Il y avait des jours où l’on pouvait franchement se demander si ces deux là le faisaient exprès.  Ils se haïssaient oui ou non ? La réponse était ni l’un ni l’autre. Wesley Lincoln et Anna Echols ne s’aimaient pas en public mais lorsqu’ils étaient à l’extérieur de la colonie des sangs mêlés, ils devenaient très complices.  Ce jour là ils avaient décidé de rendre visite à leur mère respective, habitant toute deux à New York, et dans les mêmes appartements en prime. Oui, la mère de Wesley, Madame Lincoln vivait avec sa sœur Madame Echols car toute deux et ben… Le manque d’un mari et des enfants peut être ? Bah, le jeune homme ne s’était jamais vraiment penché sur la question.

Aujourd’hui, il faisait beau. Pas de vent, pas de nuages à l’horizon alors les deux enfants d’Hermès en avaient profités. Faire les boutiques n’était pas vraiment le hobby de Wesley, mais avec Anna c’était toujours plus drôle. Ils pouvaient jouer des mauvais tours aux gens et les critiquer à volonté. Le jeu d’aujourd’hui était simple. Après avoir fait les boutiques, il avait revêtus des habits les plus chics possible, et jouait à la bourgeoisie New Yorkaise. Les enfants d’Hermès étaient doués pour jouer la comédie alors pour eux l’exercice était simple. Wesley avait glissé son arc dans un étui de clarinette qu’il avait mis à son tour dans en de ses poches de shopping.

Asseyons nous là très chère ! s’exclama t-il en montrant un banc.

Central parc. Un des lieux les plus agréables de New York d’après Wesley. C’était un des rares lieux « calme » de la ville. Il passa un bras par-dessus les épaules de sa cousine et poussa un long soupire. Ok, pour jour le couple aussi ils étaient doués. Puis, quelque chose ou plutôt quelqu’un attira son attention. Il baissa d’un doigt sa paire de Rey ban et fit un petit signe à Anna, montrant une jeun femme qui venait d’arriver.

Oh la bête… !

Il se tourna vers elle, tout souriant. La fille semblait les avoir repérés.  Non, Wesley ne l’avait jamais vu ou alors il n’en avait aucun souvenir… Mais le plus généralement, quand son regard s’attardait sur une fille c’était ou qu’elle était jolie – mais ce n’était pas le cas ici la demoiselle n’étant pas son genre – qu’elle était un peu spécial. Demi-déesse ? Il secoua la tête, il fallait qu’il arrête d’en voir partout. A la longue, il allait devenir parano. Pour le as d’Anna et lui il ne s’en faisait pas trop, les enfants d’Hermès étaient parmi ceux qui se repéré le moins bien dans la nature. On disait qu’il avait une odeur moins forte… Bah, il fallait dire aussi qu’ils avaient essayé tout les deux des tonnes de parfums, surtout ceux au rayon des enfants, en faisant leurs boutiques. Il haussa légèrement les sourcils quand la jeune fille s’approcha d’eux. Il se rapprocha un peu plus d’Anna, toujours à fond dans son rôle, et, l’embrassant sur la joue au passage lui glissa quelques mots à l’oreille.

Elle arrive… On fait quoi ?

Son regard était assez clair et les deux enfants d’Hermès avaient l’habitude d’utiliser le code du regard entre eux. « On continu notre comédie, allait, ça pourrait être drôle Nana ! ». Oh que oui, depuis combien de temps n’avaient-ils pas roulé quelqu’un dans la farine en s’inventant une histoire comme celle là ?

L'avantage avec Wesley, c'est qu'il n'était pas rancunier, du moins pas avec Anna. Le bon côté, avec ladite demoiselle, c'est qu'elle fonctionnait de la même façon. Si les deux gamins d'Hermès passaient les trois quarts de leur temps, à la Colonie, à se taper dessus, à s'insulter, à se ridiculiser mutuellement et à se haïr, ils savaient aussi choisir les bons moments pour s'apprécier et passer du bon temps. Ainsi, les deux cousins aussi frères et soeurs étaient sortis en ville, à New-York, pour une virée shopping. Et loin des regards des autres pensionnaires, ils s'étaient autorisés à s'apprécier. Enfin l'objectif principal restait de rendre visite à leurs mères respectives, vivant ensemble dans un seul et même appartement. Et puis leur petit voyage avait dévié jusqu'au centre-ville et... Voilà. A présent, Anna portait une robe digne des plus grandes soirées de la ville - du moins en apparence - qui la mettait correctement en valeur, malgré sa taille assez réduite. Son marteau était délicatement posé dans un petit sac venant tout droit d'un magasin de bricolage qui détonnait un peu à côté des poches de luxe.

