Destan marchait dans les ruelles de New York, écoutant avec plaisir les sons de la ville en effervescence. Aujourd'hui, pour le weekend, il avait décidé d'abandonner pendant quelques heures ses amis de la colonie des sangs-mêlés pour goûter un peu à l'atmosphère de la vie quotidienne des mortels. Le jeune demi-dieu aimait être bercé par cette myriade de sons qui étaient plus ou moins absents sur les collines de Long Island. On aurait dit que la cité elle-même était en vie. Destan avait l'impression de pouvoir sentir papillonner chaque mouvement, chaque émotion et chaque battement de cœur dans cette foule d'existence. Un enfant courait en riant avec un petit chien blanc, deux amoureux s'embrassaient tendrement dans leur voiture, un groupe de vieilles dames discutaient ouvertement à un autre coin de rue, se rapportant peut-être les derniers commérage de leur entourage. Et plus le jeune homme observait, plus il pouvait voir que leur vie à eux, les simples humains, était tout ce qu'il y avait de plus normale. Chacun d'eux se souciaient de leurs problèmes personnels sans demander rien à personne. Leur destin était si facile, si banal, que Destan ne savait pas s'il devait les envier ou les en plaindre. Sa vie à lui était ponctuée par des entraînements intensifs, des offrandes à des dieux mythologiques que les mortels avaient depuis longtemps oubliés ainsi que des batailles périlleuses face à des monstres sortis tout droit de l'antiquité. Mais en même temps, il avait un logement, une deuxième famille, et à la colonie, il était comme coupé du temps, sans vraiment de but extérieur à part celui de survivre.

Tandis qu'il était plongé dans ses réflexions, son regard fut soudainement attiré par la rue d'en face. Une vitrine colorée affichait de magnifiques tenues branchées à la vue des passants. Intrigué, il descenda la rue et traversa la route pour rejoindre la foule de gens qui se pressait devant l'ouverture de la boutique. Destan essaya de déchiffrer le nom du magasin, mais sa dyslexie l'en empêcha. Il entra dans le magasin de vêtements, et pendant un instant, il cru vraiment être entré au paradis. Contre les murs, des centaines de vêtements stylés étaient soigneusement pliés dans des étagères, des sortes de casiers en bois posés entre les étalages étaient garnis d'accessoires en tout genre et le parquai de bois noir étincelait à la lumière des spots. L'endroit était à proprement parlé vraiment beau, et avec toutes ces collections de vêtements, Destan aurait voulu dévaliser la boutique.

Pendant plusieurs minutes, le jeune homme marchait entre les allées, prenait des chemises de flanelles pour toucher leur qualité, humait le parfum neuf des jean, s'amusait à essayer des cheichs de différentes couleurs et tissus. Mais chaque fois qu'il tombait sur le prix, il s'empressait de reposer l’article à sa place, ayant peur que les vendeurs lui forcent la main en se servant de compliments. Alors qu'il essaya dans une cabine d'essayage une magnifique veste en cardigan bordeaux à col recourbé, à la fois chic et élégant, il lui vint alors une idée en tête. Et pourquoi ne pas se servir de son don d'enjôlement pour convaincre les vendeurs de baisser le prix, voire même de lui offrir certains vêtements ? Non, ce n'était vraiment pas le genre de Destan, il n'aimait pas utiliser son pouvoir à tort et à travers. Il n'en usait toujours que lors de cas d'urgence... Mais d'un certain côté, il commençait à faire froid, l'hiver allait bientôt arriver, et Chiron ne voulait vraiment pas qu'un de ses pensionnaires meurt de froid, si ? Rôooh et puis zut ! se dit-il en oubliant ça. Lui aussi il pouvait se faire plaisir de tant à autres non ? Cela faisait des années qu'il n'était pas sorti en ville ! Et ses frères et sœurs n'allaient quand même pas lui prêter leurs affaires pendant encore dix ans si ? Destan sortit de la cabine avec un jean noir en coupe droite ainsi que le cardigan quand il 'Euh... désolé, je... je ne vous avait pas vu !'
s'exclama-t-il en se frottant la nuque. Il posa sa main sur les épaules de la blondinette et plongea ses yeux chocolats dans les siens.
'Je ne vous ai pas fait mal ?'

