Souvenirs envolés...
Les premières paroles entendues depuis bien longtemps étaient floues, lointaines et comme chuchotées. Cependant Ailani les avait entendues ces quelques paroles :
-Je doute qu'elle finisse par se réveiller.
-A ce point là Dr. ?
-C'est déjà miraculeux qu'elle ait survécu à la chute. Pour moi elle ne sortira pas du coma.
Cette petite discussion avait lieu dans une chambre d'hôpital à Manhattan au dessus du lit d'une patiente qui avait tout sauf l'air agitée. Elle semblait avoir à peine 12 ans et était couverte de pansements et compresses en tous genres. La petite plaquette à côté de son lit affichait, d'une petite écriture en pattes de mouches très peu lisible ce qu'il lui était arrivé : tentative de suicide, la patiente a sauté du plus haut étage du Rockfeller Center. Raison : inconnue. Situation actuelle de la patiente : coma. En somme, rien de bien joyeux.
La présence à l'hôpital de la jeune fille déchaînait les médias et les gardes du corps se multipliaient comme des petits pains à son chevet. Mais aucun signe de sa mère. Heureusement que l'hôpital recevait de l'argent de sa famille pour compenser la gêne causée par toute cette agitation. De plus, l'espoir qu'elle se réveille semblait mince aux yeux des médecins et ils hésitaient tous les jours depuis maintenant une bonne semaine à la débrancher ayant peur des séquelles que pouvaient entraîner son réveil.
Et pourtant, celle-ci était parfaitement consciente de ce qui se passait autour d'elle. Mais rien de plus. Elle ne pouvait bouger, ouvrir les yeux... jusqu'à un certain jour. Un dimanche, alors que le garde du corps qui se trouvait à ses côtés s'était absenté quelques instants, la jeune fille sursauta et ouvrit les yeux. Elle était en sueur et avait l'impression d'avoir perdu quelque chose dont elle n'avait pas souvenir, quelque chose ou quelqu'un de très important.
Elle commença par regarder autour d'elle, sans comprendre où elle se trouvait. D'après ce qu'elle avait entendu, elle était suivie par un médecin. Mais pourquoi ? Qui lui était-il arrivé ? De nombreuses questions se bousculaient dans sa tête et parmi celles-ci, une était récurrente : qui était-elle ?
Elle entreprit de se relever et finit par se retrouver par terre, n'ayant aucune force pour tenir debout. Elle tenta vainement de se relever mais après maints efforts, elle finit par s'effondrer au sol. Le sentiment d'impuissance qui se prolongeait le long de son corps était si profond qu'elle versa une larme, la joue contre le sol dur et froid de l'hôpital. Ses yeux se refermèrent et quelques instants après, elle entendit du bruit à côté d'elle et sentit deux paires de mains en train de la soulever pour la replacer dans le lit. Elle rouvrit un œil sous cette agitation, ce qui failli faire défaillir le brancardier qui la tenait. Une fois installée, elle le sentit partir et se précipiter pour enfin revenir quelques instants plus tard en présence du médecin.
Reprise difficile
" - Lâche-moi ou je te brise un bras. Voire deux."
Voilà la phrase qu'Ailani sortait une fois par semaine en cours lorsque quelqu'un l'approchait sans même l'agresser. Professeur ou élève. Enfant ou personne âgée. Baraqué ou maigrichon. Ami non déclaré ou ennemi déclaré. En gros, elle n'était pas vraiment une jeune fille de 13 ans très calme, posée et raisonnée. Cependant, personne ne lui disait rien. Elle régnait sur l'école et avait potentiellement plus de pouvoir que le directeur. En même temps, que pouvait-on dire à la fille unique des Rockfeller, milliardaires New-Yorkais, d'autant plus que celle-ci venait de subir le suicide de sa mère et était toujours amnésique sur de nombreux événements de son passé ?
Pour le plus grand malheur de certains, elle avait gardé en mémoire toutes les techniques de combat qu'elle avait pu apprendre depuis son plus jeune âge : une famille mafieuse souhaite toujours assurer sa descendance et son indépendance en cas de problème avec les sous-fifres. C'est pourquoi il lui arriva de casser quelques mâchoires mais rien de bien méchant. Ils se sont pour le moment presque tous réveillés. Mais la plupart du temps elle n'avait même pas à le faire pour une raison inexplicable : elle les touchait simplement et ceux-ci se mettait à hurler de terreur et à partir en courant. Les gens avaient peur d'elle et...à vrai dire elle appréciait cela.
