Alcool, me voilà !

Je passais presque toutes mes soirées dehors désormais. J'avais du mal à supporter d'être enfermée dans le nouveau QG. Peut-être parce que je ne m'y sentais pas autant chez moi. Peut-être parce que certains de mes amis avaient changé après les tortures qu'ils avaient infligés. Peut-être aussi parce que je me sentais mal de les trahir en voyant quelqu'un qui avait participé à nous obliger à déménager.

Toujours est-il qu'une nouvelle fois, j'étais en vadrouille dehors. Mains dans les poches, j'arpentais les rues de New York que je connaissais désormais presque par coeur. J'y avais tant de fois trouver un refuge. Des amis aussi. Mais ça, c'était une autre histoire.

Je me retrouvais dans le quartier de Soho. En m'en rendant compte, passant près d'une rue que je connaissais par coeur, je décidais de faire un tour par le bar de Sonny Gaither. Beaucoup de demi-dieux y avaient leur habitude. Avec un peu de bol, personne qui ne savait ce que je faisais ces derniers temps.

Je poussais la porte de l'établissement. Je fis un rapide tour des horizons. Aucune tête connue. Je respirais plus facilement et m'approchais du bar. Je commandais une bière puis cherchais où m'asseoir. Et c'est là que je le vis, moitié endormi. Finalement, il y avait une tête connue ici.

J'attrapais ma bière et me dirigeais au fond du bar. Je la posais sur la table avec un grand fracas tout en m'asseyant en face de Gideon, mon demi-frère. Je ne l'avais pas vu depuis un long moment. Il n'avait jamais trop été à la Colonie et je l'avais donc rencontré à New York, au moment où je cherchais à tout prix à m'enfuir loin de notre père, Arès. Il m'avait un peu aidée et vu son état, ça allait peut-être être à mon tour de le ramener en un seul morceau chez lui.

Je lui lançais donc, avec un grand sourire moqueur :

"Debout. Sinon le barman va te virer."

Alcool, me voilà !

En entendant ma voix, Gideon se redresse tant bien que mal avant de me déclarer, de sa voix imprégnée d'alcool :

"Salut, Adri' ! Qu'est-ce que tu fais là ? J'ai l'impression que ça fait des années qu'on ne s'est pas vus ! Te fais pas de bile pour le barman, il est habitué ! Alors, ma chère ? Comment ça va ? La dernière fois qu'on s'est vus, tu entrais dans la "Résistance", si je me souviens bien ?"

Je manque de l'embrocher sur place mais je serre les poings très fort pour éviter de laisser échapper ma colère. Pendant qu'il y était, autant le crier sur les toits ! Le monde était déjà assez dangereux pour les demi-dieux sans que mon cher demi-frère n'aille m'attirer d'autres ennuis...

Ne remarquant pas mon envie de l'assommer, le fils d'Arès fit signe au barman de lui apporter une autre bière. Avant que je n'ai eu le temps de l'en empêcher, Gideon avale un liquide étrange puis se met de nouveau à s'imbiber de houblon. Je serre les dents. S'il continuait comme ça, il risquait de révéler d'autres choses bien plus embêtantes et bien plus bruyamment que précédemment. Et je ne pouvais pas vraiment le laisser faire.

"Tiens, t'en veux ? C'est du nectar. Je te jure que mélangé à la bière, c'est trrooooppp bon, nom de Zeus !"

Il dégaine une autre fiole que j'attrape au vol.

"Plus de ça pour toi. Et c'est ta dernière bière mon cher."

Je range la fiole de nectar pour éviter qu'il s'empoisonne tout seul. Je bois ensuite un peu de ma bière avant de me décider à répondre à sa toute première question.

"Et si tu veux tout savoir, je me baladais et ça va plutôt bien... Les soucis de demi-dieux habituels mais j'y suis habituée maintenant. Et toi ? Pourquoi tant d'alcool ce soir ?"

Alcool, me voilà !

"Si tu veux tout savoir, ma poule, je bois pour fêter la fin de la semaine et aussi pour oublier tout ce qui se passe actuellement."

Je soupire. Moi aussi j'aimerais oublier tout ça. Toute cette guerre. Si seulement tous les autres voyaient que les Dieux ne valaient rien et qu'il fallait nous aider plutôt que se mettre en travers de notre route... Mais non. Ils s'entêtaient à nous voir comme les méchants. Ce qui avait résulté en une vraie boucherie pour mon plus grand regret.

Gideon s'approcha soudain de moi et je sursautais, sortie sans prévenir de mes pensées.

