Casino Clash

Je ne supporte plus la Colonie ! J'ai besoin de chic, de robes, du luxe, de l'or qui dégueule du plafond ! Je ne supporte pas ce mode de vie simpliste, j'ai vécu toute ma vie dans des palaces avec une dizaine de serviteurs à mes pieds pour remplir le moindre de mes désirs. Je veux bien m'adapter à mon nouvel environnement, je le conçois parfaitement mais là, je passe d'un palais à un misérable bungalow. Ca fait un peu trop d'un coup, surtout que je suis toute seule dedans.

Je déteste cette solitude, elle me rend triste, je n'ai que les murs à qui parler et leur conversation est plus que réduite. Je suis heureuse d'avoir pris mon chien avec moi. Ragna est très heureux de pouvoir gambader et de pourchasser les satyres ... au grand dam de ces derniers qui ne le supportent plus le canidé.

Je quitte la Colonie, juste pour une soirée, le temps que je puisse m'enivrer de la magnificence d'un casino. Quel meilleur endroit qu'un casino pour voir de l'argent ? Je ne suis pas vénale mais l'idée de sentir les piécettes glisser de mes doigts à un rythme effréné m'attire. Ce soir, je veux tout oublier, je veux simplement n'avoir que de l'or dans les yeux.

J'arrive au casino, pour l'occasion, je me suis habillée convenablement, comme une femme du monde ! J'ai laissé le jean et le tee-shirt pour me glisser dans une robe, son contact m'a fait frissonné, il y a si longtemps que je n'en ai pas mis ! Mettre des bijoux, me coiffer, me maquiller, je redécouvre tout ça. Je suis redevenue ce que j'ai toujours été: une princesse.

Je m'avance, cherchant un jeu où dépenser mon argent.

- La chenille ?

Matthew relève immédiatement la tête et son regard se pose où un homme d’une trentaine d’années qui le fixait un sourire béat aux lèvres. Il frémit. Combien de temps qu’on ne l’avait pas affublé de ce sobriquet absurde ? L’homme vint immédiatement lui donner l’accolade et le demi-dieu fit un effort pour lui sourire.

- Axel ! Ça… ça fait un bail !
- Depuis des lustres mec ! Depuis que t’as déserté l’université !

Matthew haussa les épaules avec un sourire contrit. Axel était un vieil ami qu’il avait rencontré au lycée. Ils étaient toujours fourrés ensemble ces deux-là, à faire les quatre cent coups. Il ne l’avait pas revu depuis qu’il avait appris qu’il était demi-dieu. Son ancien ami le bombarda aussitôt de questions auxquelles il répondit évasivement. Il inventa une histoire de famille en France. Axel avait bien vieilli et cela se voyait. Il était un homme qui avait réussi dans la vie. Le parfait exemple de ce qu’il aurait pu être s’il n’avait pas été un foutu demi-dieu !

- Mec, on a trop de choses à se dire ! T’sais quoi, ce soir on sort !
- Je crois que je suis pris ce soir…
- C’était pas une question, la chenille ! Ce soir, vingt heure tapante au casino ! Bon j’dois y aller… Faut que j’aille acheter des couches pour mon gamin. A ce soir, le frère !

Matthew resta seul sur le trottoir interdit. Il ne savait pas ce qui le surprenait le plus dans cette histoire. Avoir recroisé Axel ou que ce dernier ait des enfants. Malgré ça, ça lui avait fait plaisir de le voir et parler avec lui avait presque effacé toutes ses pensées négatives de demi-dieu. Il se replongeait dans le monde réel. Ce fut pour ça qu’il décida d’y aller.


Le soir-même, il entra dans le casino, habillé pour l’occasion d’un costume élégant. Il se dirigea vers le comptoir, décidant de boire un verre en attendant Axel. Les minutes s’écoulèrent et il prit le temps d’observer les clients présents. Certaines personnes transpiraient tellement la richesse qu’il sentait ses poils se hérisser.

- La chenille ?

Matthew releva la tête face au serveur qui l’avait interpellé. Sourcils froncés, il acquiesça.

- Votre ami Axel m’a chargé de vous dire qu’il avait eu une urgence avec son fils. Il s’excuse auprès de vous mais il a bien l’intention de vous revoir.
- Ah bon, fit-il un peu déçu. D’accord, merci.
- Et il vous dit de vous acheter un téléphone…

Matthew sourit. Toute une histoire cet Axel. Bon, puisqu’il était ici, autant dépensé tout son argent. Il but son verre d’une traite avant de partir à la recherche d’un jeu. Très vite, les heures passèrent, et la chance tourna en sa faveur. Enchaînant les coups gagnants, un peu grisé par l’alcool, il rit et dit à une fille à côté de lui :

- On dirait qu’Hermès est avec moi ce soir ! C’est pas tous les jours, vous pouvez me croire !