« Oui, vous avez bien raison, bel ami, installons-nous ici pour jouir du paysage magnifique qui s'offre à nous ! »

Anna était douée, elle aurait pu sans mal se lancer dans une carrière théâtrale si elle n'avait pas eu d'autres projets. Mais ça ne l'empêchait de s'amuser comme une folle dans ce jeu de rôle improvisé avec son cousin. Mais Wesley poursuivait son trip et la fille d'Hermès se sentit obligée - une belle obligation - de l'accompagner dans l'histoire. Elle souleva légèrement ses lunettes - le mouvement inverse de celui de Wesley, en fait - et plissa les yeux, une lueur malicieuse dansant au fond de ses prunelles.

« Ah oui, clair ! »

La fille en elle-même n'avait rien d'une « bête » mais les deux cousins s'amusaient.

« On... se marie ? »

Ouais bon, elle suivait juste le cours des idées de son voisin de banc. Sans rien ajouter, elle se pencha et posa la joue sur son épaule, lui collant deux ou trois petits bisous sur la joue. Ils étaient très près l'un de l'autre et Anna aimait bien ça : pas de retenue comme à la Colonie, juste eux et cette fichue naissance, et ce fichu Wesley et cette fichue elle et... Bref, leur manque de bol habituel. La fille était vraiment prêt d'eux à présent alors Anna s'empara de la main de Wesley et fit un petit signe à la miss.

« Bonjour à vous, jolie dame ! Vous laisseriez vous tenter par un petit plan à trois ? »

Anna n'avait jamais su détecter qui était quoi : demi-dieu ? monstre ? mortel ? Tant de mystères qu'elle ne pouvait éclaircir. En revanche, Wes et elle avaient suivi des cours à la Colonie auprès d'un Hermès plus âgé - un de leurs demi-frères donc - afin d'apprendre à masquer leur odeur. Aujourd'hui, ils avaient, aux yeux des demi-dieux et monstres, l'odeur et la tête de simples mortels. Si on ajoutait à ça la délicate odeur bien chimique de fraise qui s'élevait du duo... On obtenait de simples gosses de riches.

« Oh, pardon, je devrais me présenter avant tout. Je m'appelle Enguerrande et voici mon fiancé. Mais qu'est-ce que nous haïssons l'ennui...! »

Eh bien, voilà son rôle du jour : Enguerrande la petite princesse fiancée à un garçon dés son plus jeune âge mais rêvant d'aventures et de jeux avant les fiançailles.

Wesley sourit quand il entendit la présentation d’Anna. Pour sûre elle aussi elle assurait quand il s’agissait de d’improvisation. Il se présenta à son tour comme un certains Hector, hochant la tête en même temps, les paupières closes derrières ses verres de lunettes noires. Et la fille répondit. Sur le coup, le jeune homme fut un poil surprit.

Merci très chère. Il est vrai que beaucoup de jeunes femmes me font cette remarque, mais mon cœur appartient à ma chère et tendre ici présente. Cunégonde vous dîtes ? Ca doit être dur à porter ma pauvre ! Un prénom si hideux !

Il haussa les épaules. Oui, elle se foutait d’eux clairement. Ou alors elle était nympho… Ou encore stupide. Bah, les deux dernières options pouvaient être les bonnes finalement. Parce que pour accepter la proposition étrange d’Anna… Ce qu’elle lui fit d’ailleurs donna à Wesley l’envie de lui mettre son poing dans la figure. Oui, généralement il aimait choisir les filles avec qui il passait des moments comme ça. Et puis une fille qui avait visiblement une déformation au niveau des dents… Merci bien. Wesley fouilla dans son veston et en sortit un mouchoir de soie avant de s’essuyer la bouche. Il fit ensuite une grimace à l’intention de la jeune fille, montrant le plus de dégout possible. Il nota aussi qu’elle avait une odeur particulière. Des fruits de mers. Le genre d’odeur qu’on ne pouvait supporter plus d’une minute. Et étrangement, Wesley sentait cette odeur. Bref, cette fille était vraiment étrange. Il était à fond dans son rôle et ne lui fit donc pas remarqué cette étrange coïncidence.

