Reynold & Anna

C'était il y a quelques mois. Trois, peut-être. Toute mission réussie se devait d'être célébrée, et comment voulez-vous célébrer une victoire autre part que dans un bar ? Quand bien même Reynold se savait particulièrement sensible à l'alcool, il s'était laissé tenter par sa partenaire de mission qui n'avait eut de cesse de lui parler de la taverne qu'elle tenait. Pour une fois qu'il était raisonnable notre grand gaillard, il eut fallut qu'une petite minette vienne lui faire les yeux doux pour que déjà, il abandonne ses nouvelles résolutions et se laisse aller à des plaisirs qui devraient lui être interdits. Soit, cela n'était pas tout les jours qu'il réussissait une mission avec brillo, mais ce n'était pas non plus une raison pour accepter si facilement quelques choppes en compagnie de sa nouvelle camarade de mission. Une Hermès, une fille bien plus jeune que lui qu'il avait très certainement vu quelques fois avant ce jour. Ils avaient conversé à l'occasion de deux ou très quêtes mais ce sont considérablement rapprochés au cours de la dernière. Après tout, cette fois, ils n'étaient que tous les deux. Une mission à Los Angeles qui consistait à se débarrasser de quelques chiens des enfers qui s'étaient égarés, apparemment. Peu de personnes s'étaient laissé tenté par cette tâche à la colonie et bien évidemment, héroïque et rendant service comme il l'était, Reynold se porta volontaire pour taper du clebs. Non pas qu'il n'aimait pas les chiens, loin de là, il avait toujours rêvé d'adopter un chien mais il ne considérait pas vraiment ces bestioles là comme il considérait les bergers allemands, labradors ou autres canidés quels qu'ils soient. Il avait même plus de respect pour un caniche que pour ces bestiaux à l'haleine... Infernale, sans mauvais jeu de mot. Reynold était connu dans toute la colonie pour diverses rumeurs fondées, comme infondées, sur sa petite personne... L'une de ces "rumeurs" était certaine : il était incompétent en mission. M'enfin, ça, c'était du passé ! Si à son arrivée il avait réussi à enchaîner six quêtes infructueuses, son ratio s'est désormais rehaussé et inspire le respect... Enfin, il aimerait bien. Les personnes ici ne se souviennent que des travers des autres, au point de ne finalement pas voir les qualités des autres. Néanmoins, ce n'était certainement pas l'ex-texan qui allait les corriger sur cela, loin de là... Il était l'un des premiers à se moquer, mais détestait quand on se moquait à ses dépens. Eh bien oui, c'est beaucoup moins drôle quand l'objet même de la plaisanterie, c'est vous !Ainsi, il était aujourd'hui heureux. Heureux d'avoir réussi sans trop de mal cette quête qui n'inspirait pourtant pas grand monde et qui ressemblait plus à une corvée qu'à une quête olympienne. Ben oui, c'était comme jouer au dogsitter pour tonton Hadès, après tout. Ses animaux de compagnie avaient prit la poudre d'escampette, délaissant leur niche, pour profiter d'une liberté éphémère, sans savoir que deux demi-dieux allaient venir leur remettre la laisse. M'enfin, ce serait enjoliver les choses que de dire ça... Si seulement ça avait été si simple ! Reynold avait omis de compter le nombre de fois qu'il avait goûté le bitume à cause de ces maudits clébards ! Cependant, il n'y pensait déjà plus. Cette mission, c'était du passé et maintenant il se concentrait sur ce qui allait suivre ! Il avait promis à la jeune Ecchols d'être à l'heure pour une fois : elle lui avait demandé de le rejoindre à la taverne à huit heures du soir, et pas une minute de plus ! Il lui devait bien ça après tout... Elle l'avait tout de même bien aidé et ça, il devait l'avouer. Ce serait bien égoïste de se revendiquer seul instigateur de la réussite de cette quête. Et puis, ce n'était pas tant une corvée de se rendre à son bar pour se détendre un peu et pour brandir leurs verres à leur réussite commune. Cela permettra à Rey' de se vider l'esprit -un peu comme tous les soirs-, de boire à tue-tête -et de se réveiller avec une gueule de bois- mais aussi et surtout, il trouvait la jeune demoiselle plutôt charmante... Mais il s'en cachait, bien évidemment. Très rapidement, le forgeron sauta jusqu'à son bungalow pour y déposer ses affaires -dont ses armes- mais aussi pour se débarbouiller un peu. Il passa en coup de vent, sans même saluer ses demi-frangins et se rendit jusqu'à leur salle de bain qui ressemblait plus à un garage, par ailleurs, et se coiffa un peu. Il inspecta sa barbe naissante, la regarda sous tous les angles possibles et imaginables en un temps record et sortit finalement de la salle de bain en caleçon, un pantalon en jean dans la main :« Hoy, les mecs ! C'est qui qui a prit mon jean, bordel de shit ? Il est tout froissé maintenant, je l'ai repassé hier... Ou avant-hier !