Mayte avait donc quitté son foyer au beau milieu de la nuit, laissant tout de même une note à son père. Qu’il n’allât pas croire qu’elle avait été enlevée ou autre chose du genre ! Elle avait pris plusieurs cars, alternant entre cette solution et ses jambes jusqu’à pouvoir prendre le train, soit, une fois l’Argentine quittée.
Il lui avait fallu des semaines pour traverser le continent. Sa connaissance de la nature et sa pratique de la randonnée l’avaient bien aidée dans son périple, lorsqu’elle marchait, se retrouvait à travers, champs, bois, etc. Ainsi, avait-elle pu se faire des feux de camps, choisir de la nourriture comestible dans la nature, etc…
Néanmoins, elle était éreintée en arrivant aux abords de New-York. Elle entra dans la ville, mais elle la quitta aussi vite que possible. Trop grande, trop de voitures, etc… Elle était plus campagnarde que citadine… Ayant donc quitté la capitale des Etats-Unis, elle finit par se retrouver dans une forêt. A vrai dire, elle ne savait pas vraiment où elle allait. Et aussi bon que fût son sens de l’orientation, sa capacité à se débrouiller en milieu naturel, la vérité, c’est qu’elle ne savait pas où était sa sœur… Son entreprise était peut-être hasardeuse, mais cette pensée semblait n’avoir pas effleuré son esprit. Son objectif était de retrouver sa demie-sœur et elle n’en démordrait pas !
Sentant qu’elle n’irait pas beaucoup plus loin, elle fit une halte au bord d’un ruisseau. Elle s’assit un moment, observant l’étendue d’eau avant de laisser son regard se perdre dans le vide. Comment allait-elle faire pour retrouver sa sœur ? Elle avait traversé le pays, c’était bel et bien beau et Ombeline ne devait plus se trouver bien loin. Mais, il lui fallait trouver des indices, des traces du passage des chasseresses. Elle n’espérait tout de même pas tomber nez à nez avec l’une d’elle. Elle décida d’établir là son campement, à bout de fatigue. Elle alla donc chercher du bois. Elle mena cette tâche à bien en observant ce qui l’entourait, des fois que cela pût lui être utile d’une manière ou d’une autre. Elle avait terminé la besogne et était en route pour ce qui devait devenir son campement. Quand la chance lui sourit au-delà de toute espérance ou des rêves les plus fous, même si elle l’ignorait encore… Elle se retrouva effectivement face à une jeune femme, qu’elle n’avait pas entendu venir, une adolescente, plus jeune qu’elle – du moins fût-ce là sa toute première impression -, brune se trouvait là, avec un arc dans les mains et un carquois dans le dos.
Mayte en était restée sans voix. Elle était polie, mais le « bonsoir » qui s’imposait ne voulait pas franchir ses lèvres. Elle fit donc un signe de la tête à la place.

Ombeline avait eu beau faire disparaître arc et carquois, Mayte avait eu le temps de les voir, et l’information d’aller jusqu’à son cerveau pour y être analysée… Une adolescente avec un arc dans la forêt aux alentours de New York. Etait-ce possible qu’il s’agisse d’une chasseresse ? La chance lui souriait-elle ?

« Je… je n’ai pas peur de toi » parvint-elle finalement à murmurer.
Non, peur, ce n’était pas le mot. Elle était juste terriblement intimidée… Après tout, a priori, elle avait affaire à une étrangère… Qui pouvait peut-être la mener à sa demi-sœur… Mais, encore fallait-il qu’elle parvînt à exprimer ses pensées pour cela…

« Serais-tu une des chasseresses d’Artémis ? » demanda-t-elle, posant la question qui trottait dans son esprit depuis le début de la rencontre.

Qui d’autre pourrait se promener en forêt, parler de monstres, de sang-mêlés et savoir qu’elle en faisait partie ? Qui d’autre pouvait tenir un tel discours et avoir l’air d’une adolescente de quatorze ans ? Oui, elle connaissait l’existence des chasseresses d’Artémis – cela faisait partie des informations que son père lui avait données -, et avait quelques éléments en tête à leur sujet.
Répondre ou ne pas répondre à son interlocutrice quant à sa présence dans la forêt ? Telle était la question….

« Je m’appelle Mayte Clara Valdès. Et je ne suis pas perdue… Enfin, pas vraiment. »

Elle répondit au sourire de sa demi-sœur par un sourire, tout aussi léger et timide.