Vous embrassez fort mal. Il faut y mettre un peu plus de passion Cunétruc !

Sur ces paroles très puissantes, il se tourna vers sa partenaire du jour. Une chance pour eux que la jeune femme châtain ne sache pas qu’ils appartenaient à la même famille. Il embrassa Anna, c’était bien assuré de capter toute l’attention de la « Cunétruc » en question. Ben quoi, elle lui avait donné un prétexte pour le faire, et Wesley laissait rarement de telles occasions de côté. Et il devait bien avouer que depuis la dernière fois dans le bar clandestin d’Anna, cela lui avait manqué. Il se recula un peu en suivant et se retourna vers l’autre fille, lui lançant un regard du type « Tu vois ? ». Il baissa les yeux assez pour voir quelque chose de fort étrange. Oui, il avait choisit un banc dos au lac qui trônait là, au beau milieu de Central Park. Un des plus grands, avec des canards et tout. Il y avait même des gens qui faisaient de la barque lors des beaux ours comme celui-ci. Et ce qu’il voyait ressemblait à de petits tentacules. Tentacules qui étaient juste en train de chatouiller les mollets de la jeune femme.

Heu…

Il décida cependant de poursuivre son rôle de pauvre mortel ignorant, quitte à risquer beaucoup. Car Wesley l’avait bien comprit, il y avait une monstre dans ce lac. La tentacule avait fait le tour de sa jambe.

Très chère… un canard vous pince le mollet !

Et la tentacule tira d’un coup sec. La fille sembla s’envoler avant de retomber dans l’eau.

« Mais enfin, Hector, quelles manières as-tu ! Il est vrai que Cunégonde doit être un prénom fort difficile à porter mais il est inutile de le souligner ! Pauvre amie, je m'excuse pour lui. »

S'ils étaient les enfants d'une riche et noble famille, nous étions tout de même en 2014 et les couples se devaient de se tutoyer. Enfin Anna estima que ça ajouterait un semblant de réalité à leur rôle du jour. Lorsque « Cunégonde », puisque tel était son nom, leur plaqua deux baisers sur la joue, Anna se retourna vivement et sauta par-dessus le dossier du banc. Elle était ravie d'avoir une camarade de jeu acceptant de participer. Mais voilà, Anna se glissait dans un rôle et ce n'était pas pour rien. Elle attrapa la demoiselle par les poignets et lui plaqua un baiser passionné sur les lèvres, sa main s'aventurant sur ses hanches, voire plus bas. Tant qu'à s'amuser, autant mettre le paquet.

« Ne soyez-pas timide, ma douce amie, nous allons prendre soin de vous. »

Wesley prit les devant et embrassa Anna dont le coeur s'emballa. Mon dieu, il embrassait vraiment trop bien... mais c'était aussi son frère. La jeune fille laissa tomber toute retenue - jeu de rôle, jeu de rôle ! - et c'est sans lâcher les hanches de Cunégonde qu'elle rendit son baiser à Wesley-Hector. Elle ne put retenir un rire en voyant l'air outré d'un passant. Et puis son regard suivit celui de son amant du jour pour regarder le lac. C'était le plus vaste de Central Park et des canards en profitaient généralement pour nager tranquillement en pêchant et en rassemblant leurs canetons. Anna aurait bien aimé élevé un canard, c'était sacrément mignon. Puis une tentacule, puis deux, se glissèrent silencieusement hors de l'eau pour ramper dans leur direction. Les passants continuèrent de marcher comme si de rien n'était, enjambant ces étranges choses comme s'il s'était agit d'un banal tuyau d'arrosage. Les tentacules rampèrent jusqu'aux pieds de Cunégonde qu'elles se mirent à chatouiller tranquillement. Et dire qu'Anna était sûre qu'elle sentait la mer, cette fille... Voilà que m'sieur le calmar se ramenait les tentacules pour dire bonjour. Un canard ? Soit.

« Oh, et il est vraiment trop mignon ! »

Se tenant les joues, Anna se baissa et contempla les tentacules avec une expression émerveillée. Et puis la tentacule en eut assez de dire bonjour et elle réintégra brutalement son habitat naturel, emportant Cunégonde avec elle.

