L’hiver était doux cette année. Comme s’il voulait être clément avant la tempête qui bientôt, ravagerait des centaines de vies. Matthew ne connaissait même pas l’existence de cette menace mais pourtant, il la ressentait. Il avait déjà eu du mal à se construire un semblant de bonheur. Un bonheur si fragile, fait de mensonges et de culpabilité. Ses tripes en étaient nouées. La bile lui prenait la gorge. Pour la première fois de sa vie, il savait que c’était de sa faute si tout s’effondrait. Il aurait aimé revenir en arrière. Abandonner avant de trop avoir perdre. Avant de trop perdre. Mais, c’était trop tard. Il aimait trop l’illusion du bonheur qu’il s’était créée pour laisser tomber. Conscient qu’il serait perdant, il avait trop d’orgueil pour déclarer forfait. Il voulait continuer d’être égoïste. De ne penser qu’à son bonheur. Son illusion de bonheur.

Sourire aux lèvres, il choisit d’ignorer ses états d’âme. Ce n’était pas le moment. Il était jeune. Il aurait le reste de sa vie pour se repentir. Il entra dans le restaurant. Il avait même mis une chemise. Il voulait que cette soirée soit parfaite. Son visage s’éclaira un peu plus encore, à la vue de Megara, qui l’attendait à la table qu’il avait réservé. L’emplacement était idéal. Isolé, il donnait sur les fenêtres où New York s’étendait sous eux. Ils dominaient le monde. Matthew aimait cette idée. Cette soirée était vraiment un nid à clichés. Mais un cliché n’en serait pas un s’il n’était pas populaire. Il avait envie d’être cliché. D’être romantique. De n’être qu’un gars normal qui passe noël avec sa copine normale. Tant pis pour les clichés.

Il la rejoint avec un pas assuré et l’embrassa doucement avant de s’asseoir. Il se glissa sur la chaise en face d’elle. Sourire en coin, il glissa la main dans sa poche avec un regard lumineux. « J’ai un cadeau pour toi. » Il sortit la petite boîte et la posa sur la table devant lui. « T’affoles pas, ce n’est pas une demande en mariage, promis. » Il l’ouvrit et en sortit une bague en or, décorée d’un saphir qui brillait doucement. Il attrapa la main de sa petite-amie et glissa l’anneau. « C’est une pierre ensorcelée. » Il attrapa son autre main et la posa doucement sur le saphir. Il l’observa longtemps, le temps qu’elle voyage dans leur souvenir. Quand elle rompit le contact avec le bijou, il plongea son regard dans le sien. « C’est une pierre de souvenir. Dès que tu la toucheras, tu pourras y voir le souvenir que tu as mis dedans. J’y ai mis nos un an. Mais, on peut changer. » Il avait été séduit par cette pierre dès que le vendeur lui en avait présenté les propriétés. Peut-être parce qu’au fond de lui, l’idée de pouvoir éterniser l’éphémère était un immense pouvoir. Peut-être qu’il pensait pouvoir capturer son bonheur et ne jamais le lâcher. « Je te créerais de si nombreux beaux souvenirs que tu pourras changer chaque jour. » Le ton faussement arrogant qu’il avait utilisé était démenti par son regard. La promesse qui brillait dans ses yeux était réelle. Il voulait la rendre heureuse. « Joyeux noël, Gallagher. » L’hiver était doux cette année. Mais, il ne le sera l’année prochaine.