Bon. Décidément, quelque chose ne tournait pas rond depuis qu'Isalyne était revenue de Brocéliande et de la Chasse et qu'elle avait retrouvé Warren. Cela faisait plusieurs jours voire semaines qu'elle était prise de nausées, qu'au début elle mettait sur le compte des repas pris au réfectoire de la Colonie : quand on avait passé des mois à se nourrir de tout et de n'importe quoi - surtout de lapins, en fait - le corps n'était plus trop habitué à manger de la nourriture "normale"...

Sauf que là, depuis le temps qu'elle était revenue, ses nausées la reprenaient régulièrement, la forçant des fois à s'arrêter en plein entraînement pour se poser un moment le temps que le malaise se dissipe. Probablement un dérèglement hormonal, mais c'était suffisant pour pousser la jeune femme à aller voir à l'infirmerie si quelqu'un ne pouvait pas mettre un mot sur son cas.

Et ce fut une Apollon - pas Sunshine, la jeune femme aurait pu facilement imaginer sa cousine se mettre à hurler et courir partout, soit de panique soit de joie soit des deux - qui le lui annonça : Isalyne était enceinte. A presque 23 ans. Et le père ne pouvait être que Warren.

Au début, Isalyne paniqua un peu - beaucoup - : comment allait-elle pouvoir élever l'enfant qui grandissait en elle dans un monde où la guerre n'était jamais très loin ? Comment lui assurer un cadre stable afin qu'il puisse s'épanouir plus ou moins normalement, son ascendance le rendant vulnérable aux monstres qui traînaient dans le coin ?

Elle se surprit à adresser une prière aux dieux pour qu'ils la guident avant de se raviser : non, ils devaient avoir trop de choses à faire pour écouter la prière d'une simple demi-déesse. Poussant un soupir, elle écrivit un petit mot à destination de Warren où elle lui demandait de venir de toute urgence à son bungalow, chargea un colistier d'Hermès qui passait par là de l'apporter à son destinataire et retourna, pensive, vers son bungalow qu'elle retrouva vide. Tant mieux, ça l'aurait gênée que Cal puisse voir son état actuel...

Alors qu'elle tournait en rond comme un lion en cage, Isalyne fut prise à nouveau de nausée, et elle dut s'approcher d'une étagère pour y prendre appui en attendant que ça passe, et quand le malaise fut passé elle alla s'asseoir sur son lit, le teint blanc comme un linge et prête à foncer dans la salle de bains si le besoin s'en faisait ressentir.

Après quelques instants d'attente teintée d'angoisse, elle fut soulagée d'entendre quelqu'un toquer à la porte et demander à entrer : c'était Warren, il avait bien reçu son message et il était venu assez rapidement. C'était bien le Warren qu'elle avait connu autrefois, tout allait bien...

Elle esquissa un léger sourire lorsqu'il la regarda avec un sourire triste avant de demander :

Tout vas bien ma voleuse ? Ton message m'a fait un peu peur: qu'est-ce qu'il y a ?

Ca te concerne, donc assieds-toi et promets-moi de ne pas fuir, répondit la jeune femme en lui faisant signe de venir s'asseoir à côté d'elle sur le lit. Déjà, première chose : je n'ai pas l'intention de repartir, d'une je viens à peine d'arriver, de deux Cal me transformerait en carpette. Ensuite... Depuis mon retour et nos retrouvailles j'ai souvent des nausées, et ce que je mettais avant sur le compte d'une nourriture à laquelle je n'étais plus habituée s'est révélé en fait être une grossesse.

Elle avait dit les choses cash, mais elle ne savait pas tourner autour du pot, et plus vite il serait au courant plus vite ils pourraient réfléchir tous deux à la suite des événements. Plongeant son regard dans celui de Warren, Isalyne reprit plus doucement :

C'est plus que probable que cet enfant soit de toi. La question est donc : veux-tu que nous le gardions, en connaissance de cause ? Même si, avant de demander ton avis, j'ai eu des hésitations : après tout, nous sommes en guerre, je ne sais pas vraiment si la Colonie restera un cadre stable très longtemps mais... Il y a toujours de l'espoir, non ? Par contre, si tu veux qu'on le garde... j'aurais besoin de toi.

Le coeur battant, Isalyne attendit une réponse de Warren, qui fut un peu - doux euphémisme - décontenancé par la nouvelle de sa future paternité. Mais quand il la prit dans ses bras avant de s'en éloigner et de se lever, elle comprit qu'il avait accepté la nouvelle et l'idée. Et le voir tourner en rond, comme elle auparavant, mais sûrement pas pour les mêmes raisons, ne fit que confirmer l'acceptation de la nouvelle, et Isalyne en fut ravie.

Quand il eût fini de tourner en rond, il revint vers Isalyne et lui prit les mains avant de lui dire :

Cette décision doit être pris à deux mais sache que me concernant, cet enfant doit voir le jour. Et tu ne crois pas si bien dire pour ce qui est de l'espoir: je compte faire en sorte que plus aucunes guerres ne puissent avoir lieu à la Colonie. Depuis notre retour ici j'ai déjà fait installé nombreux systèmes défensifs et ai tout revu pour nous apporter une protection optimale.

