Douze morts. Douze vies. Douze histoires. Ce, en mes 114 ans de vie. D'accord, j'ai vécu avant. Bon, en fait, la créature que je suis, le phénix, a vécu avant. Je ne garde pas souvenir de mes incarnations précédentes : ils étaient différents de moi. Des hommes, des femmes, des enfants, des gens d'âge mûr... Différentes personnalités et histoires. Quand un phénix se fait tuer avant ses 500 ans, il meurt et laisse place à un autre phénix, totalement différent de lui. Heureusement, nos années de vie se cumulent et, lorsque je suis née, j'avait déjà 497. Et personne ne chasse un enfant. Du coup me tirer en vie de mes trois ans a été assez facile. Maintenant, je suis invulnérable, la mort ne peux pas m'atteindre. Par contre, j'ai déjà 611 ans. Bien qu'invulnérable aux blessures physique, lorsque j'atteindrais mes mille ans, le processus recommencera : je serais vulnérable et, si je meurs, je laisserais place à un être totalement différent de moi, un nouveau phénix.

La première fois, je suis née en Russie. J'étais un bébé. Toute petite et mignonne. Je suis née dans un bâtiment désaffecté. Heureusement, la police avait reçu un appel et m'a trouvée rapidement. Surement le phénix précédent qui les a avertit avant de mourir. Enfin bon. Ils m'ont trouvée aux milieu de cendre, toute nue, dans la dure température de ce pays peu accueillant. Ils m'ont rapidement transportée dans un orphelinat pour jeunes filles, où on a pris soin de moi. Je ne garde pas beaucoup de souvenir de cette époque où j'étais encore seule dans ma tête, mais je me souviens que dès mon plus jeune âge, un homme venait souvent me voir. Il me sortait pour les WE et ce genre de trucs. D'aussi loin que je me souviennes, quand il me sortait, c'était rarement pour le plaisir. Il me montrait à me battre. Il me parlait des monstres et des créatures qui se cachaient dans les coins. Il m'apprenait qui j'étais. Il me montrait le monde des humains.

Mais à quoi bon parler de celle que j’ai été, puisque je ne le suis plus? Bon, parfois, elles me parlent encore, ces femmes que j’ai été pendant les dernières 114 années. Toutes de gentilles filles. Sauf une. M’enfin bon. Parfois, jouer la méchante, c’est super. Mais je ne le suis plus aujourd’hui. Et c’est tout ce qui compte, non? Celle que l’on est aujourd’hui. Aujourd’hui, pour vous, jusqu’à ma mort, je serais Eleanor Coldwater. Propriétaire d’une boutique de vêtements gothiques, le Drakul, dans New-York. Pour les initiés, j’ai une petite section privée d’accessoires… particuliers. Particulièrement particuliers. Mon côté mauvaise fille qui ressort, peut-être. Enfin bon, rares sont ceux qui y passe, et je vends presque seulement des vêtements, ce qui me satisfait amplement.

J’ai 23 ans. Officiellement, je suis une humaine qui voit à travers la brume. J’ai immigré à New-York à mes 20 ans. Je suis d’origine anglaise. J’ai eu une enfance heureuse, mais j’avais envie de voyager, ce qui explique ma présence ici. Je parle souvent à mes parents sur skype et on s’adore malgré tout.

C’est la trame de ma vie. Mais n’importe qui ouvrant mon ordinateur personnel verrait bien que je n’ai pas skype. N’importe qui faisant des recherche sur moi de façon poussée verrait que je n’existe pas vraiment ou que je n’ai pas de parents en vie. Bref, que je ne suis pas réelle. Mais j’ai fait faire mes papiers par un type super compétent. Du coup, à moins de croiser un flic super zélé, je ne risque absolument rien.

Quand je suis arrivée à New-York, avec l’argent que j’accumule depuis le début de ma vie. De mes vies. Je me transfers cet argent sous forme "d’héritage". En me servant d’une partie de cette somme, j’ai pu acheter une boutique et démarrer mon entreprise. Boutique désormais très populaire chez les gothiques! J’en suis heureuse, moi qui aime beaucoup le look des vêtements. J’en porte assez fréquemment, d’ailleurs. L’endroit où je vis? Dans l’appartement au-dessus de ma boutique! Eh oui, j’ai été assez chanceuse pour acheter un petit immeuble du genre dans un coin tranquille et joli de New-York. Du coup, je ne suis jamais loin de ma boutique.

Pourquoi New-York est sans doute la question que vous vous posez. Parce que l'homme qui m'a élevée est déménagé aux États-Unis, lui aussi. À New-York, lui aussi. Je ne sais pas pourquoi, sans doute un peu de sentimentalité, mais j'ai voulu m'installer près de chez lui. Peut-être parce que c'est ma seule famille connue. Ou peut-être parce que je l'aime bien. Enfin, je me suis rapprochée de lui.

Je ne me mêle pas beaucoup aux mondes. Je n'ai pas envie de prendre une part active dans leurs combats. Oh, parfois, quand je me sens concernée, je donne un coup de pouce. Mais sinon, j'évite de me mêler à tout ce beau monde enragé. Je n'ai pas envie de mourir. Très peu pour moi. Je reviendrais rapidement, mais qui aime se réveiller avec de la cendre un peu partout? C'est comme le sable : ça se glisser dans tous les recoins... beurk.