- ... Ou il y a deux semaines, ce serait plus juste, Rey' ! » Lança quelqu'un sans même s'avancer jusqu'à son demi-frère pour lui faire face. Il n'avait pas forcément tort... L'Héphaïstos n'avait jamais été quelqu'un de très ordonné, de très "propre", il se comptait du minimum et détestait plus que tout les tâches ménagères. Repasser des vêtements, ce n'était pas vraiment dans ses cordes... Pourtant, c'était quelqu'un de manuel, il savait tout faire avec ses petites mimines, ses doigts de fée; mais le repassage : non. Il soupira donc, balança son jean bleu foncé sur son épaule et alla à son étagère fraîchement réparée mais désordonnée et balança son jean dans un coin du meuble avant d'en saisir un nouveau, tout aussi froissé, l'inspecta rapidement et, après avoir hausser les épaules, bondit dedans. Ensuite, il prit une veste rouge à carreaux qui traînait sur un porte-manteau, vérifia si aucun de ses frères d'adoption ne le voyait, et l'enfila après avoir ôter la sienne qui lui collait à la peau. Il sentit rapidement en dessous de ses aisselles, crispa un peu son visage, et s'aspergea de parfum pour être sûr de ne pas être trop odorant. Il sortit aussi vite qu'il était entré dans le bungalow en criant à l'intention de sa famille recomposée :« Passez une bonne soirée, les gars ! »Dix-neuf heures quarante cinq. Pensa le jeune homme en consultant sa montre alors qu'il faisait face à la façade de la taverne. Il fit une moue, regarda rapidement l'endroit et y entra sans plus tarder. C'était un bar tout à fait accueillant, qui n'était ni trop rempli, ni pas assez. Il mit ses mains dans ses poches, fit une petite moue, et chercha du regard la demoiselle qui l'avait invité. Anna... Anna... Où es-tu... ? Pensa le gamin du boiteux. Son regard balaya la pièce, il marcha sans réellement savoir où se rendre et s'installa sur un tabouret relativement haut avant de s'accouder au comptoir sans commander la moindre boisson pour le moment. Il fit tourner une pièce argentée entre ses doigts tout en veillant à ne pas la perdre, et chercha la fille d'Hermès inlassablement. M'enfin... Jusqu'à ce que la lassitude ne vienne, c'est à dire très vite. Une sueur froide lui parcourra l'échine et lui arracha ce premier songe : Eh merde, elle m'a peut-être posé un lapin... Ce ne serait pas la première fois qu'une chose pareille lui arrivait. Il se souvenait d'une certaine sang-mêlée, fille d'Aphrodite, qui avait prit plaisir à se jouer de lui dès son arrivée au camp. Là, c'était une Hermès... Une fille de la Fourberie elle-même, alors ce ne serait pas très étonnant, d'après Rey'. En effet, ce dernier prêtait souvent l'oreille à tous ces clichés concernant les parents divins et se faisait donc bien souvent mauvaise opinion de certaines personnes avant même de les connaître. Pourtant, il avait passé quelques heures avec Anna aujourd'hui et n'avait pas vraiment eut l'impression qu'il s'agissait d'une voleuse sans scrupule, une fourbe, une traîtresse... Et là, elle allait peut-être le faire déchanter !Elle s'est foutu de ma gueule ! Pensa le garagiste en se relevant, vexé. Il regarda la porte de sortie, la fixa un instant, et se dirigea vers elle alors que les insultes fusaient dans son esprit. C'est la dernière fois que je me laisse avoir par une fille, bordel de shit... Pensa t-il encore avant d'entendre une voix dans son dos... Une voix mélodieuse qui lui était familière... Anna ?! Il fit volte-face aussitôt, les joues un peu rouges, et ricana bêtement :« Tiens, te voilà ! J'ai jamais cru que tu m'avais oublié hein, t'inquiète pas ! Loin de moi cette idée ! Et heu... Tu es jolie ce soir ! »Il se pencha un peu sur elle et déposa un baisers hésitant sur chacune de ses joues. Aussitôt, il se ravisa de ses paroles dernièrement prononcées avec un embarras pittoresque :« Enfin... Je veux dire t'es tout le temps jolie, hein ! Mais là, aujourd'hui, ce soir, à l'instant même t'es... 'Fin tu m'as compris, non ? Et va pas imaginer que je te dis ça parce que je te trouve vraiment jolie au point de vouloir t'embrasser, hein ! Tu es jolie, t'es même belle ! Mais... On est potes, on est très potes même ! »Un nouveau ricanement lui échappa. Il se gratta l'arrière du crâne, et se sentit déjà mal à l'aise. Il le savait... Il le savait pertinemment ! Il était toujours mal à l'aise en présence des jeunes filles fort séduisantes, et pourtant il était là, à lui parler... Surtout que bientôt, il allait commencer à boire et que là, il allait devoir faire face à deux problèmes : une jolie jeune fille, et l'alcool qu'il tenait avec difficulté...Fucking soirée...

