«
Alesya, tu dois revenir ici maintenant ! » Oh, malheur. Elle avait encore égaré cette petite écervelée. Cette enfant que personne ne comprenait, que nombre de nounou avaient fuit. Elle était aux prises d'une hyperactivité peu commune, qui ne se guérissait étrangement ni par la prise de médicaments, ni par la thérapie. La mère de cette pauvre enfant avait tout tenté, par tous les moyens, de la rendre plus calme et moins active, mais sans grand succès. Léandra, la nounou d'origine françaises de la gamine, s'exaspérait une fois de plus. La fille de Madison Nightingale, populaire actrice et mannequin, avait encore une fois décidé de jouer à cache-cache dans l'immense demeure familiale. Bon sang, elle allait se faire une hernie discale si elle continuait à se pencher de cette façon. Elle n'était plus du tout dans un âge où jouer était une priorité, et cette enfant commençait à user ses derniers nerfs. «
ALESYA. » Cette fois, ce fut automatique. La dénommée sorti de sa cachette – elle avait terriblement peur lorsque sa nounou usait de son accent français très effrayant. Fâchée et soulagée à la fois, la nounou vint serrer l'enfant contre elle, avec douceur. «
Tu sais bien que tu ne dois pas fuir comme ça, Alesya. Je t'ai cherché durant une heure... Je croyais que tu étais partie de la maison. » Déconcertée par les paroles de celle qui la gardait toute entière, Alesya pencha la tête sur le côté et ses petits yeux noirs se remplirent très vite d'une eau saline qu'elle connaissait très bien, ces temps-ci. Les crises étaient de plus en plus fréquentes, et elle se sentait encore plus à l'écart des autres. «
Maman m'a promis que je changerais d'école... Les enfants ne sont pas très gentils avec moi, -là-bas...» L'adulte soupira. Que pouvait-elle répondre à ça? Il n'y avait pas beaucoup de choses qui réconforteraient la fille de Madison, hormis la présence de sa mère d'une façon plus régulière. La jeune femme de presque trente ans pris la petite dans ses bras – c'est qu'elle se faisait lourde! Et l'emmena au salon avec elle, et elles prirent toutes les deux places sur le canapé, qui avait une forme typiquement américaine en forme d'un grand L, d'un blanc soyeux. «
Tu sais, moi aussi on m'a intimide, quand j'étais petite. Et tu sais ce que j'ai fais? » L'enfant tenta de sécher ses larmes et de regarder la nounou, intriguée. «
Non, dis-moi! » La femme la regarda avec un regard sévère. «
Léandra, est-ce que tu peux me raconter, s'il te plaît? » En effet, il fallait que cette enfant apprenne les bonnes manières. Ce n'était sûrement pas son absente de mère qui le lui apprendrait. Elle était souvent impolie et abrupte, la petite Alesya. Elle avait été élevée ainsi – durant des années, sa mère ne s'était pas souciée d'elle. Elle était trop concentrée sur son métier mais aussi, elle était trop concentrée à détester son père.«
Je les ai ignorées. Et crois-moi, ma jolie, quand je te dis que, feindre la surdité est ta meilleure arme. » Car oui, souvent, les gens détestent être ignorés. Alesya connaissait trop bien le sentiment, que cela n'apportait rien de bon chez une personne. Si elle voulait se débarrasser des méchantes filles à l'école, elle n'avait pas le choix, elle n'avait pas d'autre option.
***
« Maman? » Alesya enfonça sa petite tête dans le bureau de sa mère, endroit où elle ne devait jamais entrer, endroit interdit et qui n'était fréquenté que par une seule personne – Madison elle-même. La femme fut surprise et sursauta, échappant ce qu'elle tenait dans ses mains par terre. Il s'agissait d'un album photo – celui de la naissance de la petite. Son père avait été absent, une fois de plus, mais il avait assuré à Madison qu'il veillait sur son enfant, même si leur amour était éteint complètement, même si leur histoire n'aura duré que quelques nuits chaleureuses. «
Oh, Alesya. Je t'ai déjà dis de ne pas me surprendre comme ça, ma chérie... » C'était l'une des rares fois où elle démontra de l'affection envers sa fille unique, envers celle qu'elle aurait à jamais. Alesya, petite fille de désormais dix ans, Elle sourit à sa maman qui elle, tenta de reprendre ses esprits. Elle voulut reprendre l'album mais sa fille la dépassa en vitesse, petite fouine curieuse qu'elle était. Elle leva l'album de ses petites mains fragiles et le regarda. « C'est quoi, ça? » Au fond, elle le savait. Elle le savait et son cœur battait à vive allure. Tout d'un coup, elle devint sourde et n'entendait plus les restrictions de sa mère, qui l'interdisait formellement d'ouvrir le grand bouquin. Elle l'ouvrit, malgré les sons provenant de la bouche de sa mère, malgré les nombreuses interdictions qu'elle entendait. Encore une fois, Alesya brisait les règles. «
