Enfin, Neal aurait bien été incapable de décrire leur relation plus précisément. Mais bref, trêve de bavardages. L'espèce de triton des rivières divin avait beau être parfaitement ridicule, il n'en restait pas moins menaçant et armé. Et puis il les menaçait alors tout de suite, ça lui donnait l'air important. Et dangereux. Mais c'était sans compter la capacité exceptionnelle de Grace pour les sortir de là ou les mettre encore plus en danger. La nymphe s'avança avec un rugissement de rage, prenant enfin une place importante dans l'histoire.

« Cette fille ment comme elle respire ! Tu ne peux pas la croire ! Jamais je ne t'aurais trahi pour E45885Z ! »

Neal haussa les sourcils en entendant ce nom mais ne releva pas. Ça aurait été... Fort malvenu. Peut-être que les ruisseaux n'avaient pas de noms précis ici mais juste un numéro d'identification ? Le triton lança un regard méfiant à son épouse qui se jeta dans ses bras.

« Crois-moi, E45885Y ! Je t'en prie. Je te propose que nous les mangions ce soir, bien marinés, pour oublier tout cela. »

Et puisqu'il s'agissait d'un vieux triton bien gras et avide d'un peu de viande rouge délicieuse, E45885Y accepta la proposition de sa femme en se promettant intérieurement d'espionner ses allées et venus à l'avenir. On n'était jamais trop prudent. Le triton lança quelques ordres en sirénique - une langue que Neal n'avait jamais eu l'occasion d'apprendre puisqu'il était incapable de parler sous l'eau et de reproduire pareils sons en dehors - avant de hurler un grand coup. Alors forcément, l'instinct guerrier (on peut dire ça comme ça) de Neal se réveilla. Se jetant sur son épée avec une roulade parfaite, il se saisit de la poignée avant d'attraper la main de Grace. Une brève pause et... Il hurla aussi fort que le triton.

« FOR SPARTA ! FOR FREEDOM ! »

On l'excuserait pour ce manque d'originalité mais il était encore un peu bourré et il n'avait pas le temps de débiter un discours parfait. Quand le triton vit Neal, suivi de Grace, fondre sur lui en hurlant, épée à la main, il ne put que s'écarter. Et au diable ses « vous ne passerez pas ! ». Sans ralentir, le demi-dieu poussa sa camarade à l'eau.

« Nage, nage ! »

Il la suivit de près et plongea sans réfléchir. Ils pouvaient le faire, en retenant leur respiration. Neal déboucha enfin à l'air libre dans le ruisseau gelé et nagea directement vers la rive en cherchant Grace du regard. Où elle était ? Il l'avait paumé ? Impossible. Pas maintenant. Pas après... tout ça.

« Grace ? Grace ! »

La fatigue doublée du froid de l'eau et le désespoir grandissant le poussèrent à l'appeler encore et encore, jusqu'à ce que sa voix se casse. Le triton l'avait rattrapé ? Ou la nymphe ? Elle était encore prisonnière ? Non... Sa voix se cassa définitivement et, seul sur la rive, Neal guetta le moindre mouvement. Rien. Désespéré, le jeune demi-dieu fit quelques pas dans l'eau, grimaçant en sentant les vaguelettes glaciales lui cogner les genoux. Une musique légèrement tragique s'éleva dans son dos et il se laissa tomber sur un rocher moussu... Pardon, de la musique ? Avec un sursaut, Neal se releva d'un bond et fit volte-face.

« Je suis Romaneus le gladiateur. Et je suis là pour tous vous sauver, pour vous dire que les dieux nous rejoindront bientôt sur Terre, qu'ils nous viendront en aide, à nous, à toi, à moi. »

La silhouette - qui se dressait en fait sur un rocher un peu au-dessus de Neal - se laissa tomber près de lui dans une gerbe d'eau et l'attrapa par les épaules.

« Ça va, mec ? J't'ai entendu gueulé depuis l'autre ruisseau. Tu cherche quelqu'un ? » Médusé, Neal recula de quelques pas. « Joli bout de bois, mec... Mais il te sert à quoi ? »

Sérieusement. Il fallait que Neal tombe sur un humain tout ce qu'il y avait de plus humain au beau milieu des bois, trois secondes après avoir perdu Grace. Sa Grace. Bon là, c'était le NEal bourré qui parlait en lui, mais quand même !