Puis il l'embrassa avant de la prendre dans ses bras, la jeune femme se blottissant contre lui pour mieux en profiter, retenant difficilement les larmes de joie qui montaient au coin de ses yeux. Peut-être allaient-ils enfin goûter à une vie normale après la naissance du petit, peut-être le destin serait-il clément pour la nouvelle famille...

Puis Warren se recula pour regarder Isalyne dans les yeux, lui sourire et poser une main sur son ventre avant de reprendre :

Si jamais nous le gardons, sache que je ferai tout pour qu'il est une enfance et une vie formidable.

Je n'avais aucun doute là-dessus, tu sais, répondit Isalyne avec un sourire. Et promis, je ferai attention pendant neuf long mois... enfin un peu moins. Mais tu resteras près de moi dis ? Jusqu'au terme ?

Comme si elle avait besoin d'être rassurée sur ça... Là, pour le coup, la jeune femme pouvait se sentir un peu ridicule, elle qui était devenue forte après sa renaissance, elle ne pouvait pas se permettre de douter. Mais elle ne doutait pas une seconde de la bonne volonté de Warren pour rester à ses côtés, juste l'entendre... lui ferait du bien.

Isa ne put retenir un sourire de soulagement lorsqu'il se leva pour déposer un baiser sur son front avant de lancer :

Tu as déjà la réponse à ta question, il n'y a que la mort qui pourra me détourner de toi.

L'ancien Warren était donc bien là, en lieu et place de l'homme froid qui l'avait accueillie quelques temps auparavant. Mais apparemment, elle n'était pas au bout de ses surprises, alors que Warren s'était remis à faire les cent pas dans le bungalow et qu'elle tentait de respirer pour calmer son palpitant qui battait à cent à l'heure. Et c'est quand celui-ci décida de vraiment se calmer que Warren lui lança :

Tu sais quoi ? Il faut qu'on fête ça ! Ce soir rejoins moi dans mon bureau de la grande Maison !

Que quoi ?, demanda-t-elle avant qu'il ne l'embrasse et ne file en reprenant :

Il faut que je me dépêche mais rejoins moi ce soir, tu ne sera pas déçu !

Et il disparut, laissant Isalyne seule avec sa conscience et son incrédulité. Mais qu'est-ce qu'il se passait ici ? Elle lança un regard vers la statue de son père et lança :

J'espère que t'as suivi quelque chose Pap's, parce que moi je suis larguée. J'annonce ma grossesse et lui me sort qu'il me prépare quelque chose pour ce soir ! Y a que moi qui suis larguée ?

La statue ne broncha pas, faisant soupirer la jeune femme :

Evidemment, t'es en statue, donc logiquement tu peux pas répondre.

Puis elle alla prendre une douche avant de se préparer pour le rendez-vous du soir. Ça ne pourrait que lui faire du bien.

Quand elle arriva au bureau de Warren, il l'accueillit avec un grand sourire en la serrant dans ses bras avant de lui tendre un verre de cocktail sans alcool :

Nous devons fêter cela dignement ! A nous deux et à ce futur enfant qui verra le jour d'ici quelques mois !

Et ils trinquèrent tous deux avant de commencer à danser, Isa appréciant l'instant à sa juste valeur. C'était un vrai moment d'intimité, il n'y avait rien ni personne pour troubler ce moment, jusqu'à ce qu'un reflet rouge apparaisse dans la vitre, activant l'instinct de survie de la jeune femme alors que Warren marmonnait :

Merde ! Une attaque ? Nan quand même pas... Si c'est une attaque ne restons pas là cela pourrait être dangereux !

Pas le temps de dire ouf ou de sortir une arme pour se défendre qu'Isa était entraînée dehors par Warren, et alors qu'elle s'attendait à devoir foncer sur des monstres qui se seraient introduits dans la Colonie, elle fut accueillie par des feux d'artifice et ses amis plus ou moins proches qui sortaient de partout autour d'eux, la laissant interdite. C'était pas son anniversaire, ni Noël, ni un quelconque autre jour pour faire la fête à ce point pourtant...

Complètement immobile, elle mit du temps à comprendre ce qu'il se passait, et ce fut quand Warren mit un genou à terre devant elle, s'enflammant pour que son vieux T-shirt orange laisse la place à un costume noir, qu'elle comprit. Il lui déclara :

Isalyne Jade Taylor, fille d'Hermès, je prépare cette soirée depuis déjà quelques jours, mais tu as aujourd'hui tout précipité et je ne voulais pas attendre plus longtemps pour te le demander. Alors je te demande devant témoin, si tu me ferai l'honneur de devenir ma femme.

Elle avisa l'anneau qu'il lui présentait, et levant les yeux au ciel pour prendre son père à témoin, elle répondit :

Bon. Sang. De. Bon. Sang. Evidemment que j'accepte !