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Les minutes passent, puis les heures. Je suis exaltée. Il y a si longtemps que je ne m'étais pas sentie aussi frivole ! Depuis combien de temps m'étais-je amusée de la sorte ? Je ne m'en souviens pas. J'ai quitté l'austère Russie pour me retrouver dans la rigueur militaire grecque. Le peu de fois où j'ai pu autant m'amuser, c'est quand je partais à l'autre bout du monde, loin de Saint-Pétersbourg. Je m'arrête un instant, laissant ma nostalgie reprendre le dessus, le point noir dans tout ce bonheur. Mon pays me manque, le froid me manque mais si j'y retourne, ce sera en tant future mariée. Je secoue la tête, je n'y retournerai pas, pas maintenant en tout cas. Si seulement je pouvais trouver un moyen d'annuler ces fiançailles ... pour être fiancée de nouveau. Et avec la chance que j'ai,  je vais de voir épouser un vieux monsieur qui doit baigner dans l'alcool et sûrement dans d'autres choses ... et je refuse de le savoir.


"- On dirait qu’Hermès est avec moi ce soir ! C’est pas tous les jours, vous pouvez me croire !"

Je retiens un sursauter, je m'étais complétement désintéressée de la partie. Je lui réponds avec un grand sourire:

"Je crois simplement que vous êtes bon monsieur, Hermès n'y ai pour rien dans votre adresse."

Je me tourne vers lui, je n'ai pas cette chance, j'ai perdu ma mise, et de beaucoup en plus. J'essaie d'instaurer une conversation, j'en ai assez de la solitude, elle me mine plus que tout, et puis, qu'est-ce que je risque ? Nous ne parlerons que d'argent et de mise.

"Est-ce qu'il serait possible que monsieur m'apprenne à y jouer ? Je crains d'être ignorante, je perds toute mes mises !"

Et dans mon esprit, la seule chose à laquelle je pense est "dis oui, dis oui".

La jeune femme mit un temps avant de se tourner vers lui, sourire aux lèvres. Elle avait l’air surprise. Etait-il si surprenant ? Il ne pensait pas, non… Avec un soupir désabusé, il lui signifia qu’il ne lui voulait aucun mal. Elle avait l’air sur ses gardes. Comme lui. Mais, lui avait une excuse. Les demi-dieux sont en danger de mort constante. Hors, il doutait que la jeune femme, avec sa belle robe et son regard qu’il jugea peut-être un peu hautain, en soit une.


- Je crois simplement que vous êtes bon monsieur, Hermès n'y ai pour rien dans votre adresse.

Il accepta son compliment d’un hochement de tête, sourire aux lèvres. Il n’avait pas mis les pieds dans un casino depuis très longtemps, et il lui semblait, qu’habituellement, il perdait toujours sa mise et que son père le sermonnait des heures d’être sorti en douce. Surtout pour dépenser l’argent familiale. Et bien, aujourd’hui, malgré la mort de son père, il estimait rembourser ses dettes. Il leva les yeux vers le plafond du casino, comme pour s’adresser au ciel et murmura : « Pour toi papa. » Réaction stupide. Déjà, il savait que les Enfers étaient sous ses pieds, et en plus, ce genre de comportement était pathétique. Mais bon, l’alcool donne des ailes, n’est-ce pas ?

- Est-ce qu'il serait possible que monsieur m'apprenne à y jouer ? Je crains d'être ignorante, je perds toute mes mises !

Matthew sourit. Il n’allait tout de même pas refuser. Elle, qui lui demandait si gentiment. Il inclina légèrement la tête et lui chuchota à l’oreille, comme pour lui dire un secret :

- Je vais vous expliquer pourquoi vous perdez. Vous êtes beaucoup trop sobre. Je vous apprends à y jouer à la condition que vous me laissiez vous offrir un verre.

Sans même attendre de réponse, il se dirigea à grand pas vers le comptoir et commanda un verre. Puis, il revint, toujours le même sourire aux lèvres. Avec une révérence exagérée, il lui tendit sa boisson et trinqua avec elle.

- Au futurs victoires de Madame !

Puis, après cela, quelques heures passèrent où il lui enseigna comment jouer et où elle gagna quelques parties. Bien ivre à présent, il lui sourit :

- Et voilà ! L’alcool est mon secret ! Mais gardez-le pour vous.