La jeune femme avait l'air d'aller bien, même si elle semblait apparemment avoir mal à la cheville. Elle fit d'ailleurs remarquer au fils d'Aphrodite qu'il n'y avait pas de quoi s'inquiéter. Elle avait des cheveux d'un blond platine semblable à la couleur de la neige, et ses yeux verts étaient soulignés par du mascara noir. Elle était plutôt jolie et devait avoir son âge à peu près. Cela faisait tout drôle au jeune homme de parler à un mortel. Pourtant, c'était une humaine, comme lui, ce n'était pas une extra-terrestre, en fait, si on y réfléchissait bien, l'alien, c'était lui en quelque sorte. Il se mit à sourire légèrement. C'était vraiment bizarre de se considérer comme étant un type venu d'un autre monde. Il imagina alors toutes les personnes dans la salle se tourner vers lui, bouche bée, croyant qu'l était un martien. Cela ne fit qu'étirer encore plus son sourire. Puis il remarqua qu'il devait s'être écoulé quelques secondes de silence déjà, puisque la jeune femme restait devant lui à serrer les dents. Destan fixa la cheville de la blondinette.
'Hm... vous vous êtes fait mal au pied ? Attendez, laissez-moi deviner...' dit-il avec sérieux '... Vous êtes tombée à vélo ? Non, non, trop classique !' s'exclama-t-il en agitant la main. Il claqua dans ses mains, le visage illuminé par une idée qui lui semblait originale.
'Ou alors vous avez essayé de poursuivre un voyou qui avait volé le sac d'une vieille dame, et alors que vous alliez lui mettre la main dessus, bam ! Il vous a tiré une balle dans le pied en s'enfuyant !'
Destan sourit chaleureusement à la jeune blonde, lui prit la main avec délicatesse et posa ses lèvres dessus tout en s'inclinant légèrement.
'Destan, ravi de vous rencontrer. Et désolé pour votre cheville, j'aurai du regarder si quelqu'un passait avant de sortir des cabines d'essayage.' Le demi-dieu aborda toujours son air amusé. Puis, quelque chose fit tilt dans sa tête.
C'était étrange. Était-ce son imagination, où le visage de la jeune blonde lui rappelait vaguement quelque chose ? Il avait l'intuition qu'elle ne lui était pas inconnue. Autant demander, ce n'était pas en restant debout à la regarder qu'il allait avoir une réponse.
'Dites-moi, on ne se serait pas déjà croisé quelque part ? Parce que, je vous assure que vous me dites quelque chose et en plus de ça, je n'oublie jamais un joli visage.' dit-il en haussant les sourcils.
Destan croisa les bras derrière son dos en attendant sa réponse. Il ne prêta pas attention aux autres personnes qui avaient tourné la tête vers eux avec des yeux ronds quand Destan avait embrassé la main de l'inconnue. Mais si sûrement certaines personnes pensaient qu'il était légèrement cinglé, il s'en foutait. Il était juste très ouvert et communicatif. Et puis, autant installer un climat de sympathie entre deux inconnus que de rester muet en ne sachant pas quoi dire ! 

D'après ce qu'il pouvait voir,elle semblait être très sympathique et souriante. Tant mieux ! Destan avait horreur des personnes renfrognés qui passaient leur temps à se plaindre. Il fallait goûter à la vie, à chaque petit instant de bonheur aussi infime soit-il. Du moins, c'est comme ça qu'il voyait l'existence depuis la mort des deux seules personnes qu'il avait le plus chéri au monde.
Le jeune homme ria lorsque sa camarade lui expliqua qu'elle s'était foulé une cheville à cause d'un talon cassé. Oh, ce n'était pas par méchanceté, mais plutôt pour se dire à quel point il avait fait fausse route à propos de la balle reçue par un voyou. Il lui arrivait par fois, d'être un peu trop... fantasque.
Lavinia. Elle s'appelait donc Lavinia. Cela aussi lui disait quelque chose. Oui, autrefois, dans son collège alors qu'il vivait encore dans cette ville. Un souvenir lui revint alors en mémoire. La classe était installé, quand le professeur dicta les noms. Puis, il se vit avec une fille avec qui il riait. Cette jeune adolescente avait été sa meilleure amie durant des mois. Ils avaient presque tout partagé ensemble. Mais dans son souvenir, elle avait des cheveux bruns, ce qui était l'exact opposé de sa chevelure en l'instant présent.
'Je me disais la même chose, Destan n'est pas un prénom très commun. Si je me trompe pas, on était en cours ensemble seulement tu as disparu du jours au lendemain sans rien dire à personnes. Et ... et ton père était acteur.'
Alors c'était vraiment elle ! Lavinia ? Lavinia Taylor ! Destan n'en revenait pas à quel point elle avait changé. Mais, c'était normal, cela faisait combien de temps, huit ans qu'ils ne s'étaient pas vu ? Le demi-dieu eu un pincement au cœur. Il avait disparu, il avait laissé une grande amie derrière lui sans penser à elle durant toutes ces années à vivre loin du monde "normal". Lorsqu'elle parla de son père, Destan eu encore plus mal. Il n'aimait pas parler de lui. A chaque fois, ça le faisait souffrir, rouvrant une plaie qui tentait de se refermer sans y parvenir complètement.

