Ça ne faisait que quelque temps que Cissy était arrivée à la colonie. Et pour son plus grand bonheur, il y avait enfin une activité autre que le combat qui se déroulait.

Un barbecue. Elle avait cru comprendre que c’était chose rare, en effet, normalement les pensionnaires organisaient plus souvent des feux de camps mais soit. C’était une chance et la fille de Dionysos n’allait pas s’en plaindre ni se poser plus de question que ça sur le sujet. Comme elle disait si bien :

Quand de l’argent tombe du ciel, ramasse-le au lieu de de te demander comment c’est arrivé.

Son père lui avait interdit de sortir en dehors de la colonie sans son autorisation, par conséquent, elle était assez en manque d’amusement, ainsi elle n’allait pas se gêner pour s’éclater en ce jour. Et peut-être, se lierai-t-elle d’amitié avec un cousin qui l’aiderai à sortir de la colonie pour faire la fête ?

Fallait-il encore savoir qui était fêtard ou non... Si elle avait eu des frères et sœurs ici, la question ne se serait pas posée…

Le barbecue avait lieu juste à côté du réfectoire, sur ce, Cissy alla s’assoir à une table, ne s’en faisant pas plus que ça de savoir à quel bungalow elle appartenait : ses merguez n’étant pas prêtes d’être servies, elle avait plus que la flemme de rester debout à attendre.

Et une fois plus, l’ennui la gagna.

Elle jeta un coup d’œil au mur d’escalade au loin, de l’autre côté de la rivière. Si ça avait été un mur d’escalade comme les autres… là oui, elle n’aurait rien dit... mais quand on voyait les flemmes qui pouvaient nous sauter dessus si on ne montait pas assez vite…

Cilia leva les yeux au ciel et détourna son regard, lassée.

Ils étaient tous fou. Et venant de la fille du dieu de la folie, c’était dire…

Quand on pensait qu’elle avait passé 40 ans à ne jamais s’ennuyer et que là, à peine arrivée on lui demandait de ne faire que des choses dites « sérieuses » dans le but de survivre… C’était un choc.

La seule chose qui lui plaisait vraiment était le tir à l’arc, … Pour le reste, c’était bien parce qu’on la poussait.

La demoiselle jeta un coup d’œil au barbecue ; la plupart des demi-dieux n’étaient pas encore arrivés, elle comprit pourquoi. Elle aurait dû venir plus tard, une fois les viandes cuites. Ça lui aurait épargné ses longues minutes d’attente.

Il n’y avait plus qu’à espérer que cette fois, ce ne soit non pas de l’argent mais quelqu’un, qui tombe du ciel pour venir la distraire.

Elle attendit ainsi à la table en question jusqu’à ce qu’on vienne enfin à sa rencontre. Ce qui ne tarda pas.

"Désolée mais cette table est pour les Chasseresses. Et à moins que tu aies prévu de nous rejoindre..."

Une fille s’était plantée devant elle tandis que d’autres s’étaient tout simplement assises comme si de rien était.

Cissy fit la grimace en imaginant ce qu’elle donnerait en chasseresse.

« Euh.. non. Surtout que j’ai déjà dû avoir enfreint chacun de vos vœux donc.. et je ferai une très mauvaise chasseresse.. »

Dans son esprit, devenir chasseresse serait la pire chose qui pourrait lui arriver. Une éternité de privation, très peu pour elle.

Devoir se battre, obéir, fréquenter des filles avec qui elle devrait passer l’éternité et fallait-il encore qu’elle s’entende avec… et puis elle ne comptait pas se mettre à détester les mecs du jour au lendemain. Elle ne ferait vraiment pas long feu à enfreindre cette règle donc autant s’épargner cette peine.

Cissy se contenta d’ignorer la remarque concernant la table. Elle retournerait manger avec les siens quand on lui servirait enfin ses merguez et en attendant, elle ne se presserait pas.

Puis ses dernières pensées avant qu’elles ne fussent interrompues lui revinrent en tête.

