Mon regard suivait les feuilles qui virevoltaient dans le sens du vent. Les feuilles qu’ils piétinaient. Les feuilles qu’ils déchiraient, faisaient couler dans la boue. Je les regardais sans rien dire, assumant leurs moqueries, ce qu’ils me reprochaient, sans vraiment faire attention à ce qu’ils disaient réellement. A quoi pouvaient bien leur servir toutes ces actions futiles et inutiles envers moi, mise à part avoir l’air d’idiots ? Et puis, ce n’étaient que des dessins. Les dessins, on en refait, n’est-ce pas ? En tout cas, moi, je pouvais en refaire. Pleins. J’étais heureux qu’ils n’aient pas pris la pochette dans mon sac. Parce que dans cette pochette, il y avait le plus important dessin. Celui qui avait le plus de valeur à mes yeux. Le dessin que je travaillais depuis des mois. C’est dur, de dessiner quelqu’un de normal. Moi qui ne dessine que des créatures, celles que j’étais le seul à voir à l’orphelinat, celles que je vois encore maintenant, les plus inoffensives, dans le camp. C’est dur, de dessiner Criostal. J’en suis encore aux petits détails qui peuvent paraître inintéressants, inutiles. Mais tout en ma Crio est important. Le moindre grain de beauté, le moindre trait. Je voulais que tout soit parfait. J’avais bientôt finis, la base. Il ne manquerait plus que la couleur. Qu’est-ce que j’utiliserais ? Je ne sais pas encore. Peut-être de l’aquarelle. C’est beau l’aquarelle. Ça rendrait bien, avec ses beaux cheveux colorés. Ou alors des craies pastelles. Ça aussi, ça rend bien. Ou tout simplement des crayons gras, pour faire les ombres… Je réfléchirais à ça, jusqu’à avoir finis la base ! En attendant, les autres héros n’avaient pas vus que mon sac était encore avec une pochette, avec un dessin. Ils pensaient donc que tous mes dessins étaient dans celle-ci ? Ils étaient donc assez dupes ! C’était bon à savoir, non ? Surtout que la plupart de mes dessins étaient bien rangés dans mes tiroirs arrangés, sous mon lit, ou accroché dans ma partie du bungalow des Hypnos. Les demi-dieux ricanaient, en voyant la dizaine de feuilles par terre, tachés, déchirées, ruinées. Mais je ne m’en faisais pas. Ils le faisaient souvent, de toutes manières, et chaque fois, je faisais pleins d’autres dessins, encore mieux ! Ils m’aidaient à m’améliorer, alors je devais les remercier, non ? Je m’avance vers eux, un sourire dessiné sur le coin des lèvres. Eux, me regardent bizarrement. « Merci ! » je leur dis doucement en me rapprochant du chef de la bande, cherchant à le prendre dans mes bras. Mais il m’évite, et me donne un coup dans le dos, me laissant tomber à la renverse, en émettant un bruit dégouté. « Qu’est-ce que tu fous, espèce de con ? Tu crois que j’en veux, de tes câlins ? Et c’est quoi exactement, ton problème à vouloir nous dire merci, hein ? Pf. N’importe quoi. T’es barré toi. Allez, à la prochaine m’sieur loufoque ! » lance-t-il, avant de finir sa phrase, en ricanant, suivi de ses compères, tout en s’éloignant de moi et de mes dessins, shootant au passage dans mon sac. Après ce, je me précipite vers mon sac, à quatre pattes, avant de l’ouvrir pour voir si la pochette et le dessin de Criostal n’avaient pas étés endommagés. C’était la seule chose que je ne pourrais pas leur pardonner de me faire. Heureusement, la pochette était intacte, et le dessin à l’intérieur l’était plus encore. Je pousse un soupire de soulagement avant de me redresser, et d’épousseter mon pantalon pleins de terre séchée, avant de me baisser afin de ramasser chaque feuille, déchirés, humide, sale ou n’importe quoi d’autre, que les héros avaient ruinées, pour les ranger de nouveau dans la pochette, elle-même sale. Pas question de laisser ça trainer, des animaux pourraient les manger et s’étouffer.  Et qui sait, peut-être pouvais-je récupérer certains dessins plus ou moins en états ? Accroupis par terre, j’entends quelqu’un venir vers moi. Un des héros qui n’avaient pas fait ce qu’il voulait faire ? Je lui tend une poignée de dessins à moitié en état, les yeux toujours rivés sur d’autres, dont je ramassais les petits bouts. « Tiens, tu peux les dechirer et en faire ce que tu veux. Mais mets-les à la poubelle, après, s’il-te-plait, ça évitera qu’un animal les mange. Et la forêt est si belle, ça serait vraiment dommage de la polluer avec quelques feuilles de papier… » je dis, d’un ton calme, sans reproches.