Il resta silencieux pendant quelques instants, le regard perdu dans le lointain, des souvenirs ravivés en lui. Il pensa à son père, à Will dont il avait été secrètement amoureux, à son ancienne vie en cavale. Tout déferlait avec une telle intensité émotionnelle que Destan fut perdu pendant quelques instants, ne sachant plus quoi dire.
Devait-il s'excuser pour avoir disparu ? Sortir un mensonge improvisé ? Finalement il opta pour quelque chose de plutôt vague.
'La cause de ma disparition est assez compliquée. Et je n'ai pas trop envie d'aborder le sujet...' Il se frotta la nuque avant de se reprendre.
'En tout cas, ça faisait vraiment longtemps ! Je ne t'ai même pas reconnu, qu'est-ce que tu as fait à tes cheveux ?' s'exclama-t-il en attrapant une des mèches blondes pour changer de sujet. 'Dans mon souvenir, tu avais une chevelure aussi noire que l'encre, là on dirait que tu as pris un coup de vieux !' fit-il avec un clin d’œil taquin.

Destan était reconnaissant envers Lavinia qui lui posa une main réconfortante sur le bras. Cela lui faisait vraiment du bien de la revoir après toutes ces années. En fait, il n'aurait jamais pensé la recroiser un jour. Mais le destin faisait bien les choses. Elle lui déclara qu'elle serait toujours là pour lui s'il voulait en parler. Peut-être qu'un jour il lui dira ce qu'il s'est passé. Que son père avait été tué, tout comme William... Mais ce n'était pas le moment. Ils venaient tout juste de se retrouver, inutile de lui faire part de ce détail. Et puis, il n'en parlait jamais à personne.
La jeune femme s'était en fait teint les cheveux en blond platine. En y réfléchissant bien, cette couleur lui allait comme un gant, et de fait, elle attirait le regard. Destan ria lorsque Lavi le remercia pour le coup de vieux, et les deux vieux amis s'enlacèrent dans un câlin qui en disait long sur la joie qu'ils ressentaient à se revoir après ces huit longues années.

'On dirait que je ne suis pas la seule à avoir changé littéralement. Tu t'es abonné dans une salle de sport?' lui fit remarquer Lavinia en lui touchant le biceps.
'Ouais, on peut dire ça comme ça ! En fait, je fais beaucoup d'exercice, ça m'aide à me sentir mieux.' dit-il avec en riant.
'Alors, dis-moi, tu es venu t'offrir de nouveaux fringues, ou alors tu travailles ici ? Si c'est le cas, il faut trop que tu me fasses une réduction sur ce jean !' déclara Destan en pointant le jean qui moulait légèrement son fessier et ses jambes. 'Ou alors sur ce cardigan, au choix !'
Destan savait que la jeune femme ne travaillait pas ici, enfin, il le devinait. Elle n'avait pas de badge et il remarquait qu'aucun personnel ne venait se plaindre qu'elle tapait la discussion à un client alors qu'une vieille dame au fond de la boutique, semblait hésiter entre une chemise à dentelle effroyable et un t-shirt noir aux écritures fluo qui n'allait pas du tout avec son style !
Mais il aimait bien faire de petites plaisanteries.

Il était complètement à côté de la plaque. Donc, elle n'était pas une vendeuse. Tant pis ! Destan remercia Lavinia lorsqu'elle lui dit que le jean lui allait bien, tout en pensant dans sa tête, que finalement, être un enfant d'Aphrodite avait ses avantages. Et ses inconvénients. En effet, presque tous les vêtements lui allaient bien, pourvu qu'ils soient à la bonne taille, certes beaucoup de gens rêveraient sûrement d'être à sa place, mais ça gâchait aussi un peu le plaisir de la découverte puisqu'il savait d'avance que tel ou tel habit lui irait comme un gant.