« Dis-moi… une chasseresse… ça ne doit pas beaucoup s’amuser je me trompe ? » demanda Cissy avant de se rendre compte qu’elle n’avait peut-être pas été précise.

« Je veux dire.. ça vous arrive de sortir faire la fête ? » se rectifia-t-elle alors.

Elle doutait fort que la réponse soit positive et c’était bien triste. Pour sa part, depuis qu’elle avait découvert l’épicurisme, elle ne se pressait plus à faire des choses dont elle n’avait pas envie.

Non pas qu’elle le faisait avant… mais au moins avec cette manière de vivre, elle avait une excuse et un nom à mettre dessus. Personne ne contestait jamais les dictons et autres venant de l’antiquité et créés par des autorités tels que des philosophes et scientifiques grecs ou romains.

Ainsi, elle pouvait vivre tranquillement en se disant suivre des valeurs existants depuis l’antiquité. Les gens auraient plus de mal à lui faire la leçon compte tenus de tout ça.

Même si d’un côté, au fond, elle se foutait aussi bien des reproches… Certes, il ne fallait pas chercher à comprendre. Venant de la fille de la folie personnifiée, on ne pouvait que devenir fou.

En tant que réponse, la chasseresse prit un air assez supérieur mais qui ne dérangea pas pour autant Cissy et répondit :

"Si tu nous rejoignais, tu le saurais. On n'en a peut-être pas beaucoup l'occasion mais on sait s'amuser. Enfin... Pas comme vous. D'ailleurs, on ne peut pas vraiment appeler ça faire la fête mais plutôt s'abrutir. Vous avez perdu bien des valeurs avec le temps, vous autres mortels."

La fille de Dionysos se mit à sourire jusqu’aux oreilles. Elle la prenait pour une fille du XXIe siècle, comme les autres.

« Je suis bien d’accord ! Et puis cette musique ! Oh non vraiment… » répondit Cissy, tentant de faire tourner Elizabeth en rond.

Elle détestait la musique actuelle, ça s’était vrai. Les années 70 et 80 restaient les meilleurs. Certes, elle n’avait pas connu les années 80 mais elle avait pu entendre quelques morceaux sur la longue route que faisait Las Vegas-New-York.

Mais pour ce qui était de boire, c’était déjà jugé dans les années 70 et elle n’avait jamais eu de problème à ce niveau-là. Ce n’était pas de l’abrutissement mais bien de l’amusement.

Cissy se demanda un instant quel âge devait bien avoir la chasseresse. De tous les demi-dieux de la colonie, elle était la plus âgée mais face à une chasseresse, rien n’était sure. Certaines pouvaient avoir des centaines d’années à ce qu’elle avait pu comprendre.

Dans tous les cas, Cissy refusait de faire partie de cette catégorie de jeune qui s’abrutissait. Elle avait déjà vu un petit peu les fêtes du XXIe siècle sur le chemin de la colonie et elle-même n’y prenait pas tant gout que ça.

Elle avait, certes, le gout de l’alcool mais parfois, se dandiner autour d’un feu de camp était digne d’une une vraie fiesta.

La demi-déesse jeta un coup d’œil vers le barbecue, devenant vraiment affamée. Ils en prenaient du temps pour cuire des saucisses...

"Laisse tomber les saucisses, il va falloir encore attendre un peu vu la rapidité de ces empotés de mâles."

Les chasseresses semblèrent aimer la blague. Et d’ailleurs, Cissy aurait également pu rire ... si elle n’avait pas eu aussi faim !

"Mais revenons à nos moutons : avoue que la fête de maintenant a bien changé ! Ca ne vaut pas le début du siècle dernier..."

Tout d’un coup, la demi-déesse reçu un électrochoc, ça y ait, la conversation tournait vraiment sur la fête. En tant que fille de Dionysos, il n’y avait pas meilleur sujet pour discuter à ses yeux.

Mais elle devait faire une chose avant.

« HEY les loulous ! On se dépêche ok ? Ou c’est vous qui allez me servir de repas, c’est clair ? » cria-t-elle aux enfants d’Héphaïstos au loin.

