I can't just let you go

Sigi & Eli

Les rideaux fins de ma chambre tamisaient la lumière du jour qui plongeait la pièce dans une douce aura mauve. Mes yeux fixaient le lit d'un regard vague, ne faisant pas attention aux draps bleus, ni à la petite cheminée de pierre enfoncée dans le mur. La pièce est dans un triste état ; le sol était jonché de papiers froissés, de stylos et de certaines de mes affaires personnelles. Une pile de feuilles s'empilait sur le bureau, des symboles mystiques dessinés sur leurs pages, annotés. J'avais encore tellement de choses à faire ! Cela faisait plusieurs jours que je bossais sur mes sigils, car il fallait que j'élargisse mon éventail de capacités pour le moment fatidique. Ce moment où je réduirais en cendres ces saletés...
Je ne me souviens plus quand est-ce que je suis rentré. Plusieurs semaines ? A moins que ça ne fasse quelques mois ? Mais ça n'a pas d'importance, après tout, la vie n'est qu'une suite de jours qui forment les semaines, les mois et les années. En plus, ce n'est pas fiable ; les civilisations ont des calendriers différents et par conséquent des dates différentes. Même si l'on s'est cantonné au bon vieux calendrier solaire de façon internationale.
Toujours est-il que je ne suis pas rentré hier, et quand bien même est-ce le cas, j'ai l'impression de ne pas avoir quitté la cellule sombre que j'occupais avec mes camarades pendant que...

Je secoue la tête, je n'ai pas envie de me souvenir de ça, pas maintenant alors que j'ai encore tant de choses dont je dois m'occuper pour préparer ma vengeance. Je tente de me relever du coin de la pièce où j'étais assis, la capuche de mon sweat sur la tête, mais quelque chose par terre attire mon regard. Parmi la masse de papiers froissés, je vois l'angle d'un petit papier à la feuille luisante. Je reste assis et tend le bras pour m'en saisir.
C'est un cliché polaroid sur lequel on me voit faire une grimace en direction de l'objectif, différent. A cette époque, j'étais si... puéril ! A côté de moi se tient quelqu'un que je n'ai pas vu depuis de nombreux mois ; des cheveux cuivrés bien coiffés, un regard chargé d'intensité aux yeux chocolat... Je ne sais pas pourquoi, mais à la vue d'Elian, mon cœur se serre un peu. J'avais oublié tant de choses depuis mon séjour en enfer. 

C'est alors qu'une voix dans mon dos s'éleva. Une voix douce, chaleureuse. Une voix que je ne connaissais que trop bien et qui me fis frissonner... Mon regard se reporta sur la photo, m'avait-elle parlée ??!
Afin de voir si je n'étais pas devenu fou, je me retourne et mon corps se fige à la vue de ce fantôme qui était resté dans le coin de ma mémoire ces longs mois sans faire surface, caché par les hurlements de terreur et les sanglots. 
Pendant de longues secondes, un silence plane alors que j'essaie de surmonter le choc de le voir. Mes yeux se fixent dans les siens. Dans son regard, je vois de l'inquiétude, mais aussi du soulagement... Il... il n'avait pas changé.
Décontenancé, je me ressaisis et me lève avec maladresse. 
- E...Elian ? est la seule chose que je parvienne à dire, la voix chevrotante, avant que je ne réussisse à reprendre mes esprit et à ôter ce stupide air ahuri de mon visage pour reprendre un air sérieux.
- Qu'est-ce que tu fais ici ?

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Sigi & Eli

Mes yeux parcourent son visage. Il perd son sourire. Je n'aime pas quand ils font ça. Je veux dire, je sais qu'il s'en fait sans doute pour moi, et que comme les autres, il se demande où son Sigi est passé. Et encore une fois, à quoi s'attend-t-il ? A ce que je sourisse comme un benêt et que je saute de joie quant au fait d'être rentré à la maison ? Non. Ce n'est pas comme ça que ça marche quand on passe six mois emprisonné à être humilié, torturé et traité comme de la vermine. Mais je ne laisse rien paraître, car je sais qu'il ne pense pas à mal, je sais qu'il veut seulement s'assurer que tout va bien. Et puis, même si je ne l'admettrai pas, le voir me rassure. C'est l'une des seules personnes vivantes auxquelles je tiens encore et l'idée qu'il n'ait pas changé est rassurante également. Au moins, certaines personnes restent telles qu'elles sont, ça fait du bien de le constater.