J'avais carrément rien à faire. Ca pouvait sembler idiot car, dans une colonie pareil, on trouvait toujours quelque chose à faire pour s'occuper, mais pas moi. Combat à l'épée ? Ca ne servait à rien, j'excellais bien trop dans cette matière. Un petit débat avec mon cher ami Léo, ainsi qu'accessoirement, lui mettre une petite raclée ? Il était à l'université. Traîner en ville avec quelques potes ? Ils étaient tous bien occuper chez eux. Un shooting-photo ? Je n'avais reçu aucune nouvelle de l'agence depuis environ une semaine. Voilà à quoi était réduit ma vie, attendre dans la forêt, fixant cette foutu carte postale que j'avais eu la chance de recevoir la veille et que j'avais toujours autant de mal à lire, vu que le grecque était la seule langue que mon cerveau voulait comprendre. J'avais inconsciemment compter les jours qui me restaient avant de recevoir cette menace de mort, avant de revoir un bout de mon frère entre mes doigts et comme tous les ans, je pris la belle carte postale de ce pays si beau et lointain, et en à peine quelques secondes, je déchirais le papier remplit de rancune à mon égard. J'aurais pu passer des heures entière à contempler ces minuscules bouts de papiers sur lesquelles je m'étais acharné, mais comme je l'ai si bien dit, j'aurais pu. En effet, une bande de guignols s'amusaient quelque part, sur ma gauche plus précisément. Je ne savais pas où ça pouvait être, bien entendu, je n'avais pas un radar collé sur le front, mais le bruit m'empêchait de réfléchir correctement. C'était pas compliqué de rester quelques heures seul, même si c'était tout le contraire de ce qu'on voulait faire ? Je crois bien, même si ça ne semblait pas vouloir se confirmer. Je décidai donc de me relever, tout en secouant ma veste en cuir afin d'en retirer les bouts d'herbes qui auraient pu s'y coller, puis, tel une ombre, je partis en direction du bruit, afin d'observer les imbéciles qui m'avaient sortit de mon trou.

Je ne sais pas comment j'aurais pu classer l'information. Ce que j'avais devant moi était ... inéquitable, même injuste. Oui, c'est le bon mot. Malheureusement, j'avais l'habitude de voir ça. Un pauvre gars qui n'avait rien demander et qui, comme un idiot, remerciait ses harceleurs pour une quelconque raison, parce que oui, il ne semblait pas être très lucide le blondinet, enfin, de ce que je pouvais voir de loin. Tout autour de lui, je retrouvais des feuilles déchirées ou tout simplement pleines de terre. A ce que je pouvais en voir des couleurs, même si je n'avais aucun sens artistique, elles avaient quelque chose d'harmonieux et quand bien même je n'avais aucun intérêt particulier pour l'art, je n'aimais pas la scène qui se présentait à moi. C'était injuste. La victime semblait innocente, inconsciente, si ça se trouve, de ce que tout cela signifiait et pourtant, ignorante mais je ne bougeais pas de mon arbre. Je savais que si j'intervenais c'était foutu et puis, j'avais clairement la flemme de me battre sachant pertinemment qu'il méritait quelque chose de plus ... cruel. Oui, la vengeance, la rancune pouvait engendrer des choses terribles mais c'était sur, ce n'était pas l'autre qui allait le faire. Ma mère allait s'en charger, peut-être, ou encore la destinée parce qu'elle est douée pour ce genre de chose, la preuve, ma vie était désastreuse mais je savais que rien ne pourrait être pire, si ce n'était que de revoir mon frère un jour. " Qu’est-ce que tu fous, espèce de con ? Tu crois que j’en veux, de tes câlins ? Et c’est quoi exactement, ton problème à vouloir nous dire merci, hein ? Pf. N’importe quoi. T’es barré toi. Allez, à la prochaine m’sieur loufoque ! " Alors que je revoyais les mots marqués à l'encre noir sur la carte postale, l'inconnu avait tenter une approche plutôt étrange pour quelqu'un qui se faisait martyriser. Un câlin ? Pourquoi pas, mais surement pas à des z'héros pareil. Bon, le principal, c'était qu'ils étaient partis. Techniquement, je devais l'aider, c'était une question d'équilibre. Je me dirigeais donc vers lui, les mains dans les