Une demande des plus attendus

Rencontre avec une fille d'Aphrodite

Depuis que j’avais retrouvé mon talisman, mes préoccupations face à ma disparition pesaient peu et je donnais un peu plus de mon temps à ce nouvel être. J’avais eu la chance de sentir ses premiers mouvements et la joie s’était lue sur mon visage. C’était tellement magique de sentir cet enfant exécuté des petits mouvements de jambes ou de bras. J’étais réellement émerveillée mais je ressentais le début de la fatigue. J’avais assisté à bon nombre de naissance et donc j’avais été en contact avec beaucoup de déesse portant leurs enfants. A l’époque, je ne m’étais jamais dite qu’un jour, je porterais moi aussi mon premier être divin. Même si une certaine inquiétude se lisait sur mes traits, j’essayais au maximum d’avoir le moral. Le moral était la clé de ma grossesse car l’enfant ressent le moindre de mes sentiments et je ne voulais pas que ça l’affecte. Je me déplaçais de moins en moins car j’étais rapidement à bout de souffle et chacun de mes muscles me faisait souffrir. J’avais l’impression qu’on tirait sur les bras et sur les jambes, or, j’étais loin d’être extensible –enfin, ça pouvait s’arranger-. Tandis que le danger rodait toujours, je pouvais davantage observer mes changements morphologiques. Mon corps fin et élancé était devenu large et essoufflé. Croyez-moi, je préférais largement l’ancien même si celui-ci me donne tout l’air d’une madone. Mon visage avait quelque gonflé me donnant un peu plus de joue et un regard des plus pétillants. J’avais pris aussi de l’âge, je paraissais moins être au début de ma vingtaine mais plus proche de ma trentaine. J’accusais un peu les cernes sous mes yeux d’être responsables de ce vieillissement. Néanmoins, j’étais assez impatiente de mettre au monde ce bout de choux et de retrouver mon élégance d’autrefois, puis, surtout ma puissance. Mes pouvoirs s’étaient nettement diminués car l’évolution du fœtus puisait dans mon énergie et celle qui me permettait la magie. Etant donné que ce bébé soit aussi un être puissant, il était normal que ma propre force soit atterrée. Je n’avais plus l’air d’un prédateur mais plutôt une proie facile pour n’importe quel être divin. Certes, je pouvais toujours exécuter des sorts assez basiques mais la nécromancie par exemple était à oublier.

Alors que je me reposais prête à me nicher dans les bras de Morphée. Mon troisième œil s’activa de lui-même et je perçus un appel. Qui m’appelait ? C’était la question. Je me concentrais sur le son de cette voix en essayant de détecter s’il s’agissait ou non d’une illusion. Je pris appuie sur mes bras pour me relever et très lentement, je me dirigeais vers mon grand miroir. Je passais ma main devant lui, puis une seconde fois et une image apparue, autre que mon reflet. Au fil des secondes, je distinguai une forme humaine puis un visage au trait presque parfait. Elle semblait assez perdue voir paniquée. Pourtant, une lueur de détermination luisait dans son regard. Que voulait-elle ? N’était-elle pas au courant que j’étais disparue ? C’était bien ma chance, j’allais devoir me déplacer jusqu’à cette forêt bordant la colonie pour une simple demi-déesse. Avais-je réellement la foi d’y aller ? Puis, peut-être s’agissait-il d’un piège de la part d’Hadès ou autre divinité ? Sa voix résonna dans la forêt et son appel résonnait dans ma tête aussi. Entendre mon nom dans cette période sombre me donna la nausée. C’était inconscient de me rendre là-bas, je risquais de me faire attraper. Mais il n’était pas à mon habitude de ne pas répondre aux appels. « Hécate, s’il-te-plait… euh… s’il-vous-plait, apparait… oui je t’in… je vous invoque. J’ai besoin de vous ». Sans m’en rendre compte, je serrai les dents ainsi que ma pauvre toge. Malgré le chaos dans mon esprit pour savoir si je devais y aller ou pas, une chose était claire, je ne prendrais en aucun cas le risque de me montrer. Personne à part ceux de confiance ne devait être au courant de ma grossesse. Je préférais les rumeurs que la vérité si elle devait circuler. Tout en réfléchissant à une vitesse des plus surprenantes, je m’habillai et j’ajustai ma ceinture où il y avait le fourreau de ma dague lunaire. Un moyen de défense serait des plus utiles si ma confrontation devait être dérangée. Je soufflais un grand coup me sentant tout d’un coup assez irresponsable avant de disparaître dans un écran de fumé.

