Depuis quelques jours, les chasseresses avaient pris leurs quartiers à la colonie. Mayte avait assumé toutes les tâches qui lui incombaient, pleine de bonne volonté. Et pour l’heure, elle disposait d’un peu de temps, qu’elle pouvait utiliser à sa guise. Elle avait donc décidé de se promener un peu et peut-être de lire. A cette fin, elle avait pris avec elle un ouvrage portant sur la photographie ainsi qu’un livre d’un auteur argentin. Il s’agissait de Todos los fuegos el fuego de Julio Cortazar. Bien entendu, elle le possédait en version originale. Elle n’allait quand même pas en lire une traduction !

Ses pas l’avaient menée au bord du lac et la jeune fille s’y était posée, tranquillement. Elle avait laissé l’ouvrage sur la photographie à côté d’elle, au sol et ouvert le recueil de Cortazar, mais l’avait bien vite délaissé pour tourner son regard vers le lac. De sorte que le livre qu’elle avait entamé avait fini par glisser de ses genoux et atteindre, lui aussi, le sol. Et il gisait là, ouvert. Quant à la jeune argentine, elle s’était perdue dans la contemplation du paysage et surtout du lac. Elle écoutait également le clapotis de l’eau et rêvassait au lieu de lire. Ses pensées, des images se succédaient, sans lien flagrant entre elle. Elle se revoyait en promenade à cheval au bord de cours d’eau divers et variés, des randonnées du côté du Nahuel Huapi, un lever de soleil sur ce même lac, avec les Andes en toile de fond. Puis l’instant d’après, des étapes de sa fugue, ses retrouvailles – plus rapides qu’elle ne l’aurait imaginé – avec sa sœur, sa décision de rejoindre les chasseresses… Sa rencontre avec les chasseresses… Elle en était là de sa rêvasserie lorsqu’elle fut rejointe et le fil de ses pensées, interrompu. Elle finit par se détacher de sa contemplation du lac pour voir qui se trouvait auprès d’elle en cet instant.