Avec un sourire qui se voulait mystérieux, il mit un doigt devant sa bouche. Il allait ajouter quelque chose lorsqu’un bruit sourd réduit au silence le casino bondé. Un bruit d’une balle qu’on tirait. Puis une deuxième. La panique saisit alors la foule dans son intégralité mais une rafale de tirs les calma et un brave homme hurla aux gens de se coucher. Un ancien militaire, sans doute. Pas le moins du monde inquiet, Matthew se retrouva être le seul debout aux côtés de la jeune femme. Il observa les braqueurs avec un sourcil levé, ignorant les armes braqués sur lui.

- Vous êtes quand même pas sérieux ! Vous voyez bien que vous venez de gâcher notre soirée là !

Il tourna légèrement la tête.

- Et ils sont où ces putains de vigiles !

Avec un soupir profondément agacé, il se retourna vers les bandits.

- Foutez le camp où vous le regretterez…

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Il sourit et se penche au niveau de mon oreille comme pour me dire un secret, je ne peux retenir le rosissement de mes joues, je n'ai pas l'habitude qu'un homme s'approche ainsi de moi, je me sens comme intimidée ou c'est l'ivresse de la soirée qui me rends aussi guillerette.

"- Je vais vous expliquer pourquoi vous perdez. Vous êtes beaucoup trop sobre. Je vous apprends à y jouer à la condition que vous me laissiez vous offrir un verre. "

"Je ..."

N'ai pas le temps de finir ma phrase qu'il est déjà parti, je reste plantée là, ne sachant que faire. Je préfère l'attendre sagement, comme une enfant, le temps de reprendre un peu de contenance, diantre ! On ne m'a pas éduqué ainsi ! Je ne vais pas tomber dans les bras du premier inconnu qui arrive, ce serait indécent !

Et terriblement amusant. Je prône encore et toujours le devoir, mais j'aimerais, rien qu'une fois, sortir des sentiers battus qu'on a tracés pour moi, je ne compte pas m'en détourner totalement mais juste faire un seul pas de travers. Je soupire, personne ne me connaît ici, pas officiellement du moins, autant en profiter un maximum, le temps d'une soirée.

"- Au futurs victoires de Madame !"

Je ne peux m'empêcher de sourire de toutes mes dents, un vrai sourire, pas un figé dans la glace comme je l'ai si bien appris. Un qui est chaleureux et dépourvu d'hypocrisie noyé sous un protocole archaïque. Et les heures passent, je perds et je gagne mais je m'amuse follement !

"- Et voilà ! L’alcool est mon secret ! Mais gardez-le pour vous. "

Je mets un doigt sur ma bouche.

"Je vous promets de ne le dire à personne, ce sera un secret très bien gardé !"

Et je peux retenir un petit rire, je me sens beaucoup plus légère avec l'alcool et j'essaie tant bien que mal de garder les pieds sur terre, mais je suppose que c'est peine perdu.

Un bruit sourd éclate, le retour à la réalité je suppose. Mais avant que je ne puisse faire le moindre mouvement, j'entends une rafale de balles. La panique s'empare de la foule mais je ne bouge pas. Un homme se met à hurler, personne ne bouge. Génial, un braquage. Je ne bouge plus. Jouer les héros serait complétement stupide, en plus, je ne suis pas armée. Quelle idiote ! Si seulement j'avais ma rapière, je pourrais en finir avec eux très rapidement. En Russie, on m'appelait l'éclair pour la rapidité de mes coups, malheureusement, il n'y a aucun fleuret en vue.

"- Vous êtes quand même pas sérieux ! Vous voyez bien que vous venez de gâcher notre soirée là ! "

Je serre les dents, l'alcool le rend complétement inconscient !

"- Et ils sont où ces putains de vigiles ! "

Je m'approche de lui en tentant de le raisonner, il n'est pas armé, cela ne sert à rien.

"- Foutez le camp où vous le regretterez…"

Je m'arrête dans mon geste, je sens quelque chose de pas humain qui se dégage de son être, une puissance guerrière, mystique. Je ne peux pas m'empêcher de sourire, un demi-dieu. On nous repère dès l'instant où nous sommes en situation de combat.

"Toi la princesse, vient avec nous."

Un homme me braque avec un fusil d'assaut, je le toise, la légèreté qui m'animait jusqu'à présent s'est enfuie, ne laissant place qu'à la froideur et la folie guerrière. Je serre les poings, soit maudit Arès toi et ton sang bouillonnant ! Je regrette de l'avoir comme grand-père des fois, mais au moins, je possède des aptitudes au combat. Je m'avance vers lui, sans peur ni crainte, il n'est pas né celui qui me fera plier le genou à terre.

"Pas la peine de jouer aux héroines, tu vas avoir un trou dans la caboche sinon."

"C'est amusant, c'est exactement ce que j'allais vous dire."