« Oh mon dieu, Hector ! Le canard emporte Cunégonde ! Il faut aider notre douce amie mais... Que faire ? »

L'expression émerveillée qu'affichait Anna se transforma en une mimique d'horreur pure tandis qu'elle joignait les mains en une prière silencieuse.

Wesley s’essuya la bouche, parfaitement dégouté. Cette file était dégoutante. Enfin dégoutante, tout était question de point de vu, lui embrassait bien sa demi sœur cousine alors que bon… Bref, tout était question de point de vue. Et ce qu’elle fit à Anna, il avait juste envie de la frapper. Pourquoi ne pas cogner sa tête contre le sol bien dur ? Bref, Wesley avait toujours trouvé chiant les gens sans originalité qui reproduisait les mêmes choses que lui. Oui il était un modèle et alors ? Ce n’était pas un raison pour vouloir se « lâcher » et l’imiter, mal en plus. Bref, aucun style cette fille. Et quand la chose gluante l’attira dans les airs, il fut heureux, terriblement soulagé. Débarrassé de cette chose qui commençait tout compte fait à fortement l’ennuyer. Il se leva, prenant Anna par la main – oui, il profitait toujours autant de sa couverture – et s’apprêta à partir quand quelque chose l’attrapa. Et Wesley hurla. Il hurla à plein poumon car c’était Wesley, il ne perdait jamais le contrôle de son personnage, même dans des moments comme celui-ci. Les gens dans le parc s’étaient arrêtés, regardant ce curieux manège. Anna partit aussi avec lui. Il hurla, se débattit et ne prêta aucun attention à ce que lui disait la jeune femme. En fait, il avait fermé les yeux et ne comptait pas les rouvrir. Il avait toujours eu horreur des monstres marins. Mais il était un simple humain, un simple humain qui ne comprenait rien. Les yeux toujours clos, il sentait la tête lui tourner. Noble flaque ? Nan mais elle était bête, c’était un lac. UN LAC ! Un lac profond, Wesley le connaissait suffisamment pour avoir grandi dans cette ville avait de rejoindre la colonie. Il n’ouvrit toujours pas les yeux, même quand il sentit que l’eau lui rentrer dans les oreilles, le nez. Jouer un rôle était compliqué, mais Wesley jouait bien. Aussi, il décida de pousser le bouchon un peu plus loin et de se laissa aller. Ses yeux se rouvrir, mais il était sous l’eau, il faisait noir tout autour de lui. Plus un bruit, il sentait juste la main d’Anna dans la sienne.

Dans la vie, il y avait deux catégories de personnes : celles qui réagissaient de façon logique à une situation donnée et ceux qui n'avaient rien compris à la vie. Anna se plaçait bien évidemment dans le premier groupe. Quand Wesley lui prit la main, elle exerça une très brève pression sur ses doigts, l'enjoignant à continuer. Certes, les gens n'étaient plus très drôles de nos jours mais il pouvait encore garder son calme. Encore un peu. Après tout, Hector et Enguerrande n'étaient que des rôles qui seraient oubliés d'ici une heure.

Et puis le monde s'écroula.
Ou s'éloigna, ça revenait à peu près au même dans le cas d'Anna. La chose qui avait emporté Cunégonde dans les profondeurs du lac revint à la charge et s'enroula autour de la cheville d'Anna, la tirant d'un coup sec dans l'eau. Toujours dans son rôle, la jeune fille poussa un cri perçant à en briser le verre et se retrouva immerger. La mort la plus bête au monde, quand on y réfléchissait bien. Toujours en train d'hurler, l'eau s'engouffra dans sa gorge et elle s'étrangla. Pour le coup, Anna ne jouait même plus. Elle s'étranglait pour de bon, elle... Eh bien, elle se noyait. Elle sentait encore la main de Wesley dans la sienne, Wesley qui ne l'avait pas lâché, même sous l'eau. Son coeur battit plus vie, tentant de donner à ses muscles l'oxygène qu'elle n'avait déjà plus. Une ultime bulle d'air remonta à la surface et c'st avec des yeux pleins de larmes (certes diluées par l'eau) qu'elle la vit remonter. Petite bulle solitaire qui emportait sa vie, là-bas, à la surface. Et puis Anna ferma les yeux, peut-être pour toujours. Son dernier contact fut celui de la main de Wesley, toujours présente. Un bref instant, elle regretta de ne pas l'avoir embrassé davantage. Le noir était partout et son esprit la quitta, dérivant au loin. De l'eau, partout autour d'elle, à l'intérieur d'elle, même. Dans ses poumons.