'Tu as raison, je vais le prendre. Je vais juste... négocier le prix avec l'un des vendeurs' dit-il avec un sourire. Il fit demi-tour pour aller se changer quand Lavi l'interpella au passage.
'Dis si t'as rien de prévu, on pourrait rattraper le temps perdu et ce soir aller faire un petit coucou à Jack? Il bosse dans un bar qui je suis certaine va te plaire.' Elle lui fit un clin d’œil. Destan hocha la tête en signe d'approbation, puis tira les rideaux. Il ne lui fallu pas longtemps pour changer son jean. En à peine quelques secondes, il sortit de la cabine avec son pantalon sur les jambes et le jean plié soigneusement dans ses bras.

'Avec plaisir Lavi' ! Je suis curieux de savoir ce qu'il est advenu de ce bon vieux Jack. Il est toujours aussi... ressemblant que toi ? Quand je voyais l'un, c'était impossible de ne pas penser à l'autre, vous aimiez les même choses et étiez pareils. Le cliché typique des vrais jumeaux !' dit-il avec taquinerie.

Jack était tombé si bas ? pensa Destan. Ce garçon qui était la ressemblance parfaite de sa sœur était sombré dans l'alcool et la drogue ? Bon, au moins, Destan savait à quoi s'attendre. Cela lui permettrai de ne pas faire trop de gaffes avec lui. S'il était devenu comme le disait sa sœur, alors il aurait été surpris, voire un peu choqué. Mais bon nombres de choses avaient du changer pendant tant d'années d’absence.
Qui plus est, si jamais la conversation entre les deux hommes se passerait mal, Destan pourrait toujours utiliser son pouvoir d'enjôlement ou son aura en dernier recours. Bien qu'il n'en aurait sûrement pas besoin. Sa voix avait des vertus apaisantes, par conséquent, peut-être qu'il lui suffirait de parler pour calmer les nerfs du jumeau de Lavinia.

'Ne t'en fais pas, je suis sûr que tout se passera bien ! Et puis tu sais, il n'est jamais trop tard quand on aime quelqu'un.' il mit son bras autour de ses épaules en lui adressant un sourire réconfortant et honnête. Il était bien placé pour le savoir. Tout évoluait dans la vie, parfois là où on se l'attendait le moins. Surtout quand on était lié étroitement à quelqu'un.
'Néanmoins, merci pour l'info, ça pourrait m'éviter de faire des bourdes.' la remercia-t-il.
Il l'entraîna à la caisse et donna l'article au vendeur après l'avoir salué. C'était un homme d'une trentaine d'années habillé chiquement. Puis, il le regarda dans les yeux, et se concentra afin de mettre dans sa voix le plus d'enjôlement qu'il le pouvait. Il demanda alors au fringuant vendeur de négocier un prix. Bien sûr, ce n'était pas très fair-play de la part de Destan puisque ce dernier utilisait son enjôlement. Finalement, le demi-dieu réussi à obtenir le jean pour 29$ au lieu de 40. Bien entendu, il aurait pu faire descendre le prix encore plus bas, mais ça aurait pu paraître suspect aux yeux de Lavi.
'Alors, qu'est-ce que tu en dis ? Je m'en suis bien tiré hein ?' lui demanda-t-il.  

Ce que Destan aimait bien chez Lavinia, c'était son côté souriant, tout comme lui. Il se souvenait du temps où ils rigolaient tous deux quand ils étaient dans la même école. Et depuis, c'est comme si rien n'avait changé. Destan lui répondit qu'il ferrait ce qu'il pourrait pour être là quand elle aurait besoin de lui. En fait, il se disait que maintenant qu'il avait renoué avec elle, il sortirait bien plus souvent de la colonie pour aller la voir. Après tout, il n'était plus un gamin, il savait parfaitement bien se défendre, et puis, ça lui permettrai aussi de faire des virées shopping avec Lavi et ses autres amies comme elle venait de le dire.