Ma voix est plus froide que le vent de Sibérie en hiver, mon accent russe reprend le dessus, j'ai toujours eu un petit roulement de r mais il est doux d'habitude, là, il y a une consonance mauvaise, guerrière. Il a une matraque à la ceinture. Si je l'attrape, je n'aurais pas le temps de l'attaquer, ses copains vont me tomber dessus.

Il ne me reste qu'une solution. Je lève ma main, dressée devant lui, un geste discret, et j'active mon harmonie. Je dois encore l'améliorer mais il est suffisamment efficace pour rendre inoffensif un mortel. Le soldat se contracte avant de me regarder avec des yeux de merlan frit. L'envie de se battre, l'animosité, la cupidité l'a quitté, il ne reste plus que l'envie de se poser et de savourer la vie. Le sort ne durera pas, mais suffisamment pour me laisser un temps de latence.  Ils sont cinq et ils sont bien armés, je suppose qu'il y a un sixième gars mais je ne le vois pas.

"Vous allez regrettez de d'avoir gâché ma soirée."

Et dire qu’il passait une bonne soirée. Il avait vraiment envie de pleurer sur sa malchance. Partout, la discorde semblait le suivre, alors même qu’il la fuyait. Pas si étonnant que cela pour un fils d’Eris, mais il aurait tout de même voulu passer une soirée tranquille. Il se faisait menaçant. Un des hommes le fixa avec une supériorité non-dissimulée. Il avait les armes, il était le chef. Voilà ce qui se dégageait de son regard arrogant. Matthew allait se le faire celui-là. Il se tourna vers Myria, pour lui dire de se reculer avec les autres et le braquer, en voyant son regard, braqua son fusil d’assaut sur elle.

- Toi la princesse, viens avec nous. Pas la peine de jouer aux héroines, tu vas avoir un trou dans la caboche sinon.

Le fils d’Eris se crispa, et il fit un pas franchement menaçant. Au diable son envie de paix, il allait le tuer. Ils n’étaient pas assez fort pour le battre, armes ou non. Avec son pouvoir de discorde, il les déstabiliserait assez longtemps pour se permettre de les surprendre. Et puis, ça lui ferait un petit entraînement. Il sentit son sang se chauffer, au rythme de sa colère, et alors qu’il s’apprêtait à sauter dans le tas, Myria le coupa net dans son élan.

- C'est amusant, c'est exactement ce que j'allais vous dire.

Sa voix froide fit s’évanouir le sourire débile du cambrioleur. Matthew distingua un accent russe. Bon, ok, elle était presque intimidante avec ses « r » roulés aux intonations guerrières, mais, il fallait qu’elle recule, sinon, les hommes lui tomberont dessus. Et, ils la massacreront. Le fils d’Eris lisait dans le regard des criminels une envie primaire. Il connaissait ce regard et e qu’il avait comme projet pour Myria ne faisait qu’accentuer sa rage. Il se prépara à lâcher son pouvoir quand toute envie de se battre disparut. Il regarda Myria avec incompréhension et la paix envahit son âme. Il se sentit terriblement bien, loin de toute rancune et de toute haine.

- Vous allez regretter de d'avoir gâché ma soirée.

Il comprit que c’était Myria qui faisait cela, et il sentit son pouvoir s’estomper. Ainsi elle était une demi-déesse. Intéressant. Surtout que son pouvoir était l’inverse du sien. Combinés, ils pourraient s’avérer intéressants. Il chassa toutes idées saugrenues de sa tête et regarda les cambrioleurs, toujours sur le charme de la jeune femme. Matthew en profita pour s’approcher des mecs en murmurant au passage :

- Vous êtes beaucoup plus sexy en russe en colère, si je puis me permettre.

Puis il se jeta sur les braqueurs, encore abrutis par le pouvoir de Myria. Il profita de l’effet de surprise pour prendre l’avantage. Du coin de l’œil, il vit la russe le rejoindre et au bout de quelques instants, ils finirent par vaincre les six braqueurs. Le Résistant entendit les sirènes de police sifflées à ses oreilles et il observa les criminels à moitié assommé avant d’attraper la main de Myria.

- Sauf si vous êtes fans des longues dépositions, faut pas rester là !

Il l’entraîna à l’arrière du casino où il poussa la porte de service pour l’entraîner dehors et contourner les voitures de police par l’arrière. Ils coururent sur encore quelques mètres et Matthew finit par l’entraîner dans un bar où il se laissa tomber sur une chaise avec un petit rire.

- Vous la sentez ? L’adrénaline ? On vient de mettre chaos des psychopathes armés de fusils d’assauts et de commettre un délit de fuite ! Fêtons cela !