Puis elle attrapa Warren par le col du costume pour l'embrasser avec passion. Ça allait être la plus belle soirée de sa vie, et elle avait bien l'intention d'en profiter !

Warren, tout heureux, la laissa l'embrasser avant de la faire voltiger en l'air et la reposa avant de lui chuchoter, son front contre celui de la jeune femme :

Le pire est derrière nous, on va enfin pouvoir trouver le bonheur...tout les trois.

Il avait prononcé ces trois derniers mots en posant sa main sur le ventre d'Isalyne avec un sourire, avant de reculer pour inviter leurs amis à table. La Sentinelle regarda son ventre, et un sourire se dessina de nouveau sur son visage alors qu'elle s'installait. Oui, le bonheur était possible, même après les épreuves qu'ils avaient tous traversés, elle-même et Warren allaient vraiment pouvoir se reconstruire autour d'une famille. Si la Résistance ne faisait pas autant d'ombre au tableau, la Sentinelle aurait vraiment pu se sentir en sécurité et heureuse, mais pour l'instant, le danger était oublié dans un recoin sombre de la mémoire d'Isalyne, qui accepta rapidement la proposition de Warren de passer la nuit avec lui. Comme s'ils avaient besoin de se retrouver.

Warren accusa le choc de la nouvelle aussi bien qu'il le pouvait, et tenta de calmer les larmes d'Isalyne, exacerbées par l'état de grossesse qui serait le sien pendant plusieurs mois. Elle esquissa un sourire malgré ses larmes lorsqu'il lui dit sur le ton de l'humour :

Il va sérieusement falloir qu'on se penche sur les noms du coup, nous qui attendions de savoir le sexe de l'enfant pour choisir, au moins nous n'avons plus d'excuse maintenant.

La jeune femme hocha la tête et sécha ses larmes d'un revers de main, alors que le médecin revenait avec un planning où tous les rendez-vous futurs étaient indiqués pour le suivi. Warren aida la Sentinelle à se relever et tous deux remercièrent le médecin avant de payer et de se diriger vers la voiture de Warren pour rentrer à la Colonie. Une fois arrivés, il la raccompagna jusqu'au son bungalow et lui lança :

Allez il faut que tu te repose un peu, après tout tu n'as pas un mais deux petits êtres dans le ventre. Je repasserai ce soir et on lira les brochures qu'on nous a donné d'accord ?
Je vais essayer d'expédier vite ce que j'ai à faire pour venir le plus tôt possible. A ce soir mon amour.

A ce soir mon coeur, répondit-elle avec un sourire fatigué avant de s'installer dans un fauteuil et de s'endormir presque aussi sec. C'était vraiment épuisant, même quand elle ne faisait pas grand-chose, autant se reposer et rester tranquille au maximum. Heureusement que les Sentinelles savaient s'arranger pour les tours de garde quand l'un d'eux était occupé.

Elle put se reposer pendant de longues heures, ne faisant pas attention au passage qu'il pouvait y avoir dans le bungalow des Hermès, jusqu'à ce que Warren vienne la réveiller doucement et l'emmène jusqu'à son bungalow, où il avait aménagé un petit coin tranquille à côté du feu, dans l'atelier, avant de lui dire :

Installe toi là, je nous ai prévu ça pour la nuit. Si tu n'es pas trop fatiguée on peut lire les brochures.

T'inquiète, j'ai dormi depuis qu'on est rentrés, ça devrait aller, répondit-elle avec un sourire en s'installant sur le lit qu'il lui désignait, rapidement imitée par Warren. Alors qu'ils lisaient tous deux la documentation laissée par le gynécologue, il tourna la tête vers elle et lui demanda :

D'ailleurs pour les noms du coup tu aurais des idées ?

Pour notre petite fille, j'hésite entre Alexia et Diane. Pour notre petit garçon, Matthias. Qu'en penses-tu ?

Au moins ils étaient tous deux d'accord sur le prénom de leur petit garçon. Le prénom était déjà arrivé sur la table quelques temps auparavant et avait convaincu tout le monde, de même pour le premier prénom proposé pour la petite fille. D'un autre côté, Isalyne voulait tout de même rendre hommage à sa tante, qui avait su lui faire reprendre pied avant qu'il ne soit trop tard ; mais Warren semblait, comme elle, privilégier Alexia, aussi elle proposa :

Dans ce cas, son deuxième prénom peut être Diane. Mais alors il faudra peut-être en trouver un autre pour Matthias, afin qu'ils soient égaux, non ? M'enfin, on a le temps de réfléchir à cette question d'ici le terme...

Puis la couette fut rabattue sur eux pour la nuit par Warren, près duquel Isalyne se blottit pour s'endormir de nouveau aussi sec. Quand elle se réveilla le lendemain, Warren était déjà parti gérer les affaires courantes de la Colonie, et la Sentinelle, malgré sa fatigue, ne put retenir un sourire de fierté et de bonheur alors qu'elle se relevait et s'habillait avant de se diriger vers le réfectoire pour prendre un petit déjeuner solide. C'est qu'il fallait aussi les nourrir, les deux louveteaux qui grandissaient en elle.