"Vois-tu, ma neutralité (que je comptais préserver) est dangereusement menacée. Y a pas si longtemps, j'ai eu une discussion plus qu'intéressante avec une personne très sympa et j'ai appris que la situation actuelle est encore plus bordélique que je l'avais imaginé... A cause de l'attaque de la Résistance sur la Colonie, des camps se forment et les Demi-Dieux sont obligés de choisir un camp pour ne pas être emmerdés ! Bien sûr, ça me concerne aussi et je me retrouve obligé de peser le pour et le contre de chaque option... Ce qui résulte en partie de la murge que je suis en train de me mettre... Je te critique pas, mais j'aimerais vraiment comprendre pourquoi votre "Résistance" attaque des Demi-Dieux apparemment innocents dans la Colonie alors que votre but est de foutre une branlée aux Olympiens... Franchement, si j'avais l'opportunité de foutre une rouste à l'autre débile, je le ferais, mais c'est pas pour autant que je blesserai les autres ! Adri', dans mes souvenirs, tu t'en prenais jamais aux innocents, pourquoi t'a rejoins cette bande de fanatiques ?"

Je serrais les dents en l'écoutant. Oui. Apparemment, après l'attaque sur la Colonie, c'était désormais une obligation : il fallait choisir un camp. Pour ce que j'en savais, mieux valait ne pas rester au milieu. Mais mieux valait aussi ne pas être du côté de la Colonie qui s'était faite décimée. Remarque, ils avaient aussi éparpillé nos rangs... Certains d'entre nous avaient aussi été capturés et torturés. Mais ça, personne n'en parlait. Parce qu'on était censés être les méchants.

J'avalais la moitié de ma bière avant de me décider à répondre.

"Ce qui s'est passé. Les tortures. C'est mal. Si j'avais été au commandement, ça ne serait pas arrivé. Mais ce n'est qu'une petite partie de nos effectifs qui sont des "fanatiques" comme tu les appelle. Nous voulons seulement détruire les Dieux. Ils étaient dans notre passage... Et eux aussi ont torturé les nôtres. Tout n'est pas tout blanc ou tout noir. Personne n'est innocent dans cette histoire, Gideon. Et tu détestes Arès. Tu sais pourquoi j'ai rejoint la Résistance. Pour les détruire, lui et les autres."

Alcool, me voilà !

"Adri', comprends bien que je ne te reproche en rien ce qui c'est passé à la Colonie. Simplement, je veux à tout prix éviter la Guerre entre la Résistance et la Colonie, hors pour cela, je dois savoir ce que vous préparez... Je ne veux pas connaître vos projets de destruction de l'Olympe et tout ça, simplement, je veux savoir si vos prochaines actions porteront atteinte à la vie de certains Demi-Dieux. Tu dois le savoir, non ? Je me fiche de ce que vous comptez faire, je me fiche de savoir qui à raison ou pas, je veux juste préserver la vie d'innocents... Ma chère sœur, tu veux la chute d'Arès autant que moi, mais je préfère nettement m'allier à cet enfoiré pour sauver des vies pour l'instant et lui botter le cul après. Sache-le, je me suis allié à la Colonie... J'ai dû choisir entre me battre et faire des victimes innocentes et protéger les autres sans avoir à réveiller mon pouvoir. J'espère que tu me comprends, Adri'... Si j'avais rejoint la Résistance, ils m'auraient obligés à utiliser le pouvoir du Berserker et ça je ne le veux pas ! Mais, malgré tout, je ne veux pas me battre contre toi, même si nous sommes dans des camps opposés... Je souhaite garder une bonne relation avec toi, car nous nous comprenons, même si nos avis divergent sur la question des Dieux. Si tu as l'occasion, rends-moi service, dis bien aux chefs de la Résistance que je veux régler le conflit de manière diplomate, sans violence, en versant le moins de sang possible..."

Je manquais de recracher ma bière en l'entendant. Dévoiler nos plans ? Ils ne voulaient pas non plus nos effectifs précis, notre armement et notre QG pendant qu'il y était ? On croyait rêver... Nous étions des enfants d'Arès et, même si ce n'était pas aussi développer que les Athéna, nous avions un certain sens de la tactique. Il le savait : dévoiler une partie de nos plans, c'était vendre toute la Résistance. Et ça, c'était hors de question. La moindre information et c'était les nôtres qui essuieraient de lourdes pertes. Il était hors de question que je vende mes compagnons d'armes, mes amis, ma famille.