Les deux amis sortirent du magasin et se dirigèrent à la pharmacie après que Lavi est récupérée les vêtements de son frère. Il fallait qu'elle s'achète de quoi faire soigner sa cheville douloureuse. La jeune blonde essaya son attelle et l'infirmière lui donna des béquilles ainsi que des cachets pour faire passer la douleur. Puis, après avoir payé, Lavinia entraîna Destan le long des rues où ils marchèrent à bon rythme.
'Ça te dis qu'on aille chez moi? Ou tu avais autre chose de prévu Desty'
Le jeune homme lui sourit en hochant la tête.
'Oh oui, je me ferrai une joie de voir ton petit nid douillet Lavi' ! Et puis, de toute façon, je pense pouvoir rester encore un peu dans le coin. Tu habites où dis-moi ?'

Lavinia vivait donc à côté de l'université, ce n'était pas trop loin dans ce cas, et plutôt facile à expliquer, vu que c'était un endroit connu de la ville. Au moins, elle ne vivait pas dans un appartement perdu au milieu des montagnes de buildings, ce qui était rassurant étant donné que la ville était plutôt vaste. Oui, c'était New York en fait.
Destan espérait tout comme sa meilleure amie qu'il pourrait leur rendre souvent visite. Chiron ne verrait certainement pas d'inconvénient à ce qu'il sorte deux ou trois fois par mois, durant un jour ou deux. Il avait assez d'expérience pour pouvoir se débrouiller tout seul.

Ils continuèrent d'avancer dans la ruelle, Lavinia ralentie par les béquilles qui l'encombraient. D'après ce que voyait Destan, ce devait être la première fois, elle n'y était pas encore habituée. Il se souvenait s'être foulé une jambe quand il était gosse, il avait peut-être six ou sept ans. Et cela avait été plutôt handicapant en raison des déplacements de son père. Il eut un pincement au cœur.
'Alors dis-moi un aussi beau mec que toi, as forcément une petite amie ?' lui demanda Taylor, curieuse de savoir ce qu'il advenait de son ami.
Destan eut une grimace, il ne savait pas très bien comment lui dire. Une poignée de gens étaient au courant de son homosexualité, il ne voulait pas que ça s'ébruite. Non pas qu'il avait honte de sa situation ! En fait, il n'avait aucune honte de regarder agréablement les beaux mecs qui passaient dans les rues ou bronzaient sur les plages. Il était plutôt... légèrement mal-à-l'aise.

'Il faut croire que non ! Les... filles ne m’intéressent pas. Je suis plutôt du genre... tu sais, branché mec, par contre, évites d'ébruiter la chose s'il-te-plait. Je suis déjà assez mal-à-l'aise rien que d'en parler à des amis proches, alors...' Les joues et les oreilles de Destan avaient virées au rouge pivoine.
Autant lui dire la vérité tout de suite, Lavi était sa meilleure amie et il savait qu'elle l'accepterait tel qu'il était. Il se ressaisit vite et lança un sourire à pleine dents en jouant exagérément avec ses sourcils.
'Et toi, jolie blondinette ? Tu as un mec que tu bécotes en ce moment ? Est-ce que c'est un beau viril au torse poilu, ou un gringalet à lunettes ?'

Peut-importe qui était ce type avec qui elle sortait, Destan le comprenait plus que n'importe qui. Quand on a des problèmes, mieux vaut éviter d'exposer ceux qu'on aime à ces derniers. C'était précisément ce qu'avait fait Destan huit ans plus tôt, en voulant revoir son père. Résultat ? Son meilleur ami était mort avec lui.
Mais il savait aussi que l'amour pouvait triompher. Enfin, tout dépendait à quel point on était attaché à la personne. Ou si la chance jouait en votre faveur !

'L'amour désire jusqu'à l'impossible, et sait se contenter de peu. a dit Balzac ! Tout finit par s'arranger d'une façon ou d'une autre...'
Destan voyait bien qu'elle n'avait pas trop envie d'aborder le sujet. Il comprenait ce qu'elle ressentait, et il n'avait franchement pas besoin de lui rappeler des choses qui pourraient lui être douloureuses.
'Mon type de mecs ? Euh... je ne sais pas trop.'
L'image de son entraîneur Antos s'imposa dans son esprit. Son corps d'athlète sculpté dans le roc, ses magnifiques yeux bleus, son sourire éclatant qui remontait rarement sur ses lèvres qu'il voulait toucher quand il les voyaient...
Destan secoua vigoureusement la tête pour chasser cette pensée criminelle de son cerveau. Non, il ne fallait pas qu'il pense à lui. Pourquoi est-ce qu'il pensait à lui d'ailleurs ? Ce mec était aussi brutal que sadique ! Le parfait prototype des gamins d'Arès.
'Un homme délicat, attentionné. Du genre ours mielleux qui aime bien faire de gros câlins au lit en restant des heures enlacé dans les bras de son chéri.' Il sourit à la jeune femme en soupirant en imaginant pareille union avant de rajouter en comptant sur ses doigts.
'Et accessoirement mignon avec une bonne hygiène de vie, casanier mais pas trop, quelqu'un qui sait faire le ménage, la cuisine, qui n'oublie pas les dates d'anniversaires et surtout, qui soit végétarien !'
Destan se mit à rire en claquant dans ses mains.
'Souhaites-moi bonne chance pour trouver ce type là, parce que, ça court pas les rues !'

