Cela devait être une belle journée. Le soleil était au rendez-vous et elle était en compagnie de son mari, Josh.  Les oiseaux chantaient, les passants étaient assis sur la pelouse, les enfants jouaient près de leurs parents en faisant attention de ne pas déranger les autres personnes venues là pour bronzer tout en se reposant de leur longue et dure semaine de travail. Les personnes âgées leur souriaient même tout en leur disant qu'ils formaient un très beau couple. Marina Millers était tout simplement au comble du bonheur avec son nouveau mari à ses côtés, qui se trouvait être son ami d'enfance. Pour une fois, on pouvait affirmer que les meilleurs amis ne terminaient pas ensemble que dans les films ou dans les livres.

Le problème lorsqu'on fait partie des douze dieux les plus importants est qu'on doit remplir sa cabine à la colonie des sang-mêlé, ou bien à Camp Jupiter, selon son humeur du jour d'être sous sa forme romaine ou grecque. Du moins, c'était l'avis d'Arès. Ce jour-là, le dieu revenait d'un "entretien" avec son père qui lui avait fait part que cela faisait longtemps qu'il n'avait pas rendu enceinte des mortelles et qu'il comprenait qu'il soit fou d'Aphrodite mais qu'il fallait quand même avoir des demi-dieux de temps en temps. Sur ce, son fils était parti en claquant la porte de la salle du conseil.

"Non mais il se prend pour qui, lui ? J'ai le droit de faire des enfants quand je veux, avec qui je veux et où je veux ! Enfin...on s'en fiche un peu de l'endroit là. Tiens, j'l'ai jamais fait dans une benne à ordures. Il faudra que j'essaye un jour."

Se rendant alors compte de la bêtise qu'il venait de dire, la divinité se cogna la tête contre le mur en se promettant de tuer Hermès la prochaine fois qu'il le verrait pour lui mettre des idées tordues en tête.

Le second problème lorsqu'on est un dieu est de choisir sa forme et ensuite la bonne personne qui porterait son ou ses enfants. Dans ce cas-là, le dieu de la guerre était vraiment mal. Le soir où il comptait prendre le physique du mari de Marina Millers était celui où Aphrodite avait préparé une soirée plus que torride entre eux étant donné qu'ils ne s'étaient pas beaucoup vus ces derniers temps. Mais il la planta là, dans la chambre, alors qu'elle portait une nuisette la mettant bien en valeur, malgré le fait qu'il n'avait qu'une envie: se jeter sur elle et lui faire sauvagement l'amour toute la nuit.

La déesse fut outrée. Non, elle était enragée contre cette misérable humaine pour qui SON Arès l'avait quitté. Elle se promit de se venger sur l'enfant qui naîtrait de cette union, mais seulement s'il avait hérité de la beauté de sa mère.

Il se trouva que sept mois et demi plus tard, Marina accoucha de faux jumeaux dans un hôpital de New York, où elle était en voyage avec Josh:  Ariel et Dylan Millers. Mais il y eut un problème une nouvelle fois, les futurs parents n'avaient pas voulu accepter qu'ils aient deux enfants à la fois et avaient "réservé une place" pour un des bébés dans un orphelinat. Se disant qu'une fille serait plus calme, Dylan fut abandonné et les nouveaux parents retournèrent dans leur maison de Florence, en Italie.

Du haut de ses un an, Ariel était déjà incontrôlable et le fait que ses parents étaient toujours en voyage d'affaires n'arrangeait pas vraiment les choses. La petite aimait essayer de tout détruire dans la demeure, sûrement pour essayer de n'avoir ne serait-ce qu'un peu d'attention. C'est d'ailleurs ce qu'elle eut: à un an et cinq mois, la mignonne minuscule Ariel, avec ses cheveux châtains éclatants et ses yeux bleus émeraudes, était dans sa poussette, non attachée, avec sa baby-sitter allongée près d'elle et lisant un livre. La petite en profita pour se diriger à quatre pattes vers le lac, inconsciente du danger. Sa nounou ne la surveillait pas, ne faisant ce travail que pour l'argent et ne pensant aussi pas que la petite ait l'idée de sortir de sa poussette, ou même avoir la force d'en sortir. Et ce qui devait arriver arriva. Ariel commença à se noyer, n'ayant vite plus pied, et commença à pleurer hystériquement. Si un jeune homme n'était pas passé par là, Ariel ne serait pas à la colonie en ce jour. Ce qui fut sûr est que la baby-sitter fut renvoyée sur le champ et mise sous surveillance pendant quelques semaines dans un commissariat.

Quatre ans plus tard, la petite fille se promenait main dans la main avec sa nouvelle nounou dans le zoo, lui demandant de temps à autre pourquoi les lettres étaient formés bizarrement. Cette dernière fronçait simplement les sourcils, se disant que l'enfant aurait un problème de dyslexie plus tard, chose pour laquelle elle aurait bien sûr raison.

"Carolina?"

Sa nounou tourna son regard vers elle puis vers le jeune homme qu'elle pointait du doigt.