poches de mon jeans. " Tiens, tu peux les déchirer et en faire ce que tu veux. Mais mets-les à la poubelle, après, s’il-te-plait, ça évitera qu’un animal les mange. Et la forêt est si belle, ça serait vraiment dommage de la polluer avec quelques feuilles de papier… " Il m'arracha le premier sourire de la journée. J'avais été particulièrement surpris qu'il ne me supplie pas de me frapper, oui, parce qu'après ce que les autres avaient fait, comment se faisait-il qu'il soit aussi calme, posé et complètement ignorant ? Je m'agenouillai à ses côtés sans un mot et commença à ramasser les beaux croquis. Après un long silence, je lui tendis le petit tas de feuilles que j'avais fait et dans un souffle, lui répondit : " J'suis pas là pour déchirer des dessins, je viens juste t'aider. Après, si tu veux les mettre à la poubelle pour sauver la planète, libres à toi, je vais pas t'en empêcher. "  

Il avait sourit. Pas un sourire méchant, comme les bad guy dans les films, mais comme si il était amusé. Le garçon, il était assez grand. Brun, un beau visage… Je l’avais déjà vu dans un magazine. Vous savez, les magazines avec des mannequins qui posent. Je m’amusais à découper les pages, pour les recoller dans un ordre aléatoire, voir ce que ça ferait. Je crois qu’on appelle ça de l’art abstrait, mais je ne suis pas sûr. Enfin, le gars, il avait l’air gentil. C’était pas un de ceux qui avaient mis tous les dessins par terre. Et il s’était agenouillé à côté de moi, les mains dans les poches, pour les sortir ensuite et m’aider à ramasser les dessins. Je le regardais en clignant des yeux, avant de sourire et de continuer à réunir mes croquis et dessins. « J'suis pas là pour déchirer des dessins, je viens juste t'aider. Après, si tu veux les mettre à la poubelle pour sauver la planète, libres à toi, je vais pas t'en empêcher. » Ah ? Lui aussi il voulait bien préserver la planète ? Je lui fis mon plus grand sourire avant de prendre tous les dessins abîmés, rangés en un tas bien distinct. J’irais les mettre à la poubelle après. Mais avant, il faudrait que je fasse des recherches : je ne savais pas où allait ce qu’il y avait dans les poubelles, si ça se trouve, ils vont les mettre dans une décharge après ! Et ça, je voulais pas, non, pas du tout même, que ça arrive. « Merci ! » je lance, toujours en souriant. Il avait l’air gentil, ce garçon. Je connaissais pas son nom. Dans les magazines, c’était écrit en petit et je lisais pas. Mais je l’aimais bien, ce héro. En plus, lui, c’était un vrai héro ! Il venait aider les gens, même si j’avais pas besoin d’aide, les gros durs m’aidaient à recommencer des dessins encore mieux à chaque fois. Oh mais tiens ! J’avais qu’à le dessiner avec une cape, en m’aidant d’une photo d’un magazine ! Trouver un magazine où il est… je devais trouver un magazine où il était… Je chercherais ça ! Et la prochaine fois que je le reverrais, je lui donnerais ce dessin pour le remercier. « Moi, je suis όνειρο. » je dis avec toujours ce grand sourire. Je regardais le garçon. J’étais sûr que dans mes yeux, y’avais des lumières. Je le sentais, ça commençait à me picoter. Les étoiles dans les yeux, ça fait mal hein ! Mais bon, c’était pas grave. En plus, mon héro était vraiment beau. C’est normal, c’est un mannequin. Il faut qu’il soit beau. J’aime bien ses cheveux, ils ont l’air doux. J’aimerais bien mettre ma main dedans, pour voir. Moi mes cheveux, ils sont pas bouclés comme ça. Moi ils sont tout lisse. C’est bizarre, mais au moins, je suis assorti à ma Crio ! J’aimerais bien me les teindre en rose… mais elle m’a dit que mes cheveux étaient trop beaux pour que je fasse ça. Elle, ça les abîme pas ses cheveux, elle le fait grâce à son pouvoir. J’aimerais bien avoir un pouvoir comme elle, ça doit être drôle ! Mais j’aime bien aussi pouvoir calmer les gens, ça fait du bien de les voir heureux après. Je m’en retourne alors à là où j’avais laissé le dessin que je faisais de Criostal. Il était intact. Je souris, soulagé, avant de le ranger dans ma pochette, en y prenant le plus grand soin.