Il la regarda avec un sourire amusé et commanda à boire, légèrement haletant de la course poursuite. Puis, il se rendit compte que la jeune femme avait peut-être été blessé dans le combat alors il l’observa sous toutes les coutures avant de dire, presque dans un murmure :

- Ce que vous avez fait… L’espèce d’aura de paix… Très impressionnant.

Il la regarda sérieusement, presque désireux de ressentir l’harmonie à nouveau. Il se rendait compte qu’être toujours en combat était fatiguant. Qu’être en paix était si reposant. Depuis quand n’avait-il pas ressenti cela ? Vraiment très longtemps.

- Je fais l’inverse moi. Je sème la discorde.

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"- Vous êtes beaucoup plus sexy en russe en colère, si je puis me permettre."

Je me contente de sourire avant de retourner à ma besogne, ces manants ont passé trop de temps à faire la loi ici, je vais leur montrer ce que c'est, l'art militaire russe. J'attrape une matraque et la fracasse sur la tête du premier, je tourne sur moi-même avant de m'attaquer au second, j'ai complétement libérée mon pouvoir, il est beaucoup plus impressionnant que je ne le pensais ! Je ne peux retenir un sourire aux lèvres, j'aime ce sentiment de puissance mais il est couplé avec cet étrange sentiment de culpabilité, comme quoi, je refuse quand même de me battre, j'ai toujours horreur de ça, même quand ces gens méritent qu'on leur botte les fesses.

"- Sauf si vous êtes fans des longues dépositions, faut pas rester là !"

"J'ai des talons !!"

Mais trop tard, je lui suis en courant aussi vite que je peux, au final, j'enlève mes escarpins de compét' pour courir pieds nus, le froid me glace les orteils mais je ne peux que savourer ce moment, c'est la première fois que je m'enfuis de la sorte, je devrais vraiment avoir honte, mais seule la sensation grisante de liberté m'enveloppe, faites que cela dure pour toujours !

"- Vous la sentez ? L’adrénaline ? On vient de mettre chaos des psychopathes armés de fusils d’assauts et de commettre un délit de fuite ! Fêtons cela !"

Je le suis timidement, essayant de récupérer un pouls normal mais j'ai dû laisser ce dernier au casino.

"- Ce que vous avez fait… L’espèce d’aura de paix… Très impressionnant. Je fais l’inverse moi. Je sème la discorde."

Je penche la tête. La discorde ? Il serait mon opposé alors ? Je souris, je ne peux pas exister s'il n'existe pas et inversement, nous sommes le Soleil et la Lune en quelque sorte, je trouve ça poétique, nous sommes liés à l'autre. Nous pouvons nous hair ou nous aimer, nous pourrons jamais qu'un sans l'autre. Seulement, nous ne sommes pas promis au même destin, autant par mes obligations que lui par les siennes. Pourtant, ce soir, j'ai envie de les oublier, ces obligations, ce protocole qui pèse sur mes épaules. Je voudrais oublier Orion et son regard de feu, je sais bien que je ne l'intéresse pas, qu'il a des copines. Alors pourquoi pas moi ? Parce que ce n'est pas mon style ? Je ne vais pas coucher avec Matthew, je ne suis pas comme cela, pourtant, une part de moi veut continuer à expérimenter cette liberté, seulement, je risque de me brûles les ailes.

Au diable les ailes.

"Donnez-moi votre main."

Il l'a tend et je la serre entre mes mains, elles sont si petites par rapport à la sienne ! J'ai l'impression d'être une poupée de porcelaine, fragile et cassante devant un roc. L'espoir ne tient souvent qu'à un fil alors que la discorde est toujours présente, prête à tendre les bras. J'utilise mon pouvoir par vague.

"Il est beaucoup plus puissant quand je touche la personne, quand la personne est en colère, je la ressens de tout mon être et j'éprouve cette rage, c'est très étrange de ressentir des sentiments qui ne sont pas les siens, c'est comme si je partageais mon âme avec quelqu'un."

Je retire mes mains, évitant son regard, je suis trop intimidée, je suppose que l'ivresse de l'alcool me permet à lui seul cette audace. Je me détourne pour boire mon verre, je n'ai jamais autant bu non plus.

"Pardon, ça doit vous déranger, je n'aurais pas dû."

Elle penche la tête sur le côté en l’observant attentivement alors qu’il fait de même. Il voyait qu’elle réfléchissait tout comme lui à l’opposition parfaite de leurs pouvoirs. A l’espèce d’équilibre qui s’opérait entre eux deux. Il se demanda si la discorde pouvait exister sans l’harmonie. Et si l’harmonie pouvait exister sans la discorde. Mais c’était impossible. Ils pouvaient s’aimer, se détester mais ils ne pouvaient exister l’un sans l’autre. Liés à jamais. La Discorde et l’Harmonie se battent depuis des millénaires et pourtant, ils existeront toujours l’un pour l’autre.