J’apparus à une centaine de mètre de la jeune fille, camouflé derrière un arbre tout en reprenant doucement mon souffle. La magie semblait elle-aussi m’épuiser malheureusement. Sans perdre plus de temps, je devins invisible et imperceptible. Je m’avançai parmi les arbres qui s’agitaient légèrement sur mon passage avant de me planter derrière la jeune sang-mêlé. La lumière de la lune s’orienta vers elle et d’un geste amusé, je lui caressais le creux de sa gorge tout en lui chuchotant. « J’espère que vous me faite déplacer pour quelque chose d’important car si ce n’est pas le cas, vous comprendrez ma mauvaise humeur. Allez, jeune fille d’Aphrodite, qu’aimerais-tu acquérir grâce à la magie ? Mais n’oubliez pas, tout à un coup. ». Je claquai ma langue tout en soufflant sur la nuque de cette fille. J’essayais de l’intimider au maximum. En plus de ne pas me voir, ni même me sentir réellement, je voulais la mettre des plus mal à l’aise. Mon corps se mit légèrement à l’arrêt attendant la réclamation de cette demi-déesse, tout en affichant un sourire satisfait et en réfléchissant sur le coup de sa demande.

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J’observais attentivement cette jeune fille en lui tournant autour. J’étais assez curieuse de savoir le fruit de sa demande même si une part de moi tremblait de peur à l’idée que quelqu’un d’autre puisse nous observer. Elle m’avait appelée et de ce fait, si quelqu’un me cherchait réellement, il aurait commencé à écouter le moindre appel venant de mes fidèles. Ou alors, ces personnes n’avaient pas cette jugeote ce que j’espérais. Je lisais sur mon visage un contrôle de soi assez impressionnant. Elle semblait contenir la moindre de ses émotions ce qui était assez rare venant d’une fille d’Aphrodite. Elle était différente, quelque peu malicieuse et savant qu’elle devait jouer un rôle. Je pouvais sentir son esprit en pleine réflexion cherchant les mots les plus minutieux pour aborder la source de son désir. J’étais à la fois admirative et un peu déçue. J’avais envie de lire sur son visage de la peur et non du contrôle. Je voulais goûter à cette émotion puissante et négative. C’était comme boire un vin somptueux avec un goût des plus fruités. En travaillant pour les enfers, j’avais commencé à apprécier ces sentiments de désespoir, de peur et de haine. J’appréciais cette noirceur dans l’être de chaque mortel car elle me donnait un certain pouvoir sur eux. Ces sentiments mènent à une chute et cette chute peut profiter bien à des personnes. Le contrôle des sentiments était un des pouvoirs les plus convoités car il offrait bien des possibilités. Sa voix déterminée troubla quelque peu mes pensées et je fus des plus attentifs à sa demande. « Déesse Hécate. Je vous ai invoqué pour vous faire une requête. Mes parents adoptifs veulent que je retourne chez eux. Je voudrais, si vous l’acceptez évidement, que vous leurs faites oublier mon existence. Comme vous l’avez dit, tout à un coup. En échange de cette faveur, je serais prête à vous rendre un service en retour. N’importe lequel. ». J’eus une réaction particulière car un rire profond sortit de ma gorge et j’en fus toute retournée. Après une bonne minute perdue dans cet élan d’émotion, je me rappelai soigneusement sa demande. Elle souhaitait que je fasse oublier son existence à ses parents. C’était facile à faire, même trop facile mais j’aimais comment elle vendait sa demande. Elle m’offrait un service en retour et en plus, n’importe lequel. Quelle naïveté ! Il ne faut jamais se vendre de cette façon à une divinité sans mettre aucune condition en retour.