Je le comprenais. Je comprenais son choix même si je n'approuvais pas. Je savais à quel point il détestait le Berserker. Plus que je ne haïssais mon propre pouvoir. La Résistance lui aurait sans doute demandé d'en faire usage, même si une simple et ferme opposition aurait pu lui éviter. Mais ce n'était pas à moi de décider de prendre ou non le risque. Il avait fait son choix, j'avais fait le mien. Et oui, nous étions proches mais de là à trahir mon clan ?

"Je comprends. Mais tu peux te brosser pour que je te révèle quoi que ce soit, Gideon."

Je tentais un faible rire, pour détendre l'ambiance. Me détendre avant que je ne devienne hors de contrôle. Ca ne servait à rien. Et ça atteindrait mon demi-frère. Mauvaise idée.

"Que tu ne veuilles pas être avec nous, certes. Mais il est hors de question que je dise quoi que ce soit. Ce qui ne remet en aucun cas notre relation en question. Je suis ta soeur et si tu ne viens pas me tuer, ça restera comme ça."

Alcool, me voilà !

"Adri', ce que je te demande, ce n'est pas de vendre la Résistance. Ce que je te demande, c'est de m'aider à faire en sorte que nos deux camps essuient le moins de pertes possible... Je sais que vous aussi, vous avez eu des victimes, qui n'avaient peut-être rien demandé... Mais mon but, ce n'est pas de vous exterminer. Mon but, c'est d'éviter une autre Guerre des Héros. Vous avez vos idéaux, ce que je respecte. Mais je ne peut pas tolérer le fait que, dans un camp comme dans l'autre, les belligérants usent de méthodes barbares et absolument affreuses. Or, je ne pourrais pas atteindre mon but si je n'arrive pas à discuter de manière pacifique, en faisant en sorte que les deux camps évitent de se foutre sur la gueule comme des malades de manière diplomatique. Nous savons tous les deux qu'en usant de violence, aucun de nos camps n'arriveront discuter. Alors, je ne te demande pas de me dire ou vous êtes, combien vous êtes, les armes que vous possédez ! J'en ai rien a branler de ça ! Je te demande juste de me dire ce que vous comptez faire prochainement pour que je puisse faire en sorte d'éviter un massacre d'innocents ! S'il te plait, Adri', aide-moi..."

Je voyais bien qu'il était sincère, que cette situation le touchait. Je n'avais pas l'habitude de le voir comme ça. Mais ça n'y changeait rien. Si ses intentions étaient louables, je ne pouvais pas avoir confiance dans les autres. Ceux de la Colonie. Ils voulaient notre mort. Je n'étais pas si naïve.

"Sois réaliste. Mes chefs ne voudront rien savoir et ils te garderont dans nos geôles. Je ne veux pas de ça pour toi. Et il en ira de même pour la Colonie : ils ne voudront pas la paix mais nous tuer."

Je le vois fermer les yeux pour se calmer. Pour une fois, ce n'est pas de mon fait. Je maîtrise ma colère particulièrement correctement en cet instant. Mais Gideon aussi a sa malédiction. Je pose ma main sur son bras.

"J'aimerais t'aider mais ça ne ferait que provoquer plus de pertes."

Alcool, me voilà !

"Désolé, Adri'... Les moments de stress me mettent un peu hors de moi... Enfin, bref. Donc, comme je te disais, je veux faire en sorte d'éviter des morts. Ce qui signifie que je peux faire en sorte d'organiser une rencontre pacifique entre votre camp et le mien. Bien sûr, je comprendrais que vous refusiez, mais je tente quand même, on ne sait jamais. Et de toute manière, si je me fais capturer, on sait tout les deux ce qui se passera... Tu connais mes pouvoirs, non ? Je ne crains pas la rencontre, vu que je résiste aux lames et aux balles. Alors, je comprends tout a fait que tu ne veuilles pas divulguer des informations, vu qu'au niveau tactique, c'est complètement idiot. Mais réfléchis à mon offre, s'il te plait. Si tu as l'occasion, parles-en à quelqu'un de responsable dans votre camp. Tu peux leur dire tout ce que tu sais sur moi, mes pouvoirs, et toutes ces conneries, je m'en fous. Je peux faire en sorte de négocier avec mon camp pour arrêter les tortures, les interrogatoires musclés et tout ça mais il faudrait que vous en fassiez de même. Tu en penses quoi ?"

Dans l'idée, c'était bien beau. Dans la réalité, aucune chance que ça n'arrive. Certains auraient beau vouloir réinstaller la paix, si on faisait se rencontrer les deux camps maintenant, ça tournerait au massacre. Personne n'était prêt à laisser tomber. Et les Dieux devaient s'en délecter... Ils n'avaient rien à faire, on s'entretuait très bien tous seuls.