Un torchon vola à travers le mince espace où Anna et son employée s'étaient glissées pour préparer les boissons. Cette taverne, c'était l’œuvre de sa vie, son projet, son secret. Enfin secret… Disons que ça dépendait pour qui bien sûr. Les trois quarts des sangs-mêlés de la Colonie connaissaient l'existence de ce petit coin coincé entre deux rochers, au fond de la forêt qui poussait sur le domaine. En théorie, seuls les plus jeunes et les instructeurs n'avaient aucune idée de son existence. En théorie parce qu'elle en avait accueilli plusieurs fois, qu'ils aient huit ans ou que ce soit ses profs depuis ses sept ans à elle. Enfin bon, tant que personne ne venait à y redire quelque chose, elle conservait sa taverne clandestine et c'était très bien ainsi.

« Tu regardes quoi ? »

Son employée frottait assidûment des verres à pied, la scrutant avec un demi-sourire.

« Rien, je regardais qui venait d'entrer. »

À vrai dire, Anna était fourbue. La quête qu'elle venait d'accomplir n'avait rien de si difficile en soit – Anna était une abonnée aux quêtes et à la récupération de jeunes demi-dieux ignorants depuis ses quatorze ans, se portant quasiment toujours volontaire – mais son duel final avec un chien des enfers particulièrement massif allait lui laisser quelques courbatures et une vilaine griffure sur la cuisse.

