'Cause Girls Like Me Need Girls Like You

Je me passe un coup d'eau dans la nuque. La chaleur de l'été commence à me faire souffrir, j'ai beau avoir passé ma vie dans presque tous les lieux paradisiaques que compte cette terre, impossible de m'acclimater à la chaleur étouffante qui règne à la Colonie. Je regarde dehors au loin, je sais qu'un jour où l'autre, il faudra que je franchisse de nouveau la barrière pour aller au loin, retrouver cet être immonde qui me sert de fiancé. Une bataille a commencé entre lui et moi. Qui aura le dessus sur l'autre ? Qui aura pourra imposer sa volonté à l'autre ? Qui pliera le genou en premier ? Une bataille avec pour seule arme le tranchant de nos mots, plus horribles les uns que les autres. Je serre les dents, dans d'autres circonstances, nous aurions pu être amis. Nous aurions pu nous entendre, dans un sens, mais seul la défaite de l'autre importe. Et il est hors de question que je perde la face contre ce cul terreux danois, je m'y refuse absolument.

Perdue dans ce qui me sert de pensées, je remarque à peine une jeune femme qui me souhaite le bonsoir, il ne fait aucun doute que je ferais une piètre sentinelle ... Mais ce n'est pas mon rôle, je suis la diplomate de la Colonie, et même si je dois encore m'affirmer, je refuse de perdre la face, ce serait donné raison à Orion en me traitant d'incapable. Non, je dois devenir plus forte, être capable de gagner en charisme, la rencontre avec la Résistance m'a montré que je manquais cruellement de prestance, je me suis fais balayée par la dénommée Alice. Avec la sensation de n'être pas à ma place, d'être encore la petite princesse perdue dans son château. Mais la donne a changé, je dois changer, pour le bien de tous. Je me bats pas aussi bien que les Arès même si le dieu de la guerre est mon grand-père. Il faut que j'aiguise mes propres compétences, je vais essayer d'en toucher un mot à Warren.

"Par mes dieux, ça a l'air plus grave que ce que je pensais..."

Je me retourne brusquement, la fille qui m'a dit bonsoir à l'instant se tient péniblement à un arbre, je bondis vers elle et lui sert d'appui, elle est sacrément amochée, plusieurs entailles, je suspecte que certaines soient empoisonnées. Un début de fièvre dû aux blessures, avec un début de perte de connaissance. Au moins, travailler à l'infirmerie m'a permis de savoir faire un diagnostic rapide à défaut de savoir soigner les gens.

"Je t'emmène à l'infirmerie, tu peux te reposer sur moi."

Enfin, plus facile à dire qu'à faire, je suis tellement frêle, on pourrait me briser comme un fétu de paille, mais je tiens le bon bout, refusant de céder sous mon poids et le sien. Je me demande pourquoi je fais tout ça, pourquoi j'accepte d'être humiliée ainsi, à me demander si j'ai ma place ici. Mon histoire diffère radicalement des autres pensionnaires, j'ai encore une famille, une maison qui m'attend au loin. La seule chose de tragique que je subis, c'est d'être fiancée à un être abjecte qui fera tout ce qui est en son pouvoir pour me briser. Peut-être qu'en ces lieux, j'aurais un soutien, un nouveau moyen de le combattre ?

Nous arrivons à l'infirmerie, je préviens plusieurs enfants d'Apollon de s'occuper de la malade, je reviens vers elle et lui demande d'une voix douce :

"Il s'est passé quoi pour que tu sois dans un état aussi pitoyable ?"

'Cause Girls Like Me Need Girls Like You

"Empousa ..."

Et elle s'effondre, la fatigue l'emporte et elle se met presque immédiatement à dormir. Je demande à ce qu'on l'emmène à l'infirmerie, et de suite, les soigneurs s'occupent de son cas. M'assurant au passage qu'elle ne garderait aucunes séquelles de sa rencontre malheureuse avec la créature. Par précaution, je m'en vais voir les Sentinelles pour leur demander de vérifier qu'il n'y a aucune créature du même type qui rôde autour de la Colonie. Au moins, ce sera plus agréable à chasser que de voir un Résistant dans les ombres ... Le climat de paranoïa qui s'est installé ici est chaque jour plus intense. Tout le monde craint une attaque. Je n'en fais pas partie, j'ai vu Cyril, son regard était sincère quand il a dit qu'il voulait faire la paix. J'ai senti sa fatigue et sa lassitude quant à ce combat, il est mauvais pour les deux camps de se livrer à une guerre ouverte. Nous n'avons pas beaucoup d'hommes, que ce soit dans les deux camps, il vaut mieux se faire une guerre froide. Une guerre à la soft power, jouer sur les idéaux, les convictions, susurrer à l'oreille de l'ennemi de rejoindre son camp. Non, nous ne sommes plus en état de nous battre sur un champ de bataille.

