Alors, puisqu’il me faut vous raconter qui je suis, ce qui fut ma vie, je pense qu’il est important de débuter par le commencement. Oui, tout comme vous, j’ai bien un père, une mère. Après tout, je ne suis pas arrivée par l’opération du Saint Esprit ! Mais mon histoire est particulière et vous ne me croirez sans doute pas mais je suis à demi-déesse… Enfin à demi-Néréide si j’utilise le bon terme. Je sais, je sais, vous vous dîtes cette petite est bonne pour l’asile. Eh bien, je puis vous assurer que non ! Vous pensez que parce que j’ai l’apparence d’une enfance de quatorze ans, je ne suis qu’une gamine qui n’y connait rien ? Vous vous laissez tromper par mon apparence, j’ai en vérité dix-neuf ans et voilà maintenant cinq ans que je suis figée dans ce corps d’adolescente. Laissez-moi tout vous expliquer pour que vous compreniez bien car après tout, je ne parle pas chinois, il n’y a donc aucune raison que vous ne me suiviez pas.
Par où commencer… ? Ah ! je sais. C’est lors d’un certain 18 Décembre par une nuit où le halo de la lune semblait entouré d’une aura bleutée et argentée que mon histoire commence. J’ai été déposée par ma mère dans un petit couffin sur le pas de la porte de mon père alors que je n’avais que quelques heures. La raison me direz-vous ? Ma mère ne pouvait me garder avec elle, car elle est une Néréide, une déesse mineure de la mer et porte le doux nom de Thétis. Une loi chez les dieux grecs leur interdisait tout contact avec leur progéniture dite mortelle. Oui je suis un demi-sang comme ils les appellent… Ou plutôt un sang mêlé. Bref pour respecter les règles imposées par les trois grands, à savoir Zeus, papi Poséidon ainsi qu’Hadès. Ceci dit, je m’égare un peu, reprenons voulez-vous ?
Donc, je disais que ma mère, Thétis m’avait confiée à mon père, un noble anglais d’une vingtaine d’année dont elle était tombée amoureuse voilà quelques années. Ils s’étaient apparemment rencontrés à un concert de musique classique. Je dis apparemment car tout ceci, je l’ai appris de ma tante paternelle, c’est elle qui m’a élevée, car mon père est mort alors que j’avais tout juste huit mois. Alors je ne me souviens donc pas de lui, j’ai juste une photo de lui qui m’a permis de voir que j’avais hérité de la couleur de ses cheveux à savoir un beau châtain au reflet chocolat mordoré. C’est à peu près les seuls traits que j’ai de mon père. Pour le reste, je tiens de ma mère, surtout pour ma beauté particulière. Normale pour la fille d’une déesse, me direz-vous. Un teint de porcelaine, des lèvres pleine rosées et des yeux d’un splendide bleu azur rappelant les eaux méditerranéennes. J’ai donc été élevée par la famille de mon père dans un milieu aisé mais j’étais considérée un peu comme le vilain petit canard de la famille. Tous ignoraient qui était réellement ma mère après tout.
Ma vie fut rythmée ainsi jusqu’à ce que j’atteigne l’âge où mes dons divins se sont manifestés pour la première fois, je devais avoir approximativement huit ans, il me semble. Je venais de retrouver le seul lien qui me rattachait à ma mère. Un pendentif en forme de dragon d’eau en cristal sur lequel on pouvait voir écrit en grec ancien « Pour toujours liée à la mer. » Cette phrase avait interpellé la petite fille que j’étais car je la comprenais alors que je ne connaissais pas le grec ancien. J’étais censée être beaucoup trop jeune non ? A ce moment-là, je me suis rappelée que ce collier m’était comme familier, j’étais sûre de l’avoir vu quelque part dans un de mes livres et je me mis en quête de découvrir son origine. Ce que je découvris me poussa à m’enfuir du domaine des de Kent, un soir après que des Érinyes m’aient attaquée. A ce moment, je compris lorsqu’elles me dirent que mon sang était spécial, que ce que j’avais lu était vrai. Initiée aux maniements des épées depuis mon plus jeune âge comme tous les membres de ma famille, je tentais vainement de sauver ma vie face à ses créatures venues des enfers, lorsqu’une voix résonna tout au fond de moi me disant quoi faire.  Alors n’écoutant que la voix de celle que je compris être ma mère je me métamorphosai en un splendide paon royal et je pris mon envol pour fuir les Furies, me servant de ma petite taille pour les semer en slalomant entre les arbres, avec je dois tout de même le préciser, une aide bienvenue de la part de ce que l’on nomme l’instinct de survie et de l’adrénaline.
Après cette nuit, je passai les années qui suivirent à rechercher mes origines et surtout ma mère, Thétis. Je voulais la voir et en apprendre plus sur elle… sur moi tout simplement. Paradoxalement, grâce au pouvoir de transformation, je passai maître dans l’art de fuir les monstres attirés par mon sang divin. J’appris donc par hasard qu’une colonie pour les sangs mêlés existait, cachée dans une forêt profonde, une sorte de sanctuaire en somme. Je voulais voir à quoi il ressemblais alors je m’y rendis mais… arrivée devant l’enceinte, ma sauvagerie reprit le dessus et je me dis :
- Oh, et puis non ! Je me débrouille très bien toute seule, qu’est-ce que j’irais bien faire là-bas à m’enfermer… Je préfère encore la solitude à des inconnus.
Après ce petit détour, je gagnai l’océan où j’espérais enfin voir ma mère. J’en avais besoin, il me fallait voir son visage ne serait-ce qu’une seule fois. Je n’étais alors qu’une enfant d’à peine douze ans lorsqu’une belle jeune femme, qui semblait avoir tout juste vingt-quatre ans, à en croire son apparence, s’avança vers moi. Elle me dit alors qu’elle était ma mère et me raconta un peu sa rencontre avec mon père, et aussi la raison de mon abandon. Par la suite, elle me guida l’air de rien vers une autre déesse… La déesse chasseresse Artémis qui parcourait la terre avec ses chasseresses immortelles. Intriguée par l’histoire contée par ma mère, j’allai à la rencontre d’Artémis. Ce fut à mes quatorze ans que je me joignis à la chasse après l’invitation de la déesse, obtenant de ce fait l’immortalité et le devoir de protection envers Artémis.
Durant les dernières années, je parcourus les terres mortelles avec ma nouvelle famille, les chasseresses et la déesse Artémis. Auprès d’elles j’appris de nouveaux modes de combat ainsi que l’utilisation de l’arc traditionnel des chasseresses. La vie à leurs côtés était beaucoup plus palpitante, rythmée entre les chasses et les combats contre les monstres. J’étais faite pour cette vie, au fond de moi, je le savais. Je remerciai ma mère intérieurement de m’avoir guidée auprès d’Artémis car je m’y sentais en sécurité et plus que tout à ma place. Lors d’une de nos chasses, deux ans après mon arrivée, chez les chasseresses, nous avons sauvé une jeune fille de seize ans nommé Sophie Deschamps. Je me liai bien vite d’affection avec celle-ci la considérant comme ma petite sœur et l’appelant affectueusement « Soso ». Cette complicité que nous avons lié a créé une bulle entre nous et on passe le plus clair de notre temps à s’embêter mutuellement, elle, en me sautant dessus pour me faire des câlins. Moi qui n’était pas très tactile j’avais cette attitude de la laisser faire ces gestes d’affection mais seule elle où bien Artémis occasionnellement se risquait à avoir des gestes familiers à mon égard.