La journée avait paru particulièrement longue pour Eilis. D'ordinaire, elle arrivait à dormir son quota d'heures - huit neuf heures - mais quelque chose l'avait empêchée de dormir correctement, une sorte d'angoisse sourde, et la journée qui avait suivi n'était que succession de petits malheurs : la machine à café était en panne, une panne d'électricité avait plongé le commissariat dans le noir - et son laboratoire n'avait pas été épargné - une collègue avait fait un malaise... La totale quoi. Vivement qu'elle puisse rentrer pour se poser.

Heureusement, son patron, Andrew, avait remarqué qu'elle n'était pas au top de sa forme, et pour lui c'était dû au fait qu'elle passait énormément de temps sur l'affaire en cours, quand elle n'allait pas à l'hôpital pour constater les décès de patients. Aussi lui proposa-t-il de rentrer plus tôt chez elle et de se prendre quelques jours pour se reposer, ce qu'Eilis refusa dans un premier temps par principe. Mais elle finit par accepter quand Andrew lui lança :

C'est un ordre, Eilis. Prends-toi quelques jours, ou je te mets à pied pour te forcer à prendre des congés.

Il avait un air sérieux, et Eilis avait appris à prendre au sérieux l'air sérieux de son patron, aussi rendit-elle les armes :

Bon, bon, d'accord, je vais me prendre quelques jours.

Parfait ! Je t'appellerai régulièrement pour vérifier que tout va bien, file rejoindre ton chez-toi.

Même si elle montrait qu'elle partait à contrecœur, dans le fond, Eilis ne put que remercier son patron : c'était quelqu'un qui savait comment fonctionnait un être humain, et qu'un être humain qui tire sur la corde était d'une moindre efficacité. Ramassant ses affaires, elle s'empressa de filer du commissariat pour rejoindre l'appartement qu'elle partageait avec Lyanna et Andreas.

Ce qu'elle n'avait pas prévu, en passant le seuil de sa porte, c'était de tomber sur deux autres personnes en plus de Lya et Andreas : deux hommes, dont un qui lui rappelait un peu la matriarche de la famille Lockhart, vu de loin quand elle et Lyanna avaient été recueillies par la famille. L'autre aussi lui disait vaguement quelque chose, mais elle leur lança d'un ton sec :

Que faites-vous chez moi ? Qui êtes-vous ?

Quiconque étant inconnu se trouvant sur son territoire était susceptible d'être considéré comme un ennemi et donc potentiellement à abattre...

  Depuis quelques temps Taddeus s'était rendu compte que sa condition de chasseur de diableries mythologique n'était pas inconnu à tous, mais surtout qu'il n'était pas le seul à exercer (si l'on pouvait dire cela) cette fonction. En effet, par de multiples reprises il avait dû s'associer à un certain Ethan, personnage quelque peu sûr de lui d'après l'expérience plus riche qui semblait lui profiter, concernant ces choses étranges qui hantaient les rues de New York mais aussi certainement le reste de la terre. Ce gamin plein aux as était son partenaire à l'occasion, sachant bien mieux ceux après qui (ou devrait-on dire quoi ?) ils courraient. Si l'écossais avait apprit dans les livres et sur le tas, il semblait que la formation d'Ethan soit bien largement plus complète que celle de Tadd.
   Encore aujourd'hui les deux hommes se réunissaient, mais cette fois-ci la condition était tout autre. Il était question de trois personnes, tout à fait normales si tant est que l'on puisse en trouver dans la ville qui ne dort jamais. Pourtant cette fameuse Big apple comme la population s'amusait à l'appeler, regorgeait de toute sorte de surprises. Ainsi après un bref débriefing à leur propos, des recherches précieuses certainement effectuées par le milliardaire lui même, les deux chasseurs se retrouvaient devant une porte d'appartement occupées par lesdites cibles. Pour une fois, il ne s'agissait ni de se battre, ni de tuer. Juste discuter. Étrange, non ? Et pourtant, cela était bien vrai.

Vêtu d'un modeste costume gris, sans cravate, Taddeus se tenait actuellement devant la porte du fameux appartement se questionnant sur la nature de ce qu'ils allaient trouver à l'intérieur. Pour l'écossais, il n'était pas question de rentrer par force ou de brusquer d'une façon quelconque les jeunes gens qui s'y trouvaient. Il avait eu vent de leur identité, écossais eux aussi leur patronyme Stuart ne lui était pas étranger. Après une mûre réflexion et un rapide voyage dans ses souvenirs (lesquels n'étaient pas tous très gais), Tadd se souvint d'une rapide conversation entre ses grands-parents, commérant sur une branche cousine qui portaient le même nom qu'eux et qui avait recueilli deux soeurs elles mêmes parentes de la famille Lockhart. Stuart étaient leur nom. Parmi le trio repéré par Ethan se trouvaient justement deux soeurs. A vrai dire, l'homme doutait qu'elles ne puissent le reconnaître. Jamais ils n'avaient été présentés, même le jeune homme avec, bien qu'il soit aussi un parent éloigné, n'avait pas eu cet honneur. Mais qu'importe, il comptait sur la familiarité pour sympathiser. Après tout il était facile de reconnaître un Lockhart, surtout avec la consanguinité qui caractérisait leur famille. Bien que le secret était tenu en silence, il était su de tous. La famille de Taddeus était connue parmi les plus grandes de l'écosse, un peu comme un oiseau déchu de par ses méthodes qui leur attribuait une réputation de folle
Une main dans la poche, l'écossais lança un rapide coup d'oeil à son partenaire du jour. Après un accord commun silencieux, son poing s'abattit trois lourdes fois sur la porte, annonçant donc leur présence. D'après les informations des deux hommes, l'appartement n'était pas en ce moment même vide, et il se passa un certain temps avant qu'enfin on vint leur ouvrir. Le bruit d'un mécanisme commun de fermeture précéda l'ouverture, et le visage attendu de l'un des trois résident se dessina dans l’entrebâillement de la porte. Taddeus afficha une mine qui se voulait sympathique, un léger sourire agrémentant ses lèvres, et il prit la parole :

"Bonjour. Pardonnez moi de vous déranger, mais je suis Taddeus Lockhart, voici Ethan Grayson (il désigna l'homme à ses côtés d'un mouvement de main). Auriez-vous quelques instants à nous accorder ? Nous aimerions vous parler."