- Tu n'aurais pas dû, lui dis-je en baissant les yeux. Et je le pensais ; il n'aurait pas dû revenir pour me voir. Car comme à cet instant, il se faisait encore plus de souci pour moi. Et je n'en valais pas la peine. Je me devais de ne pas en valoir la peine ; je n'ais pas été assez fort pour protéger mes amis, pour me défendre moi-même. J'avais l'intention d'y remédier, mais en attendant, il fallait que je reste le plus loin possible d'eux... de ceux à qui je tenais. D'Elian... Elian ; un proche que j'avais pourtant oublié pendant ces six mois passés chez les Résistants ! Comment cela avait-il pu se passer ?
- Et puis, regarde, je vais bien. Je me tourne vers les rideaux de la chambre et regarde à travers la fenêtre avec un sourire forcé. Je ne voulais pas croiser ses yeux. Je ne voulais pas y voir cette peine que tout le monde ressentait pour moi ; encore moins dans ses yeux à lui... Par les dieux, c'était donc si difficile que ça de masquer ce sentiment ? A moins que je ne sois plus sensible à ça. Peu importe, ce n'est pas la question.

Elian part s'asseoir sur le rebord de mon lit. Il commence à s'excuser, à s'effondrer. Ne pas avoir pu me protéger ? mais je n'arrivais pas déjà à me protéger moi-même ! Je dois avouer que le voir dans cet état me mettait mal à l'aise... Il n'avait pas à s'en vouloir pour tant de choses, mais soit, je comprenais ce qu'il ressentait. Après tout, n'en étais-je pas moi-même victime ? Saloperie de culpabilité.
- ... Est-ce qu'un jour tu pourras me pardonner ?
- Pour quoi devrais-je te pardonner ?, je lui répond en continuant de regarder par la fenêtre. Pour avoir tenté de faire ton maximum, sans que ça ne porte ses fruits ? Tu sais que c'est des conneries tout ça, Elian.

Elian continue alors à se reprocher de ne pas avoir été là. Je tourne la tête et vois qu'il est sur le point de s'effondrer en larmes. Sa voix tremble. C'est alors que je saisis la portée de mes paroles... Mais quel imbécile je fais ! C'était pas ce que je voulais dire... Sigillen, faut vraiment que t'apprennes à t'exprimer correctement ! Nom du styx ! Paniqué, énervé contre moi-même, j'enlève ma capuche et m'assoie à côté de mon ami en marmonnant des excuses.
- Non, Eli, c'est pas ce que... roh, c'est pas ce que je voulais dire c'est juste... je ferme les yeux et soupire pour reprendre contenance. Bordel, pourquoi faut toujours que ce soit si compliqué avec moi la communication...
- J'ai pas besoin de te pardonner, parce que rien n'est de ta faute... Les seuls responsables sont ces ordures de résistants, je sors ce mot presque en le crachant alors que mes traits se durcissent, et moi. Ma voix se brise. Tu n'es pas responsable de ces morts, ou de ma capture. Alors, arrêtes.

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Sigi & Eli

C'est parfois en restant assis et en écoutant les autres parler que l'on en apprend le mieux. Parler rompt l'atmosphère d'une situation qui peut être gênante, ou au contraire, primordiale. J'ai appris ça à mes dépends. Il fut un temps où le silence me rendait mal à l'aise, où la parole m'était salvatrice, mais maintenant, j'accueille le silence comme une preuve de respect envers les autres lorsque le contexte y est propice. Et les dieux seuls savent à quel point cette scène était importante. Je ne sais pas comment j'avais fait pour oublier Elian. Ses cheveux roux, son regard chargé d'émotions, sa voix... Et surtout ces moments où la vie l'animait plus que tout ! On aurait dit... Je sais pas exactement comment décrire ça, mais il avait cette ferveur dans son attitude. Son corps entier semblait s'exprimer... Dans ces moments-là, j'étais captivé. Tout simplement.