Destan ne put s'empêcher de faire une grimace. Il n'était pas toujours là quand il le fallait. Après tout, qu'avait-il fait depuis ces huit dernières années sans la voir ? Il n'avait pas été là pour elle pendant un bout de temps. Mais au moins elle ne lui en voulait pas, et c'est une des qualités que le jeune homme aimait bien chez sa meilleure amie. Il aurait bien aimé lui faire un gros câlin si elle ne marchait pas en béquilles avec un pied foulé.

'Désolé pour ces longues années d'absences. J'aurais du me montrer plus tôt ! En tout cas, tu m'as beaucoup manquée. Je te promets de venir te voir dès que j'en ai l'occasion. C'est à dire au moins trois ou quatre fois par mois !'

Ce serait une bonne idée de venir la voir aussi régulièrement. Et ça leur éviterait aussi d'attendre encore huit ans avant de se revoir ! Destan était content d'être avec elle, ça lui donnait l'infime sensation d'être redevenu un garçon normal. Et ça lui faisait énormément du bien.

Desty sourit en lui faisant un bisou.

'Promis ! De toute façon je n'ai pas grand chose à faire quand je suis chez moi, alors ça me permettra de... '

Destan s'arrêta brusquement en marchant. Son sourire s'évanouit et il resta immobile, l'oreille aux aguets. Il sentait quelque chose. Quelque chose d'anormal flottait dans l'air. Il tourna lentement la tête en faisant signe à Lavi de rester silencieuse. Un vent glacial parcourut l'allée déserte en faisant frissonner le demi-dieu. Ce n'était pas normal, il faisait chaud et aucun nuage n'était à l'horizon, il sentit les poils de sa nuque se hérisser. On les observait... Toutefois, il ne vit rien. Bizarre...

'Tu as senti ce courant d'air. Continuons d'avancer, tu habites encore loin ?'

Destan retrouva son sourire et accéléra très légèrement le pas. Il était conscient qu'il avait du flanquer une peur bleue à son amie en réagissant de la sorte, mais il régnait soudain une atmosphère pesante qui lui donnait la chair de poule. Et il espérait qu'il n'était pas le seul à le sentir.

Une fois entré dans l'appartement, Destan se détendit. La sensation avait disparue. Lavi semblait nerveuse, ses mains tremblotaient légèrement. La jeune femme n'avait pas sentie l'air glacial dans la ruelle. C'était tant mieux, parce que sentir une chose pareille même quand on en avait l'habitude comme Destan, ce n'était vraiment pas agréable. Mais d'un autre côté, sa meilleure amie l'avait sans doute prise pour un fou. Heureusement, elle n'était pas au courant pour ces histoires de tarés de mythologie antique ! Enfin du moins, il l'espérait...

Toutefois, il s'attendit au pire lorsque sa meilleure amie lui demanda si elle pouvait lui poser une question. Destan savait que quand quelqu'un posait cette question là avant une autre (plus particulièrement les filles), c'était pour parler de choses importantes, ou qu'elles pensaient que leurs interlocuteurs leur cachaient quelque chose. Ce qui était précisément le cas de Destan...

'Oui, bien entendu, tant que je ne suis pas menotté à une chaise avec une lumière blafarde pointée sur mon visage dans une pièce sombre et vide, ça me va ! '

Destan émit un léger rire nerveux. Il n'était pas doué pour mentir. Cacher des choses il pouvait, mais par principe, il disait toujours la vérité, même si elle n'était pas toujours complète. Néanmoins, Lavnia était sa meilleure amie, elle pouvait saisir ce qu'il ne disait pas. Comme si elle lisait un livre avec des codes cachés dont elle connaissait la forme, mais pas l'exacte traduction.