« Et… et toi ? Comment t’appelles-tu ? » demanda-t-elle à son tour, plutôt que de répondre au sujet de sa présence dans cette forêt, trop « fière » et indépendante pour admettre qu’elle pût avoir besoin d’aide pour trouver sa sœur.

Mayte se montrait certes aussi indépendante, timide et réservée qu’elle pouvait l’être, mais à la fois, quelque chose la poussait à faire confiance à son interlocutrice plus vite qu’elle n’en avait l’habitude, alors même qu’elle ne la connaissait pas encore. Elle était si peu coutumière du fait qu’elle le releva en elle-même.

Son interlocutrice pourrait donc la mener à sa demi-sœur, comme Mayte le constata en elle-même. Seulement, elle n’imaginait pas à quel point c’était vrai et la surprise quelques minutes plus tard resterait grande.

« Enchantée, moi aussi » retourna-t-elle poliment, alors qu’elle ne connaissait pas encore l’identité d’Ombeline.

La chasseresse chauffait en pensant qu’elle cherchait quelque chose. Il suffisait de changer le quelque chose en quelqu’un. L’argentine réfléchissait à donner une réponse de ce style quand elle eut les réponses à ses questions… Et qu’elle sût qu’elle arrivait déjà au bout de sa quête. C’était donc sa demi-sœur avec qui elle discutait ! Et à qui, sans sa réserve, elle aurait dit qu’elle cherchait Ombeline Chase.

« Je… » la parole lui manqua de nouveau.

Fatigue et émotion se conjuguant, la jeune sang-mêlé jugea plus sûr de s’asseoir. Elle invita d’un signe sa demi-sœur à faire de même. Ayant pris le temps de reprendre la maîtrise de la situation, elle répondit aux questions qui lui avaient été posées.

« Tu n’es pas indiscrète. Je suis une petite-fille d’Apollon par mon père et Athéna est aussi ma mère. Toi et moi, nous sommes demi-sœurs. Quant à ce que je cherchais, il fallait plutôt demander qui. Mon père ne m’a que très récemment appris à la fois qui j’étais et ton existence. Et je suis venue pour faire ta connaissance. Je suis ravie d’être tombée aussi rapidement sur toi ! »

Un sourire se dessina sur les lèvres de la jeune fille lorsqu’elle prononça cette dernière phrase.

« Si tu veux bien, j’aimerais bien que tu me dises… Quel âge as-tu ? » se décida-t-elle à demander.

C’est qu’elle avait envie de savoir si Ombeline était sa grande ou sa petite sœur… D'autant que son père avait omit de le lui dire... Peut-être bien était-ce plutôt qu'il l'ignorait. Toujours était-il qu’elle savait pertinemment que ce qu’elle voyait pouvait très bien n’être qu’apparence.
Elles avaient sûrement beaucoup de choses à se dire l’une l’autre, à se raconter, du moins, si elles voulaient apprendre à mieux se connaître et tenter de rattraper le temps passé sans se voir. Si Mayte formulait cette pensée au plus profond d’elle-même, elle peinait à l’exprimer.

Les apparences étaient donc véritablement trompeuses et c’était une grande sœur que Mayte avait en la personne d’Ombeline.

« Je pense avoir compris oui. Mais, dis-moi, il y a une raison particulière qui t’a poussée à devenir chasseresse ? »

Curieuse ? Oui, sans doute, en même temps, c’était bien normal qu’elle souhaitât en savoir plus sur sa demi-sœur, non ?

« Eh bien, je voulais faire ta connaissance, oui. Mais, comment dire…. ? » commença-t-elle, avant de marquer une interruption dans son discours, se laissant le temps de formuler la suite.

Autant ce qu’elle souhaitait était clair au fond d’elle-même, autant l’exprimer clairement était moins aisé.

« Pas simplement te rencontrer, mais aussi, en savoir plus sur toi, tisser des liens. Tu sais, j’ai été élevée comme une fille unique. J’ai l’impression quelque part qu’on a perdu des années précieuses en étant élevées et en grandissant loin l’une de l’autre. J’ai envie… que tu aies ta place de « grande sœur » dans ma vie,… Si tu es d’accord bien sûr »

Mayte ne savait pas si elle avait réussi à faire passer clairement son idée, mais pour l’heure, elle ne voyait pas comment mieux dire les choses.