« La quête s'est bien passée ?
- Reynold et moi avons géré oui, ça va. »

Ce type, elle l'avait croisé plusieurs fois sans vraiment y faire attention. Elle avait sans doute même fait une ou deux quêtes avec lui avant mais toujours noyée dans la groupe et dans l'action. Bref, elle n'y avait jamais vraiment fait attention et n'avait pas franchement eu l'occasion de faire connaissance. Et puis était arrivée cette petite quête insignifiante, où elle n'était qu'avec lui. De suite, quand on est en tête à tête avec quelqu'un, on est rapidement obligé d'apprendre à le connaître, ne serait-ce que pour mettre au point une stratégie convenable, ce genre de détails. Ne manquant jamais une occasion de faire de la publicité pour la taverne (business is business), Anna l'avait invité à le rejoindre dans la soirée pour boire un verre à la réussite de leur mission. Chose qui en plus de potentiellement attirer un nouveau client n'était pas désagréable vu qu'elle l'avait plutôt apprécié durant leur petit voyage. Cette pensée suffit à la faire rougir légèrement et elle tendit plutôt brusquement un verre de coca au type qui attendait derrière le comptoir.

« T'es un mioche mon cher, je vais pas non plus te servir un cocktail, tu rêves. »

Non mais, fallait voir à pas trop rêver non plus, elle ne tenait pas à ramasser des morveux ivres-morts dans la forêt demain. Les grands ados et jeunes adultes, soit, elle avait l'habitude. Les autres, elle refusait d'en prendre la responsabilité. Le rendez-vous n'était qu'à vingt heures mais elle lissa une nouvelle fois la robe qu'elle avait enfilée, bien différente de la tenue qu'elle mettait lors des quêtes (soit le truc parfait pour le combat et le confort, quoi). Son employée lui jeta un nouveau regard moqueur et sourit en emportant un plateau à travers la salle. Il n'y avait pas encore grand monde, juste assez pour donner l'impression d'un joli bar avec du succès. Mais les Dionysos et les Apollon n'étaient pas encore arrivés. Avec eux, ça se transformait rapidement en un semblant de soirée après un match de foot, ou éventuellement en une boîte de nuit. Bref, à minuit c'était le bordel, le boxon, la fête. Anna entreposa rapidement quelques verres sur un second plateau, l'emportant à travers la salle. Elle zigzagua entre quelques guignols qui faisaient les marioles au milieu, leur jeta un regard assassin, et gagna une table où se tenait visiblement un rendez-vous amoureux. Anna plaqua le sourire le plus charmeur qu'elle avait dans sa collection et posa sans bruit les verres.

« Bonne soirée, vous deux. »

Elle les connaissait. Tous les deux. Quant à les voir ensemble en train de se faire des yeux de merlans frits, elle ne s'y attendait pas franchement. Ces deux-là, c'était un peu le jour et la nuit, de parfaits opposés et… Bordel, c'était sa demi-sœur, elle aurait pu lui en parler quand même ! Enfin second avantage à travailler dans une taverne : on savait presque tout, tout le temps, en avant-première. Les rendez-vous amoureux, les disputes, les amitiés, les duels… La moitié se déroulaient entre ses quatre murs. (Y compris ses éternelles engueulades avec Wesley.) Cette taverne, c'était un peu la place du village pour les habitués, on s'y retrouvait, on parlait potins, on buvait beaucoup, on gueulait un peu et puis c'était bon. Jusqu'au lendemain soir. D'autres venaient inlassablement boire sans jamais supporter l'alcool (William Peverell battait des records dans ce domaine) et revenait le lendemain, comme une fleur. La porte s'ouvrit et dés qu'elle eut reconnu la personne, Anna se faufila dans le couloir menant aux toilettes. Elle s'appuya sur le lavabo, se contemplant dans la glace. Une bonne douche ne lui avait pas fait de mal et une camarade Aphrodite lui avait joliment coiffé es cheveux aux reflets roux, sans en faire trop. Anna avait fouillé dans les fins-fonds de son armoire dans l'espoir d'y dénicher quelque chose et enfilé la seule robe qu'elle avait. Par chance, elle était jolie et lui allait parfaitement. (Anna ne prenait que rarement le temps de s'habiller correctement, préférant des tenues garçonnes pratiques pour s'entraîner ou donner des cours.)

