I. "Megafolle, la cinglée. c'est pour ça que ta maman t'a jetée à la poubelle ? elle savait c'que t'allais devenir ! en plus t'es même pas belle". Ce jour-là, tu n'avais pas envie d'écouter Lola. Pourtant elle était là, à se moquer avec ce chewing-gun violacé dans la bouche. Lola, c'était cette gamine blonde et mignonne de l'orphelinat. A croire que l'univers avait créé un être cruel et en tout point opposé à toi. Et ce jour-là, tu n'avais pas envie d'écouter Lola. Pourtant, lorsqu'elle a été adoptée et toi non, tu t'es dit qu'elle avait peut-être raison. Parce que toi, t'es Megafolle, alors les parents ils ne veulent pas de ton regard perçant et de tes genoux abîmés. Ils veulent des gamines comme Lola.

II. Enfant à problèmes, c’est comme qu’ils t’appelle. Mais ils ne te comprennent pas, t’as rien demandé toi. Les emmerdes te collent à la peau partout ou tu vas. Et ils ne te croient pas quand tu dis que c’est la vielle dame qui t’as agressée avec ses griffes acérées, quand tu raconte que le concierge du collège a voulu te dévorer. Ils font que t'enfermer dans le placard à balais, encore et encore. Ils pensent te mater. Enfant violente, enfant sauvage. La rage te détruit. T’es en colère, contre le monde, contre toi même. Ils ont tous  peur de toi. Mais toi, t’es terrifiée de ton reflet. Quelquefois, il fait froid dans ta tête. Ça fait comme des courants d'air glacial qui englobent ton cerveau. Alors tu le réchauffes à l'alcool et à la clope parce que c'est un peu doux-amer comme l'envie viscérale d'en finir avec cette existence merdique.

III. C’est là qu’il s’est pointé, t'avais quatorze ans, t'as rien compris. Ce type est arrivé à l'orphelinat avec ses jambes poilues comme si de rien n'était. Mais toi, t'as jamais voulu de ça, de cette merde de pouvoirs et de destin héroïque. Alors t'es restée silencieuse. il t'a parlé des Dieux, de tes origines, du bien et du mal pendant longtemps, mais t'as pas dit un mot. Il a dit que tu devais partir avec lui, qu’il t’emmenait dans un endroit génial, avec des gens comme toi. Tu lui a demandé si il pouvait te laisser seule un moment. Et là, t'as hurlé à la mort. T'as compris que t'avais été abandonnée à cause de ta condition. Ton dégoût de soi, c'est à la mythologie que tu le dois. Et tu la hais pour ça.

IV. Ça faisait deux ans que t’étais à la Colonie, c'était l'occasion de tirer une croix sur ton passé, de devenir une nouvelle personne, quelqu'un de bien. Toi, t'as préférer devenir pire. Après ta revendication, tes pouvoirs sont apparus. Ils sont dangereux ça tu l'sais, t'es pas conne Meg. T'as compris que tu pouvais faire du mal aux autres, aux plus faibles. C'est jouissif d’avoir le contrôle. De gamine sauvage, t'es devenue garce impitoyable. «Il est plus sur d’être craint que d’être aimé», n'est ce pas ? Tu te balades avec ton armée de brutes à tes pieds, cherchant une pauvre victime à terroriser. La digne fille de son père. On ne peut pas lutter contre sa nature profonde.

V. Tu la regardes. Putain qu'est ce qu'elle est belle. Charlie. Charlie. Char-lie. Les lettres dansent sur ta langue. En fait, elle aurait pu s'appeler Beverly ou Edna qu't'aurais quand même trouvé son prénom magnifique. Mais elle s'appelle Charlie et elle est fille d’Héphaïstos. Tu sais pas quand c'est arrivé, peut-être quand t'as commencé à admirer ses mains; des mains qui malgré le dur travail de la forge restaient délicates. Peut-être que c'était quand t'as commencé à avoir un étau dans la gorge, se resserrant à chaque fois qu'elle sourit à quelqu'un d'autre. Mais elle et toi, ça pourra jamais marcher. Charlie, elle fait partie des gentils, toi, t'es une méchante. Une sale bête. Tu fais du mal aux gens. Tu peux pas être aimée.

VI. Morts. Ils sont tous morts. Logan, Peter, June et Charlie. Et tout ça, c'est de ta faute. T'étais en charge du groupe, t'aurais du les protéger. Les sentinelles de la Colonie t'on retrouvée à demi-morte dans la foret, six mois après être partie en quête. Vous étiez cinq pour aller chercher l'armure d'Achille et y'as que toi qui est revenue, les mains vides mais maculées de sang. Ils ont essayé de te faire cracher le morceau, pour savoir ce qui s'était passé. Rien. T'étais devenue un légume, un déchet, incapable de prononcer le moindre mot. Puis, il n'y a plus eu aucune question. Justes des regards de haine et des murmures venimeux. C'était évidemment toi, le monstre qui les avaient tués. T'as pas cherché à te défendre. Ils avaient raison.

VII. Cinq ans après, t'essaye encore de tout oublier. Tu nie tout ce qui s'est passé. Pour toi, ce n'est qu'un mauvais rêve. Tu t'es barrée dès que t'as atteint la majorité, de toute façon, t'avais plus ta place là-bas. T'as loué un de ces appartements pas trop cleans, un de ceux qui tombent peu à peu en lambeaux ; un peu comme toi. T'enchaines les petit boulots, tu sors presque tout les soirs, tu défonces une créature de temps en temps. T'efforces de te convaincre que t'es redevenue celle que t'étais avant. La femme incassable, la  garce sauvage, la sale putain. Mais en fait, t'es rien qu'une pauvre fille.