Regarde ce qui m'est arrivé[RP Solo] terminé

Regarde ce qui m'est arrivé

- Sophie ? Sophie, ça va ? me demande une voix douce qui m'est on ne peut plus familière.

Je garde les yeux fermés. Je ne veux pas le voir. Ce qui s'est passé hier est encore tout frais dans mon esprit. Encore trop inquiétant. Je ne veux pas qu'il en parle. Je l'imagine avec des yeux mouillés de larmes, mais je n'ose pas vérifier.

- Tout est fini, il est parti, je suis...

- Je ne suis pas une gamine ! je lui réponds sèchement. Tes mots doux, tu peux les ravaler.

T'aurais dû les utiliser avant.

J'ouvre enfin les yeux et fait face à mon père. Je suis à l'hôpital mais on va bientôt me faire sortir. Je le foudroie du regard. Il ne sait pas ce qui s'est passé, on lui a juste dit que j'ai été agressée. Mais il sait que c'était un demi-dieu. Il sait ce que je suis réellement. Il se doute bien que j'aurais su me défendre face à un simple mortel. Mais ça n'en n'était pas un. Je repense soudain au nez cassé de Matthew et cela me procure un sentiment de puissance et de satisfaction, qui disparaît vite quand je pense que j'étais à deux doigts de la mort. Les médecins sont super sympas, grâce à eux j'étais sur pied en à peine deux jours. Ils avaient désinfecté mes blessures, m'avaient mis des bandages, m'ont appliqué de la pommade. Ils m'ont aussi mis un truc sur le cou. Ils m'ont soigné. Mais si je me sens mieux physiquement, moralement, ce n'est pas le cas. Quand j'ai pu voir mes blessures, j'ai commencé à avoir du mal à respirer. C'était trop dégoûtant, je ne supportais pas ça. Ça m'a encore plus fait du mal.

Tout à coup, je me mets à pleurer. C'est plus fort que moi. Que diraient les autres pensionnaires s'ils me voyaient ainsi ? Je me demande comment j'ai fait pour garder cet air endurci jusqu'à maintenant. Parce que tu n'as jamais eu ce genre d'incidents, me répond une petite voix. Je sais, mais j'ai déjà plus souffert, je lui rétorque sans grande conviction. Je suis sûre d'entendre un rire. J'hallucine, ou quoi ? C'est encore plus flippant. Soudain, je me rends compte que je respire plus vite, les yeux écarquillés de terreur. Mon père me prend le poignet et me le serre en me murmurant de me calmer. Je suis entrain de devenir folle... Non. Je suis déjà folle ! Je ne vois plus rien d'autre que des araignées, de grosses araignées qui s'approchent de mon père et moi... Je vois ses yeux injectés de sang, je me dis que c'est un monstre aussi. Je hurle, ma voix cassée par des sanglots. Je m'agite, je me tortille, je veux partir de cet endroit. L'hôpital me fait peur. Quand j'étais gamine, je croyais que si j'y allais, c'est parce que j'allais mourir.

Un médecin débarque et ça me calme automatiquement. Il semble remarquer mes yeux rouges à force d'avoir pleuré, mais il doit se dire que c'est normal.

- Votre réaction est normale, me rassure le médecin. Vous avez vécu un événement assez traumatisant.

- Vous n'êtes pas à ma place. Vous ne pouvez pas comprendre, je crache férocement.

Il semble offensé, parce qu'il reprend d'une voix plus froide :

- Vous allez partir avec votre père, nous lui avons donner la liste des médicaments dont vous aurez besoin.

- Je n'ai besoin de rien, je grommelle.

Mon père me lance un regard sévère et on part chez lui. J'espère vraiment trouver la tranquillité là-bas. Quand je me lève, j'ai la surprise de découvrir que j'ai du mal à marcher. Je me suis écroulée comme une poupée, peut-être que mes jambes se sont... Heurk. Peu importe, puisque mon père me soutient pour avancer. Je remarque aussi que je suis quasiment vidée de mon énergie, bizarrement. Je dois me reposer.