À huit heures moins un, elle jaillit du couloir, croisa le regard de son employée et lui tira la langue. Puis elle aperçut Reynold accoudé au comptoir. Son cœur fit un petit bond bizarre dans sa poitrine, lui rappelant qu'elle n'avait jamais eu de rendez-vous – galant ou pas – avec le moindre garçon. « Coucouu. » Visiblement il partait et ce constat l'affligea vaguement. Elle n'allait pas lui poser un lapin quand même, ce n'était pas son genre ! (Sauf avec Wesley, mais le cas était nettement différent puisqu'elle prenait plaisir à le faire tourner en bourrique, lui.) Et puis Reynold parla, lançant des phrases avec un semblant de sens (un semblant parce qu'Anna se sentit un peu embrouillée au final). Elle rougit légèrement et lui rendit ses bises. Eh oh, c'était juste un rendez-vous pour fêter leur victoire et lui faire découvrir la taverne, rien de plus ! Fallait voir à se ressaisir, ce n'était ni un rendez-vous galant ni rien dans ce style.

« Euh… Oui ! Nous sommes très potes ! » Elle rougit deux fois plus, se gratta la joue et lissa sa robe dans un geste presque compulsif. « Euh donc, tu veux boire quelque chose ? »

Le temps de l'entraîner jusqu'au comptoir – qu'il venait de quitter en fait – Anna s'était ressaisie. Elle se glissa derrière le bar et se percha sur un tabouret, faisant face à Reynold. Ressaisie oui, mais très franchement, elle ne se sentait pas sereine pour autant. Boire un truc en tête à tête avec un garçon autre que son cousin, c'était bizarre quand même, ça lui faisait un drôle d'effet.

« Blue Lagoon, ça t'irait ? » Première chose qu'elle voyait devant elle, la bouteille de curaçao, pour en avoir servi à un groupe trois minutes avant. En attendant, elle s'en prépara un verre.

Reynold & Anna

Reynold, ayant perdu patience et s'étant résigné à attendre, avait délaissé son siège pour finalement traîner des pieds vers la sortie afin de retourner à son bungalow où il se ferait très certainement charié par ses frères lorsqu'ils apprendront le pourquoi de son retour. M'enfin, il commençait à avoir l'habitude d'être délaissé alors ça ne le touchait plus vraiment... Du moins, c'était ce dont il cherchait à se persuader, présentement. L'Héphaïstos soupira, mit une main dans la poche de son jean qu'il avait peiné à retrouver et fit claquer sa langue contre son palais pour signifier son agacement jusqu'à ce que finalement, la demoiselle ne jaillisse devant lui comme pour l'empêcher de partir maintenant. Surprit, le sang-mêlé fit un mouvement de recul et haussa un sourcil alors que l'Hermès l'accueillit d'un agréable sourire. La situation était assez cocasse... Comment pouvait-il lui expliquer qu'il en avait eut marre de l'attendre et qu'il était sur le point de partir, mécontent, de son bar ? Il préféra sourire bêtement lorsqu'elle se dressa là face à lui, espérant éviter de devoir s'expliquer devant elle de sa soudaine marche en direction de la porte de sortie...