Pourtant, je suis bien obligée de garder mes opinions pour moi-même, je suis déjà prise pour une personne à part, si je dois parler, dire ce que je pense vraiment, je risque de finir par être une pestiférée, et si la Résistance doit effectivement doit nous attaquer, je serais accuser de trahison et je ne sais pas ce qu'il va m'arriver et je ne veux pas savoir. Je retourne voir la patiente et m'arrête devant sa porte, ne sachant pas vraiment quoi penser. Et ça hurle de l'autre côté de la porte, je me précipite à l'intérieur, avant de trouver la patiente gémissante. Je suis trop loin pour comprendre ce qu'elle marmonne mais elle pleure. Je m'approche d'elle, doucement, j'avoue que je ne me sens pas à l'aise en sa présence, elle me fait froid dans le dos. J'ai presque envie de l'éviter, mais il ne faut pas se fier à l'apparence, bien au contraire. Je m'assois sur le bord du lit, je lui serre doucement la main, utilisant mon pouvoir d'harmonie pour l'apaiser, je n'ai pas envie qu'elle me saute à la gorge, je n'ai pas assez de recule pour dégainer ma rapière et mon chien n'est pas là ...

"Chut, tout va bien, vous êtes en sécurité maintenant, tout va bien ..."

Je lui passe une éponge humide sur son front, de façon à la calmer un petit peu plus. Mais je ne peux m'empêcher de rester sur mes gardes.

'Cause Girls Like Me Need Girls Like You

"Je... Je suis vraiment désolé... Je ne voulais pas te faire peur..."

Je lui souris gentiment, avant de lâcher un petit rire sincère, pour une fois.

"Peur ? Non, inquiète pour toi je dirais."

Même si je me sais fragile et bien trop candide pour ce monde de barbares, je n'ai étrangement pas peur quand il s'agit de mon cas, peut-être est-ce dû au fait que je me sens toujours protégée par mon cocon familial et impérialiste. Après tout, au moindre faux pas, la seule alerte, et Dimitri arrive et résout tous mes soucis en un claquement de doigt, un magicien. Je rosis légèrement en pensant à lui, après tout, comment ne pas être sous le charme de l'homme parfait ? Il est toujours l'homme de la situation, il sait comment régler les problèmes les plus épineux en un tour de main ... sauf mon futur mariage mais je dois avouer que ruiner un mariage d'état n'est pas non plus une chose aisée à réaliser ...

"J'ai été prise par surprise par cette Empousa mais je lui ai réglé son compte un coup de faux bien placé et sa tête couronnée de sa chevelure enflammée s'envole bien loin de son corps mais elle à quand même bien amoché avec sa chevelure de feu..."

Je soupire, toujours la violence. Il est donc impossible de régler une affaire sans avoir à dégainer son épée à tout bout de champ ? Tu n'es pas d'accord avec moi ? Prend toi mon épée dans le ventre ? Tu ne m'aimes pas ? Je te raccourcis au niveau de la tête ! Je fais néanmoins l'effort de l'écouter en essayant de ne pas avoir l'air ennuyé, et je reprends mon masque de politesse comme la princesse bien élevée que je suis, je ne suis pas la meilleure guerrière mais les batailles de l'esprit, je suis loin d'être la plus mauvaise.

"Excuse moi si je t'ai fait peur, ce n'en était pas mon attention, mais on se bat tous contre ses démons et les miens sont si profondément ancré en moi que je n'arrive plus à les contrôler.."

Je hausse un sourcil, surprise, avant de sourire de nouveau, toujours avec beaucoup de douceur, je lui enlève les perles d'eau qui glisse le long de son visage avec une serviette, un geste maternel et protecteur. Ma nature profondément altruiste me pousse à savoir ce qui la tourmente assez, elle a quand même hurlé en plein rêve et maintenant, elle est toute honteuse, je me retiens de hurler. Même vaincue, il ne faut jamais montrer qu'on a été dominé, la fierté et l'honneur avant tout, ne jamais baisser les bras et quitte à poignarder l'ennemi dans le dos, autant ça que de se lamenter sur son sort. Ma fierté et mon honneur ... voilà les seuls atouts que j'ai pour survivre, et je ne les lâcherais pour rien au monde, encore moins pour un prince de pacotille danois.

"Je me sens nullement effrayée par ce qui t'es arrivé si cela qui te préoccupe."

Je me relève pour fermer les rideaux, la nuit est déjà tombée, je continue, toujours un sourire parfait au visage.

"Tu sens troublée ... ou du moins, tu l'es. Est-ce que tu veux en parler, cela pourrait t'apaiser. Je suis fille d'Harmonie, j'ai pour don celui de calmer les gens, est-ce que tu veux que je l'applique sur toi ? Ce n'est pas désagréable, apparemment, c'est un peu perturbant au début, mais c'est l'histoire de quelques secondes."