Mais il y a quelque chose que je ne comprends pas dans tout ça. Comment ai-je fait pour me retrouver à l'hôpital si vite. On m'a confié que mes blessures étaient très récentes et les médecins ont même avancé qu'elles étaient trop récentes, comme si je m'étais fait mal trois secondes avant leur arrivée. Ça ne veut dire qu'une chose : Matthew Schaeffer a appelé les secours pour moi. Ce n'est pas normal. Il n'a pas hésité à tenter de me tuer, pourquoi m'a-t-il sauvé ? En fait, je ne veux même pas y réfléchir. Je veux juste rentrer et dormir chez mon père.

On entre dans la voiture et je me rends compte que c'est parce que je voulais le voir que je suis venue à New York. Pour mettre les choses au clair, parce que ça faisait trop longtemps qu'on ne s'était pas vus. Je ne voulais plus voir sa sale gueule de mauvais père qui me haïssait. Mais il a changé. C'est peut-être la vieillesse qui lui a apporté sagesse. Il a l'air de vraiment se rendre compte qu'il a une fille, maintenant. Mais c'est beaucoup trop tard et je ne pense pas réussir à le pardonner un jour. Pas le pardonner réellement, en tout cas.

- Parle-moi de Maman, j'ordonne soudain.

C'est sorti tout seul et malgré tout je ne le regrette pas. C'est une question importante pour moi, qui me dérangeait depuis que je l'ai quitté en fuguant. Il semble réticent à répondre, mais avoue :

- Elle était très intelligente, bien-sûr. Et jolie. Elle avait l'air si puissante ! Je l'adorais. Nous avons beaucoup ri et échangé sur les livres, sur des propos assez compliqués à comprendre, comme des petits scientifiques. Puis un jour, elle est revenue le soir, avec un bébé dans les bras. Elle m'a tout avoué et ça m'émerveillait. Ça m'a donné l'inspiration pour le livre et je t'ai délaissée. Quand je t'ai eue, Athéna a commencé à être moins là, jusqu'à disparaître en disant que les dieux étaient très occupés. Je ne voulais pas, mais je n'y pouvais rien, alors j'ai passé ma colère sur toi en espérant qu'elle reviendrait te chercher, pour que ça l'occupe. Mais elle n'a rien fait. Et quand tu es partie... j'ai vraiment compris que j'adorais ta p'tite tête d'intello. Ah, on est arrivés.

Je reste silencieuse et il ouvre notre appartement. Aussitôt, je pars dans sa chambre et m'affale sur son lit, sombrant dans le sommeil.

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Regarde ce qui m'est arrivé

Pendant mon sommeil, je rêve. Et ça me rend folle, parce que je souffre déjà assez.

Pour commencer, je suis aux Enfers. Je ne suis pas un fantôme, je suis bien vivante. Je suis au bord d'un gouffre sans fin et j'entends clairement des hurlements déchirants de monstres et des bruits d'araignées qui avancent. Le Tartare. Je sais qu'il faut neuf jours pour atteindre le fond du Tartare et je suis terrorisée rien qu'en y rêvant. Je me retourne brusquement et je vois une masse sombre et velue, pourvue de pattes fines et poilues. Elle a l'air d'avoir plusieurs paires d'yeux, mais je ne peux que regarder avec horreur l'araignée géante qui est devant moi. Elle me plaque au sol avec violence, commence à me ligoter avec son fil avant de me balancer dans le gouffre. Je hurle, je me débats, je me vois souffrir pendant un long moment. Puis mon petit corps fragile heurte une surface solide et rougeoyante, et je me décompose. Mon corps commence à s'embraser, je ne sais comment d'ailleurs. Des monstres viennent me grignoter. Puis je vois mon esprit s'évaporer et essayer de remonter du Tartare, en vain.