Ce qui rassurait énormément l'Héphaïstos, c'était sans nul doute que sa camarade semblait toute aussi mal à l'aise que lui. Il ne paraîtrait, de ce fait, aucunement ridicule à ses yeux étant donné qu'elle semblait partager son embarras. Après, il ignorait si c'était pour les mêmes raisons que lui mais en tout cas, c'était déjà ça ! Malgré tout, le sang-mêlé se sentit comme obligé de se justifier et balbutia donc quelques explications pittoresques, allant même jusqu'à la complimenter sur sa tenue du soir -à moins que ce ne soit sur son apparence globale, son physique peut-être-, l'embrassa brièvement en sentant son coeur cogner sa poitrine à coups de battements tous plus puissants les uns que les autres, puis balbutia à nouveau afin de se justifier encore une fois sur ses dires précédents. Il avait un don, ce garçon, c'était certain... Se mettre dans la mouise tout seul, comme un grand ! Il aurait très bien put se contenter d'un p'tit b'soir ou alors d'un comment tu vas depuis tout à l'heure ? mais non, il se complaisait à s'enfoncer et à se compliquer considérablement la vie, quitte à paraître complètement crétin aux yeux de sa jeune interlocutrice qui commençait à rougir un peu devant son ami. Il la mettait très certainement mal à l'aise... Merde ! Elle aussi commençait à avoir des tics assez étranges et inhabituels, d'autant plus que son visage ressemblait désormais à une tomate tant le rouge lui piquait les joues. L'Héphaïstos était bien plus à son aise derrière son plan de travail ou face à des monstres, plutôt qu'en compagnie d'une jeune fille qui lui proposait un verre... Il en perdait presque tout son latin, balbutiait, ricanait pour rien, et avait quelques compulsions agaçantes comme le fait de se gratter inlassablement l'arrière du crâne si bien qu'à la fin de la soirée il finirait sûrement chauve...

Laissant la jeune Hermès s'exprimer, Rey remarqua encore une fois qu'il la mettait un peu mal à l'aise même si elle sembla se reprendre au bout d'un moment pour finalement lui proposer ce pourquoi il était venu ici... Boire ! Après tout, ils devaient fêter leur première mission réussie en duo ! Et quel duo... Il aurait fallut les voir tous les deux en mission, courant après des chiens infernaux, dégoûtants et agressifs ! Bien que texan, Rey était loin d'être maître dans le maniement du lasseau et sa première tentative pour capturer un de ces maudits clebs fut totalement infructueuse... Fort heureusement, il s'eut rattrapé bien vite en mettant de côté son âme de cow-boy, et put faire bonne démonstration de ses talents de garde-chasse et ce, même si il n'avait jamais réellement eut un bon feeling avec les animaux, encore moins avec les animaux mythologiques qui avaient toujours réussis à l'humilier, dans un premier temps, aux yeux de ses camarades de mission. Il se souvient encore des ricanements des enfants d'Arès, habitués à des affrontements colossaux et sanglants ou encore les rictus des athéniens qui se servaient de leurs petites cellules grises, eux, pour pouvoir se débarrasser d'un monstre alors que Rey lui ne savait que foncer dans le tas, purement et simplement... La seule fois où il eut utilisé sa tête, c'était pour forcer une porte à l'aide de son front ! Très glorieux, n'est-ce pas ?

Ainsi, dans la seconde qui suivit, Anna tira son compagnon de mission jusqu'au comptoir qu'il venait tout juste de quitter afin de le servir. Reynold tenait très mal l'alcool, il le savait pertinemment, mais il n'en dit rien. Il pensait qu'un ou deux verre(s) ne pourrait certainement pas lui faire de mal et ne le ferait pas sombrer dans les méandres de l'inconscience et de la décadence qu'il avait déjà connu lors de nombreuses cuites entre amis, que ce soit au Texas ou à la colonie. En effet, la tradition de boire après une mission réussie ne datait pas d'hier... Et, bien qu'il avait échoué à ses six premières missions, Landers avait ensuite réussi à accrocher à son tableau de chasse quelques victoires dont il était plus ou moins fier ! Néanmoins, à chacune de ces réussites s'en suivait un échec cuisant étant donné qu'elles étaient toutes précédées par une nuit de folie alimentée par l'alcool qui coulait à flot dans les veines du fils du feu. De ça, il avait honte. Néanmoins, il n'en dit rien et se dit, comme toujours, qu'il saurait se limiter à une boisson pour ne pas paraître grossier aux yeux de la demoiselle qui l'avait si gentiement convier à partager un breuvage en sa compagnie.