"Ce n'est pas bien de pointer les gens du doigt, Ariel."

"Mais c'est un homme et une chèvre!"

Chose dite un peu trop fort parce que le satyre se retourna vers elle tout en plongeant son regard dans le sien. Ses yeux semblaient dire à la petite fille ce qu'il ne pouvait pas dire à voix haute: "C'est donc toi qui a cette forte odeur. Reste en sécurité le plus longtemps possible." Semblant comprendre ce qu'il avait essayé de lui dire, la petite souleva son bras libre et essaya de se renifler, faisant rigoler de bon coeur le satyre. Puis, il lui ébouriffa les cheveux en souriant et partit.

"Au revoir monsieur la chèvre!"

"Miss Ariel!!"

Cette dernière la regarda avec un regard innocent, mais rempli de malice en même temps avant d'entraîner Carolina vers la cage des lions, sous le soupir de cette dernière.

Nous étions à présent le 30 janvier 2007, trois ans après la première rencontre d'Ariel avec un satyre.

"Allez, petite sirène, sors de ta cachette. On te promet qu'on ne te fera aucun mal."

Ariel entendit les CM2 ricaner quelques mètres plus loin du placard à balais où elle s'était cachée dans leur école. Elle n'osait pas l'avouer à Carolina à la maison mais ce n'était pas elle qui se faisait toutes ces blessures chaque jour, autant hyperactive qu'elle pouvait l'être. Non, c'était les enfants de son école qui le faisaient en se moquant d'elle parce qu'elle affirmait voir des "monstres", des gens apparaître puis disparaître, et également parce qu'elle était dyslexique, faisant qu'à chaque fois qu'elle devait écrire quelque chose venant de sa propre imagination, elle s'énervait et manquait de vouloir tout casser autour d'elle à cause du mix de son hyperactivité et son déficit d'attention: une horreur.

"Ah! Trouvée!! On ne fait plus autant la maligne maintenant, pas vrai? D'ailleurs, tu connais la fin de la Petite Sirène, elle meurt."

De la terreur s'imprima dans le regard de la demi-déesse tandis qu'on l'empoignait par les deux bras et la jetaient dans les couloirs, contre les casiers.

"N-ne me faites pas de mal...je vous en conjure."

"Nan, nan, nan. J'crois que t'as pas très bien compris la fin de l'histoire. Je parle de la vraie, pas cette version de Disney pour les bébés. Ne t'en fais pas, je vais le faire rapidement afin que tu souffres le moins possible. Tu vois, j'ai un coeur."

Le leader de la bande, Andrea, se dirigea d'un air menaçant vers Ariel, brandissant son couteau, piqué à la cantine à l'heure du déjeuner, vers elle.

"NON!"

Ariel sentit alors une sorte de picotement au fond d'elle-même, grandissant au fur et à mesure que les secondes passaient. Ses bras étaient placés en signe de défense devant elle et une sorte de "boum", inaudible mais qui se sentait bien, sortit de ses mains. En même pas une minute, c'étaient les garçons qui avaient peur en voyant le couteau flottant dans les airs et dirigé vers eux. Une nouvelle force habitait alors Ariel qui se releva et sourit à ses anciens attaquants.

"Vous savez, je connais une autre histoire. C'est celle de chèvres qui sortent pendant la nuit de leur enclos à la ferme pour se promener dans les bois. C'est là qu'elles y rencontrent le loup. Je vous laisse imaginer la fin."

Sur ce, elle attrapa le couteau flottant encore dans les airs et s'en alla.

"Tu ne t'en tireras pas comme ça Millers, loin de là!"

Effectivement, sa vie continua d'être un véritable enfer à l'école malgré le fait qu'elle ait découvert qu'elle pouvait contrôler toutes les choses qui pouvaient faire mal. Cela lui faisait bizarre d'avoir un pouvoir, sans raison en plus, mais cela lui plaisait.

Un jour, quelques temps après son neuvième anniversaire, Ariel raconta enfin tout à ses parents et à sa nounou. Mais ces dernies eurent une réaction à laquelle elle était tout sauf préparée: ils lui rirent au nez. Enfin, quelques minutes après leur fou rire, sa mère prit la parole:

"Mais enfin mon coeur, ces enfants sont adorables tout comme leurs parents."

"Ce n'est pas vous qui les côtoyez pendant la journée."

Elle fusilla du regard les trois adultes présents qui partirent dans une autre volée de rires tandis que la petite fille, pile devant eux, essayait de toutes ses forces de retenir ses larmes. On ne la prenait pas au sérieux. Personne ne l'avait jamais prise au sérieux. C'est ainsi qu'elle éclata en larmes sous leurs regards plus que surpris et courut hors de chez elle sous leurs cris lui ordonnant de revenir immédiatement.

"J-j'ai faim..."

Cela faisait quelques mois qu'Ariel s'était enfuie de chez elle et elle devait être en Espagne étant donné que la langue ressemblait à de l'italien. Ou peut-être était-ce du portugais ou des touristes espagnols en France. Elle ne savait plus rien. Elle était à bout de force et des monstres avaient commencé à l'attaquer maintenant qu'elle n'était sous plus aucune protection.

