Sophie était au bord du lac, trempant sa main dans l'eau. Elle n'avait rien à faire : elle avait déjà nettoyé son lit de camp, elle avait fait la vaisselle et avait passé deux heures à s'entraîner. Là maintenant, elle n'aspirait qu'à la tranquillité. Personne ne devait venir. Il fallait la laisser tranquille. Ce qui était bien, quand elle était seule, c'est qu'elle pouvait trier ses pensées. Les pensées d'une fille d'Ahéna, ça rigolait pas, quoi. 

Quand elle n'avait rien à faire, il lui arrivait aussi d'aller voir Ruth Savage, la fille d'Erèbe. C'était une sorte d'amie. Elles aimaient bien se lancer des piques, même si Sophie se mettait quelques fois à penser qu'elle n'était que son défouloir. Cependant, il leur arrivait de tenir de grands débats. Souvent, Ruth tombait d'accord avec Sophie, mais celle-ci rappliquait en émettant une objection contre son propre avis, pour faire durer la polémique. Elle adorait ça. Tenir de longues discussions constructives et intelligentes. Lui faisant perdre le fil dans ses pensées, une voix retentit, une voix familière :

- Tu veux les convaincre de t'apprendre à nager Amundsen ?

Elle devait parler des Naïades, avec qui elle avait causé avant de s'absenter pour... bah pour réfléchir, en fait. Elles étaient toujours sous l'eau en train de glousser. Un sourire apparut sur le visage de Sophie, qui répliqua sèchement :

- Je voudrais les convaincre de m'aider à te noyer, Savage. Jusqu'à maintenant elles ont pris ta défense, mais elles viennent de remarquer l'ordure que tu es, alors ce devrait être plus facile. Merci.

Elle lâcha un rire qui ressemblerait plus à un ricanement si elle n'avait pas pris soin de faire en sorte que Ruth comprenne que c'était un rire gentil. Elle avait remarqué que la fille d'Erèbe était quelque peu en colère, mais, franchement, depuis le temps, ça ne changeait plus grand chose. Elle l'appelait juste par son nom de famille au lieu de Sophie. Elle se leva lentement en sortant sa main de l'eau et se tourna vers Ruth.

- Vas-y, lâche-toi un peu, ça me laissera le temps d'élaborer un plan pour te noyer. Ne le prends pas mal, hein.

Elle ricana une nouvelle fois, posant ses mains sur sa taille en attendant que Ruth se défoule, comme toujours. Pas de chances pour la fille en face d'elle : Sophie venait de penser à quelque chose qu'elle comptait partager. C'est reparti, les débats super longs ! Mais avant tout, elle laissa Ruth parler, parler, et encore parler. Quand un moment de silence surgit, elle déclara avec sérieux :

- Tu penses qu'on devrait prendre en compte les querelles des dieux et les appliquer avec les enfants de ces derniers ? Je veux dire, par exemple, est-ce que je devrais haïr les gosses de Poséidon parce qu'il a perdu Athènes face à ma mère ? C'est un peu stupide, mais bon... J'ai déjà des ennuis avec les Arès, mais ça ce n'est pas une nouveauté. Et ça ne changera jamais, parce qu'ils pètent un câble pour rien. Peut-être que les disputes des dieux vont mener à la perte des héros. Mais ils ont besoin de nous pour accomplir leurs tâches et nous avons besoin d'eux pour vivre. Déméter pour la nourriture, Aphrodite pour l'amour, Athéna pour l'intelligence, Zeus pour la météo, Poséidon pour l'eau, Apollon pour le soleil et la musique, etc...

Elle fixa Ruth droit dans les yeux. Qu'allait-t-elle répondre ?