Anna s'installa derrière le comptoir et fit face à son interlocuteur qui souriait toujours bêtement, paraissant même un peu mal à l'aise. Il détourna un peu son regard afin d'éviter de croiser celui de la jeune femme qu'il avait très certainement déjà assez embarrassé ainsi et regarda attentivement l'affiche récapitulative des alcools divers et variés proposés dans l'établissement clandestin de la fille du messager divin. La plus part de ces alcools étaient pour Reynold totalement inconnus... Lui ne connaissait en effet que les alcools traditionnels ou quelques cocktails populaires dont les noms revenaient souvent dans la quasi-totalité des tavernes de ce pays. Ainsi, quand la jeune femme lui proposa un « Blue Lagoon », le jeune homme haussa un sourcil. Qu'est-ce que ça pouvait bien être ? Un alcool fort ? Doux ? Le genre de délire pour déboucher les chiottes ? Ou alors une boisson issue du domaine divin ? Ca, il en doutait fort. C'est ainsi que, bêtement, Reynold répondit :

« Heu... Ouais ouais ! C'est à dire que d'habitude, je prend plutôt du "Green" mais du "Blue" ça doit être bon aussi... »

Quel abruti...
Rey' se gratta encore l'arrière du crâne en souriant bêtement à l'intention de la jeune femme. Sa petite "plaisanterie" -qui n'en était pas vraiment une- semblait cependant avoir un peu détendu l'atmosphère et estomper l'aura de stress qui planait autour du grand gaillard. Il devait se mettre dans la tête que cette courtoise invitation à boire un verre n'était en rien un prétexte pour autre chose... C'était juste pour célébrer leur mission réussie, ni plus, ni rien. Alors il se détendit de son mieux, soupira un bon coup en gardant son sourire et regarda tout autour de lui les gens qui s'esclaffaient, buvaient et bavardaient dans un brouhaha atypique qui n'était cependant en rien agaçant. C'était comme une symphonie folklorique qui rendait l'atmosphère moins lourde et plus agréable. La taverne avait un charme, c'était sûr... Peut-être une petite touche amenée par la jeune West ! Une touche "féminine", comme disent certains. Car oui, habituellement, c'était toujours des ex-camionneurs, des gros monsieurs tatoués ou des vieillards qui tenaient les bars, et rarement une jeune adulte telle qu'Anna. Perdu dans ses pensées, contemplant l'endroit, Reynold ne remarqua pas que sa boisson était déjà servi et ce ne fut que le contact du verre avec le dos de sa main qui le fit réagir et le tira de ses songes subitement.

« Ah ! Heu... Merci ! » Fit-il en prenant la choppe.

Il regarda le jeune femme, comme pour avoir son approbation, et lança un nouveau sourire béat avant de finalement faire couler le liquide dans sa gorge, ne prenant pour le moment qu'une simple gorgée afin de ne pas écouler toute sa boisson d'un coup. Il crispa un peu le visage et sentit une chaleur soudaine l'envahir, lui arrachant un soupir significatif. Il posa le récipient sur le comptoir et déglutit aussitôt. L'Héphaïstos avait comme l'impression de cuire de l'intérieur, que de la fumée allait lui jaillir des oreilles et que des flammes ardentes lui consummerait l'estomac d'un instant à l'autre. Fils du feu, mon oeil. C'était à se demander comment il pouvait rester si longtemps enfermé dans sa forge quand on voyait qu'une simple gorgée de Blue Lagoon pouvait lui flamber le gosier ! Si ses frères étaient là, ils ne manqueraient très certainement pas l'occasion de se moquer de lui... Fort heureusement, ils n'étaient pas là. Mais il y avait Anna...