Je soupirais et c'est d'un ton presque suppliant que je continuais :

"Abandonne. C'est louable ce que tu fais mais tu sais ce qui se passera, en réalité ? Si tu parviens à organiser une rencontre, ça finira en bain de sang malgré toute la bonne volonté que tu y mettras. Tu n'as pas vu ce que j'ai vu... Tu ne sais pas ce que je sais. Ils nous détestent et vice-versa. Il n'y a plus rien à faire."

A part se battre. Ou rester sur le côté à attendre que le carnage soit terminé.

Alcool, me voilà !

"Ne sois pas défaitiste, ma poule ! Les causes qui semblent perdues ne le sont pas toujours ! Regarde, si Kronos avait été défaitiste, il n'aurait jamais castré Ouranos et si les Trois Grands avaient étés défaitiste, eux aussi, ils n'auraient jamais foutus une branlée à Kronos ! J'ai un plan, mais il faut que tu m'écoutes, parce que tel que je le conçois, il pourrait bien marcher.
Toi et moi, on va essayer de discuter avec les chefs de nos camps respectifs, donc toi avec les chefs de la Résistance et moi, dans une certaine mesure, avec les Dieux. Il faudrait que nous trouvions une personne qui puissent représenter chaque groupe et organiser une rencontre entre ces deux personnes. Toi et moi serons également de la partie. Il faudrait que la rencontre se fasse dans un lieu clos, comme un entrepôt par exemple, où un lieu avec une seule entrée et une passerelle. Lors de cette rencontre, les représentants seraient face-à-face, sans arme. Si la rencontre venait à déraper, tu utiliseras ton pouvoir pour me mettre en rogne et pour faire en sorte que je devienne un Berserker (puis tu iras te mettre en sécurité). Les représentants seront au courant de cette condition et, par pure logique, feront en sorte de discuter pacifiquement ! Bien sûr, il faut que les représentants soient des gens importants, comme des chefs, pour chacun des camps, sinon, le sacrifice serait négligeable. Ce n'est pas une bonne idée, ça ?"

Je soupirais et terminais ma bière. Son idée était loin d'être mauvaise. Dans l'idée. Dans les faits, je sentais que ce serait tout autre chose. Déjà, convaincre quelqu'un - Cyril, Aldric ou même Alice - serait des plus compliqués. Ils n'avaient pas confiance dans la Colonie et ils rêvaient entre autres de la détruire, en même temps que les Dieux. Etrangement, je ne voyais non plus personne à la Colonie vouloir une rencontre pacifique.

Et même si ils acceptaient et qu'ils savaient la condition de Gideon, j'avais de gros doutes. Mais je savais aussi que mon demi-frère ne me laisserait pas tranquille tant que je n'aurais pas accepté son plan totalement farfelu.

Avec un énième soupir, je lui dis donc d'un air résigné :

"Je veux bien essayer. Mais je ne te promets rien. Je n'ai pas vraiment de pouvoir à la Résistance et je serais surprise qu'ils acceptent. Mais je veux bien tenter le coup pour toi, ça te va ?"

Alcool, me voilà !

"Merci, Adri' ! Je t'adore ! Mais ne t'en fait pas pour le pouvoir... Après tout, le pouvoir ne se résume pas à la puissance, ou à l'influence politique que l'on possède. Le pouvoir, ma poule, c'est de pouvoir changer les choses par les mots, pas par la violence. Tu voit, les gens comme toi et moi possèdent quelque chose que les fanatiques des deux camps n'ont pas : la volonté de se dire que les actions menées peuvent prendre différents chemins pour arriver au même résultat, mais également la possibilité de se mettre à la place des autres. Toi, moi, et bien d'autres encore peuvent se dire que d'autres opinions existent et qu'il faut les accepter tel quel sans essayer d'y changer quoique ce soit. En vérité, le pouvoir, c'est la compassion et l'intelligence. Il est regrettable que tu ne soit pas chef de la Résistance, ma poule, parce que ainsi, le dialogue en serait plus simple. Au fait, comme je te le disais tout à l'heure, si tes chefs ne t'écoutent pas, peut-être est-il possible qu'il m'écoutent ? Prévient moi si ils ne veulent pas, je viendrais directement à vous, pacifiste et diplomate, comme à mon habitude !"

Il m'embrasse et un petit rire m'échappe. Il y avait une raison si je m'entendais bien mieux avec mes demi-frères qu'avec mes demi-soeurs. Ca avait toujours été le cas. En fait, je crois que j'adorais avoir des frères, surtout quand ils s'occupaient de moi. J'avais l'impression d'avoir une famille. Ca me changeait de mon enfance...