Wesley Jeroy Lincoln n’était pas mort. Sinon, comment pourrait-il encore sentir la main de sa cousine demi-sœur, Anna dans la sienne ? Très bonne question. Une partie encore pensante du jeune homme, celle qui trouvait que Anna était la fille la plus détestable de l’univers, trouvait que penser à elle dans un tel moment était minable. Mais l’autre partie du jeune homme, la partie la plus influente trouvait ça pas mal.  Il avait ouvert les yeux avant de plonger la tête sous les flots mais les avait en fin de compte bien vite refermés. Ouais, Wesley n’avait jamais été fan des gens qui nageaient les yeux ouvert sous l’eau. Parfois il y avait des poussières qui pouvaient se glisser sous les paupières et bref, c’était dangereux.

« Plus dangereux que de se laisser couler ? Que de se laisser Noyer ? Je suis minable. Punaise, que je suis con. Et cette chose, cette fille moche qui me touche, qui me… n’ouvre pas les yeux. Garde ton souffle surtout. Toutes ces années om ta mère t’a mis à la natation, espérant améliorer tes compétences, et ton apnée ! Ouais, mais mon apnée là, il est out. Oh punaise mais Wesley, t’es con mon pauvre, t’es con ! La solution est juste là. Tes chaussures mec, tes chaussures. »

Penser à des chaussures à un moment pareil, c’était bien Wesley Lincoln. Il aurait même pu penser à sa coiffure, à ses cheveux qui allaient encore friser une fois remonté à la surface mais non, il pensait à ses baskets. Paire de converse haut bleu jean qu’il ne quittait jamais. Cadeau du paternel, lors de sa seule visite chez Madame Lincoln après la naissance de son fils. Il oublia son histoire de poussière dans l’œil et ouvrit les yeux. La file, qui était alors en sirène, non sans blague, était toujours là et semblait pleurer. Il s’ne foutait. Ce qui lui importait c’était sa vie pas la sienne, et celle d’Anna aussi quand même. Il réveilla ses baskets et les petites ailes grises se mirent alors à l’œuvre. Oui il était lourd, mais c’était un objet magique capable de le faire voler dans les airs, alors l’expulser à la surface… Le détail, c'était qu'il était dans un monstre évidement car le poulpe - pas si géant - de tout à l'heure avait réussis la prouesse de les avaler tout les trois. Il décolla, si on pouvait dire ça comme ça et se débattit alors pour s'extirper de là. La tâche ne fut pas aisé, le monstre était coriace, mais Wesley était un demi-dieu, on lui avait apprit à faire face dans tout les genres de situation. Même si celle là était tout de même étrange, il fallait bien l'avouer. Il n'avait pas son arc, juste ses poing pour faire pression, mais le monstre avait tout de même une certaine sensibilité, quand quelque chose vous grattez la gorge, vous toussez. Et c'est ce que fis le monstre.

Il éclaboussa des passants en remontant à la surface. Passants qui le regardèrent de manière forte étrange. Mais Wesley n’en avait rien à foutre, Anna elle, ne bougeait plus. Ses baskets le firent s’élever encore un peu plus et Wesley s’écrasa finalement derrière un buisson, caché à la vue des stupides mortels. Atterrissage mal maitrisé.  Il lui semblait avoir vu la fille de tout à l’heure le suivre. Tant pis, rien à battre. Il mit Anna sur le dos et fit la chose la plus logique au monde un massage cardiaque. Quelques filets d’eau semblèrent s’échapper des lèvres de la jeune femme mais Wesley en conclu que ce n’était pas suffisant.

Aller stupide fille d’Hermès…

Il passa à l’étape suivante. Ben ouais, les massages cardiaque, les bouches à bouches, à la colonie on apprenait à en faire et puis même, Wesley était un jeune homme cultivé dans ce domaine, puisque sa mère travailler dans un hôpital avant de terminer bibliothécaire. Drôle de parcours, il devait bien l’avouer. Il reporta son attention sur la jeune demi-déesse, toujours étendue sur le sol.

ANNA !

