| Sujet: it's not your fault, i'm not human at all (megara) Lun 27 Aoû - 23:04 | |
| Elle a encore le goût de ses mots sur ses lèvres. Leur douceur. Leur froideur. L'éclat argenté de la lame sur le sol. Elle oubliera pas. Elle pourra jamais.
Et elle a beau s'efforcer de ne plus penser à rien du tout, les mots continuent de résonner encore et encore dans sa tête, comme un sortilège dont elle ne peut plus jamais se défaire. Elle pense à tout, surtout à lui. Plus qu'elle n'oserait l'admettre. Y songer lui transperce le coeur, ce pauvre coeur où elle a cru un jour qu'il y planterait des roses, quand tout ce qu'il lui reste maintenant sont des épines.
Son corps est en pilotage automatique. Ses pieds avancent sans qu'elle y pense, petit pantin désarticulé qui s'efforce de retrouver son chemin dans la fourmilière qu'est New York. Il faudrait qu'elle rentre. Mais où? À la maison? En a-t-elle seulement une ou s'agit-il d'un énième mensonge, une énième illusion dans laquelle elle se berce? Elle en a brisé des illusions aujourd'hui. Peut-être celle de la maison aussi. Peut-être que c'est pour ça qu'elle passe la porte d'un bar miteux, ou peut-être qu'elle avait tout prévu, peut-être qu'elle n'y avait jamais vraiment cru. Parce qu'il suffit de tomber dedans une fois et on finit tous pour revenir. Elle, elle finit toujours par revenir, toujours plus brisée, toujours plus cassée. Il n'y a qu'en buvant qu'elle parvient à se débarrasser du goût de cramé coincé au fond de sa gorge.
Elle s'arrête deux secondes, fixe son reflet dans la glace du bar. Pauvre petite poupée désabusée. Puis son corps reprend le contrôle. Il sait ce qu'il veut. Ses mains font signe au barman qui sort une bouteille. Peut-être qu'il devrait dire quelque chose, s'offusquer, s'inquiéter. Neven est déjà loin, adossée dans un coin de la salle, dévorée par l'obscurité. Elle voudrait se persuader que ça va aller, que tout ça est passager, qu'il s'agit juste d'un mauvais moment à passer. Mais cela commence à faire plusieurs siècles que ce moment dure et le seul moyen qu'elle a trouvé pour se réparer c'est se noyer dans l'alcool. Il n'y a que quand elle boit qu'elle sent le poids sur son coeur disparaître. Et peut-être que ça aussi c'est une énième illusion, mais c'est l'illusion la plus précieuse qu'elle ait alors elle s'y accroche désespérément. Il n'y a plus que ça qu'il lui reste maintenant. Plus de haine. Plus de joie. Plus d'énergie. Plus rien. Juste des tonnes et des tonnes de cendres.
Quelques minutes passent. Elle vide sa première bouteille, reprend quelques couleurs, tout juste assez pour ne pas se confondre avec le noir. Le goût de brûlé est toujours là, des braises éteintes depuis bien trop longtemps pour être rallumées. Elle fixe le fond de son verre, à la recherche de sa lumière passée. Et puis une voix à sa droite l'interpelle.
Il lui faut plusieurs secondes pour remonter dans le passé, quelques années en arrière, mais elle finit par la reconnaître.
Et tout s'enflamme à nouveau au fond d'elle. |
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