Il y a vingt ans, un homme avait été annoncé condamné par deux des plus grands médecins du Colorado. Ma mère n'était pas de cet avis. Everly Day était encore jeune, mais elle était déjà à la tête de son service. La méthode qu'elle proposait était risquée et cher. C'était un tout ou rien. Soit l'opération réussissait et c'était gagné, soit il mourrait malgré tout, ce qui serait un sérieux coup pour le petit hôpital. Après un an de préparation, le grand jour est arrivé. Ce fut un succès. Après le service, chaque membre de l'équipe était en ébullition : la pression retombait dans une euphorie collective. Mélangée à l'alcool, elle délia les esprits et les langues. Au bar où elle se trouvait, mon père arriva à son tour, un homme qui se disait médecin et qui était visiblement impressionné par l’exploit de ma mère. L'ensemble émotions-boisson la fit lâcher prise. Je fus conçu.

Je vins au monde le 26 août 2000 dans le même hôpital où exerçait ma mère. J'étais un enfant exemplaire. Déjà calme (même si ça ne m’empêchait pas de pleurer pour manifester mon mécontentement), je ne tombais jamais malade. Je pouvais me blesser, ressentir la douleur, mais je n'avais jamais de maux de tête ou de ventre, de nausées ni rien de ce type. C'était étrange, mais personne n'avait jamais la moindre la moindre explication.

Quand je suis entré à l'école, on diagnostiqua rapidement ma dyslexie et mon TDAH. Deux obstacles à abattre pour progresser dans la vie, surtout que la médecine devenait peu à peu une passion et s'imposait avec le temps comme seul futur imaginable. Ils pouvaient mettre la vie des patients en jeu, quelques lettres changeant un médicament en poison. Mais mes efforts semblaient fonctionner, pour le moment, puisqu'à la rentrée je suis accepté dans une grande école de médecine.

Il y a quatre ans, en revanche, mon sang divin a attiré mon premier monstre. J'ai réussit à m'en tirer avec seulement une entaille sur la cuisse, causée par les griffes de la chimère. Là, un satyre m'a enfin trouvé pour m'amener à la colonie. Depuis que j'ai apprit à combattre j'ai pu retourner étudier, mais je reviens au camp pour les vacances. Il n'y a que là où je peux vraiment m’exercer. Et je m'y sens tellement bien. J'ai l'impression de rattraper le temps perdu auprès de mon père, même si je ne suis pas certain qu'il me remarque réellement. Et je n'ai jamais vécu si près des plantes que j'utilise.

Je ne suis pas arrivé au bon moment. J'ai eu le droit à une petite année de répit, sorte d'échauffement qui m'a permis de m'installer et de me faire aux gens et aux lieux. L'été suivant, tous les événements bizarres ont commencé à se dérouler... Je n'étais pas présent lors de l'attaque des oiseaux... Je me suis rendu sur les lieux ensuite, appelé en raison de mes pouvoirs et connaissances, mais les blessés me l'ont raconté. C'était un coup dur pour moi de devoir leur annoncer qu'ils étaient condamnés... J'ai pu en anesthésier quelques uns, mais ma concentration était au plus bas, portée sur le message des ennemis de ma famille, ainsi ma lumière était plutôt faible. Ce n'était qu'un début, disait-il. Il y aurait d'autres morts. C'était tout ce qui me semblait clair. Effectivement, ce même discours était suspendu l'année suivante au sein même de la colonie. Je n'ai pas osé participer à l'affrontement de la Résistance. Ma maîtrise des armes était encore limitée et mes pouvoirs étaient inutile sur le champ de bataille. De même pour les Keres : je n'étais pas fait pour ça. Asclépios avait pourtant bien envoyé ses fils – mes demi-frères – à la guerre lorsqu'il le fallut, en temps que médecins... Est-ce qu'il aurait fait de même avec moi ? Aurais-je été à la hauteur ? Il ne m'a rien dit... S'il avait été là, j'aurais peut-être su ce qu'il souhaitait que je fasse...