Matthew la vit prendre une teinte verdâtre. Elle avait si peur en cet instant. Tout ce qui émanait d’elle transpirait la terreur. Les gens tournaient la tête vers eux, les sourcils froncés. Si ça continuait comme cela, le fils d’Eris se ferait jeter dehors. Mais, il ne s’arrêterait pas là. Pas tant qu’elle continuerait à regarder avec ce regard arrogant et pleins de défis. Que croyait-elle ? Qu’elle n’avait ne serai-ce que la moindre chance ? Oui, elle était doué au combat, mais lui, encore plus.

On aurait presque dit qu’elle était suicidaire. Pourquoi le provoquait-elle ? Etait-ce une ruse ? Pourquoi n’était-elle pas déjà partie ? Qu’elle court, et tout le monde sera heureux ! Elle sera en vie et je n’aurais pas de sang sur les mains !

Mais, non. Elle resterait là, plantée devant lui. A le regarder dans les yeux. Bon, il n’avait qu’à partir. Il se levait, et s’en allait. Pourtant son corps ne lui obéissait plus. Pitoyable. Il était incapable de se maîtriser. Il prend plaisir à la voir ouvrir la bouche sans rien pouvoir dire. Finalement, elle dit :

« J'ai compris. Tu veux encore me torturer. C'est pour cela que tu t'es approché. Que tu t'es assis à cette table. Qu'est-ce que tu me veux ? »

Qu’est-ce qu’il lui voulait ? Bonne question ! Il voulait se la sortir de la tête. Mais, c’était impossible. Il était condamné à la regarder. La regarder avoir peur de lui. La regarder avec pitié devant tant de terreur. Oh, et puis, tant pis. De toute manière, c’était trop tard, il avait déjà perdu. A la minute où elle avait choisi de le défier, le combat était perdu. Il n’arriverait pas à se montrer raisonnable.

Il la regarda, oubliant ses états d’âmes. Il prend plaisir à voir la peur émaner d’elle. Avec une voix doucereuse, il dit :

« Tu es futée. On voit bien que tu es une fille d’Athéna. Oui, je crois que je veux encore te torturer. Mais, avant cela, j’ai une requête. La dernière fois, tu ne m’as pas dit ton nom. Et, je veux pouvoir mettre un nom sur l’être si misérable qui se tient devant moi. »

Vraiment, elle était vraiment misérable. On aurait dit qu’elle ne pouvait plus bouger. Matthew voyait presque les rouages de son cerveau carburé. Il avait envie de lui dire que c’était peine perdu. Qu’il était bien trop fort pour elle. Mais elle dit calmement, ce qui l’étonna vu le contexte :

« Tu veux connaître mon nom ? Mais, Matthew, n'est-il donc pas mieux pour toi de ne pas le connaître ? Je ne veux pas que mon prénom te revienne en mémoire tout le temps. Je ne veux pas que cela fasse remonter tes souvenirs de notre première rencontre. Je ne veux pas causer ta peur de toi-même. Tu ne voudrais pas plutôt abandonner ? M'oublier complètement ? Je ne fais cela que pour t'aider. Sincèrement Matthew, ne penses-tu pas avoir été trop marqué par moi ? Tu te trouveras une autre personne à tuer. Ce n'était qu'un essai et tu l'as foiré. »

Il se figea. Ce fut à son tour de se décomposer. Il fit son maximum pour ne pas le montrer mais il savait bien que c’était raté. Pendant un temps, il resta silencieux. Avant d’éclater d’un rire aussi incontrôlable que démentiel. Il devait passer pour un psychopathe. Mais n’est-ce pas ce qu’il était ? Une fois qu’il fut calmé, il dit avec amusement :

« Alors là, tu m’épates ! Je me suis vraiment trompé sur toi ! »

Il rit encore un peu avant de retrouver son sérieux et dire :

« Tu n’es pas que misérable, tu es aussi incroyablement suicidaire. Et arrogante de croire que tu es si importante pour moi ! Vois-tu, tu as raison sur un point ! Jusque là, je ne faisais que tuer les gens, peut-être que je les torturais un peu avant, mais seulement physiquement. Et c’est avec toi que j’ai essayé autre chose. Je te torture, là, en ce moment même, mais psychologiquement. Alors tu as raison quand tu dis que c’est un essai. Mais tu as tort quand tu dis que je l’ai foiré. Parce que, si c’était le cas, tu ne serais pas encore là, devant moi, à me regarder comme un lapin apeuré ! »

Il conclut par un sourire. Bien que tout cela soit totalement faux, elle ne le savait pas, et il était bon menteur. Merci maman.

Il regarda son coup de bluff faire des merveilles. Il observa avec délectation la lâcheté grandir dans les yeux de la fille d’Athéna. Sûrement ne pensait-elle qu’à fuir. Pourtant elle lui sourit. Elle semblait joyeuse, voire même reconnaissante. Matthew la regarda décontenancé. A quoi songeait-elle en cet instant ?

Le fils d’Eris ne bougea pas d’un millimètre lorsque la jeune femme remit sa veste. Tout son être lui hurlait de la tuer. Mais il en était incapable. Elle avait raison, il était en train de tout foiré en beauté. Il ne comprenait pas ce qui clochait chez lui. Il en avait tué un paquet, des demi-dieux. Alors pourquoi pas elle ? Ce serait tellement plus facile…

Elle saisit soudain son verre d’eau, et en un instant, Matthew fut trempé. D’un geste rageur, il s’essuya le visage et esquissa un geste vers son épée. Mais la fille d’Athéna lui, en prenant bien soin de détacher toutes les syllabes :

« Sophie. »

Elle tourna les talons et s’en alla. Le demi-dieu sourit car il venait de comprendre. Si elle lui avait dit son prénom, c’était pour une unique raison. Elle ne comptait pas le revoir. Il l’imaginait très bien se barricader comme un lapin apeuré dans la colonie. Mais elle ignorait une chose. C’est que la Résistance allait attaquer la colonie, et cette fois-ci, il la tuerait sans l’ombre d’une hésitation.

« On va se revoir plus tôt que tu ne le penses, Sophie. »

Il jeta un coup d’œil aux autres clients. Un homme le fixait avec insistance. Le genre de type honnête qui n’aurait pas hésité avant de s’interposer entre lui et Sophie si cela avait dégénéré. Il haussa les épaules nonchalant, épongea une dernière fois son visage trempé et dit :

« Une rupture difficile. »

Il tourna les talons et quitta le bar sans un regard vers l’arrière, décidé à en finir avec elle lors de la bataille à venir. Mais tout au fond, son cœur criait au secours.