« Ah, la musique. J'ai oublié cette radio sur le rocher. »

Alors Neal eut une idée. Une idée lumineuse. Il ne savait pas où était Grace mais elle n'était pas là, avec lui. Il fit un léger signe à Romaneus, l'invitant à le suivre dans l'eau. S'il pouvait le faire venir avec lui, là, sous les rochers... Il raffermit sa prise sur le manche de son « bout de bois » et commença à nager lorsqu'il eut constaté que le garçon le suivait sans difficulté.

« Bon, écoute-moi, ça te dit de visiter des grottes sous-marines ? Y a de l'air et tout, ça se passera très bien ? »

Étonné, le garçon à la radio hocha de la tête et plongea à sa suite dans les méandres du ruisseau. Neal émergea deux minutes plus tard - après plutôt petites pauses respiration dans les alvéoles qui parsemaient ce sentier sous-marin - dans la grotte principal.

« E45885Y ! Où est ma camarade ? Je te prie de répondre à cet appel ! En échange, je t'offrirais tout ce que tu voudras. Y compris cet arrogant humain à la chair juteuse. »

Dans les situations d'urgence, on faisait avec ce qu'on avait. Neal fouilla la caverne du regard, le coeur bondissant dans sa poitrine : où était Grace ?

Grace ne comprenait pas vraiment. Alors comme ça les maîtres des ruisseaux avaient des chiffres, des espèces de matricules dignes de l’armée comme prénom ? Original. La fille d’Aphrodite aurait pensé à tout sauf à ça.  Et là, Neal hurla. Il hurla et s’enfuis. Grace le suivit mais ce fut sans compter que son cœur battait la chamade. Tellement d’action en une seule journée. Avec Neal en plus. C’était vraiment la dernière personne avec qui elle pensait faire ce genre de chose. Et dire que leur première rencontre avait été tout sauf sympathique… Maintenant elle arrivait même à éprouver une certaine amitié envers lui. Et ce fut là qu’Aphrodite décida de mettre son grain de sel. Grace avait toujours cet horrible collier autour du cou. Oui parfois elle regrettait d’avoir tué ce pauvre gars qui lui courait après. Si elle ne l’avait pas fait, sa mère n’aurait jamais été en colère contre elle, ne lui aurait jamais fait ce cadeau empoisonné. « A chaque fois qu’un garçon te plairas plus qu’il ne devrait te plaire, tu auras mal ». Sur le coup Grace se souvenait ne pas l’avoir pris au sérieux. C’était complètement bidon et terriblement cliché. Sauf que maintenant elle se rendait bien compte que tout ce qu’avait dit sa mère était vrai. La chose lui brula le coup et Grace dérapa, perdant de vu son camarade.

Le noir complet. Et la chose lui brûlait toujours le cou. Elle sentit alors quelque chose, sans doute la divinité du ruisseau la soulevait comme un sac à patate, par-dessus son épaule. Où état partis Neal ? Une partie d’elle voulait qu’il revienne la chercher et une autre voulait qu’il fuit loin, très loin. Oui, l’effet de l’alcool était définitivement partit. Il n’était pas bon d’énerver autant une troupe de nymphe et leur dieu.

C’est alors qu’elle entendit de nouveau sa voix, quelques minutes après. Il était revenu vers elle ! Enfin, pour elle ! Toujours dans les vapes, Grace entendait vaguement le maitre du ruisseau s’adresser à son ami. Il avait apporté quelque chose pour eux. Cool, un échange. Grace avait toujours horreur des échanges. Dans les films et les livres qu’elle regardait ou lisait, c’était toujours une arnaque. Et elle fut balancé, à Neal sans doute et retomba sur le sol comme une vulgaire chose. Visiblement la chose qu’avait apporté Neal avait attisé leur curiosité.

Je n’ai plus besoin de vous maintenant ! Adieu !

Le ton sur lequel l’homme parla ne lui plut pas du tout. Il avait quelque chose de théâtrale, mais de dramatique aussi. Et le sol sous leur pied sembla disparaitre. Ok, il y avait des trappes en plus dans leur foutus souterrain de merde. Neal et elle furent donc aspirés et quand leur chute fut enfin terminée, Grace sentit à nouveau quelque chose d’humide sur sa peau nue. Encore un ruisseau. Mais cette fois ci elle nota que le courant était plus fort.