Mais trêve de bavardages ! Je ne suis pas là pour parler de mes petits tracas - ou traumatismes - d'enfance.

Gideon commanda une ligne de shot et l'avala avant que je n'ai eu le temps de l'en empêcher. Je le regardais, la moue boudeuse.

"Il est temps que tu rentres chez toi mon cher. Et moi aussi d'ailleurs."

Je me levais et lui tendis la main.

"Allez, viens. Je te trouve un taxi."

Alcool, me voilà !

"Yup, il faut bien rentrer à un moment ! Let's go, ma poule !"

Il me suit dehors, me devançant pour payer malgré sa démarche peu assurée. Je soupirais, ne pouvant pourtant pas cacher mon petit sourire plein d'affection pour mon frère, tout bourré qu'il était.

La porte passée, la pluie nous tombe dessus comme un rideau. Je m'apprête à pester et à courir chercher un taxi lorsque j'entends Gideon se mettre à chanter. Je le regarde, ébahie. Alors là, il était ivre mort pour se mettre à pousser la chansonnette en sortant d'un bar, trempé en quelques secondes par la pluie.

Mais étrangement, je trouve ça hilarant. J'éclate de rire et le laisse finir sa chanson, scrutant les alentours à la recherche d'un taxi libre. Je ne quitte Gideon des yeux que quelques secondes et le retrouve, clés en main, près d'une magnifique Aston noire.

"Adri', je rentre en bagnole, tu veux que je te ramène au passage ? T'inquiète pas, je suis pas assez bourré pour avoir un accident !"

Je poussais un long soupir et, en un éclair, j'attrapais ses clés. Je les lançais, les gardant hors de sa portée, jouant avec comme avec une balle de baseball.

"Tu choisis : soit je conduis, soit tu prends un taxi. Et je suis sérieuse."

Alcool, me voilà !

"Bon, conduis alors, ma poule! Je peux pas laissez ma bagnole là, on risque de me la piquer ! Par contre, fais gaffe au démarrage, ça surprend un peu !"

Je lui adresse un petit sourire et ouvre la voiture. Je l'aide à se mettre à la place passager puis je fais le tour et m'installe au volant de l'Aston pendant que Gideon en profite pour vomir. Je caresse le volant en cuir avant de tourner la clé dans le contact. Le bolide ronronne. Un vrai plaisir pour les oreilles.

Je m'engage sur la route, direction l'appartement de Gideon.

"T'sais, Adri', je trouve ça assez con que malgré les divergences d'opinions, les Demi-Dieux ne fassent pas une trêve pacifiste dans certaines occasion... Regarde-nous ! On est censés être ennemis et pourtant, on se fait confiance ! C'est fou, non ? Ce que la force des liens peut faire. Seul, nous ne sommes rien, mais ensemble, nous pouvons renverser des Empires ! C'est ça, la force de la famille, ma poule ! Ce n'est pas les alliances qui nous sauverons, c'est la famille... Vois-tu, je déteste Arès, mais il y a une chose que j'approuve, en quelque sorte, dans sa philosophie : Mourir avec Honneur, c'est Mourir à la Guerre ! Mourir en nous battant pour les choses que nous chérissons le plus ! Les Spartiates comprenait cette vision des choses et l'appliquaient, pour sauvegarder l'honneur de leur Cité Chérie ! Ainsi, le sacrifice de Léonidas est un exemple ! Enfin, ça n'empêche pas que Arès est le dernier des enculés !"

Je ne l'écoute que d'une oreille, concentrée sur la circulation new yorkaise et le magnifique bolide que je suis en train de conduire. Mourir au combat : très peu pour moi. Ca avait failli m'arriver et si je regrettais qu'Arès ne m'ait pas laissée crever, je ne me voyais pas recommencer.

Soudain, Gideon se tordit sur son siège et tenta tant bien que mal de me prendre dans ses bras. Je me débrouillais pour garder les mains sur le volant.

"Sache une chose, Adri', même si je dois me mettre l'Olympe à dos, même si je dois me battre contre tous les Demi-Dieux de la Terre, même si je dois affronter la mort en personne, je serais toujours là pour te protéger !"

Je lui souris. Il se détacha de moi et tomba assoupi. Je me garais devant chez lui et demandais au portier de m'aider à le monter dans son appartement. Je le laissais tomber dans son lit et sortis après lui avoir laissé un petit mot lui promettant de le recontacter quand j'aurais des nouvelles pour une possible rencontre.