Puis tout devient flou et le rêve change. Je suis à la colonie et on subit une attaque. Des monstres affluent en masse, rasent la colonie en écrasant les demi-dieux. Je suis avec James, mes frères et soeurs, il y a Lia, Ophélia, Ruth... tous mes amis, en fait. Des géants s'avancent vers nous et on commence à courir, mais Ophélia trébuche et finit écrasée par le pied d'un géant. Ils nous rattrapent et je vois le corps de Ruth se faire catapulter pour retomber par terre, inerte. Mes frères et soeurs se font tous tuer un par un, il ne reste plus que Lia et James. On s'aide pour fuir le plus vite possible, mais la Grande Maison nous barre la route et les géants nous écrasent. C'est rare que je fasse des cauchemars portant sur mes amis. Des fois, je me fiche d'eux. Dans d'autres cas, j'espère qu'ils vont vivre encore longtemps. Je vois mon corps qui est quasiment recouvert de sang. C'est horrible, je veux que ça change. Je veux que ça change ! Changez de rêve, pitié, changez de rêve...

Je ne sais comment, tout redevient flou et le cauchemar change. Il y a des araignées de partout. Ce n'est pas la première fois que je rêve de ça. Le procédé se répète : elles viennent petit à petit, me recouvrent le corps jusqu'à m'étouffer. Mais cette fois, il y a du monde autour de moi. Ils me regardent d'un air agacé, comme si je les dérangeais. On me bouscule en grognant et je tombe par terre en me cachant le visage, tandis que les araignées m'étouffent pour de bon. Je n'ose pas parler, de peur qu'elles entrent dans ma bouche. Et tout à coup, le monde autour de moi éclate de rire, comme si j'étais une poule à qui on venait de trancher la tête et qui continuait de courir comme une malade. Comme des sadiques. Je reconnais le rire de Matthew... Et je me maudis. Par les dieux, pourquoi ai-je peur de ce bouffon ?!

Une nouvelle fois, le rêve change. Une femme aux cheveux blonds, l'air sévère, en toge, me fixe d'un air furieux. Athéna. J'ai l'impression qu'elle veut me tuer.

- Comment ai-je pu concevoir une fille aussi ridicule et idiote, crache-t-elle tandis que je baisse les yeux. Tu me déshonores ! Même Méduse est meilleure que toi. Tu mérites un châtiment éternel !

Je me vois sangloter comme je ne le ferais pas. Puis Athéna agite la main et je me retrouve aux Enfers. Je suis morte. Toujours mourir. Mes cauchemars se basent sur ma mort, mais comme je n'ai pas vraiment peur de ça, ils attaquent une autre peur : de quelle façon vais-je mourir ? Je suis enfoncée dans la terre, à me faire bouffer les jambes pendant qu'on m'éventre avec des poignards. Je redeviens normale pour qu'on m'éventre et qu'on me bouffe les jambes tout le temps. Athéna passe, ricane et agite la main en discutant avec Hadès d'un châtiment encore pire. Il dit qu'on doit me laisser encore quelques temps, histoire de me marquer davantage. Elle hoche la tête à contre coeur en lui proposant d'autres châtiments. Il semble ravi de les mettre en application.

Une nouvelle fois, le rêve change. Je suis dans un bassin et un inconnu m'empêche de sortir la tête de l'eau. L'eau. Bien-sûr. Les vieilles disputes d'Athéna et de Poséidon... Je n'ai aucune idée de si ils se sont réconciliés, mais pour moi, l'eau est maudite. Je préfère ne pas m'y risquer. Peut-être que je suis parano. Je commence à me noyer...

- Sophie. Sophie, réveille toi !

J'ouvre les yeux et je vois mon père. Il a l'air inquiet parce que, visiblement, j'ai pleuré. Le drap est au fond de la chambre. J'ai dû me tortiller comme une malade pendant que je rêvais.

