Je suis née le dix-septième jour du mois de décembre, en 1994, dans une clinique bretonne. Ma mère, une journaliste franco-britannique du nom de Marie, était en vacances dans sa famille française quand elle me donna le jour, neuf mois après avoir rencontré mon paternel, Hermès.

Les douze premières années de ma vie se passèrent sans trop d'encombre ; même s'il n'était pas présent, mon père pensait à nous, nous permettant de vivre sans souci. A cette époque, j'ignorais qui il était ; je dus attendre mes douze ans pour l'apprendre à mes dépends.

Ce jour-là, c'était le jour de mon anniversaire, et ma mère décida de me faire une surprise en m'emmenant dans la forêt de Brocéliande, qu'elle couvrait pour les besoins d'un reportage sur la légende arthurienne. Elle m'avait conduite jusqu'à l'étang de Comper, pas loin du château du même nom, et y avait dressé une nappe pour pique-niquer sous la lumière des lucioles qui volaient autour de nous.

Au début, tout se passa bien : nous mangions du gâteau que ma mère avait fait , je déballais mes cadeaux - deux poignards en bronze et un collier avec une feuille de chêne - et nous regardions le ballet des lucioles. Jusqu'au moment de repartir, il ne se passa rien. Mais quand nous avons commencé à ranger pour retourner à la voiture de ma mère, nous avons été attaquées. Par des monstres dont j'ignorais l'existence jusqu'à ce moment, mais qui firent pâlir ma mère.

Nous fîmes de notre mieux pour nous cacher ; mais nous n'avions pas prévu que le monstre qui nous avait attaqués était venu accompagné d'un copain, qui s'occupa de ma mère et moi assez rapidement. Acculées à un rocher, nous avons vu nos vies défiler, puis j'ai vu ma mère se placer devant moi pour me protéger. Quelques secondes après, elle s'affaissait devant moi, et je me suis retournée pour ne pas voir la suite. Mal m'en prit, car je sentis une vive douleur dans le bas du dos : le monstre m'avait donné un coup de griffe, s'apprêtant à me faire subir le même sort qu'à ma mère.

Sans le bonhomme aux pattes de chèvre qui traînait dans le coin, je ne serais pas là pour vous raconter mon histoire. Juste après le coup de griffe, j'ai eu comme un flou, et j'ai eu le temps de voir une silhouette avec des sabots de chèvre s'occuper du monstre avant de sombrer.

Quand je me suis réveillée, je me trouvais dans un lit d'hôpital, le bonhomme qui m'avait sauvée à mon chevet. Il m'expliqua ce qu'étaient les monstres : un Minotaure accompagné d'une chimère - la bestiole qui m'avait griffée le dos. Ceci fait, il me révéla ma nature de demi-déesse, fille d'Hermès, dieu des Voleurs, des Voyageurs, des Marchands, Messager des Dieux, et me lança :

Dès que tu seras prête à marcher, je t'accompagnerai jusqu'à la Colonie des Sangs-Mêlés. C'est là qu'est ta place, désormais.

J'hochai la tête, et j'attendis deux, trois jours que je me remette pour suivre le satyre - puisqu'il se présenta comme tel - jusqu'à l'aéroport de Rennes, pour prendre un avion direction Long Island. En chemin, il m'expliqua ce que j'allais y faire : apprendre le grec, le latin, la mythologie, l'art du combat, maîtriser les pouvoirs que j'avais forcément hérités de mon paternel... Beaucoup de choses, en somme, mais il me laissa dormir pendant le voyage pour finir de digérer toutes ces informations.

Résultat, ça fait huit ans que j'y suis, au camp des Sangs-Mêlés, et je m'y sens bien. J'ai pu faire le deuil de la mort de ma mère, finir de grandir et développer les pouvoirs qui étaient miens de par mon ascendance.