Pour moi, tout a commencé un 21 septembre, il y a très exactement seizes années après neuf mois passés dans le ventre protecteur de ma mère, j'ai poussé mon premier cri et pris ma première bouffée d'air. L'automne était là et les feuilles des arbres commençaient à tomber en virevoltant emportées par les caprices du vent et finissant par faire un tapis de couleur ocre, jaune, rouge et brun. Mon père, Nick Saven est un percepteur des impôts, c'est aussi lui qui m'a aimée et éduqué jusqu'à mes 15 ans. Nous  avions toujours vécu dans un coin calme de New-York et n'étions ni très riches, ni très pauvres, mais je n'ai jamais manqué de rien sauf, de ma mère.

À chaque fois que je cherchais à en apprendre plus sur elle, mon père me racontait toujours l'histoire de leur brève rencontre, du fait que s'il ignorait tout d'elle, il émanait de sa personne une certaine force qui se retrouvait chez moi... et il est bien le seul à penser que moi, je suis forte, je suis une véritable trouillarde en réalité. Je suis pacifique et je ne supporte pas la vue du sang et encore moins l'idée d'ôter des vies c'est pourquoi je suis végétarienne ou plus communément appelée bouffeuse de verdures.

Mon père et moi étions toujours seuls, lui n'avait pas de famille proche, pas de père, de mère ou de frère et soeur et j'étais vraiment sa seule et unique famille. J'ai toujours eu cette impression qu'il me manquait ma mère et j'ai toujours voulu la connaître, savoir pourquoi elle m'avait laissée à mon père, pourquoi mon père est tombé si amoureux d'une femme qu'il n'a vue, touché et embrassé qu'une poignée de fois, enfin tout juste assez pour me faire exister ?

Quoi qu'il en soit, ma vie était tout simplement ordinaire, je ne brillais pas dans les études et au grand damne de mon père c'était même plutôt l'inverse, je n'avais pas plus d'amis et d'amies que la normale et j'avais les mêmes soucis d'adolescentes que n'importe qui a savoir... qui va m'inviter pour se rendre au bal de fin d'année ? Comment je vais réussir à faire partir cet énorme bouton que je camoufle avec mes cheveux sur mon front depuis deux jours ? Quelle tenue vais-je porter aujourd'hui pour paraître cool, mais pas trop ? Pourquoi je n'arrive jamais à la moyenne en math ? Quelle punition mon père va me donner lorsqu'il aura vu mon dernier bulletin de notes en date ?

Non seulement j'avais ce genre de problèmes existentiels avec ces questions absolument vitales, mais en plus j'étais bizarre. Lorsque j'étais petite j'ai remarqué que j'avais toujours plus de facilité à faire pousser les graines d'haricots qu'on nous donnaient en science, mais surtout j'avais l'impression parfois de comprendre les émotions des plantes du salon et une fois mon père m'a raconté que je lui avais dit avoir eu une conversation avec un arbre dans le parc près de la maison... je vous l'avais dit, je suis étrange et je pensais vraiment être la seule dans ce cas et à la limite de la folie mentale.

Un soir, en rentrant de l'école ce fut mon père qui m'accueillit avec un air grave sur le visage... j'étais absolument convaincue qu'il avait dû être mit au courant de ma note catastrophique à mon dernier contrôle et qu'il allait probablement faire la pire bêtise de sa vie en me privant de mon ordinateur portable pour une interminable semaine, mais je remarquais qu'il y avait quelqu'un d'autre avec lui dans la cuisine. Un étrange homme que je n'avais jamais vu et qui me toisait d'un drôle d'air en y repensant. Mon père me demanda d'aller m'asseoir avec cet homme et de bien écouter ce qu'il avait à me raconter, il n'allait tout de même pas m'envoyer en pensionnat juste pour un 4 sur 20 en géographie tout de même ?

L'homme étrange se présenta comme étant mon protecteur, me disant qu'il me connaissait bien ce qui me fit bien-sûr lever un sourcil dubitatif. Il me parla de ma mère, un sujet qui m'avait toujours intéressé, une grande femme à n'en point douter ou plutôt une déesse grecque, Déméter. Est-ce que je pris cet homme pour un fou ? Oui et non, oui parce que j'avais toujours pensé que les histoires de mythologies grecques, les centaures, les demi-dieux et autres justement ça n'était que des histoires et rien de plus et non parce qu'effectivement je m'étais toujours sentie bizarre, différente. Je ne pouvais pas rencontrer ma mère parce que c'était interdit pour les dieux et les déesses de rencontrer leurs enfants, je lui posais de suite la question de savoir si j'avais des frères et soeurs à laquelle il répondit en riant légèrement, j'avais déjà lu des articles wikipédia sur Perséphone, reine des enfer, femme de Hadès, mais ça me semblait tellement fou.

Mon père vint me voir après en m'expliquant que pour ma sécurité, il serait bien mieux pour moi de me rendre au camp des sang-mêlé, un camp dans un bois qui accueille les demi-dieux et demi-déesse comme moi. Au début, je m'en faisais une joie en pensant bien naïvement que ce serait comme des vacances et qu'en plus je pourrais rencontrer d'autres personnes comme moi et depuis un an je peux vous assurer que j'ai vite déchanté ! Cette histoire de guerre et ces menaces ne me plaisent pas du tout.

Lorsque je me suis rendu compte que la vie au camps nous protégeait de tous ceux qui nous voulaient du mal et ils étaient apparemment nombreux en dehors de ce camps, j'ai senti un certain malaise monter en moi et j'ai compris que je ne pouvais pas espérer sortir et vivre une vie tranquille, entre les créatures qui veulent nous manger ou au choix nous torturer ou les deux, les résistants qui veulent apparemment nous faire la peau et les alliés qui n'ont en tête que cette menace permanente qui est au-dessus de nous comme l'épée de Damoclès, il ne me restait pas vraiment de choix et je devais me choisir un camps. Alors, j'ai fait un choix facile pour me permettre de vivre et me voici donc chez les alliés juste par lâcheté. Toute cette histoire a pris des proportions qui me dépassent et de loin, j'ai peur, je ne sais plus vers qui me tourner, j'en viens même à regretter d'être née parfois et je me demande si nous sommes vraiment voués nous les sang-mêlés à changer l'histoire où sommes-nous juste de la chaire à canon, de pauvres dommages collatéraux dont la vie ne va se résumer qu'au combat ? Je ne veux pas faire de mal aux dieux et surtout pas à ma mère à qui je tiens énormément même si elle ne m'a jamais fait de signes, mais j'exècre par tous les pores de ma peau d'infliger un coup d'épée à un autre sang-mêlé et ce même s'il est un résistant.