- Donnez-moi votre main.

Matthew s’exécuta, un peu décontenancé et elle la prit entre les siennes. Elles avaient l’air si petite par rapport à la sienne. En fait, Myria tout entière paraissait si petite. Pourtant, de ce qu’il pouvait en juger, elle avait le dos droit, un port de tête digne, l’expression noble. Et pourtant, son regard trahissait une grande fragilité que Matthew ne comprenait pas. Il n’avait pas pour habitude de cette fragilité. Les femmes de son quotidien avaient tous cette force de caractère, cette dureté commune à tous les Résistants. Il se trouvait démuni, quand il se noyait dans le regard de la jeune femme.

Soudain, toutes pensées cohérentes quittèrent son esprit. Il ne sentit plus que la paix de son âme, du bien-être de son cœur. Toute sa rancune disparut. Sa colère sa haine. Et, l’espace d’un effroyable instant, Matthew se rendit compte qu’il n’avait plus rien. Plus de raison de vivre. Son cœur s’affola et il sentit la panique l’étreindre violemment. Il se sentait coincé, perdu. La vengeance était sa raison de vivre. Il était la vengeance. Et le pouvoir de Myria le privait de ça. Il se sentait vide. Il se sentait d’une telle inutilité. La Discorde n’avait plus sa place. Et Harmonie et était devenue Peur.

- Il est beaucoup plus puissant quand je touche la personne, quand la personne est en colère, je la ressens de tout mon être et j'éprouve cette rage, c'est très étrange de ressentir des sentiments qui ne sont pas les siens, c'est comme si je partageais mon âme avec quelqu'un.

Elle lâcha enfin ses mains, alors que Matthew tentait de recouvrer contenance. Il ne voulait pas montrer son désarroi, ni lui montrer que son cœur battait très vite. Néanmoins, il était chamboulé. Et il avait peur. Il avait toujours pensé vivre pour que le monde soit en paix. Mais que se passerait-il à la fin de la guerre. Qui serait-il ? Myria dû apercevoir son regard car elle dit :

- Pardon, ça doit vous déranger, je n'aurais pas dû.

Il la regarda un instant, son rythme cardiaque étant redevenu normal. Il commanda deux verres de plus en voyant celui de Myria vide. Il était toujours plongé dans cette remise en question forcée, et il ne savait pas vraiment quoi dire pour meubler le silence pesant qui s’était installé.

- Ce n’est rien. Je dirais que vous m’avez rendu service. J’en avais besoin.

Il planta son regard dans le sien, essayant de lire en elle. Il attrapa sa main sans geste brusque et demanda du bout des lèvres :

- Je peux ?

Il n’attendit même pas sa réponse pour déclencher son pouvoir. Il tira le pire chez elle, curieux de savoir ce qu’une telle fille pouvait avoir de négatif. Il alla chercher ses pensées les plus mauvaises, les plus malsaines. Toute la discorde qu’elle pouvait ressentir. Il ne pensait plus à rien, à part à sa soif de savoir. Savoir si pouvoir lui faisait un si grand effet que le sien sur lui. D’une voix calme, presque trop, il dit doucement :

- Dîtes-moi tout Myria. On ne peut pas être totalement pacifiste.

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" Ce n’est rien. Je dirais que vous m’avez rendu service. J’en avais besoin."

Un silence s'installe entre nous, il plonge son regard dans le mien, une partie de mon être voudrait s'enfuir, cette inspection forcé me gêne mais je ne peux pas me soustraire à ses yeux, je suis tout simplement subjuguée, j'ai l'impression d'être un insecte qui va se faire manger d'un instant à l'autre par une plante carnivore énorme. Je recule, quelque chose me dérange.

"Je peux ? "

Il prend ma main et je n'ai pas le temps de crier, une sensation de malaise ultime, la noirceur m'envahit, une immense vague sombre me submerge, je ne vois plus la lumière, juste les Ténèbres avec une sensation de désespoir ultime. Mais le désespoir finit par se faire détruire par quelque chose d'encore plus ... terrible. J'ai du mal à respirer, je serre les dents, un sentiment m'envahit, une envie de destruction, une envie de vengeance, j'en veux au monde entier. J'en veux à mon père. Je me mets à le haïr si fort, c'est à cause de lui que j'ai tout perdu. Je vivais heureuse à Saint-Pétersbourg, j'avais ma vie, mes amis et surtout, je connaissais le monde dans lequel j'évoluais. Ici, je ne suis qu'une pauvre créature, juste une pauvre idiote dans les mains de puissants qui tirent les fils de mon existence. J'enrage, moi qui demande à vivre en paix et me traître comme une malpropre, je suis juste bonne à me faire traîner dans la boue !