Chérie... » Ce fut la seule parole qui s'échappa de la bouche de sa mère lorsqu'elle vit que le vieux document se recouvrait de glace. Stupéfaite, en colère, Alesya venait de découvrir son album. Celui de sa naissance et de son enfance, celui de quand elle était bébé, et à l'intérieur, il n'y avait pas une seule photo de son père. Elle grogna, féroce et triste. «
Pourquoi? Pourquoi il n'est pas là? Il n'est jamais là... » Malgré tout, elle avait besoin de l'amour d'un père, et elle en avait été privée toute sa vie. Mais la question ne s'arrêtait pas là. «
Et mes mains... Mes mains... » Ses mains avaient toujours été moites, très hydratées, mais là, la chose sortait de l'ordinaire. On aurait pu croire que des gouttes salines perlaient au bout de ses doigts. Elle eut un sursaut lorsque de la glace naquit encore une fois au creux de sa main et elle regarda sa mère, affolée. «
Je crois qu'il est temps que tu connaisses ton histoire, ma puce... Viens, allons nous asseoir dans ta chambre... » Et Alesya suivit sagement, pour la première fois, sa mère. Elle l'écouta, lorsqu'elle lui raconta l'histoire de sa conception. Bien entendu, on passa sur les détails de l'acte en lui-même, mais elle sut enfin qui était son père, et d'où lui venaient ses origines. Un dieu. C'était beaucoup à accepter – avait-elle un jour cru en les dieux? Une enfant de dix ans pouvait-elle avoir de telles croyances sans être influencée? Mais sa mère promit, dès l'aube le lendemain, de la conduire à la Colonie, qu'elle appelait. Un camp de jour spécialisé, qui l'aiderait à s'épanouir. Ce qui était certain, c'est que la brune ne se serait jamais douté de tout ce qui l'y attendait.
***
«
Eh, Ales ! Attends-moi ! » Essoufflée par son entraînement, Alesya avait bien eu l'attention d'aller se baigner au lac, lorsqu'elle avait été rattrapée par l'une de ses amies. Elle la salua brièvement, mais s'excusa. «
J'ai besoin d'un petit moment en tête à tête, si tu vois ce que je veux dire. » Déjà plusieurs années qu'elle était à la Colonie – six, pour être exacte, et elle avait maintenant seize ans. Elle était devenue une sublime jeune femme, et elle avait enfin découvert qui elle était réellement. Son identité s'était dévoilée et elle pouvait s'épanouir, ici. Elle ne retournait plus à la maison – ce qui eut pour effet de l'éloigner de sa mère, après tant d'années à être proches. Elle ne regrettait pas sa décision. Si elle avait perdu un peu de sa relation mère-fille, elle s'était largement rapprochée de son père. Toutefois, la jeune femme n'arrivait pas à apprécier ce dernier. Elle se rapprochait uniquement de lui par envie, par colère mais aussi par caprice. Elle voulait le connaître, connaître ses moindres défauts. Le comprendre, pour ensuite … Elle ne connaissait pas encore la suite, elle n'y avait pas réellement réfléchi, mais la jeune femme ne portait pas son père dans son cœur. Si ses dons étaient un cadeau, elle lui en voulait de les avoir abandonnées, sa mère et elle. Elle lui en voulait d'avoir été faire d'autres gosses, ailleurs et sans se soucier du bien-être de ceux déjà présent - dont elle. Elle lui en voulait de ne s'être jamais manifesté alors que pour d'autres, ce fut le cas. Elle plongea donc dans l'eau du lac, et un vent de fraîcheur la saisit toute entière. Elle l'ignora, continuant de se baigner en eau claire, avant que l'eau ne se trouble...
***
«
Tu as songé à ce que je t'ai dis? » Deux mille-quinze. Cronos est vaincu, la Colonie a gagné la guerre. Peu de temps après, les demi-dieux ont dû faire un choix. Se battre pour les dieux ou contre les dieux ; se battre envers et contre tous ou alors, rester à la botte de cette satanée Olympe. Alesya fit un sourire à son futur collègue et tendit sa main. «
J'avais déjà pris ma décision, mais je ne voulais pas te causer de fausses joies. », s'exclama la jeune femme avec une arrogance certaine. Certes, elle conservait la personnalité de son père, et celle qu'elle s'était forgée après avoir été élevée par une nounou, et non pas par sa mère. La belle savait à quel destin elle était vouée. «
Nous ferons tomber l'Olympe, même si je dois y laisser ma vie. » La demi-déesse était prête à tout pour faire valoir sa nouvelle cause, celle pour laquelle elle savait être née. Celle pour laquelle son père l'avait toujours ignorée. Celle pour laquelle elle se battrait, jusqu'à sa mort.
Pour la Résistance.
Pour la mort des Dieux.
Pour le règne des Demi-Dieux.