« Bonjour, je m’appelle Clayton Oliver Lawrence et je suis fou. Ou du moins, c’est ce que tout le monde pense. Moi aussi, je l’ai pensé au début. Puis, j’ai du me rendre à l’évidence. Ce n’est pas moi qui suis fou, c’est le monde dans lequel on vit, et tout les gens qui ne s’en rendent pas comptent. Mais pour que vous compreniez, je vais reprendre du début. De là où mon enfance n’était que joie et innocence…

Je suis né dans une petite ville anglaise. Si petite, que beaucoup de gens la critiquent. Mais moi, j’aimais ma ville. C’est un des rares endroits où je me sentais chez moi. Là-bas, comme dans toutes les petites villes, tout le monde connaît tout le monde et où quoi qu’il arrive, tu trouveras toujours du soutien quelque part. Je me souviens encore très bien des voisins, du centre-ville, de l’épicerie où on allait faire les courses malgré mon jeune âge. Je n’ai vécu que huit ans là-bas. Et je me souviens aussi que tout le monde m’aimait. Ce n’est pas pour paraître prétentieux ou quoique ce soit. C’est vrai, j’étais l’enfant idéal. J’étais serviable, charmant et débordant de vie. Aujourd’hui je rigole amèrement en pensant à ce que je suis devenu. Et par-dessus tout, j’étais incroyablement intelligent. J’étais le genre de gamin à qui on ne pouvait rien refuser. Et je crois que le pire dans tout ça, c’est que je n’avais pas d’arrière pensée lorsque je me montrais serviable. Ce n’était pas de la lèche, c’était honnête. Les autres gamins aussi m’adoraient. On pourrait croire qu’ils me mèneraient la vie dure pour être ainsi chouchouter mais non. J’étais leur… idole. Et ce n’est vraiment pas pour me montrer prétentieux, c’est juste pour vous montrer à quel point j’ai été… transformé. Mon père était médecin. Pédiatre pour être précis. Et, il voulait aller travailler dans une grande ville pour agrandir sa clientèle. Alors on est parti. En Amérique rien que ça. Les adieux ont été longs et triste. Je me souviens avoir tempêté et hurlé contre mes parents. Mais nous sommes quand même partis à l’autre bout du monde.

On s’est installé à New York. C’était un changement radical pour un enfant de huit ans. Je ne m’y suis pas très bien fait mais bon, on y pouvait rien. La primaire a été, mais l’entrée au collège fut un désastre. Je me faisais charrier, taper, insulter à cause de mon intelligence. Et je me suis rendu compte que tous les enfants qui m’entouraient, étaient incroyablement stupide. C’est là qu’à commencer mon isolement. Les années ont passées et j’étais vraiment doué à l’école. Je ne savais pas trop ce que je voulais faire alors, j’ai choisi un bac S que j’ai passé avec brio et je m’en suis sorti avec une mention très bien. Je me sentais réellement bien. J’étais fou de joie et j’avais l’impression que plus rien ne m’empêcherais d’être le génie que j’étais. Fini les camarades stupides et ignares. J’étais libre d’aller dans la cour des grands !

Puis mes parents sont morts. Un bête accident de voiture. Qui a tout détruit. Je suis quelqu’un d’extrêmement distant et pas particulièrement démonstratif mais j’aimais mes parents. Vraiment beaucoup. On avait pas beaucoup de famille et je suis fils unique alors, il n’y avait pas grand monde à l’enterrement. Enfin, c’est ce que je suppose car je n’y suis pas allé. J’ai pleuré jusqu’à ce qu’il n’y est plus de larmes et même là, mon corps était secoué de sanglots. J’ai fait une dépression selon les médecins. Du coup, j’ai passé un an à me morfondre. Puis, j’ai décidé de reprendre mes études et de noyer ma peine dans le travail.

J’ai décidé que je deviendrais neurochirurgien. A partir de cet instant, je n’ai cessé de travailler jusqu’à être enfin un vrai médecin à part entière. J’étais le Dr Lawrence. Et ça me plaisait. Je n’avais pas d’amis et mais j’avais désormais une bonne réputation et je suis encore convaincu que je serais allé loin si je n’avais pas perdu le droit d’exercer. Mais malheureusement l’incident a eu lieu…

Je me rappelle m’être réveillé en sursaut par un cauchemar atroce. C’était un géant qui ravageait New York et bizarrement, l’Empire State Building était pris d’assaut par… je ne sais quoi. Je me suis levé et j’ai regardé par la fenêtre puis j’ai hurlé. A n’en plus finir. Dehors, il y avait un géant, un vrai, et des personnes ? qui voletaient autour. Toutes les voitures étaient en arrêt et tout le monde dormait. Je suis descendu de l’immeuble et j’ai secoué une personne endormie sur le trottoir. Elle n’a pas bougée. J’ai vraiment commencé à avoir peur quand des adolescents sont passés devant moi armés d’épées en bronze. Je suis remonté très vite et je me suis enfermé dans mon studio. Puis, j’ai pleuré et je ne suis plus ressorti avant une semaine. Il m’a fallu faire un effort surhumain pour refaire un pas dehors. D’ailleurs tout semblait normal. Je suis retourné à l’hôpital convaincu que j’étais fou. Je suis neurochirurgien, vous comprenez ? J’ai faire un scan de mon cerveau pour trouver ce qui clochait. Mais rien. J’ai essayé d’oublier l’incident et ma vie a repris son cours.

