Il n'y a que deux périodes dans l'année où le garage parait vide, dénué de vie. En Hiver, car on se les gèle un peu trop pour oser travailler, pour la plupart d'entre nous en tout cas. Et en Eté, l'air étant tout simplement irrespirable et l'endroit devenant un véritable four. Tout les matins, c'est oeufs sur le capot de la voiture d'un client, lavée avant et après bien entendu! On a bien une clim' pour empêcher ce genre d'inconvénient dans notre travail, histoire d'éviter une intoxication au monoxyde de carbone en faisant ronronner un moteur, mais cette foutue machine refuse de se mettre en route! Et quand c'est le cas, elle fait tellement de boucan que j'ai l'impression d'avoir un type malade en phase terminale de sa pneumonie que je n'ai d'autres choix que de lui envoyer un marteau dans la face, ce qui le bousille évidement... Mais entre la chaleur et une plainte pour tapage diurne... je préfère encore bruler vive!
Aujourd'hui, comme souvent quand la canicule menace de transformer le lieu en véritable Enfer, il n'y a personne de présente pour bricoler un frein défectueux ou relooker une caisse, hormis moi, véritable bourreau du travail. Faut dire aussi que je ne suis pas très ouverte à la baignade au lac de la Colonie, contrairement aux autres... Et puis les commandes, ça n'attend pas! J'étais donc seule dans le garage plongé dans une semi-obscurité tiède et agréable, la tête littéralement plongée dans le gouffre dénué de moteur d'une magnifique Ford rouge. Un véritable bijou pour les connaisseurs, hélas, le moteur était mort et toute la partie pédale de freins et d'accélérateur était à refaire, un taff comme les autres quoi, pas cher et plus ou moins rapide, c'est ce qu'appréciait le client dans notre boite: on fait un boulot respectable sans être excellent et à petit prix contrairement aux autres grosses entreprises.
Et c'est comme ça que le nouveau client me trouva en entrant dans mon "antre" au rangement fort douteux et à l'ergonomie... ouais, autant ne pas en parler, ce garage était autant un danger pour le client trop curieux que pour le mécano peu prudent! Faudrait que je pense d'ailleurs à mettre un peu d'ordre là-dedans... Ce fut ses pas plus que sa présence qui me prévinrent de sa venue, seul bruit retentissant dans les locaux, la clim' ayant encore eu droit à sa "raclée" ce matin. Après avoir resserré une vis à coup de clé à molette, je me redressais d'un bloc, attrapant la serviette autrefois blanche, à présent tachée de cambouis et humide de sueur, afin d'éponger mon front. Non, clairement, le garage n'était pas présentable ces temps-ci, il va vraiment falloir qu'on se bouge dans les jours à venir. Il y a déjà bien assez avec mon débardeur tacheté et mon bleu de travail noué à la ceinture question saleté!
Le nouveau venu finissait à peine son inspection visuelle, engageant tout juste la conversation, comme tout les autres clients qui viennent pour la première fois ici.
« -Excusez-moi, je viens ici pour des renseignements. J’aurais besoin de réparation pour une vieille radio que j’ai. »
Je m'essuyais les mains tout en m'approchant, dardant un regard en coin à la fameuse radio. Un vieux modèle à n'en pas douter, ce n'était pas la première fois que j'en voyais un comme ça, mais pas en aussi bon état pour l'extérieur! Bien sûr, c'était à l'intérieur que ça clochait, sinon, il ne demanderait pas de l'aide. Une fois mon premier examen fait, je bourrais le torchon dans une poche avant de l'inviter à entrer.
-Alors t'es au bon endroit, mon garçon! Ici, on répare de tout, et pas forcément ce qu'il y a de commun, comme cette radio. Mais entre, le soleil est capricieux aujourd'hui! Limonade? Ah et gaffe au désordre, on ne sait jamais.
La gorge sèche, j'attendis qu'il entre avant de le rejoindre, attrapant une bouteille d'eau au passage posée dans un coin que je bus d'une traite.
-Alors? C'est quoi le souci de cette radio? L'antenne? L'enceinte?