Moi qui la croyais plus rusée, j’en fus très déçue. Un vent glacial venu du nord nous frappa tour à tour et les nuages dissimulaient petit à petit l’astre lunaire. Je fermais les yeux en me concentrant sur tout ce qui m’entoure et je laissais tomber une bougie translucide à côté de la jeune fille. Un sourire des plus satisfaits illumina mon teint. J’avais une idée en tête et je comptais bien m’amuser à ma manière. Ma voix s’éleva de nouveau avec une assurance à toute épreuve. « Ainsi tu t’offres à moi ! ». Le silence reprit place à nouveau et la végétation alentour faisait une danse macabre. Je pris entre mes mains cette bougie magique et je l’approchais près d’elle, à hauteur de son cou. « Vois-tu cet objet peut combler n’importe quel désir ? Seulement, ceci a un prix et ce prix sera ta vie. Faire oublier quelque chose, c’est comme perdre son identité. L’identité, comme tu devrais le savoir, représente une vie entière. Serais-tu prête à laisser ta vie entre mes mains ? » Etais-je réellement sérieuse ? C’était la question que devait se poser cette jeune fille. Elle avait réagi de manière trop gentille et naïve ce qui ne fallait pas lorsqu’on souhaitait l’utilisation de la magie. La magie est vicieuse et il faut savoir être plus forte qu’elle.

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Toujours en face de la jeune sang-mêlé, je restais attentive à ses mouvements. Même si je redoutais une apparition soudaine d’une divinité à ma recherche, je voulais m’amuser un peu. J’étais loin d’être la déesse la plus adorable du monde, enfin, je l’avais été avant de me faire avoir. On apprend par nos erreurs et de ses erreurs, on essaie d’évoluer. C’était compliqué de changer tout d’un coup de comportement. Mais la guerre contre les titans m’avait fortement aidé étant donné que j’avais du participer au massacre et aider à enfermer ma propre famille. C’est à ce moment-là qu’on se rend compte qu’il est impossible d’être juste ou de faire le bien. Du moins, nos actions ont un effet éphémère et non durable. J’avais aidé un bon nombre de gens, allons d’une simple motivation à un sort sophistiqué. Les gens savaient ma nature à reconnaître les personnes méritantes à la gloire, à la richesse et à une vie prospère. Donc, ils savaient que leur demande pouvait être modifiée au point de rendre leur vie comme un véritable enfer. Est-ce que la jeune femme devait se méfier de cette idée ? Peut-être même si je n’avais pas encore utilisé ce petit don. Pour le moment, je testais sa détermination et rien de plus. Sa voix fit soudain éruption et mes oreilles se laissèrent bercer par ses paroles. « Je suis prête à le faire. Je n’ai pas peur de prendre des risques. Dans la vie, il faut prendre des risques pour continuer à prendre la route qui nous mènera à la vie que l’on veut avoir. Hors, la vie que je veux avoir c’est celle où je vis à la Colonie des Sang-mêlé et que mes parents adoptifs me laissent tranquille. Pour obtenir cette vie, je suis prête à prendre d’énorme risque. » J’émis un petit ricanement car elle pourrait me tenter à la posséder. Seulement, j’approuvais ses paroles car sans risque, on n’a rien dans la vie. N’avais-je pas pris un énorme risque avec Tyler ? Pourtant, cela m’avait apporté un bonheur sans faille et l’amour surtout. Il était de même lorsque je m’étais associé aux Olympiens contre Cronos. J’avais tout à perdre, or, j’avais pris le risque pour vivre plus paisiblement sous un nouvel ordre. Cela m’avait énormément réussi vu que j’avais gardé ma puissance et même attiré les regards des fils de Cronos. La magie avait toujours une odeur des plus savourantes et qui pouvait l’ignorer à part un esprit éclairé ? Personne.

« Alors prends ce risque ! Il te suffit juste d’allumer cette bougie et de dire ce que tu souhaites. » Je lui soufflais ces mots d’une voix mielleuse tout en prenant une mèche blonde de ses cheveux et l’entourant autour de mon index. J’étais très proche d’elle, je pouvais sentir son souffle contre ma joue et les pulsions de son cœur. La bougie était toujours près d’elle et je la laissais tournoyer par les pensées. « Ah, j’ai oublié de mentionner que pour allumer cette bougie, le feu ne sert absolument à rien. Seule ta volonté peut embraser sa tige. Voyons voir si ce risque te donne autant de force. Impressionne-moi ! » Il est vrai que j’aurais pu m’amuser à la voir allumer cette bougie avec un briquet mais c’était un peu ennuyeux. Je voulais que notre histoire avance un peu, pas que je n’aime pas sa compagnie, juste il n’est pas utile de ralentir le processus. Je restais silencieuse, observant ces futures actions tout en faisant frissonner la végétation environnante.