« Ce que je compte faire après ? Pour être honnête, j’ai pris mes affaires et je suis partie en suivant une impulsion, sur un coup de tête comme diraient certaines personnes. Et… je n’ai pas vraiment réfléchi à la suite… »

Sans doute que quelque part, elle s’attendait à prendre plus de temps à trouver sa sœur… Et qu’il serait toujours l’heure de se pencher sur la question de « que faire » ensuite. Mais, justement, l’heure de résoudre ce point semblait sinon arrivée, bien proche…
En même temps, elle eut l’occasion de constater qu’elle parlait à Ombeline un peu comme si elles s’étaient toutes deux connues depuis toujours alors que cela ne faisait que quelques minutes. Et si les liens du sang expliquaient peut-être ceci, cela restait étrange avec le tempérament de la jeune sang-mêlé.

« Tu as peut-être des suggestions à me faire sur la question ? » demanda-t-elle à sa demi-sœur.

L'argentine se trompait peut-être, mais elle avait comme l'impression qu'en l'interrogeant comme elle le faisait, Ombeline avait une idée derrière la tête...

Mayte écouta attentivement les explications qu’Ombeline lui fournit sur son choix de rejoindre les chasseresses. Lorsqu’elle lui parla de ne pas être cantonnée au même endroit, la jeune argentine se prit à penser qu’une vie de nomade ne serait pas faite pour lui déplaire non plus… Elle se prit également à rêvasser de vivre en contact avec la nature, au quotidien.

« Oui, je pense que je comprends… » répondit-elle, songeuse.

C’est qu’elle réfléchissait à ce que lui avait dit sa demi-sœur. Souhaitait-elle rejoindre les chasseresses ? Et si oui, quelles seraient ses motivations ? Pouvait-elle en trouver d’autres que de simplement rattraper le temps perdu avec Ombeline ?

« Je doute de toute façon qu’une vie de sang-mêlé soit de tout repos. Et ce n’est pas forcément ce que je cherche. Ça finirait sans doute pas être ennuyeux… »

Sans doute était-ce là son tempérament téméraire qui s’exprimait.

« Je ne pourrais pas rejoindre les chasseresses sans que le fait de pouvoir passer plus de temps avec toi n’entre dans mes motivations. » commença-t-elle, honnêtement.

« Ce qui ne veut pas dire que je ne puisse pas en avoir d’autres. J’aime bouger, découvrir des endroits et être en contact avec la nature, alors le mode de vie nomade des chasseresses m’irait très bien aussi. Et puis, c’est vrai que je n’aime pas me battre pour me battre, mais c’est super ce que vous faites de rayer des monstres de la carte, aussi temporaire que ce puisse être ! »

Oui, son père avait pris le temps de lui expliquer au passage le B.A ba, soit qu’elle pouvait aussi bien mourir sous le fer des mortel que de par une arme en bronze céleste. Il lui avait donc aussi parlé du fait que lorsqu’on tuait un monstre, on pouvait aussi bien s’en débarrasser pour quelques jours que pour plusieurs années, mais qu’il finirait par revenir tôt ou tard.
Comment pouvait-elle exprimer son sentiment, ce qui lui paraissait si beau dans l’affaire.

« J'ai l'impression... Qu'au final, vous protégez Artémis, mais aussi les autres sangs-mêlés et je trouve tout ça magnifique. Je… Comment dire… Pouvoir contribuer à améliorer la sécurité des uns et des autres ne serait pas pour me déplaire, loin de là »

Quant à renoncer aux hommes, elle n’était de toute façon pas amoureuse et ne devait donc pas renoncer à l’un d’eux en particulier. Le sacrifice ne lui semblait donc pas si grand que ça. Et d’ores et déjà, elle avait pris sa décision.

Mayte écouta attentivement sa sœur. Que s’engager dans les chasseresses signifiât ne pas leur faire faux bond derrière lui paraissait… disons… logique.

« Oui, je comprends qu’il faille être sûr de soi et de ne pas changer d’avis en faisant ce choix. » assura-t-elle à sa sœur, sans tarder
.
Elle avait été d’autant plus rapide à le faire que cela faisait sens pour elle.