C'est en le voyant s'agiter et parler de tout ce qui était arrivé que j'ai senti à quel point tout ça l'avait affecté. Il y avait cette étrange impression que j'avais ; à la fois d'être extrêmement proche de lui, mais aussi loin qu'on pouvait l'être l'un de l'autre. Les images de la bataille commencèrent à me revenir par flashs. Les cris, le tintement des épées contre les boucliers, les pensionnaires qui couraient dans tous les sens en se battant contre des hordes d'ennemis, l'odeur du brûlé, la texture de la terre mouillée et pleine de haine, le goût de fer du sang sur la langue. Je ferme les yeux en me serrant le crâne tendis que je continue d'écouter Elian.
- Je n’ai jamais oublié la violence avec laquelle ils nous ont attaqués.
- Crois-moi... moi non plus, je murmure la mâchoire serrée.
Il se lève et me regarde. Il sait que j'ai été torturé. A ces dires, je tente de masquer la cicatrice qui me balafre la joue gauche.

La torture. Oui, pour répondre à votre question, ça fait mal ! Il y a trois types de torture ; physique, mentale, et morale. Si je devais n'en choisir qu'une, alors tout irait bien, je pourrais même vous laisser la choisir. Parce que le plus horrible de tout, c'est de préparer un cocktail avec les trois.... L'avantage qui sort de tout ça, c'est que une fois qu'on a goûté aux trois, alors la souffrance du quotidien ; le harcèlement, une fracture du pied ou encore le fait de transgresser une des lois morales établies dans notre cerveau, nous paraît ridicule. Enfin, quand les souvenirs qui leur sont associés ne refont pas surface avec la douleur ! Je coupe Elian pendant son discours.
- Si ton devoir en tant qu'ami est de m'aider, alors arrête de t'en faire pour moi ! Repars chez toi, continue tes études, mais oublie... ça, je nous pointe du doigts. Je ne veux pas d'obstacle dans ma quête pour la vengeance. Mon regard s'assombrit.

Puis, il se change en surprise quand je vois la colère peinte sur le visage de mon ami et que des fougères en émeraude sortent du sol et lévitent autour d'Elian.
Il a renoncé à... Son père ? Mon cœur manque un battement quand il parle de sa nouvelle famille. (Attends deux secondes, est-ce que ça ferrait de nous des frères ?! Parce que, je pense pas que je pourrais.... Roh ! Ferme-là Sigi, t'es en train de ruiner le moment ! Quand je vous disais que parfois il fallait se la fermer !)
Je ne peux m'empêcher de le regarder dans les yeux.
- Elian... je chuchote, touché.
Mais avant que je ne puisse ajouter quelque chose, il lança les fougères à l'extérieur, le regard déterminé. Je ne l'avais javais vu comme ça...
- Je ne suis plus le même et je n’abandonnerais pas !
Un silence s'installe pendant quelques secondes. Puis, lentement je me lève et pousse un soupir.
- Bon, je suppose que rien ne te fera changer d'avis ?