Il avait hurlé pour de bon. Pour une raison tout à fait étrange, il se sentait en colère. Contre lui, cintre la fille de tout à l’heure et surtout, contre elle. Bon sang, mais elle refusait de vivre ou quoi ? Mais sans sa demi sœur insupportable, qu’allait-il devenir ?! Il lui rangea une de ses mèches de cheveux fauve derrière les oreilles et lui caresse la joue. Il s’arrêta. Non, c’était vraiment pas le moment.

Bon sang stupide harpie, réveille-toi ! Aller BOUGE TOI DE LA ANNAAAAA ! JE SAIS QUE TU M’ENTENDS !

Il la secoua come un pommier, les larmes aux yeux. Au pire, il était trempé, ce n’était pas comme si on allait voir une différence. « Aller Anna, je t’aime bien au fond, tu le sais, on n’abandonne pas Wes-Wes comme ça… Je ne le permettrais pas. ». Alors il recommença ses soins, sans arrêter de lui parler.

La noirceur était une chose très belle.
Anna s'en rendait compte en cet instant, alors qu'elle était sur le point de mourir. A moins qu'elle ne soit déjà morte, c'était difficile à déterminer avec précision. La demi-déesse savait que dans tous les cas, elle n'était plus exactement vivante. Et elle ignorait le terme qui s'appliquait lorsqu'un être n'était ni vraiment vivant, ni vraiment mort. C'était juste ce qui était en train de se passer pour elle. Peut-être que son corps était mort, noyé bêtement dans un des lacs de Central Parc. Mais peut-être aussi que son âme s'attardait encore, rechignant à laisser pour de bon son enveloppe charnelle. Comme Anna se tuait - et elle aurait pu rire de cette bêtise si elle avait été vivante - à le penser, elle n'en savait rien. Bizarrement, cet état - non-état s'appliquerait mieux - lui plaisait bien. Là, morte-vivante, elle pouvait aimer Wesley de tout son cœur. Elle pouvait cracher son amour pour son frère et cousin à la gueule de tous les morts qui l'entouraient. Et Anna pouvait aussi se battre car laisser Wesley lui faisait de la peine. Elle ne se rendait jamais à l'évidence car elle le haïssait mais... Eh bien, elle l'aimait. Ainsi, Anna le bulldozer ambulant passa à l'attaque. Elle ne savait pas vraiment contre quoi elle se battait - n'oublions pas qu'elle était morte - mais elle y mit toutes ses forces. Elle regrettait l'absence de son marteau chéri, son poids dans sa main et sa capacité à fracasser tout ce qu'il touchait. Alors elle employa ses mains et fit des ravages. Des ravages invisibles qui ne touchaient que les esprits mais tout de même : Anna se battit contre la mort et pour la vie, parce qu'elle aimait, parce qu'elle vivait et parce qu'elle voulait vivre. On dit que quand on veut, on peut. Et quand Anna pouvait, l'expression s'appliquait bien : elle pouvait. Ainsi, son propre cerveau commença à lui souffler des encouragements. T'es pathétique, ma fille. Pa-thé-tique. C'était rageant d'entendre ses propres neurones se montrer insultants. Et puis ce fut au tour de la voix de Wesley de s'insinuer en elle, s'infiltrer jusqu'à son âme perdue et combattante. Non, pas juste une voix, des cris de colère. Ce fut peut-être ce son qui sauva la demoisele plus que tout autre chose. Dans tous les cas, ce fut les cris qui lui firent réintégrer son corps. Son âme cessa de se battre dans l'invisible et vint tranquillement se rendormir, là, quelque part en elle.

Alors Anna Ehcols revint à la vie.
Et ce n'était pas très glorieux. A peine son âme fut-elle bien installée que la jeune fille ouvrit les yeux en toussant. C'était ces toux éraillée des noyés ou des victimes de strangulation, celle-là même où l'air se frèye péniblement un chemin jusqu'aux poumons trop longtemps vidés d'oxygène. La petite demi-déesse fille d'Hermès toussa à en cracher ses poumons, rejetant plus d'eau qu'elle n'aurait cru pouvoir en avaler. Les larmes aux yeux, tremblantes, frissonnante et profondément éreintée, Anna toussa encore et encore, chaque inspiration donnant l'impression d'être la dernière. Elle en avait mal jusque dans les orteils, jusque dans la pointe de ses cheveux. Et quand elle arrêta de mourir une seconde fois - une mort plus physique et plus douloureuse - elle se rendit compte que ce crétin de Wesley Lincoln était à quelques centimètres de son visage. Oh, Anna envisagea bien de hurler mais c'était sans compter surles caprices de ses poumons de noyée.