- Tu as un problème ? Ou tu veux te reposer en...
- Non, non ! je m'empresse de dire. On va manger ?
- Oui.

Je me lève et je pars avec lui. Je ne me sens pas mieux que la veille.

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Regarde ce qui m'est arrivé

Il me prépare deux tartines, un verre de jus d'orange et se permet un café. On s'installe sur sa table à la nappe violet et rouge. Hideuse, mais c'était le moins cher. Son regard est grave, ce qui signifie que je sais déjà quel va être notre sujet de discussion.

- On ne t'a pas posé la question parce qu'on était certain que tu n'aurais pas la réponse, mais... tu as des indications sur cet homme ?

- Matthew Schaeffer, fils d'Eris, je commence platement. A le nez cassé et a plus de trente ans environ.

Mon père semble étonné. Il ne sait pas qu'avant le massacre, on a discuté. Il me caresse tendrement le visage et je m'empresse de le repousser. Je ne suis pas d'accord avec ces gestes d'affection. Je suis grande, putain ! Il a l'air de ne pas le comprendre.

- Il fallait faire ça avant, je répète avec fureur.
- Désolé.
- Désolé ? J'ai vécu douze ans aux côtés d'un... je ne peux pas utiliser le terme père. Aux côtés d'un homme obsédé par un bouquin ! Un bouquin, bordel. Et dès que sa fille frôle la mort, il devient un père ? Non mais tu t'entends ou quoi ? Tu crois que je suis devenue gentille parce que j'étais malade ? T'es drôlement naïf (je lâche un rire). C'est pas acceptable, je te jure. C'est pas acceptable. Un simple désolé ne suffira pas.

En fait, rien ne suffira jamais. Je ne le supporte pas et ne le supporterai jamais. Je voudrais me casser d'ici, en fait. Voir sa tête me rend complètement tarée. Je me lève en faisant tomber la chaise, et je pousse de toutes mes forces la table contre mon père. Il tombe à la renverse et le café tombe à côté, en disposant son contenu au sol. Je lui crache des insultes, je me précipite dans sa chambre pour aller ramasser quelques affaires et je repars vers la porte. Je l'ouvre brutalement et la referme de la même manière. Je descends les escaliers en l'entendant me hurler de revenir. Ce que je ne fais pas. Je ralentis un peu, pour réfléchir à tout ça. Je finis par sortir de notre immeuble quand il dit :

- Sophie, s'il te plaît.
- Je suis plus en sécurité à la colonie.
- Laisse-moi t'y emmener.
- Non !

Je me mets à courir. Il y a du trafic sur les routes, j'en profite pour passer entre les voitures. Et je cours. Je cours toujours. Je crois que ça fait déjà dix minutes. Il faut que je retourne à la colonie des Sang-mêlés.

Je repense soudain à mes rêves. Peut-être que je n'aurais pas dû partir. J'aurais dû lui en parler. A la colonie, il n'y a personne qui pourra m'écouter. Ils croient tous que j'ai un coeur de pierre, ou que je suis très forte moralement. Mais c'est faux.

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Je progresse dans les rues de New York. La colonie se situe à Long Island, ça va me prendre un petit moment. Brusquement, je me fige. La ruelle que j'ai à ma gauche est celle dans laquelle j'ai été agressée. Je peux encore le revoir me plaquer au mur. Il y a même du sang ! Ses paroles me reviennent en tête. « Tu n’as pas peur ? » J'écarquille les yeux. Si je n'avais pas eu peur sur le moment, j'ai peur, là, maintenant. Je panique. Il faut que je me parte, mais mes pieds sont collés au sol. Je veux partir ! J'ai l'impression de ne plus savoir marcher. Je suis pétrifiée de terreur. J'ai un mauvais pressentiment. « Pars ! PARS ! » je hurle en moi.