L'hospitalisation et l'amnésie avait beaucoup changé la jeune fille que l'on n'avait plus vu sourire ou rire depuis l'incident. Elle était toujours seule ou mal accompagnée et elle n'ouvrait la bouche que pour menacer les gens. Elle avait mûrit à une vitesse phénoménale et elle semblait avoir cinq ans de plus que son âge normal. De plus, le court séjour en hôpital psychiatrique suite à son hospitalisation n'avait en rien aidé le retour des souvenirs de la jeune fille : bien au contraire, celle-ci s'était renfermée sur elle-même et avec cela avait développée une colère énorme contre tous.
Ses grands-parents et les amis de sa mère avaient tenté de lui ramener quelques souvenirs en lui expliquant sa situation familiale, une mère fille unique d'une famille de mafieux magnats de l'immobilier, décédée, et un père inconnu dont personne n'avait vu ne serait-ce qu'une photo. C'est vrai que c'était génial à dire pour la remettre sur pieds. On ne peut mieux.
La jeune fille était donc toujours seule, même chez elle, même quand des gens se disaient là pour elle. Elle commença à 14 ans à peine à sécher la moitié des cours et se mis à dilapider l'argent qu'elle avait sur ses comptes... pour acheter des actions à Wall Street. En quelques semaines, elle gagna quelques millions et plusieurs milliards en un mois. Puis tout recommençait et elle en achetait à nouveau, regagnait de l'argent en redépensait et ainsi de suite. Elle avait commencé à acheter sur une impulsion et avait continué par le biais de cette même impulsion. Elle n'appréciait même pas vraiment le fait de gagner de l'argent mais elle voyait cela comme l'un des seuls passe temps grâce auquel elle pouvait éviter tout contact humain.
Une blessure toujours à vif
"-Je ressens comme un vide permanent. Comme si j'étais différente des autres. Je ressens la peur des autres..."
La Rockfeller avait pris pour l'habitude de parler toute seule. Elle n'avait pas confiance en les autres et était extrêmement paranoïaque. Enfin, toute seule, elle était en réalité en train de parler à sa mère à travers l'une de ses photos.
Elle n'avait toujours aucun souvenir sur ce qui l'avait poussé à tenter de se suicider et cela la rendait mal à l'aise. Elle se demandait aussi comment elle avait pu survivre à sa chute du haut du building et ce pourquoi sa mère s'était elle-même suicidée. Ailani n'avait jamais trouvé de réponses aux questions qu'elle se posait depuis le tout début. Elle en pleurait la nuit, frustrée de ne pas savoir comment elle avait agi et pourquoi : elle n'avait aucun contrôle.
"-J'aimerai tellement que tu sois là maman."
La jeune fille enfouit sa tête dans ses mains après que ces quelques mots fussent sortis de sa bouche et s'endormie. Dans son rêve ou plutôt cauchemar, elle ne pouvait décemment pas s'attendre à ce qui allait se passer. Elle se retrouva face à sa mère. La jeune fille se réveilla en sursaut avant que l'esprit dans son rêve ne puisse dire un mot. Ailani eut l'impression de perdre sa mère une deuxième fois. Elle n'était effectivement pas comme les autres.
Sans tomber pour autant en dépression, elle devint encore plus agressive avec les gens ce qui lui causa un certains nombres de problèmes au niveau judiciaire et elle passa plusieurs semaines en centre de détention pour adolescents.
Arrivée et départ
"T'es un bouc qui marche sur deux pattes et qui parle c'est ça ? Et ce truc est une chimère à deux têtes ? Tu te foutrais pas un peu de ma gueule là ?"
La rencontre avec le satire qui l'emmena à la colonie fut loin d'être des plus agréables. Surtout pour le satire. Evidemment, se retrouver face à une demi-déesse de 15 ans qui ignorait qu'elle en était une et qui plus est, plutôt insupportable, et à une chimère, en même temps, sinon ce ne serait pas drôle, n'était pas une situation très enviable. Celui-ci sût cependant se tirer d'affaire en courant et en tirant la jeune fille pourtant prête à se battre à mains nues avec la bête. Cependant, et pour on ne sait quelle raison, elle sentait que l'espèce de bouc avait peur. Peur de la bête et même d'elle-même.
"Je suis une...demi-déesse ? Ok et le monstre c'est un cadeau de bienvenue ?"
La jeune fille était plutôt dubitative quant à ce que lui disait le bouc humanoïde mais elle décida de tout de même le suivre. Au pire, elle partirait après avoir cassé une jambe à l'animal si jamais il lui avait menti. Il l'emmena saine et sauve à ce qui était encore la Colonie de sang-mêlés où elle ne put qu'admettre qu'il avait raison. Elle resta pendant quelques temps dans le Bungalow des Hermès avant d'être reconnue par son père. A la plus grande horreur et stupeur de tous, son père était Phobos, dieu de la peur panique. Elle fut donc transférée dans un Bungalow où elle resta quelques jours avant de repartir pour New-York.