Aider les plus faibles s'était le moins que je puisse faire. L'une des seules choses qui était positive dans mon comportement même. A quelques moments, je savais que je ne valais pas mieux que les imbéciles qui avait fuit, même si ce n'était surement de la même manière qu'eux. Et oui, la rancune était le pire fardeaux que je puisse porter jusqu'alors. Je remerciais d'ailleurs ma mère pour ça chaque jour de ma vie, grâce à l'offrande précieuse dont je lui faisais don chaque matin, après le petit-déjeuner. Lorsque le jeune homme se tourna vers moi, une étincelle particulière apparut dans sa pupille. Il me fit un immense sourire chaleureux, prenant dans ses mains pleines de terre les dessins. Il avait des gestes très appliqués et fronçaient des sourcils lorsqu'il empilait les feuilles détruites par des ordures. " Merci. " Voilà une des raisons pour lesquels j'aimais défendre les faibles. Les remerciements, cette gratitude nous donne un sentiment chaleureux au creux du ventre. Se sentir utile peux vous faire votre journée. La première fois que j'avais ressenti ça, c'était quand j'avais aidé un grand mère à traverser la route, dangereuse et tortueuse, de Phœnix. Cela remontait à très longtemps. Ce même jour, tant de choses étaient arrivées. Comme ma fuite. Cela m'avait donné beaucoup d'espoir. Et puis j'avais appris que c'était ma mère, cette bonne vieille femme. Qui l'eût cru hein ? Elle était énorme, Némésis. " De rien. " Je fis craquer mes poings engourdis et, avec un grand sourire, le même qu'il avait gardé sur sa tête innocente, le blondinet se présenta. " Moi, je suis όνειρο. " me dit-il. Un prénom peut commode et particulier, qui, étrangement, lui correspondait bien. Un nom à connotation grecque qui signifiait " Rêver " . Il devait être un de ses enfants d'Hypnos. J'en connaissais très peu. Même aucun. Je trainais plus avec des enfants d'Arès, des filles d'Aphrodite et puis d'autres, comme mes anciens camarades du bungalow Hermès. Je repris mon geste frénétique de ramassage de papier sans rien ajouter. L'inconnu semblait absorber par quelques choses, qui ressemblait à une grande pochette verte, mais je m'en fichais. La carte postale avait repris sa place dans mon esprit. Plus le temps passait, plus j'étais inquiet. Je savais qu'un jour, la haine de Joaquim allait reprendre le dessus et qu'il allait surement passer à la vitesse supérieur. J'étais même étonné que depuis ses sept années il n'est rien tenter d'autres pour me tuer. Après tout, il était violent, calculateur et prêt à tout pour arriver à ses fins. Enfin, c'est l'idée que je m'étais faite de lui. Je l'imaginais tapis dans l'ombre, les cernes marqués, préparant son meurtre avec attention et folie. Moi, dans tous ça, j'étais prêt. Je l'attendais. Mes deux lames l'attendaient avec impatience même. D'ailleurs, je voyais son nom au dessus de ma tête tous les matins, dans le miroir du Bungalows, celui que j'occupais, presque en solitaire. Je remis les quelques feuilles en plus sur le tas.  " Et moi Joshua Laranjera. " J'affichais un sourire discret. Ses yeux brillaient toujours autant d'admiration mais je ne savais pas si c'était pour moi. Il est vrai que certaines personnes m'aimaient bien, en tant que mannequin, mais aussi pour mon talent d'épéiste (j'étais surtout aimé par les gosses), mais j'avais appris à redescendre un peu. Il y avait des âmes admirables, c'est sûr, dans la colonie, mais je n'en faisais décidemment pas partie. Aujourd'hui, j'aurais pu aider un peu plus le jeune homme, mais j'avais des principes. Il ne fallait pas se mêler des affaires des autres. Intervenir après, pour ne pas déranger le travail de ma très chère maman qui faisait régner justice, vengeance dans le cœur des humains. Elle trouvait l'équilibre. Moi j'étais juste son sujet. Pourtant, au fond de moi, je ne voulais pas que ça arrive encore une fois. Toutes les personnes faibles avaient le droit d'être sauvé. J'avais été le premier, grâce à cette colonie. Alors, pourquoi pas aider όνειρο ? Pffft. Ma mère devait se tordre de rire là-haut. " C'est pas la première fois que ça arrive, non ? "