« Espèce de... Connard... De Wes-Wes la fesse de... »

Sa voix s'étrangla dans sa gorge mais elle le frappa, encore, encore, jusqu'à se sentir prête à tomber dans les pommes. Et elle avait toujours froid. Son premier réflexe, et son corps était bien d'accord avec elle, fut de se coller à Wesley, tout mouillé et crade fut-il. Et puisqu'Anna était Anna, elle n'écouta que son instinct et l'enlassa à lui broyer les os (une punition supplémentaire ne aisait jamais de mal à personne, c'était le... le renforcement négatif).

« T'es vraiment le dernier des abrutis... T'allais m'embrasser aussi, pour voir comment c'était de le faire avec les morts ? »

L'autre tâche, elle était où, qu'Anna teste son marteau pour voir si fonctionnait toujours.

Wesley était heureux. Bon d’accord, ce n’était pas la première expression que l’on pouvait lire sur son visage. Ma sa chère emmerdeuse de cousine était vivante, elle lui avait lancé une pique, même plusieurs, signe qu’elle était bien revenue à elle. Il lâcha un petit rire qui sonnait mesquin et lui pinça le nez. Anna le frappa et étrangement, il n’en fit rien pour éviter ces coups. Quand elle le broya en le serrant dans ses bras, il se laissa faire aussi.

J’ai cru que t’étais morte… T’imagine ? Qui j’allais embêter moi au camp ? Franchement… T’embrasser ? Enfin, quand même. On n’embrasse pas ses cousins comme ça !

Il rougit sans doute un peu en disant cela et lui sourit en retour. Il pensa très fort qu’il avait dû lui en faire un mais bon, c’était dans des conditions extrêmes aussi. La première fois que Wesley avait dû mettre en pratique un massage cardiaque et un bouche à bouche. Dorénavant, il ne se moquerait plus jamais des gens qui en feraient dans les films qu’il verrait à l’avenir. Il lui tendit la main, l’aidant à se relever, balançant une vanne pour détendre l’atmosphère. Une brindille craqua derrière eux et Wesley se retourna. La fille du banc (car oui, il avait décidé de la surnommer comme ça) était là. Avec un manteau trop grand pour elle qui ne lui allait pas vraiment. Wesley se douta qu’elle devait être légèrement… nue dessous. Mais bon, ce n’était pas le sujet. Elle les regardait comme si elle venait de voir Zeus en slip.

Wesley n’avait jamais était un horrible garçon. Oui, il aimait faire des blagues, pas toujours gentille. Oui, il aimait bien bizuter les enfants agaçants de la colonie quand Anna était occupée. Oui, il aimait semer la zizanie, colporter de ragots, les alimenter, les créer… Il savait aussi très bien mentir, se comporter comme un lâche. Il savait se battre, parce qu’on le lui avait appris mais jamais, Wesley était devenu un garçon violent, sauf s’il se trouvait dans un groupe de violent. Il préférait nettement blesser par la parole, sauf que là, en la voyant, son regard changea, passant de quelque chose de joyeux à quelque chose de moins sympa.

Monstre.

Ce fut le seul mot qu’il lui balança sur la figure avant de se jeter sur elle, de la plaquer au sol et de lui mettre son poing dans la figure. S’il adorait embêter et pourrir la vie d’Anna, elle restait tout de même sa demi sœur, sa cousine, et sa partenaire des 400 coups. Et il ne supportait pas que d’autre prenne sa place. Et puis il y avait lui. Wesley s’aimait quand même un peu, et cette fille avait mis sa vie en danger. Alors il ne retint pas ses coups, loin de là, il se fit plaisir. Il se releva, les cheveux en bataille, toujours aussi trempé et contempla la fille au sol. Un insecte, un tout petit insecte, voilà ce qu’elle était.

Une sirène hein ? Tu crois que je vais avoir peur ? Parce qu’une fille de je ne sais qu’elle stupide divinité marine nous a montré ses écailles ? Parce que tu te prends surement pour the best of the best avec tes super pouvoirs ? Parce que tu penses pouvoir tuer des gens comme ça, en un claquement de doigt ? J’ai toujours trouvé les gens comme toi écorant. Sans leur don, ils ne sont rien. Sans leur parent divin pour leur faire de joli cadeau, ils ne sont rien. Ils sont vides. De vrais moules, ça te parle ça peut être ?

