1er janvier 1997, aux alentours de 02h07.
Dans une petite ville près de Canberra, en Australie.

Un dernier pétard se fait entendre, et cette détonation marque la fin de la soirée. Talons à la main, une jeune femme d'environ vingt-trois ans descend pied nus la grande rue maintenant déserte. Le sourire aux lèvres, sa démarche est presque dansante. Elle se remémore le slow qu'elle vient de partager avec un homme plus que charmant, elle se revoit encore dans ses bras, elle ressent encore une fois ses lèvres sur son cou… Un petit rire juvénile brise le silence de cette douce soirée. D'ici quelques heures, le reste du monde fêterait à son tour la nouvelle année. Lily-Rose s'accorde un instant de répit, et en se mettant sur la pointe des pieds, elle tournoie comme une danseuse étoile, laissant le doux vent remonter les pans de sa robe.

Quelques jeunes passent près d'elle et s'invitent dans la ronde. Pendant un court instant, quelques étrangers partagent un moment inoubliable, ils dansent ensemble, leurs éclats de rire raisonnent entre les parpaings gris, presque délavés. Le groupe se sépare, puis d'autres danseurs reprennent leur chemin, et elle reste seule avec un homme. En premier lieu, sous le ciel étoilé, rien ne la choque, rien ne l'attire. Il ne possède pas une beauté de mannequin, il est grand mais pas trop. Ce qu'elle préfère chez lui, c'est sa chemise, couleur bordeaux. Lily trouve que le violet lui va bien. Ils discutent, il lui dit qu'il est passionné de théâtre, elle lui répond qu'elle aurait aimé en faire.

Cet homme a l'air assez réservé. Pas vraiment très engageant, il ne lui fait aucune avance. Ils marchent ensemble, font plus ample connaissance. À la lumière d'un poteau électrique, elle voit enfin ses yeux. Comme remplis d'étoiles, aux taches violettes, c'est dans une vraie galaxie que son regard se perd. Ses yeux content son histoire d'eux même. Il lui dit qu'il est Dionysos, Dieu du Théâtre et de la Vigne, il ne s'en cache pas, et ses oreilles rougissent légèrement lorsque le fou rire de la jeune femme lui caresse le visage. Il est excentrique, elle aime ça. Au fond d'elle, elle le croit.

3 janvier 1997, 22h18.
New York, États-Unis.

Lily joue la déesse grecque pour se moquer de cette révélation, elle fait comme si elle ne le croyait pas. Munie d'un masque grossièrement maquillé, elle s'enroule dans un drap et elle pavane dans l'appartement. Elle se prépare à personnifier Héra à sa façon, lorsqu'il l'arrête.

- Non, pas Héra. Fais plutôt Hélène de Troie.

Il ne veut pas que les Olympiens l'entendent, il veut la voir jouer comme elle le fait si mal. Ce qu'il aime chez elle, c'est qu'elle ne s'occupe en rien du regard des autres. Il lui semble même qu'elle ne recherche que le sien. Lorsqu'elle rit, elle le fait à gorge déployée, sans avoir peur des yeux horrifiés du vendeur de rue. Si l'envie lui vient de danser, même au milieu d'un super marché, elle ne s'en prive pas. Elle est excentrique, il aime ça. Au fond de lui, il trouve qu'elle joue bien Hélène.

Il tire sur sa toge improvisée, et elle retombe sur le lit, où il est assit. Quelques flopées de rire sont échangés. Son parfum est enivrant, son sourire le fait fondre. Elle l'embrasse, elle vole un baiser au Dieu. Ils finissent dans les bras l'un de l'autre. Elle aime un Dieu grec, c'est original.

27 janvier 1997. 11h53.
Canberra, Australie.

Le résultat est positif. Lily-Rose n'est pas impressionnée. Elle caresse son ventre encore plat. Peut être qu'il aura cette odeur enivrante, lui aussi. Peut être qu'elle sera aussi excentrique que lui. D'ailleurs, il arrive. Il semble pressé, il la prend dans ses bras. Il la met en garde, il lui donne une adresse. Elle prend le morceau de parchemin, sourire aux lèvres. Elle ne placera pas son enfant dans cette Colonie, c'est inutile, elle saura se débrouiller. Il ne lui souhaite pas d'avoir du courage, ce serait l'insulter. Il connaît Rose, il a confiance en elle.

- Merci, Dionysos.

Un remerciement pour avoir dansé avec elle, cette nuit là. Le souvenir le plus précieux qu'elle ait à ce jour. Un autre se prépare dans ses entrailles. Le plus beau cadeau qu'il lui ait fait.

4 novembre 1997. 16h01.
New-York, États-Unis.

C'est une fille. Elle le savait, elle a les même yeux que lui. Elle est très énergique et elle ne tient pas en place. Si Lily-Rose s'approche de trop près de quelqu'un d'autre, l'enfant pleure de jalousie. Sa grand-mère la tient dans ses bras, elle accepte la condition de sa fille, elle accepte le fait que l'homme ne soit qu'une ombre. La femme se balance sur sa chaise, sa petite fille logé au creux de ses jambes. Abigaïl se calme et finit par s'endormir.

15 octobre 2003. 20h43.
Dans une petite ville près de Canberra, en Australie.

Lily-Rose pointe du doigt le ciel. Elle raconte à sa fille l'histoire de son père. Elle lui dit qu'il travaille avec les étoiles, qu'il est associé avec la lune et qu'il crée des constellations. L'enfant se met à prier le soir, elle parle à la lune. Elle sourit. Peut être qu'il entendra sa fille, peut être qu'il la protégera de là où il est.

9 juillet 2006. 12h27.
Une plage près de Canberra, Australie.

Rose panique. Elle en appelle à Dionysos. Elle a vu la chose que tout le monde prend pour un vulgaire scorpion. La plaie est violette, des grains de beauté commencent à apparaître et ont une étrange couleur pourpre. Abi est inconsciente. Il est furieux, il ne comprend pas. Il était sensé être sous les ordres d'Apollon et Artémis, il état sensé être du côté des Dieux. La chose a changé de camp. La créature s'est volatilisée. Il jure de l'éradiquer. Abigaïl s'en sort avec une drôle de cicatrice. L'enfant oublie.

12 mars 2012. 18h12.
Canberra, Australie.

Abigaïl rentre meurtrie, une fois de plus. Ce ne sont pas les monstres, le problème. L'enfant est seule, elle fugue, elle traîne dans la rue. Rose se rend compte du malheur de sa fille. La petite en pleure, elle se sent devenir folle, elle implore sa mère de ne plus changer de collège. La jeune femme sacrifie sa grande carrière. Elles ne déménageront plus. Elle le promet.

1er février 2014. 14h31.
Long-Island, près de New York, États-Unis.

Elle dépose sa fille à l'entrée de la Colonie. Elle le reconnaît au loin, assis à une table de camping. Il se lève, s'approche de la limite de la Colonie. Lily-Rose sourit, et fait un signe de tête. « Non, ne viens pas », cette demande silencieuse le bloque un instant. Il regarde sa fille. Abigaïl ressemble trait pour trait à Lily-Rose, cette fameuse soirée là. Elle repart, et la fille reste.

- Merci encore.