On m'attrape les deux bras et avec une force surhumaine, on me propulse dans la ruelle maudite. Je me tourne instinctivement, faisant apparaître deux couteaux formés pour être lancés. J'ai devant moi trois jeunes filles, toutes blondes. Elles se regardent avant que celle du milieu ne tonne :

- Désolées ! C'était un accident, on faisait un jeu... (Elles aperçoivent enfin mes couteaux) Ohh ! Non, ne nous blesse pas, on ne voulait pas...

Ces couteaux sont en bronze céleste. Ils sont plutôt épais. Elles ne devraient pas les voir. Elles se sont trahies. Ce sont des monstres... mais quel monstre peut se transformer en fille ? Une empousa. Pourquoi m'attaquent-elles ? Elles ne s'en prennent qu'aux garçons, en général !

- Je suis désolée aussi. Je comprends, c'était un accident, ce n'est pas votre faute, dis-je d'une voix naïve.

Elles ont l'air d'hésiter. Peut-être veulent-elles me tendre un piège ?

- J'adore vos chaussures. Vous les avez achetées où ?
Elles s'apprêtent à répondre en choeur mais je lève mes deux couteaux. Je les lance un par un sur celle de droite. Elle hurle, se plaque les deux mains sur sa poitrine transpercée, et se transforme en cendres. Les deux autres, furieuses, me dévoilent leur véritable forme. Leurs cheveux sont des flammes, elles ont la peau blafarde et les yeux injectés de sang. Sans vous parler de leurs jambes, une en bronze et une jambe d'âne.

Elles foncent vers moi. J'ai un mur juste derrière. Je fais apparaître une épée en bronze céleste et je la brandis. Elles reculent instinctivement, avant d'hocher la tête et de disparaître de mon champ de vision. Je ne sais comment, elles sont derrière moi. Elles me poussent et je m'écroule par terre en clignant des yeux. Je les sens s'approcher et je roule à droite, avant de me relever en boitillant. Je cours vers un des deux coins de la ruelle. Je me lance sur un mur, j'attrape le lierre qui est dessus et je me hisse le plus haut possible, en poussant sur mes pieds. J'arrive sur le toit de l'immeuble et je pousse sur mes mains pour monter. Je dérape, je glisse, je lâche ma prise en hurlant. J'essaie de m'accrocher au lierre. Mais je continue à tomber, ça ne fera que ralentir ma chute. Les empousai ricanent et attendent de me voir m'écraser au sol. Et lorsque ça arrive, je leur tranche la gorge.

Ma vision se brouille, mais je reste miraculeusement consciente. Je bouge mes mains, j'essaie de me relever. Impossible.

- Mademoiselle ? Vous allez bien ? Mademoiselle ? Mademoiselle ? Vous voulez aller à l'hôpital ? Mademoi...

Je me redresse, toujours dans cette ruelle maudite. La silhouette devant moi me terrifie et je recule maladroitement. Puis je vois une dame qui me sourit timidement. J'essaie de dire non de la tête, mais tout à coup, une ombre étrange lui saute dessus et elle s'écroule par terre. Son cou est tranché. Elle est morte. Je hurle, je me lève et je fuis.

- Mademoiselle ?!

C'est encore elle. J'ai dû halluciner. Il n'empêche que je suis terrorisée. Je dois partir. Des larmes coulent abondamment sur mes joues et je m'en fiche. Je veux juste rentrer à la colonie. Je veux être en sécurité.
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Je n'en peux plus de courir, de braver les monstres sans arrêt. Toute cette histoire me rend folle et j'en perds ma logique. Ce que je déteste, évidemment.

Tout à coup, j'éprouve une incroyable haine à l'égard de Matthew. C'est bien à cause de lui que je vis tout ça ! Je dois me venger. J'ai envie de le voir se tortiller par terre en hurlant de douleur. Mais... ce n'est pas ce que je devrais penser. Je dois aller à la colonie. Tu n'as plus de force, repose-toi ! me dit une voix, celle de la logique. Fonce à la colonie, tu risques de mourir, sinon ! rétorque sèchement la prudence.