Il croisa les bras sur son torse et soupira. C’était un fait, il ne pouvait pas blairer les gens dans son style, qui se prenait pour dieu pendant un instant, puis redevenait tout gentil dès qu’il avait fait une bêtise. Les voir culpabiliser – ou alors faire semblant de culpabiliser –était juste à mourir de rire. Ces gens étaient plats, leurs vies étaient dénués de sens. Sur le coup, qu'elle ai entendu leur conversation ou pas lui était égale. Il se fichait pas mal de ce que penser une fille comme elle sur sa relation avec Anna.

Anna serra fort son cousin contre elle.
Une réaction post-traumatique, probablement. La véritable Anna Echols n'aurait jamais câliné Wesley si elle avait eu toute sa tête mais elle venait d'échapper de peu à la mort alors elle jugea qu'elle avait tous les droits, au moins pour la prochaine demi-heure. Et il était sacrément mignon quand il rougissait mais ce n'était pas digne d'une enfant d'Hermès envers un autre. Et cette fille, Cunégonde, se pointa alors. Anna ne savait pas trop ce qu'elle devait faire. Appeler son marteau et le lui balancer dans la tronche ? La tuer sur place ? Ou juste l'ignorer royalement ? Indécise, elle laissa à son demi-frère le loisir de décider de tout cela. Il saurait probablement quoi faire. Et il ut trouver les mots justes. Trempée et tremblante de froid, Anna croisa les bras sur sa poitrine et s'assit en tailleur, contemplant cette demoiselle avec un mélange de pitié et de dégoût. Elle ne savait même pas quoi penser d'elle.

« Pour l'occasion - et c'est rare - je suis entièrement d'accord avec Wesley. Et pas b'soin de le regarder comme s'il allait te tuer, il aime pas se salir les mains. »

Moi, par contre, ça m'éclaterait bien. Anna était une fille bizarre, adorable, ouverte, gentille... Et terriblement revancharde. C'était peut-être un de ses points faibles les plus notables. Elle ne supportait pas qu'on lui fasse la moindre crasse, auquel cas elle le rendait bien et à la puissance mille.

« Bon d'accord, il est un peu remonté aujourd'hui. Mais je crois que tu l'as cherché et que tu le mérites, non ? »

Très contente de son demi-frère et cousin Anna regardait la scène sans bouger le petit doigt, toujours confortablement assise sur l'herbe de Central Park. Il ne faisait pas très chaud mais le temps s'était considérablement éclairci ces derniers jours et ses habits commençaient déjà à sécher. Et le spectacle était cool alors autant en profiter.

« Rooh, t'aurais pu continuer, Wes, c'était marrant. »

Et voilà, qu'est ce qu'il disait déjà ? Les demi dieux comme elle ne savait que se cacher derrière les jupons de leur parent divin. Pitoyable. Oh, formidable, elle avait capté leur prénom ! Au pire, qu'est ce qu'il pouvait bien en avoir à faire. Ce n'était pas comme si cette fille allait avoir un impact considérable dans sa vie. Ce n'était jute qu'un nom parmi les autres. Rien de plus. Lucianna, alors c'était son véritable prénom ? Très bien. Et Poséidon, évidement.

Très bien. A la prochaine alors, fille de Poséidon.

Le ton sec et froid qu'il venait d'employer n'avait rein de sympathique. Il attrapa la main d'Anna et lui fit un signe de la tête, désignant les chemins du parcs. Ce qui voulait clairement dire "on se tire mademoiselle ?". Plus un mot à l'autre jeune femme. Wesley avait un mauvais pressentiment à son égard. Comme s'ils étaient destiné à se revoir encore une fois. Bah, tant qu'elle ne venait pas mettre ses palmes à la colonie, Wesley ne voyait pas pourquoi il s'en inquiéterait. Non, ce qu'il avait surtout retenu aujourd’hui était toute les réactions qu'il avait eu envers Anna. il avait beau faire semblant de la haïr, de jouer avec elle, il ne pourrait plus cacher la vérité très longtemps. Un jour où l'autre, elle finirait par comprendre si ce n'était pas déjà fait. Et ce jour là pourrait très bien être le pire ou le plus beau jour de sa vie. A suivre.