Le nom et le visage d'Ethan Grayson n'était pas inconnu. Au contraire, il était une véritable célébrité à New York et certainement bien ailleurs, de celles que l'on s'amuse à retrouver en première page des magasines people, lecture qui ne figurait pas parmi celles de Tadd. Ainsi, si lui était un sombre inconnu arborant un nom plus que familier, son acolyte faisait figure de sincérité et rassurait.
Bientôt, la porte leur fut ouverte. De rapides regards interloqués s'échangèrent, ce qui avait tout de compréhensible. Evidemment, ces deux hommes débarquaient sans prévenir, et ce du jour au lendemain. Rien de rassurant à première vue. Mais il manquait quelqu'un à l'appel : Eilis. La jeune femme était apparemment médecin légiste. Il était évident qu'un tel travail occupe la grande majorité de son temps. Il leur fallait attendre.


Le temps parut long jusqu'au moment où le bruit familier de la serrure ne viennent aux oreilles de l'écossais. Ainsi, la dernière du petit trio arrivait enfin. Lorsqu'elle eu passé le pas de la porte, il ne lui fallut pas longtemps pour remarquer les deux intrus et se tenir en alerte. C'était justifié ...

"Que faites-vous chez moi ? Qui êtes-vous ?"

Le ton de la jeune femme n'avait rien de chaleureux ni d'accueillant, ce qui fit sourire intérieurement Taddeus. Il aurait littéralement mit sa main à coupé qu'un geste de travers fait, elle leur serait sauté dessus pour défendre sa famille coûte que coûte. Ainsi, Ethan ne semblait ne pas s'être trompé sur la valeur du trio.

Tadd s'avança vers elle d'un pas assuré mais qui n'avait rien de menaçant. Il prit garde néanmoins à garder une certaine distance entre eux, refusant d'envahir son espace personnel et de partir sur de très mauvaises bases. A la place de cela, il lui servit son habituel air rassurant qui pour le coup se voulut légèrement paternel.

"Eilis je suppose ? (l'écossais marqua une pose avant de reprendre) Voici Ethan Grayson et je suis Taddeus Lockhart. Nous sommes avons des choses très importantes à vous dire.

L'un des deux hommes, celui qui ressemblait un peu à la matriarche, s'avança vers Eilis et lui lança avec un sourire :

Eilis je suppose ? Voici Ethan Grayson et je suis Taddeus Lockhart. Nous sommes avons des choses très importantes à vous dire.

Du coin de l'oeil, Eilis put voir celui qui était présenté comme Ethan Grayson se vautrer dans leur canapé après qu'il lui ait serré la main comme s'il était chez lui. Toi, mon coco, songea la demoiselle en gardant un masque parfaitement neutre, tu vas apprendre les bonnes manières et fissa. Elle l'écouta lancer :

Bon ! N'y allons pas par quatre chemins: nous savons ce que vous faites depuis quelques temps. Épargnez-vous le blabla habituel pour nous faire croire que vous ne savez pas de quoi on parle, ça ira plus vite. Car nous ne sommes pas là contre vous mais POUR vous. En effet nous pouvons nous entendre: mon ami Tadd et moi avons besoin de votre aide pour une petite affaire, tandis que vous, vous pourriez avoir besoin de ressources et de savoir dont nous disposons. On vous a déjà vu à l'oeuvre mais Tadd et moi sommes plus expérimenté dans le métier. Oh ce n'est pas une critique hein ! Vous vous débrouillez même vraiment bien, mais simplement vous pourriez encore plus progresser à nos cotés. Bon eh bien parfait alors on va vous expliquer plus en détail ! Je prendrais bien un café moi !

Eilis lança un regard à Lyanna et Andreas, en mode "de quoi il se mêle celui-là" et laissa sa cadette répliquer sèchement :

Il y a un café dans la rue, je prendrais un cappuccino, merci.

Bien envoyé, petite soeur. Avec un sourire moqueur, elle avisa Grayson alors que Lyanna demandait à Lockhart s'il y avait un rapport avec les leurs, et répondit :

Oui, en tout cas il ressemble beaucoup à grand-mère. Quant à vous, dit-elle en se tournant vers Grayson, je vous prierai de vous comporter comme quelqu'un de civilisé. Vous êtes ici chez moi, et en tant que gardienne de ce foyer avec ma sœur et notre ami je nous trouve bien sympas de ne pas vous mettre dehors. Alors rendez-vous utile et allez au café indiqué par Lyanna, ramenez un cappuccino, des cafés et un chocolat et ensuite peut-être que nous discuterons avec vous.

Son ton ne laissait transparaître aucune menace, mais il valait mieux pour lui qu'il s'exécute. Se tournant vers Taddeus, elle reprit d'un ton un peu plus doux :

Veuillez m'excuser, la journée a été un peu longue. Attendons les cafés et vous nous expliquerez en détail ce qui vous amène, d'accord ? Installez-vous.

Elle indiqua à Taddeus un fauteuil libre, avant de lancer un regard à Grayson : qu'il se bouge, et vite.