Neal…

Elle s’agrippa, essayant d’ignorer son cou brûlant. Quelque chose arrivait droit devant eux. Finalement, leur journée n’allait peut-être pas si bien se terminer. Une cascade. Elle ouvrit les yeux au moment où Neal sembla s’accrocher, mais Grace avait beau être mince, pas habillé, son poids avec celui de l’eau l’emporta. Elle poussa un cri étranglé, tandis son bras en vain. Sa chute ne fut pas si longue, plutôt courte même. Elle ne tomba dans l’eau, comme elle l’avait espéré, mais sur un rocher plat. Elle ricocha, sonnée pour de bon et termina sa course dans le lac dans lequel se jetait la cascade. Son dos la faisait affreusement souffrir et le goût du sang vint envahir sa bouche. Un goût horrible que Grace haïssait plus que tout. « Je ne vais quand même pas mourir comme ça… pas comme ça… ce n’est même pas classe ! ». Et une nouvelle fois, ce fut le noir complet.

Lorsque le sol se déroba sous ses pieds, Neal hurla de toutes ses forces. Il ne le montrait pas beaucoup mais le fils de Déméter avait toujours eu horreur du vide et plus particulièrement des chutes. La première fois, il savait à peu près où il atterrirait : dans l'eau. Là... C'était différent, il n'en avait aucune idée. Comme dans les films, l'échange s'était mal passé. Le triton avait beau être particulièrement stupide, il avait ce côté un peu fourbe, un peu... Neal n'arrivait pas à mettre le doigt dessus et il n'en eut de toute façon pas le temps. Il heurta violemment la surface d'un nouveau cours d'eau et se sentit immédiatement emporté par un courant fort. Un courant impitoyable qu'il n'arrivait pas à ignorer. Luttant pour rester en surface, il avisa sa demoiselle juste à côté de lui. Il aurait au moins accompli une bonne action aujourd'hui et Dieu seul savait que cela était rare. Sauf que Neal Evans avait envie de pleurer : ils étaient sous terre bon sang. Sous terre !
Et puis la lumière. Aveuglé par tant de clarté, Neal se sentit obligé de fermer les yeux pour couper court à toute cette douleur. Un rugissement parvint à se frayer un chemin jusqu'à ses tympans malgré les hurlements de l'eau et il comprit dans un sursaut d'horreur ce qui les attendaient, là-bas, au bout du chemin. La mort.

Pourtant, Neal sut saisir sa chance. Ils n'étaient pas si loin de la berge constituée de rocher et il s'accrocha à s'en arracher les ongles, à en saigner. Grognant sous l'effort, il vit Grace passer mais c'est impuissant qu'il la regarda basculer. S'il lâchait, il ne lui serait d'aucun secours : il tomberait tous les deux. A la force des bras, le fils de Déméter se hissa sur le rocher et courut. Le garçon presque nu galopait, les mains et la plante des pieds en sang. En cet instant, il ne ressentait aucune douleur, juste une terreur sans nom. Comment pouvait-il s'attacher à quelqu'un aussi vite ? Comment pouvait-il apprécier cette chasseresse, cette emmerdeuse de première ? Comment une chose pareille était-elle possible avec Neal ? Tt tt, il y avait un truc qui clochait mais puisqu'il ignorait quoi, il se fit confiance. Elle n'était déjà plus là. Elle avait disparu et il ignorait où. Encore. Toujours dans cet état second qui le rendait fou, Neal dévala la falaise. Chose impossible en temps normal mais cette peur insensée lui donnait des ailes. Et puis il l'aperçut, en train de dériver, de couler même. Pour la il ne savait combien de fois de la journée, le fils de Déméter se jeta à l'eau et nagea. Plongea. La rattrapa.