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Sigi & Eli

A vrai dire, ma réponse était rhétorique, mais peu importe. Mes yeux le sondèrent un moment ; finalement il avait changé lui aussi. Il semblait plus fort, plus déterminé. C'est assez ironique de dire ça mais c'est en perdant que l'on gagne le plus. La vie vous envoie des missiles à la tronche en riant et c'est dans des moments comme ceux-ci où on peut enfin lui faire un bras d'honneur !
Lorsqu'il prononce la fin de sa phrase, mon cœur se met à battre furieusement. Pourquoi ? Je ne sais pas, mais le fait d'entendre ça de sa part me rend... bon sang que c'est insupportable de ne pas pouvoir mettre de mot sur ses impressions ! Encore plus déterminé, Elian s'approche de moi et prend mes mains dans les siennes. Un frisson remonte le long de mes doigts jusqu'à l'arrière de mon crâne... Elles sont chaudes et quelque chose de presque électrique fait hérisser les poils de mes bras. Peut-être de l'électricité statique ? Oui... c'est la réponse la plus logique.
De sa main, il me frôle le menton pour relever ma tête. Je commence par détourner le regard, ne voulant pas qu'il voit ma cicatrice... cette blessure infligée par ces pourritures de résistants... Mais voyant qu'il insiste, je lève les yeux à contre-cœur, et... je manque de souffle.
Ses yeux... deux magnifiques soleils où brûlent de douces flammes. Je ne peux pas m'y empêcher, lorsqu'il prend la voix de Stitch, un sourire fend mon visage.
- T'es le pire doubleur de Stitch que j'aie jamais entendu Elian Marcess ! je dis dans un semblant de rire.
Il m'enlace.
- Ça fait du bien de te revoir…

Tout s'arrête. La sensation de ses bras autour de moi est la seule chose que je sente. D'abord, mes muscles se crispent, puis la chaleur de son torse me détend et je sens alors son odeur... Un parfum doux, semblable à la rosée déposée sur l'herbe fraîche et la senteur des arbres feuillus mêlé aux roses. Je le serre fort et il répond à mon étreinte. Je me sentais si... en sécurité. Des larmes commencent à me monter aux yeux alors que je resserre encore légèrement mes bras autour de mon ami. Comment avais-je fait pour l'oublier ?
Je ferme les yeux et les images reviennent ; je vois son sourire, ses cheveux, ses larmes... Je me vois l'enlacer avec protection, je nous vois nous battre, rire, chanter comme des casseroles.
Peut-être qu'un jour, nous pourrions revivre tout ça, une fois que cette guerre sera finie... Mais ça m'étonnerait beaucoup, après tout la vie est une suite de guerres. Sans fin.

Elian me conduit à l'extérieur avant que je ne puisse dire quelque chose. Cela ne me gêne pas toutefois. Sinon, je m'y serais opposé. Je lui lance un regard et il me sourit. Son visage est éclairé comme une étoile... Bon sang, ce qu'il pouvait être beau... Hum, enfin bref. Je détourne le regard, me sentant bien ridicule en comparaison ; mes cheveux châtains mal coiffés, ma peau pâle due à mon enfermement et surtout, mes cicatrices ! J'admire le lac en contre-bas de la colline. Et dans toute cette beauté, la réalité revient à moi.
- J'ai un plan Elian. Un plan pour leur faire subir ce qu'on a enduré pendant des mois...
Je continue à marcher et arrive à hauteur des galets, mes yeux se posent sur l'horizon. Je dois vraiment avoir l'air d'un acteur dans les films dramatiques ! Mais bon, ce qui se passait dans notre vie n'était pas du ressort de la comédie.
- Ma soeur... Leslie. Je vais la faire parler jusqu'à ce qu'elle avoue leur cachette. Et je sais exactement où la trouver ! Et je te le demande, ne m'en empêche pas. dis-je avec sévérité dans la voix. Je veux faire en sorte que tout ça s'arrête. Que les flashs, les images disparaissent tu comprends ?
Je me saisis d'un galet, et sort un feutre de ma poche. Je dessine un de mes fameux sigils en murmurant le mantra et le lance sur la surface du lac.
1,6, 12, 25 ricochets font plocs plocs sur l'eau avant que le galet ne sombre dans ses profondeurs. Je vois la nageoire d'une naïade au loin frôler la surface.
- Ça fait des mois que ça dure, je veux pouvoir enfin dormir en paix. Et servir à quelque chose.