Est-ce que je suis normale ? Devrais-je entendre ces petites voix ? En fait.. ne serait-ce donc pas ma mère ?

Bon. Je me mets à réfléchir. Je suis dans une rue bondée de touriste, ce qui signifie qu'un monstre peut attendre longtemps avant de me trouver. L'odeur de ces mortels couvrent la mienne. Je vais bientôt atteindre Long Island donc je suis près du but. Mais si je continue je me rendrai plus vulnérable et puis, les touristes n'iront pas jusque dans la forêt du camp. Ce qui signifie donc que si j'y vais, je suis morte. Mais si je n'y vais pas, je suis morte aussi. Sauf si je reste là, au soleil, transpirant de partout. Mais je ne pourrai pas me reposer non plus. A vrai dire, il n'y a pas que ces deux choix, je peux décider de ne rien faire. Mais c'est trop simple. J'avance et j'arrive jusqu'à un café étrangement vide. Je n'y entrerai pas. C'est trop suspect. Je cherche un autre café, celui-ci un peu plus rempli. Il ne reste que trois tables et des touristes s'approchent également du bâtiment. Je me hâte dedans, pose mes quelques affaires (des biscuits et deux livres) et attend qu'on vienne me servir.

- Mademoiselle, que puis-je vous servir ? me dit soudain un serveur.

Je sursaute, ne l'ayant pas remarqué. Ne souhaitant pas être impolie, je m'empresse de répondre :

- Un coca, s'il vous plaît.
- Rien d'autre ? Une petite tarte aux pommes fait maison peut-être ? Elle est délicieuse !
- Non, ça ira, merci !

Un peu plus tard, il m'amène ce que j'ai commandé. Je bois plusieurs gorgées avant de reposer mon verre et de regarder les autres clients. Il y a une femme habillée en noir qui a l'air ravagée. Ses yeux sont bouffis et rouges et des larmes coulent encore sur ses joues. Elle joue nerveusement avec ses doigts en regardant son téléphone et je me surprends à avoir beaucoup de peine pour elle.

A l'opposé de la femme en noir, il y a un homme en t-shirt blanc et en jeans. Il me toise avec dédain, je soutiens son regard. Il est ténébreux et a l'air assez froid. Il ne m'inspire pas confiance. On dirait qu'il attend de pouvoir faire du mal à quelqu'un et qu'il trouve ça trop long.

Quand je réalise qui est devant moi, la peur s'empare à nouveau de mon corps. C'est Matthew Schaeffer. Il me regarde encore et je détourne le regard, les mains tremblantes. Je finis ma boisson rapidement en m'efforçant d'être le plus naturel possible. Je prends mes affaires, je regarde Matthew d'un air paniqué et soudain, il sourit. Je m'empresse de partir et me retourne une dernière fois. Son sourire s'efface juste maintenant, mais j'y vois quelque chose d'anormal. De la compassion, de la gentillesse. Ce n'est pas un sourire à la Matthew Schaeffer.

Ma peur redescend enfin. J'ai juste halluciné. Je suis encore trop sous le choc et ça me rend folle. Je poursuis ma route.
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Mes mains tremblent. Je m'efforce de ne pas pleurer. Je crois que je réalise enfin l'horreur que j'ai subi. Je ressens vraiment la pire des douleurs, la pire des peurs et j'ai pitié de moi.

J'essaie de lutter ; en vain. La peur me submerge, la douleur me brûle de partout. Et, là, dans la petite rue où je suis seule, j'étouffe mes sanglots. Mais je pleure bruyamment, reniflant comme une gamine. Qu'est-ce qu'Athéna doit avoir pitié de moi, si elle me regarde ! Mais cela me fait encore plus mal et je commence à avoir des vertiges.