Joshua Laranjera. Voilà. Je savais que je l’avais déjà vu. D’abord à la colonie, puis dans ces magazines, que je découpe pour m’amuser. Son nom était parfois noté, dans la liste des mannequins photographiés. Alors il était mannequin. C’était normal, en fait, parce qu’un garçon comme ça, ça ne peut qu’être mannequin. Il devait être beaucoup avec les filles d’Aphrodite, lui, non ? Ou elles, en tout cas, devaient être très intéressées par lui. Parce qu’il était beau. Parce qu’il était gentil. Parce qu’il n’avait pas l’air bête. Ou peut-être qu’il avait pas l’air bête parce qu’il était beau ? Ou alors ça n’a rien à voir ? Ou alors, il se déguise, et se fait passer pour pas bête, alors qu’il est bête ? Je sais pas, en fait. Ça veut dire la même chose, non ? Je sais pas non plus. En fait, je ne sais pas beaucoup de chose, je crois. Ou je ne crois pas. Roh, et puis, ça m’embrouille tout ça ! Savoir, pas savoir, croire, pas croire… y’a connaître et ne pas connaître aussi, qui pourrait venir, dans mon cerveau, et mettre tout en fouillis. En tout cas, Joshua continuait de m’aider, et moi, je faisais pareil. Enfin, je m’aidais pas, mais je ramassais les feuilles qui trainaient, et lui aussi, alors lui m’aidait, mais pas moi. En tout cas, il n’était pas égoïste, ce garçon. C’était le fils de qui ? Un dieu, réputé pour être beau ? Mais tous les dieux sont beaux, non ? D’où l’expression être beau comme un dieu ? Sauf peut-être si le dieu en question est Héphaïstos. Parce qu’Héphaïstos, il est pas beau. Mais il est pas moche non plus, je crois. Je l’ai jamais vu, moi, Héphaïstos. Mais je l’aime bien, il a l’air gentil, non ? J’aimerais bien le voir, un jour. « C’est pas la première fois que ça arrive, non ? », fais la voix de Joshua, après quelques instants, et alors qu’il me tenait de nouvelles feuilles : les dernières feuilles restantes. Je jetait les feuilles qu’il fallait jeter, à la poubelle la plus proche, et rangea celles encore utilisables dans ma pochette. Je n’avais pas encore répondu. Je ne réfléchissais pas à ma réponse. Ma réponse, je la connaissais. Oui, c’était déjà arrivé, mais, et alors ? Si les gens n’ont que ça, pour être heureux, alors qu’ils le fassent, non ? Si les gens n’ont que ça, pour se sentir forts, alors, qu’ils le fassent. Moi je n’avais pas besoin de faire ça pour me sentir fort, ou aimé, ou être heureux, simplement. Mais je laissais les autre le faire, parce qu’au final, ça ne me faisais rien. Il y a des personnes à qui ce genre de chose fait du mal. Et bien, ces personnes là, si je les vois, je leur dirais la même chose. « Non, c’est déjà arrivé plusieurs fois, mais c’est pas grave, tu sais. Ils sont pas si méchants que ça. » Je savais que Joshua allait me trouver bizarre. Mais après tout, tout le monde disait que j’étais bizarre, alors ça ne fait rien. J’aime bien être bizarre, je suis bizarre depuis tout petit, on me le dit depuis tout petit, et on me fait ce genre de choses depuis tout petit. Alors j’ai l’habitude. Et ça ne me gène pas, de faire plaisir à des personnes de cette manière.

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