Mais, quelques semaines plus tard, j’ai vu quelque chose d’affreux, une espèce de femme-serpent. Je l’ai même touché pour m’assurer qu’elle était bien réelle avant de déguerpir. Puis j’ai une grossière erreur. J’en ai parlé. Cela m’obsédait. Je voulais comprendre. Sans compter que je faisais de plus en plus de cauchemars concernant des gens qui s’entretuent avec des épées. Je n’allais pas très bien. Mes collègues étaient sur le qui-vive. Ils attendaient la moindre erreur. Elle n’a d’ailleurs pas tardé à survenir…

Un jour, une femme est venue me voir, pour une tumeur au cerveau. Et puis son mari était derrière elle et quand j’ai levé les yeux vers lui et j’ai hurlé. Il n’avait qu’un œil. J’ai paniqué, je m’en rends bien compte mais tout ce qui compte c’est que je lui ai balancé une béquille à la figure. Après cela, je me suis justifié mais ils m’ont retirés le droit d’exercer et pour couronner le tout, ils m’ont interné dans un hôpital psychiatrique.

C’était horrible là-bas. Comprenez-moi bien, je passais mes journées enfermé dans une chambre. Mes cauchemars devenaient de plus en plus violent alors ils me droguaient. Un jour je me suis dit que j’étais vraiment fou pour de bon et je me suis dit qu’il ne servait à rien de vivre ainsi. Alors je me suis pendu. Je vous épargne les détails mais, un infirmier est arrivé à temps me sauvant de justesse de la mort. Pour éviter que je recommence, ils m’ont attaché au lit avec des lanières. Je ne sais pas combien de temps je suis resté là-bas mais je sais que j’ai failli devenir fou pour de bon. Finalement, j’ai réussi à voler des médicaments à une infirmière. Je ne sais pas ce que c’était mais j’ai avalé la boîte entière. Encore une fois, ils m’ont fait un lavage gastrique et m’ont sauvé. J’étais désespéré à cet instant. Je ne savais plus quoi faire. Tout a changé quand j’ai compris que je n’étais pas fou. Je ne sais pas comment je l’ai réalisé mais ça m’a délivré. Je suis devenu un patient exemplaire et je gardais tout mes cauchemars pour moi. Aucun monstre ne venait me rendre visite et je faisais mine d’être guéri. Aussi, ils me laissèrent sortir. J’ai regagné mon appartement et les vraies recherches ont commencé…

J’ai rapidement compris que tout avait l’air lié à la mythologie grecque et je n’en suis pas encore sûr mais je pense que le monde divin existe ! Vous comprenez, docteur ? Je ne suis pas fou ! Je suis brillant ! Et je vais découvrir la vérité ! Je ne suis pas fou et je vais bien ! »

Le docteur m’observa presque avec pitié, mais cela, j’en avais l’habitude et je m’en fichais. Je l’avais dit à voix haute, je n’étais pas fou et je vais bien ! Le psychiatre, les mains bien en évidence sur la table (à mon souhait) me dit avec un sourire las :

« En admettant que ce soit vrai…
- Ça l’est ! le coupai-je d’un ton sec.
- D’accord… Mais souffrez tout de même de paranoïa. Je laisse mes mains bien évidence pour éviter que vous ne fassiez une crise de panique. Votre paranoïa entraîne un sentiment de persécution qui vous plonge dans une solitude absolue. Vous souffrez également d’agoraphobie… Franchement, vous appelez ça allez bien ?
- Docteur, je ne veux pas me montrer impertinent, mais je sais déjà tout cela ! On me l’a déjà expliqué et je suis médecin, moi aussi ! Vous savez ce qui m’a rendu ainsi ? L’hôpital psychiatrique dans lequel on m’a interné pour de mauvaises raisons !
- Monsieur Lawrence…
- Docteur Lawrence !
- Mais enfin, vous n’êtes même plus médecin !
- Ce n’est pas parce qu’une bande d’abrutis m’a retirer le droit d’exercer que j’ai perdu mes capacités ! En tout cas, merci pour tout, mais cette séance est terminée, et d’ailleurs, il n’y en aura pas d’autres ! »

Je sortis du bureau en regardant nerveusement autour de moi, la secrétaire me regardait étrangement. Elle avait la main dans sa poche, et je compris immédiatement qu’elle s’apprêtait à sortir une arme. Je piquai un sprint jusqu’à ma voiture. Tout ce monde m’oppressait… Je démarrai fébrilement tandis que les gens murmuraient sur mon passage. Ils parlaient tous de moi. Je poussai un petit gémissement et me garai devant mon immeuble. Je rabattis ma capuche sur ma tête pour éviter qu’on ne me reconnaisse et courus jusqu’à mon appartement (au rez-de-chaussée au cas où je devrais fuir un quelconque danger). Une fois à l’intérieur, je m’enfermai à double tour et fermai tous les volets. Je m’assis sur mon lit en me prenant la tête dans les mains. Je savais bien que la secrétaire n’avait pas d’arme et que personne ne parlait de moi. C’était juste de la paranoïa… Une fois que mon cœur eut ralentit et que je me sentis de nouveau en sécurité, j’observai toutes recherches collés au mur sur des panneaux de liège. Tout me menait au monde grec et je comptais bien en découvrir plus…