« C’est peut-être plus dangereux d’être parmi les chasseresses qu’à la colonie, mais tu sais, Ombeline, ce n’est pas de nature à me faire peur »

Ce qui était vrai. Ce danger dont sa sœur parlait ne la rebutait pas. Sans doute était-ce dû à la nature courageuse et téméraire de la jeune argentine. Au contraire, elle continuait à se faire la réflexion que cela mettrait de l’action dans sa vie et lui éviterait d’être monotone (là, c’était le côté téméraire qui s’exprimait).

« C’est une décision importante, donc tu veux que j’aie toutes les données pour peser le pour et le contre, je comprends »

Elle analysait parole par parole ce qui lui disait sa sœur, et bon, oui, peut-être voir sa sœur partir en mission solo ne lui plairait pas, mais qu’elle intègre ou non les chasseresses n’y changerait rien de toute façon… Et elle devrait faire avec. Par contre, si en tant que chasseresse, on lui confiait une mission, elle savait qu’elle en serait honorée. Donc non décidément, elle ne voyait pas de réel nuage au tableau. Du moins, pas plus gros que ceux qui planaient sur la colonie. Peut-être avait-elle une vision un peu plus romantique des choses qu’il n’y avait lieu. Quant au fait d’être figée dans son âge actuel, non, elle ne voyait pas le problème. Elle aurait été une enfant, non, elle ne disait pas, mais là ?
Protéger aussi les Dieux s’ils en avaient besoin. En un sens, ça pouvait paraître étrange, mais Artémis était elle-même une déesse, donc… Et puis, en soit, s’il était vrai qu’elle était plutôt pacifiste, elle se savait capable de prendre part à des combats s’il fallait en passer par là pour protéger ceux qu’elle souhaitait. Et elle savait aussi que c’était là une motivation suffisante pour elle en cas de bataille.

« Si tu tiens à ce que je te répète ce qu’il en est demain matin, je le ferai. Mais, oui, je suis toujours sûre de moi. » affirma-t-elle, avec aplomb.

Elle savait que la nuit portait conseil, mais là, elle n’avait pas le sentiment d’en avoir besoin.

« Réveille-moi si tu as besoin que je prenne le relais. Je suis tout à fait capable de monter la garde aussi, tu sais » dit-elle, devinant qu’il ne serait pas facile de convaincre sa sœur.

Puis, elle s’installa pour la nuit, sortant de ses affaires le nécessaire, soit son sac de couchage et le mettant en place. Rompue par la fatigue, elle sombra bien vite dans le sommeil. Habituée qu’elle était au camping et aux nuits à la belle étoile, elle ne dormit certes pas comme dans un hôtel grand luxe, mais profondément tout de même.

La nuit passa donc sans qu’Ombeline n’eût réveillé sa sœur. Quand elle s’en rendit compte, cela ne surprit guère Mayte, même si elle aurait bien voulu donner un coup de main. Après tout, elle l’avait vu venir et en avait été prévenue…
Elle dormit donc assez profondément toute la nuit et se réveilla à l’aube, lorsque sa sœur la secoua. Elle s’étira et écouta ce que celle-ci avait à lui dire.

« Bonjour Ombeline. Cette vie n’est certainement pas faite pour tout le monde, mais oui, je suis toujours décidée. » répondit-elle, avec assurance. Car oui, elle était effectivement sûre de son choix, comme la veille.

Après quoi, Mayte se leva donc, se dépêcha de ranger ses affaires et d’avaler un petit quelque chose en guise de petit déjeuner. Elle ne manqua pas de proposer à sa sœur de partager ce qu’elle avait. Elle ne savait pas du tout ce qu’Ombeline allait lui répondre, mais de toute façon, cela lui paraissait de la politesse élémentaire.
La jeune fille étant capable d’être très rapide, quand cela s’avérait nécessaire. Elle le montra en cette occasion et fut fin prête en quelques minutes.

« Je suis prête à prendre la route quand tu voudras » informa-t-elle Ombeline dès que ce fut le cas.

Et bientôt, les deux sœurs se mirent en route.
Au bout de quelques instants, elle se décida à demander :

« Dis, tu veux bien me parler des autres chasseresses, si tu peux, bien entendu ? »

La jeune fille anticipait déjà l’étape de l’intégration dans le groupe, sachant qu’avec sa timidité, ça ne serait pas un jeu d’enfant. Mais, peut-être… qu’en sachant deux ou trois choses sur les membres du groupe et/ou qu’avec l’aide de sa sœur… il serait possible de lui faciliter les choses. C’était du moins là ce qu’elle espérait au plus profond d’elle-même, sans le formuler clairement.