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Sigi & Eli

La colère refait surface, mes traits se durcissent. Je haïssait tellement ces ordures. Tout ce qu'ils avaient fait au nom d'une soit disant révolution ! Leurs actes étaient impardonnables. J'avais tenté de rejoindre les KERES, mais ces imbéciles n'avaient pas voulu de moi. Je n'avais jamais eu l'explication... "tu n'es pas prêt" était la seule chose que Angel m'avait dite. Ils me voyaient sûrement comme un enfant je présume, sauf que bien contrairement à lui, je n'avais pas fait que perdre des proches. C'est pour cette raison que j'avais décidé d'agir ; si personne ne voulait m'aider, alors je me débrouillerais sans aide !!
Je ne m'attendais pas à cette réponse. Pas de la part de Elian. Autrefois, il se serait sûrement posé des questions avant de prendre une décision.

- Heureux que tu la connaisse, ça m'évitera de vous présenter, je réplique sur un ton sarcastique. Je me remémore son visage. Le jour où elle est partie. Leslie avait toujours été sombre, même quand elle était encore à la colonie. Et puis, elle était devenue résistante très tôt, emplie de désir d'émancipation et de vengeance. Autant dire qu'à présent, je la détestait tout autant. Même si elle était ma sœur, pour moi elle faisait partie du camps de l'ennemi et n'avait rien empêché à ma connaissance. Après tout, elle avait même participé à la bataille en s'étant battu contre Eli. Ce détail piqua ma curiosité.
- J'espère que tu lui a mis une raclée, je lui demande en espérant avoir plus de renseignements. Ma sœur était une coriace au combat, surtout que sa magie était vraiment puissante ! Bien sûr, elle ne pourrait rien faire contre mes sigils de neutralisation une fois le moment venu... Mais j'avais hâte de savoir comment mon ami s'était défendu face à elle.

Je ne peux m'empêcher de rougir quand il prend mes mains et  dit qu'il veut m'aider à faire disparaître mes névroses. J'essaie de le cacher en détournant le regard. Je n'avais pas besoin de rendre la situation gênante, je ne voulais surtout pas envoyer de message trop subliminal. D'abord ce n'était pas le moment, et puis je me faisais peut-être des idées quant à lui. C'était un très bon ami, sans doute le meilleur que j'avais en cet instant.
Lorsque je vois que son visage se crispe, je sens sa colère faire vibrer le sol. Je ne l'avais jamais vu comme ça, aussi.. haineux ? On aurait dit que quelque chose n'allait pas dans ce tableau. Je suppose qu'il avait plus changé qu'il n'avait l'air. Sauf que j'allais avoir besoin d'un Elian calme et maîtrisé pour que mon plan fonctionne.
Quand les rosiers commencent à sortir du sol, je pose mes mains sur ses mâchoires crispées en évitant de rougir et dirige son regard vers le mien.
- Elian, je te comprend mieux que personne, mais j'ai besoin que tu te montre calme et réfléchi pour cette quête !. L'air se détend et mes mains sont toujours posées sur ses mâchoires. Mon cœur recommence à battre la chamade. Je sens sa peau douce et chaude contre mes paumes. Il était plus grand que moi de quelques centimètres et son visage était baigné de lumière.
Je retire vivement mes mains en évitant son regard.
- Leslie est à l'hôpital d'après ce que je sais. Après ce qui est arrivé au QG des résistants qui ont été attaqués par les KERES. Le plan est très simple, on part là-bas, on se camoufle à l'aide de la Brume, on s'infiltre dans sa chambre, je place les sigils de neutralisation que j'aurais préparé autour de son lit et on procède à l’interrogatoire.
Je lui lance un regard afin de connaître son avis sur la question.

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Sigi & Eli

En cherchant dans ma mémoire, je me reprends à penser aux moments que nous avions partagé avant que tout ne parte en vrille. Dans chacun de ces souvenirs, il y avait eu une empreinte particulière ; une sensation de complétion. Je ne le saurais que plus tard, mais c'est ce qui se passa en cet instant qui réveilla cette étincelle cachée au fond de ma poitrine, ce geste qui me ferait prendre conscience de ce que j'avais, de ce que je souhaitas conserver et de ce que je voulais vivre.

