Tout le monde regrette. On regrette tous nos choix, on y repense, on se demande ce qui arriverait si on avait fait un tout autre choix et si à la place, on avait emprunté un chemin différent.

Le train retentit au loin, il était temps de partir. Le jeune homme se revoyait encore dans ce fameux train, il y a quelques années, à écrire des lettres. Il y était au front, il y était. Médecin de guerre, pensait-il, cela doit être héroïque. Alors pourquoi pas ? Le voilà embarquant pour l'Europe, la période la plus noire de ce siècle. Tout n'était que feu et sang. Il y était au front, il se souvenait de tout. Ce qui l'avait en revanche énormément marqué, ce n'était pas la guerre, c'était sa sœur. Il n'avait plus eu de correspondances de celles-ci pendant des mois, s'inquiétant, il en avait alors informé son père qui avait tout de suite mis fin à ses inquiétudes. Le jeune homme avait alors continué à exercer. C'est pendant la guerre qu'il a rencontré ce que tout homme recherche. L'amour. Celui avec un grand A, celui qui permet les plus belles choses, celui qui nous montre que tout est possible. Bien sûr, à cette période, il était encore très jeune, il ne se doutait pas que le monde fût si dangereux, il ne se doutait de rien, alors il avait simplement suivi le chemin que la Destinée lui traçait sans rien demander en échange, il n'était pas allé à l'encontre, il n'avait pas fui, il était allé en guerre, sûrement pas en tant que soldat, mais en tant que soigneur et c'est de ça qu'il a été forgé aujourd'hui et c'est avec cette force cette leçon qu'aujourd'hui, il avait réussi à avoir cette vie parfaite.

« Papa ? Quand est-ce que tu reviens ? » Carter lui fit un sourire, plongeant son regard dans celui du garçon et se mettant à sa taille. « Bientôt, je reviens bientôt, tu sais, parfois, il est important de quitter ceux que l'on aime parce qu'il y a de plus grandes choses qui nous attendent. » Sa mère lui avait annoncé où se trouvait Olivia, lui expliquant les détails de ce qui lui arriverait. Alors au lieu d'aller chercher sa sœur, il l'avait laissé partir. Cette leçon, il devait aujourd'hui l'enseigner à son fils. « D'accord papa... » Carter lui ébouriffa les cheveux. « On a passé une semaine magnifique à Londres n'est-ce pas ? Tu sais toutes les bonnes choses ont une fin. » Il hocha la tête. « Maman est déjà là-bas et puis tu aimais beaucoup ce manoir quand tu étais petit. Et puis grand-père à une tonne d'histoire à te raconter ! » C'était l'heure, le train entrait dans la gare. Carter était appelé à retourner aux Etats-Unis. Une nouvelle guerre se préparait 1955, quelques années après la Seconde Guerre mondiale, voilà qu'il y avait encore une guerre. « Valise, billet, ... Manteau... » Il rajusta le col de son fils et remit son béret bien droit puis déposa un baiser sur son front. « Ne te trompe pas d'arrêt d'accord ? » Les deux rigolèrent et le père laissa le fils embarquer non sans verser une larme.

Le demi-dieu songeait tous les jours à les rejoindre et refuser l'appel de la guerre. Tous les jours, il se demandait ce qui serait arrivé s'il ne s'était pas engagé, s'il avait accepté l'offre de son père d'aller étudier à Oxford, tous les jours, il se rappelait des moments passés avec sa sœur. Malheureusement, il n'avait pas le droit de tout laisser tomber, il serait de retour bientôt de toute façon, alors qu'est-ce qui pouvait arriver ? Le regard de son fils luisait encore dans son cœur. Ces yeux violets, les siens. C'étaient les mêmes que Carter, les mêmes qu'Olivia, les mêmes que sa mère. Aujourd'hui, il savait que son fils serait aussi amené à prendre une grande décision dans le futur. Aujourd'hui, c'était à Carter de prendre sa décision et il l'avait prise depuis longtemps. Marchant dans le camp, la pluie tombait, il faisait si chaud. Le voilà, de retour sur le champ de bataille. Carter était dans le mauvais camp, il le savait, mais ces pauvres gens méritaient la liberté. Alors que la fumée se propageait dans la forêt, le jeune homme faisait de son mieux pour abriter les enfants, les familles que les gens de son pays essayaient de faire fuir. Le jeune homme pouvait alors être considéré comme un traître aux yeux de tous, mais il s'en fichait. La victoire était proche et la liberté également.

Le livre se referma et Carter termina sa phrase, laissant les cinq enfants partirent. « Matthew, Mitchel, Allisha, Lars, Olivia ! Pas de bêtises ! » La famille était assez grande. Les enfants turbulents, mais c'est cela qu'il faut non ? Après tout aujourd'hui quel âge il avait ? Beaucoup trop sans doute. Heureusement, Julie était là pour lui rappeler chaque jour qu'ils avaient réussi. Fonder une famille, n'était-ce donc pas le but de tout le monde ? Vivre bien et avoir ce spectacle sous les yeux ? Le demi-dieu était aujourd'hui plus qu'épanoui et malgré toutes les horreurs vécues, aujourd'hui, il était heureux. Aujourd'hui, il fêtait ses 74 ans. Décidément, la vie était capricieuse, la Destinée également. « Papa ! Mais qu'est-ce que tu as bien pu leur raconter ! » Le vieil homme fit un sourire. « Va savoir ! Peut-être que cette histoire se réalisera bientôt. » Les bougies furent soufflées et la soirée arriva rapidement, la lune commençait déjà à apparaître, se montrant plus capricieuse que d'habitude. « Dis papy, tu viendras nous voir hein ? » Carter fit un sourire à la petite fille. « Bien sûr. » Carter versa une larme. La famille était destinée à accomplir de grandes choses. C'étaient eux la nouvelle génération et malheureusement, dans le futur, la réalité leur ferait face de la façon la plus brutale qui soit.

« L'avenir de la famille est en jeu, n'est-ce pas ? » La jeune fille referma l'album photo. « Grand-père, mais comment ? » Allisha ressemblait lui ressemblait tellement, forte, vive d'esprit et ces mêmes yeux violets. Cette étincelle dorée qui la faisait vivre. « Un jour, tu comprendras, tu devras comprendre ce qu'il se trame chez tes cousins, ne leur fait pas confiance, mais ne les rejettent pas. Ils sont égarés, c'est tout. » Il parlait faiblement. Il avait du mal à respirer. Toute sa vie, il avait préparé le terrain, il savait ce qui allait arriver depuis toujours. Sa femme, Julie n'était pas seulement une mortelle, c'était une Oracle et la voilà la raison pour laquelle il y avait tant de chose que lui seul pouvait comprendre. Seulement, il lui était impossible d'intervenir directement. « Grand-père ? Qu'est-ce que ça veut dire ! » Il ne pouvait pas tout lui dire, c'était bien trop facile, elle devait le découvrir par elle-même. « Je sais que tout est confus en ce moment, notre famille est spéciale, elle est le berceau de Héros, nous descendons des dieux et toi Allisha, tu es la clé, quand Olivia se présentera à toi, ne la rejette pas, ne la rejette surtout pas. Car tu comprendras, tu comp... » Il expira, fermant ses yeux tout doucement sous l'œil paniqué d'Allisha. Il était temps pour lui maintenant.

Anthony se leva brusquement. Il avait les idées confuses, comme si son cœur venait de s'arrêter. Le jeune homme sortit et se dirigea vers la salle de bain. « Olivia... » Sa jumelle venait de mourir et c'est comme ça qu'on le lui annonçait. Par le biais d'un rêve.