31 juillet 2011, Ariel s'était emmitouflée dans elle ne savait combien de pulls polaires avec des bottes bien rembourrées de fausse fourrure. Elle avait réussi à les voler dans un magasin de sport dans son souvenir et là, elle était entre plusieurs bagages d'un avion à destination de New York. C'était fou la chance qu'elle avait eu en faisant ces deux choses-là. Elle ne la comprenait pas encore. Comme si elle était destinée à y aller depuis sa naissance.

18 novembre 2011, la jeune adolescente était à présent dans la forêt de Long Island en train de se réchauffer près d'un feu malgré l'hiver rude qu'il y avait sur la côte est américaine.

"Tu as réussi à arriver jusque là toute seule Ariel, félicitations. Maintenant fais-moi plaisir et ne meurs pas pendant une stupide nuit d'hiver, pile à douze ans. Cela serait franchement bête, non?"

Une étoile filante passa dans cette magnifique nuit étoilée d'hiver et Ariel sourit légèrement.

"Allez, fais un voeu."

L'adolescente s'apprêtait à le faire lorsqu'une voix l'interrompit en plein milieu.

"Tu es une demi-déesse! Ou sang-mêlé si tu préfères. Perso, je préfère la seconde option, ça fait plus classe. Tu n'trouves pas?"

La belle cligna plusieurs fois des yeux en le voyant.

"V-v..."

"Oui, je suis un satyre. Sasha, à ton service. Bref, lève-toi, on va à la colonie des sang-mêlé. C'est à quelques mètres, t'as vraiment de la chance."

"Que...? Arrêtez tout de suite! Je ne vous suivrai pas sans avoir eu au moins une bonne explication, et une très bonne."

Ariel accentua bien son "très" et Sasha s'adossa à un arbre en levant les yeux au ciel. Puis, il lui fit son récit, le vrai et le détaillé, celui qu'il racontait à tous les demi-dieux qu'il amenait au camp grec. C'était chiant, effectivement, mais il fallait quand même que ces jeunes sachent au moins leur "histoire".

Elle finit par le suivre. En même temps, son explication paraissait assez plausible. Ils arrivèrent tous les deux à la colonie pendant le feu de camp. Ariel se mit directement dans un coin, détestant toute cette attention braquée soudainement sur elle. Ensuite, les Hermès l'emmenèrent avec eux dans leur cabine tout en lui expliquant sur le chemin le fonctionnement de la colonie. Dès le lendemain, elle aurait un emploi du temps à respecter à la lettre.

La journée qui suivit se révéla totalement désastreuse. La jeune fille était nulle à tout et certains en profitaient bien pour se moquer d'elle. Une nouvelle bonne à rien, c'était toujours assez drôle.

Il se passa alors trois bons mois. Trois mois où elle se révéla n'être bonne qu'au combat à l'épée. Au moins c'était mieux que d'être nulle à tout. Bon d'accord, ça allait moyennement  bien pour les courses de canoë, mais c'était vraiment tout.

Ce fut vers la mi-janvier qu'Ariel se fit reconnaître par son parent divin. Elle regardait dans le vide, au feu de camp, se demandant quand on finirait bien par la reconnaître. Ce n'était pas qu'elle n'aimait pas être chez les Hermès mais elle voulait savoir qui étaient ses frères et soeurs.

C'est alors qu'un louveteau sortit des fourrées tandis que Chiron criait au ciel qu'il lui avait interdit les attributs romains alors que c'était le camp grec. Bien sûr, il n'eut aucune réponse. C'est alors que le louveteau se planta pile devant Ariel, la regardant droit dans les yeux avec son regard doré, puis sauta dans ses bras alors que ses nouveaux frères et soeurs, enfants d'Arès, s'offusquaient d'avoir une soeur qui ne leur ressemblait pas du tout. Sinon, à part eux, la plupart des gens s'étaient tus. C'était une sorte de choque d'apprendre la nouvelle. Les enfants d'Athéna s'étaient même préparés à l'accueillir un de ces jours dans leur cabine, quand leur mère la reconnaîtrait puisque pour Ariel, la stratégie passait avant la bataille.

Maintenant que je vous aie raconté son histoire, il reste quand même quelques questions à clarifier: Est-ce qu'Ariel verra un jour son père? Probablement pas. Est-ce qu'elle pardonnera un jour à sa mère ses absences et de ne l'avoir jamais prise au sérieux? Est-ce que l'adolescente réussira à se faire un jour une vraie place dans la colonie des sang-mêlé ou restera-t-elle un peu dans son coin, revivant encore et encore son passé.

Il faut bien vivre dans le présent, c'est ce que la jeune fille fait en apparence, et ne pas repenser à son passé, c'est certain. Alors qui saura enfin faire sortir Ariel de son passé, détruisant ainsi touts ses démons pour qu'elle puisse enfin pleinement profiter de sa vie ?