Je sens les larmes monter, je serre les dents, la vie est injuste ! Je ne voulais pas faire de mal, je voulais sauver les gens, je voulais faire le bien alors pourquoi est-ce que je souffre ? Je n'ai rien demandé moi !

Il relâche la pression et je serre ma main contre moi, peu à peu, l'harmonie revient, doucement et détruit la noirceur, je suis ébranlée, je sais que je suis quelqu'un de fragile par rapport à tous ces guerriers, rompu à l'art du combat et qui n'ont plus rien à perdre.

" Dîtes-moi tout Myria. On ne peut pas être totalement pacifiste."

Je le regarde de nouveau, je retrouve aussitôt mon calme olympien, je souris.

"On ne peut pas vouloir tout détruire non plus Matthew."

Je bois mon verre avant de continuer mon dialogue, je veux calmer mon coeur qui s'affole encore à cause du pouvoir de mon compère, je sens que toute la sérénité dont je suis capable vient d'en prendre un coup.

"Tout n'est pas blanc ou noir, nous sommes des êtres gris, la question est de savoir quelle nuance de gris vous voulez être. Je veux rester près du blanc, je veux croire que tout le monde peut s'améliorer, on ne peut pas se battre tout le temps. C'est ... lassant."

Je bois cul sec avant de plonger mon regard dans le sien.

"Vivre pour vivre ... c'est plus compliqué que ça en a l'air. Moi, je supporterais pas de me battre toute ma vie."  

the devil's tears

L'attraction entre leurs regards étaient presque hypnotiques. Matthew ne parvenait pas à se défaire des yeux si bleus de Myria, tant cette lueur d'innocence et de pureté l'intriguait. Le subjuguait. Comme si la bête féroce qui sommeillait en lui n'attendait que de pouvoir briser cette étincelle. Une pureté telle ne pouvait pas exister. Ne devait pas exister. Il ne comprenait même pas pourquoi il était aussi attiré que dérangé par cela. Myria tenta de reculer mais il n'attendit pas pour saisir ses mains. Il déclencha son pouvoir, pour quoi si elle réagissait aussi mal que lui. Il vit bien la panique qu'il déclencha chez elle. La haine, le désespoir. Toutes ses ténèbres qui sont étrangères à la jeune femme. Tout ce qui était et formait le quotidien de Matthew. Elle se retrouvait propulser dans son Univers, loin de l'Harmonie et loin de la paix. Le Résistant aurait pu rester des heures à observer la discorde tout détruire. Il se sentit monstrueusement puissant. Il était grisant de voir à quel point il pouvait, s'il le souhaitait, la détruire. Finalement, quand il vit les larmes lui monter aux yeux, il relâcha la pression de ses mains et s'écarta un peu brusquement. Il s'en voulut de s'être laissé emporter. Encore une fois, il avait apprécié faire du mal. Ce côté sombre de lui le répugnait autant qu'il l'effrayait. Il se battait sans cesse contre lui-même et une certaine lassitude s'était emparée de lui. Myria ne lui avait rien demandé. Et il lui avait fait du mal. Juste parce qu'il pouvait se réaffirmer. Prouver qu'il n'était pas rien.

"On ne peut pas vouloir tout détruire non plus Matthew."

Le fils d'Eris plongea à nouveau son regard dans le sien, toujours perturbé de ce qu'il vient de se passer. A présent, il essayait de réfléchir concrètement, mais son esprit s'évadait dans les vapeurs de l'alcool, dans la culpabilité et dans la possible harmonie de son coeur. Il n'arrivait plus à penser. Il ne voulait pas tout détruire. Il voulait seulement détruire ceux qui le détruisait. Mais le détruisait-il parce qu'il cherchait à les détruire ? Trop de questions sans réponses. Trop complexes pour son esprit fatigué. Voulait-il vraiment la paix ? Ou juste une raison de vivre ?

"Tout n'est pas blanc ou noir, nous sommes des êtres gris, la question est de savoir quelle nuance de gris vous voulez être. Je veux rester près du blanc, je veux croire que tout le monde peut s'améliorer, on ne peut pas se battre tout le temps. C'est ... lassant."

Elle n'avait pas idée. Etaient-ils tous gris ? Matthew était pessimiste. Il avait vu trop de choses pour croire que le noir n'existait pas. Pour lui, on naissait blanc et mourait noir. Le triste destin de la vie. L'Homme est mauvais. La Créature est mauvaise. Le Dieu est mauvais. Rien n'est bon en ce monde sombre et le destin de chacun est de finir noir. Qu'ils se battent ou pas. La question n'est pas là. La vie abime. Elle détruit. Myria finirait par s'en rendre compte. Trop innocente. Trop préservée. Mais bientôt, la vie la détruirait. Comme elle le fait avec chacun.