- Hé, mademoiselle ! me héle-t-on soudain.

Je reconnais ce genre de paroles. Des gros bouffons qui sont trop stupides pour dire autre chose que "t'es charmante". Je soupire. Ce n'est vraiment pas le moment. Je baisse la tête, respire, essaie de me calmer. Je sèche mes larmes mais elles continuent à couler à flots.

- Mademoiselle ! répéte l'homme.

Furieuse d'être ainsi dérangée, je me retourne, les poings serrés. Il n'y pas qu'un seul homme. Il y en a trois. L'un est en t-shirt rouge avec un short ri-di-cule, l'autre a une chemise à carreaux verte et porte un jeans tout miteux et le dernier est entièrement vêtu de noir. Ce dernier fumait tranquillement. J'ai beau essayer de regarder plus haut que leur nez, je n'y arrive pas.

- Pourquoi tu pleures, chérie ? dit l'homme avec le t-shirt rouge, que nous prénommerons Moche N1.

- T'as un chagrin d'amour ? enchaîne celui avec une chemise, que nous appellerons donc Moche N2.

Moche N3 ricana. Ils avancèrent doucement vers moi. Soudain, Moche N3 posa son doigt au bout de la cigarette. Il ne réagit même pas, alors qu'il se brûlait stupidement. Il laissa son doigt sur la cigarette un bon moment avant de pouffer.

Je comprends soudain. Je n'arrive pas à voir plus haut que leur nez. Il ne se brûle pas. Ils m'ont l'air bien stupide... des cyclopes. Sauf que je ne suis pas de taille. Ils sont trois et, je suis morte de trouille, de chagrin et de fatigue. Ils sont tous près de moi, à quelques mètres. Je recule prudemment, perdant quelque peu l'équilibre. Moche N2 avance un peu trop vite à mon goût. J'essaie de me concentrer, de voir un joli poignard dans ma main. Je suis une guerrière endurcie. C'est pas des Cyclopes qui vont m'achever, quand même !

Un poignard apparait et je lâche un gémissement. Je suis vidée de mes forces. A la vue de mon arme en bronze céleste, les monstres reculent. Mais ils finissent par comprendre qu'ils peuvent aisément gagner, vu comment je brandis mon arme. Je la mets un peu trop haut et elle va tomber. Je me ressaisis. Je hurle, décidant qu'il me fallait un peu d'aide. Il n'y a personne. Je continue à hurler, à demander de l'aide.

Moche N1 est le plus près de moi désormais. J'avance et lui envoie mon poignard dans le ventre. Il hurle, je retire le poignard et le ré-enfonce dans son cou, du mieux que je peux vu sa grandeur. Il se décompose et un tas de cendres apparait sur le sol. Les deux autres cyclopes en profitent pour attaquer. Je lance le poignard en leur direction et fuis, hurlant de toutes mes forces. Je suis plutôt rapide, vu comment je suis fatiguée. Je perçois des hurlements rauques. Je crois que j'ai touché un de ces deux monstres. Je poursuis ma route, sans monstres pour l'instant et je m'autorise quelques sanglots.

Une heure plus tard...

L'arche de la colo est devant moi. Je hurle de joie, le visage creusé par les larmes, mes yeux rouges et bouffis. Je me précipite vers l'entrée de mon refuge, traverse le camp, passe à côté de l'arène et de la grande maison et m'abrite dans mon bungalow, le sixième. Enfin tranquille, enfin sauvée.

Une de mes soeurs me reconnait et me salue d'un sourire timide. J'essaie de le lui rendre du mieux que je peux et elle murmure :

- Tu... vas bien ? Tu as l'air un peu.. euh.. euh, malade..

- Morte de fatigue, je réponds.

Et je m'affale sur mon lit, sombrant enfin dans le sommeil.

RP Terminé

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