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Sans perdre un instant, la jeune sang-mêlé s’empara de la bougie. Toujours invisible à ses yeux, je pouvais l’observer sans paraître étrange. Je voyais ses yeux se concentrés sur la mèche. Je pouvais sentir ses pensées, sa détermination et sa volonté à être libérée de ses parents. Je ne connaissais pas son histoire et c’était le moment ou jamais de voir ce qui la poussait à ce sort. C’était comme lire un livre et entrevoir sa vie d’avant. J’étais assez surprise que des mortels puissent autant déshonorés leur espèce. C’était scandaleux, les sang-mêlé n’étaient pas des animaux de foire, ils étaient une sorte d’armée aux mains des olympiens. Une armée accomplissant des quêtes plus ou moins importante et ayant des conséquences directes dans l’histoire. Puis, ces mortels se moquaient des divinités d’une part car c’était grâce à cette partie divine de la jeune fille qui permettait de la montrer comme une belle poupée. Si Aphrodite savait mot de cette histoire, elle serait sûrement en colère. Pour ma part, j’avais toujours fait attention à qui je confiais mon enfant. Je ne voulais aucune mauvaise surprise et leur donnais une enfance agréable avant que la magie obscure leur cœur. Une majorité de mes enfants devenait des monstres car ils n’arrivaient à contrôler cette puissance et ils se laissaient tomber dans les ténèbres. A mes débuts, j’avais une seule fois succombée à cet abysse et sans mon père et sa sagesse, j’aurais perdu mon cœur. La magie est telle une bête entre vos mains, sauvage et imprévisible, essayant de vous corrompre. Après tant de siècles, je savais qu’une ombre m’entourait mon cœur et me faisait faire des choses cruelles. Même si je résistais à ces désirs sombres, je n’appartenais plus à cette lumière et seule la nuit savait me comprendre. Mes trois formes me permettaient de diviser ces ténèbres et de rester un peu lumineuse. Est-ce que j’avais peur de l’enfant que je portais ? Evidemment, il allait être né de l’union de la déesse de la magie et du fils du dieu des enfers. Son sang le vouait sûrement à ces ténèbres et à cette solitude que je connaissais. Dans ce vide, vous vous sentez seuls car personne n’arrive à vous comprendre. La seule issue est certainement l’amour.

Lorsque je sortis de mes rêveries, je pus constater que la jeune femme avait réussi merveilleusement. Je pris en compte son vœu de rester à la colonie. Elle avait bien raison car ce lieu était paisible et lui permettait une plus longue longévité. Sans un mouvement, avec seulement la puissance de mon esprit. J’actionnai les pouvoirs de la bougie. Celle-ci se mit à briller et on pouvait distinguer mon ombre. Une ombre à forme humaine. Mais je ne me laissais pas perturber car je guidais cette magie vers l’esprit de ses parents. J’en supprimais chaque souvenir et je leur créais une tout autre histoire. Sans lui demander son avis, je faisais de leur vie, un enfer. Enfin, un début d’enfer car je me chargerai personnellement d’eux lorsqu’ils franchiront la porte de la mort. Pourquoi ? Aucun mortel n’avait le droit de jouer avec notre sang. Être parent d’un sang-mêlé était un honneur et se jouer d’eux était craché sur cet honneur. Ma voix fut tel un écho. « Aria Hond, fille d’Aphrodite, je te destine à rester à la colonie et de n’avoir plus jamais l’occasion de revoir tes parents adoptifs. Pour ce service rendu, je te laisse ta vie mais un jour, je ferai appel à toi et tu devras répondre présente. A bientôt chère enfant. » Un sourire satisfait se posait sur mes lèvres avant de rendre le calme dans cette forêt. Je fis apparaître un beau pégase blanc avant de parler d’une voix plus calme et moins théâtrale. « Ce pégase te ramènera saine et sauve à la colonie. Sois prudente à l’avenir et prends soin de ta vie, elle est précieuse. » Au même instant, je me transformai en un corbeau et prit mon envol en enlevant mon pouvoir d’invisibilité. Cette sang-mêlé était déterminée et c’était une qualité. Pendant mon envol, j’entrevis son destin et je ne pus réprimer un petit frison.