"Vivre pour vivre ... c'est plus compliqué que ça en a l'air. Moi, je supporterais pas de me battre toute ma vie."  

Matthew avala son verre cul-sec pour fuir la morale à peine voilée de la jeune femme. Vivre pour vivre ? Il comprenait ce qu'elle voulait dire. Il avait souvent cru qu'il se battait pour pouvoir vivre pleinement et aujourd'hui, il était si malheureux que se battre était devenue sa seule raison de vivre.

"J'ai raté ma vie."

Avoua-t-il à mi-voix. Il avait complètement perdu le contrôle de la situation et il ne pouvait retenir ses mots si longuement retenus. Comme si se dévoiler face à une inconnue qui était de plus, sûrement une alliée, était la meilleure solution. Pourtant, il ne pouvait plus se taire.

"Me battre est la seule chose qui ait du sens. Sans cela... Je ne serais rien. Je ne suis rien. Tu dis vouloir croire que tout le monde peut s'améliorer ? Tu as tort. Les gens sont mauvais. Je suis mauvais. Tu deviendras mauvaise. C'est là le destin de tout homme."

Il se rapproche doucement d'elle, essayant de lui faire passer toute sa frustration, toute sa colère contre ce monde de merde. Si injuste. Si misérable.

"Si tu ne te bats pas, tu seras écrabouillée ! Et tu deviendras mauvaise parce que tu en voudras à tout le monde ! Mais si tu te bats... Ça te bouffera... Tu comprends ? Notre monde est un putain de cercle vicieux ! Et je le hais !"

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"J'ai raté ma vie."


Je hausse un sourcil, surprise. L'alcool commence à m'enivrer, je sens que je commence à m'engourdir, ce qui est plutôt agréable après la torture que Matthew m'a infligé quelques instants auparavant, j'ai l'impression de suer de peur, elle me colle à la peau. La bonté qui émane naturellement de mon être n'arrive pas à endiguer la violence de son pouvoir.

"Me battre est la seule chose qui ait du sens. Sans cela... Je ne serais rien. Je ne suis rien. Tu dis vouloir croire que tout le monde peut s'améliorer ? Tu as tort. Les gens sont mauvais. Je suis mauvais. Tu deviendras mauvaise. C'est là le destin de tout homme."


Il se rapproche de moi, je sens son souffle avinée qui s'engouffre dans mes narines, je recule de dégout. L'envie de le repousser est de plus en plus forte, là où il m'attirait il y a encore quelques secondes me rends malade. L'envie de sortir mon épée et de l'embrocher est palpable. Pourquoi cet homme me fait sentir des sentiments aussi contradictoires ?

"Si tu ne te bats pas, tu seras écrabouillée ! Et tu deviendras mauvaise parce que tu en voudras à tout le monde ! Mais si tu te bats... Ça te bouffera... Tu comprends ? Notre monde est un putain de cercle vicieux ! Et je le hais !"

Je ne réponds pas, je ne sais pas quoi répondre. J'entends ce discours à longueur de temps, rien ne peut se régler dans la paix, sauf le sang fait preuve de contrat, une monnaie imaginaire qui fait figure d'autorité, que tout le monde respecte sans sourciller. Mais moi, je ne veux pas y croire, parce que je ne suis pas comme tout le monde, je viens d'un autre monde où les conflits ouverts n'existent pas, sauf les coups dans l'ombre sont permis.

Je me lève, et tout doucement, comme une mère qui enlace son enfant contre son sein pour le rassurer de ses cauchemars, j'entoure son visage de mes mains, je n'utilise pas mon pouvoir, je veux juste qu'il me regarde droit dans les yeux sans faillir. Sans artifice ni maquillage.

"Nous sommes tous pareils, nous sommes égoïstes, fourbes et opportunistes. Nous retournons notre veste sans le moindre remord. C'est ainsi qu'est l'être humain. C'est dans notre nature même d'être mauvais."

Je me rapproche de lui, ils ne restent que nous, le monde s'est effondré. Il ne reste que l'harmonie et la discorde se faisant face. Ne pouvant vivre l'un sans l'autre mais sans jamais se comprendre. La seule certitude c'est que je suis la seule à comprendre son fardeau et le seul à comprendre le mien.

"Mais un jour il nous faut la refuser, cette nature. Il faut briser cette roue. Même si cela implique de passer pour un idiot, refuser de se battre et discuter. Les mots ont plus d'impact que les armes."

Je reprends mon souffle, j'ai envie de douter, son pouvoir influe sur moi sans qu'il ne s'en rende compte mais je ne cède pas.

"Je ferais en sorte que tu l'aimes, ce monde."