En cet instant, j'avais toujours les mains posées sur son visage. Il semblait s'écouler une infinité de secondes... Juste la brise légère caressait nos cheveux. Sa belle chevelure rousse éclatait dans la lumière, de même que son visage. Je sais que cette description est sans doute très niaise ! Mais c'est la vérité ; il était sublime. Ses yeux habituellement brun avaient pris une teinte dorée, une sorte de croissant d'or entourait sa pupille dont l'iris à présent presque aussi lumineuse que ses cheveux me fixait. Brusquement, mais aussi comme si je voyais le monde au ralentit, je vis sa tête se rapprocher de la mienne et avant que je ne le réalise, ses lèvres touchèrent les miennes.
Cela ne dura qu'une seconde à peine, mais ce fut pour moi une loooongue seconde. Lorsque le bout de sa bouche frôla la mienne, je sentis mes muscles se crisper et comme un courant d'électricité qui excita tous mes sens, les amplifiant à une échelle dont je n'avais pas moi-même conscience !
Ses lèvres étaient douces et légèrement humides, comme une rosée matinale... Elles me faisaient frissonner rien que par leur contact ferme et pourtant tendre... Son souffle sentait l'herbe fraîche, les pins des bois et les pétales de rose. Mes mains étaient toujours sur son visage.
Paniqué, secoué par tous mes sens, bouleversé d'émotions qui fusaient en tous sens et troublé par toutes les pensées qui me vinrent en tête en une bourrasque folle, j'ai bien cru que mon cœur allait jaillir de ma poitrine ou bien se rompre sous le coup de l'adrénaline !
Jusqu'à ce qu'Elian rompe le baiser.

- Excuse-moi, je... je...
- Tu sens le buisson ! dis-je vivement, sans réfléchir. Que... Attends qu'est-ce que j'ai dit ?! Enfin, tu sens l'herbe et tes lèvres c'est de la mousse ? Je veux dire... NON pas cette herbe là ! ET tes lèvres sont.... elles sont pas de la mousse... elle sont.... comme de la mousse, aussi... douces que de la mousse ?

Je soupire, les joues empourprées de honte, mes yeux évitent le regard de mon ami et je poursuis aussi vite sans respirer ; je lui explique mon plan, en espérant qu'il oublie vite cet incident... ridicule. Franchement, MAIS QU'EST-CE QU'IL T'ARRIVE SIGILLEN HEZZEL ??!! Son baiser m'avait tellement perturbé que j'avais sorti le premier truc qui me passait par la tête ! Et bien entendu, maintenant cela créait une situation gênante... La grande spécialité de cet imbécile de Sigi !
Heureusement, Elian continue lorsque j'évoque la suite de mon plan. Je répond aussi vite, lui coupant presque la parole d'un rythme effréné.
- Parfait ! Oui, oui on fera comme ça et puis ça m'évitera d'user trop d'énergie pour me cacher aux yeux des caméras et du personnel ! Hum...
Il y a un silence, puis je me retourne vers mon ami, évitant encore son regard, le visage toujours rouge.
- Je... j'ai besoin de rester un peu seul pour, tu sais... tout préparer correctement. Tu devrais... aller voir Chiara, je crois qu'elle... elle aimerait bien te voir. Je te dis ce soir quand est-ce que l'on met le plan en exécution ! Je lui lance un regard furtif, puis m'éloigne en direction du bungalow d'Hécate en lui faisant un signe de la main, le cœur battant. En espérant qu'il ne me suive pas.
J'avais effectivement besoin d'être seul. Mais pas pour le plan, il était déjà préparé depuis quelques jours et la venue d'Elian ne changerait pas beaucoup le schéma de base.
J'avais besoin d'être seul pour réfléchir à ce qui venait de se passer, me calmer, et reprendre mes esprits. Ce n'était pas le moment pour déconner !

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