La fille du dieu de la folie se rassit et continua sa conversation comme si de rien était.

« Oh ! Je me rappelle être allée à une fête de ce genre ! C’était organisé par mon lycée. Je-m-étais- éclatée ! » articula-t-elle alors pour insister sur sa dernière phrase.

« Mais ma génération c’est les années 70, début 80 ! Ça ! C’était du grand art ! Je me rappelle avoir passé des nuits blanches à m’exploser les pieds sur les pistes de danse ! » continua-t-elle, commençant un long monologue narrant ses sorties à ses réels 17 ans.

Cissy ne se rendit même pas compte qu’elle s’était en quelques sortes trahie concernant son âge. Il fallait dire, ... quand elle se repassait ses mémorables sorties, ce qu’il pouvait bien se passer autour n’avait plus trop d’importance.

« Non vraiment tu ne te rends pas compte de ce que tu rates ! » se ressaisit-elle en revenant sur Terre. « On se fait ça quand du coup ? Je suis libre tous les jours de la semaine ! Et épargnes-moi tes « non c’est pas mon truc » ok ? Je peux t’assurer de source sure que je suis la meilleure personne ici à pouvoir te faire aimer la fête ! » finalisa-t-elle en éclatant de rire à sa propre allusion à ses origines filiales.

"Mais de quelle année es-tu ? Tu n'es pas vraiment une ado, pas vrai ?"

Celle-ci lui fit un clin d’œil ce par quoi Cissy lui répondit par un sourire en coin.

"Et il est hors de question que je fasse la fête. Je ne suis pas là pour ça mais pour reconstruire le Camp et m'entraîner avec les Chasseresses. Alors laisse tomber, je ne suis pas facilement corruptible."

La fille de Dionysos leva alors les yeux au ciel. Elle s’y était attendue, surtout de la part d’une chasseresse qui selon elle, ne vouait sa vie qu’à la privation.

« Rooh, mais qui a parlé de corruption ? Je te propose juste une soirée, loin de tes problèmes et tous tes autres trucs bizarres de chasseresse ! Allez quoi ! Viens ! »

Cilia trouva un chewing-gum dans la poche de son jean et commença à le mâchouiller histoire de pouvoir patienter sans décapiter les pauvres enfants d’Hephaistos.

« Et.. » reprit-elle, son fameux sourire malicieux de retour. « En effet, je ne suis pas vraiment une ado. Enfin ,.. ça dépend du point de vue en fait.. » continua-t-elle en plissant les yeux, faisant mine de réfléchir à la question.

Ce qui était sure, c’était que question maturité, elle n’avait même pas atteint l’adolescence et elle se doutait fort que son interlocutrice s’en rendrait bien vite compte.

Mais quelle importance ?

« Tu vois,.. » commença-t-elle en s’accoudant à la table, se fichant toujours autant que ce ne soit pas la sienne. « Je m’appelle Cissy Deveraux et je suis née à Las Vegas, le meilleur endroit au monde pour s’éclater. Le problème, c’est qu’à Las Vegas, il y a le Casino Lotus. Enfin, moi je ne trouve pas ça un problème mais bon.. enfin soit.. Quand j’avais 17 ans, je m’y suis fait piéger et je n’en suis jamais sortie avant aujourd’hui. Si tu avais vu la tête des Lotophages quand je suis partie.. ils avaient l’air presque aussi déçus que moi.. » annonça-t-elle en faisant une mine désolée. « Bon, en vrai j’avoue que je l’ai eu quand même un peu mauvaise quand j’ai appris que du coup, la moitié de ma famille était morte.. » dit-elle cette fois plus sérieusement, et cette fois avec une pointe d’amertume dans la voix. « Du coup, en tout j’y suis rester 40 ans. Et toi, c’est quoi ton histoire ? » demanda-t-elle sans aucune retenue.