« Grace...? »

Pas de réponse, juste le silence insupportable de l'inconscience. Ou de la mort. Son cri s'étrangla dans la gorge ; il traîna la demoiselle jusqu'à la rive et glissa ses cheveux derrière ses oreilles, lui donnant un air sage de petite fille. Elle était jolie mais elle était une chasseresse. Et elle était morte. Elle n'était plus là, c'était impossible. Elle ne respirait plus de toute façon, sans Grace ne soufflait plus et ne viendrait plus jamais parcourir le monde à ses côtés. Plus de défis, plus de jeux, plus d'aventures. Juste la solitude retrouvée. Dans un état second trop familier - c'était celui qui l'accompagnait lors de ses massacres, lors de ces effusions de sang qu'il aimait et qu'il haïssait tant - Neal abandonna la jeune fille sur la rive dans une posture douce. On aurait pu croire qu'elle faisait une sieste, là, au soleil. Il regagna le bois le plus proche et admira le printemps. Le printemps de Grace. Alors il se mit au travail. Son efficacité était impressionnante mais Neal ne pensait plus, il ne faisait qu'agir. Et il admira son oeuvre : un magnifique berceau de mousse, une couverture de fleurs. Sa Belle au bois dormant pouvait dormir en paix à présent, Déméter et sa puissance veillaient sur elle.

« Grace. »

Juste une promesse. Une promesse imprécise mais une promesse tout de même. Le jeune homme avisa son épée posée sur la rive. Il ne l'avait pas perdu, même après tout ce temps. Dans la rivière souterraine, il s'y était accroché comme si sa vie en dépendait. Il l'avait jeté sur le rocher avant de s'y agripper. Il avait tout descendu avec. Et il l'avait abandonné pour Grace. Mais à présent, l'arme et lui avaient une choix à accomplir : une tâche extrêmement importante.

« T'es prête, ma jolie ? »

Le triton pouvait faire ce qu'il voulait, il n'échapperait plus à Neal Evans, plus jamais. Un mince sourire se dessina sur ses lèvres car il avait désormais une mission.

Alors c’était ça, mourir ? Si elle pouvait encore penser ça alors Grace n’était pas morte. Enfin, tout dépendait des croyances… Elle avait mal au dos, au cou et au poignet droit étrangement. Elle avait senti quelqu’un la porter encore. Encore une fois. Elle avait froid, très froid même. Au fonde elle savait que c’’était Neal. Neal qui était triste.  Si elle avait pu parler si elle avait pu faire son fameux sourire du « j’tai eu » elle l’aurai charrié sauf que là, elle ne pouvait pas. Le goût du sang dans sa bouche avait mystérieusement disparu. A la place, c’était comme si quelque chose s’était brisé au bas de son dos et quelque part la jeune femme arriva à penser que ce n’était peut-être pas si mal. Peut-être qu’au fond elle s’en tirait bien, si seulement elle pouvait à nouveau ouvrir les yeux. Elle sentit alors quelque chose la recouvrir. Un parfum qu’elle connaissait bien. Assez agréable. Puis, plus un bruit. Juste celui de la cascade, un peu comme un fond musicale. Ce fut à ce moment-là que les yeux de Grace s’ouvrir en grand. Quelque chose lui chatouillait le nez. Pollen. Du pollen. Elle était allergique à un certain type de pollen. Brusquement elle aspira une grande bouffé d’air frais  et de pétales – et se redressa d’un seul coup. Son dos craqua d’une manière étrange et Grace s’étira, comme sortit d’un profond sommeil. Elle se releva, attrapa au vol une des fleurs qu’il avait si gentiment disposé sur sa… sur son… enfin sur elle alors qu’il la croyait sans doute partit pour toujours. Neal n’était plus là. Il s’était envolé bien sûr, mais la jeune chasseresse avait l’impression qu’elle allait le revoir bientôt ou du moins elle l’espérait. Elle savait que ce n’était pas bien, pas bien d’éprouver ça alors qu’on avait prêté serment à Artémis mais elle s’en fichait. Elle voulait juste le revoir. Alors oui, Grace était une fille logique, elle savait qu’après sa chute, elle ne serait plus tout à fait pareil, elle pouvait déjà le sentir. Peut-être même qu’elle ne pourrait plus chasser comme avant, plus grimper aux arbres, plus… Non, elle trouverait un moyen. Et peut-être que cela n’était pas si grave après tout ? Elle ouvrit son fameux pendentif dans lequel elle glissa une des fleurs de Neal. Pour toujours. Jamais elle n’oublierait ce geste. Elle marcha alors, priant pour retrouver ses camardes. Tout ce qu’elle voulait c’était inventer un beau mensonge pour son absence et retrouver des vêtements. La mort était loin derrière. Et lui aussi.

× fin ×