Après tout, si elle avait raconté la sienne, son interlocutrice se devait bien de faire de même

"Je suis née dans les années 20. J'avais trois frères. On s'est tous engagés dans la Guerre, la Seconde. J'étais sur le front de l'Est, blessée et puis ensuite envoyée ici par un gars bizarre qui était un satyre. Et puis j'ai rejoint les Chasseresses. C'est tout."

Le “c’est tout”, arracha un sourire amusé à Cissy.

"Bon, ta petite fête. Comment voudrais-tu faire pour me convaincre d'y venir ? Il va te falloir un truc béton, un vrai défi."

- Rien que ça ? dit-elle. Hum ... j’imagine que pour te pousser à faire un truc d’enfant de Dionysos, je devrai faire un truc de chasseresse en retour non ?

Que faisaient les chasseresses au fait ? Cilia se demanda si elle ne venait pas de finalement faire une connerie. On ne peut pas dire qu’elle avait vraiment bougé son derrière depuis qu’elle était à la colonie. Elle était surtout là pour la bouffe, les fêtes, le logement gratuits et la sécurité automatique. Si on pouvait encore dire qu’elle était en sécurité là, mais ça, c’était une autre histoire.

Les chasseresses étaient des guerrières, par conséquent, Cissy comprenait qu’elle avait accidentellement proposé de faire des trucs « de chasseresses », donc de se battre. Même si à la base, se battre et s’entrainer était aussi et surtout pour les demi-dieux … Mais bon … Encore une fois, très peu pour elle.

- Si non, vous ne feriez pas autre chose que vous battre, par hasard ... ? demanda la fille de Dionysos en faisant la grimace.

Elle essayait de rattraper le coup, mais elle bien peur que la chasseresse l’ait déjà cramée et en profite pour lui casser les bonbons avec des défis de combat. C’était si compliqué de comprendre que les enfants de Dionysos, n’en avaient juste rien à battre des épées ? Chiara aussi n’avait toujours rien foutu depuis qu’elle était là. C’était bien sa sœur, … sur ce coup là, on ne pouvait en douter.

Quant au barbecue, Cissy y jeta un coup d’œil et eu le bonheur de voir les premières saucisses dans les plats. Sauf que ... Ces enfoirés les apportaient aux tables voisines.

"Penses-tu que c'est tout ce que nous faisons ?"

- Euh .. ouais .. répondit-elle sans réfléchir.

Mais vu la question, elle se doutait maintenant que ce n’était pas réellement le cas. Peut-être se faisaient-elles des parties de cache-cache dans la forêt avec Artémis durant leur temps libre ?

Cissy du réprimer un sourire à cette pensée. C’est alors qu’Elizabeth se saisit d’une brochette tandis qu’un demi-dieu passait à côté d’elles avant de lui offrir.

Très reconnaissante, Cissy leva le pouce en l’air en guise de merci, trop occupée à dévorer son morceau de viande pour le dire avec des mots.

"Alors va pour autre chose que de la castagne. De toutes manières, les Chasseresses sont trop raffinées pour ça. Je te propose plutôt un concours de tir : adresse, rapidité... C'est un art à part entière."

Cissy arqua les sourcils, surprise par la proposition. Le tir c’était ce qu’elle réussissait le mieux. En même temps, elle ne s’entrainait jamais à autre chose alors bon, … mais certes.

- D’accord, le tir à l’arc c’est mon truc ! Mais après manger, seulement, dit-elle à la fois rendue ronchonne par la faim et ravie par le pacte qui venait de se faire.

Le plat de saucisse arriva enfin à leur table. Et c’est avec un mauvais sourire et en arrachant presque le plat des mains du demi-dieux qu’elle lui montra ce qu’elle pensait de lui.

Les enfants de Dionysos s’entendaient généralement avec tout le monde, oui, mais à condition de ne pas se moquer d’eux.

Elle posa le plat au milieu de la table, se fichant toujours autant qu’elle n’était pas censée être là. Elle n’allait pas partir maintenant, et puis ce n’est pas comme si ça arrivait tout le temps. La demi-déesse piqua donc une brochette dans le plat et la dégusta comme si elle n’avait jamais rien mangé d’aussi bon.