Tu as de beaux yeux tu sais ?

Il fait si froid, je hais le froid, ça crée des engelures et j'ai le nez tout rouge. Du coup, on me prend pour un clown ou un poivrot (bon, j'en suis un, mais là n'est pas la question).
Je tremble sous l'effet du vent gelé, Borée, je te retiens ! Je casse le mythe du gars qui n'a jamais froid et qui se promène bras nus dans les rues enneigées de la mythique New-York. Non, mon seul rêve est de me réchauffer et très vite. Ma veste en cuir est trempée, en même temps, ce n'est pas vraiment le vêtement qui aime l'humidité, mais je tiens à garder un minimum de classe même si je finis bleu !

Je pousse la porte d'un bar, en espérant que Morigan y soit, mais il semblerait que non. Je pousse un long soupir, comment vais-je faire sans mon vieux copain ? Ça fait un moment qu'on n'a pas discuté lui et moi et j'ai besoin de vider mon sac à propos de Louna, la nymphe ne me laisse pas indifférent, mais comment faire ? Je ne peux pas aimer une immortelle, je vais continuer de vieillir alors qu'elle ... Mon Dieu, ça me rappelle un film pour adolescente en fleur ! Qu'on me guérisse !

Je commande une bière, espérons que l'ivresse emporte mes soucis, seul à une table, je pense à Jade, comment va-t-elle ? Est-ce que tout va bien ? Je voudrais la sauver, je me sens désespérément ... Seul. Et impuissant, tu parles d'un grand frère ! Je ne vaux rien ! Ma petite Jade, ma pierre précieuse.

Je souris tristement, ma sœur est la femme de ma vie, je ne vis que pour son bonheur et pourtant, j'ai échoué. Je me suis juré que rien ne s'en prendrait à elle, j'ai échoué. J'ai juré que son sourire ne quitte jamais son visage, j'ai échoué.

Ô Jade, envoie-moi un signe, j'ai besoin d'aide dans ces ténèbres, dis-moi ce que je dois faire, je suis perdu. Je suis tout seul et je ne peux rien faire.

"Sauve-moi."

Tu as de beaux tu sais ?

Tu as de beaux yeux tu sais ?

"Tu ne perds pas de temps dis donc... Mais du coup je suis obligée de te demander : de qui ?"

Je lui souris en lui répondant tout simplement:

"Ton parent ? Aucune idée, je sais que tu es déjà une demi-déesse. Tu sais, je ne suis pas un devin, princesse."

Elle commande deux bières ainsi que de quoi manger aussi, je sens que la soirée va prendre une drôle de tournure, moi qui voulait noyer mon chagrin dans l'alcool, je vais finir bourré avec une blonde qui n'attends qu'un seul geste de ma part pour me bouffer ou ... je ne veux pas savoir. J'attrape une frite et je la croque, va me falloir plus que ça si je veux tenir toute la soirée !

"Quant à ta question, je pense que c'est inné. Mais chez toi, la conversation, c'est pas tout à fait ça... Il faudrait revoir tes techniques de drague."

Elle avale une frite et me décroche un regard séducteur, je lui rends son sourire. Avant de reprendre sur le même ton:

"Que veux-tu ! Courtiser les damoiselles n'a jamais été mon fort, je préfère rester authentique, au moins, tu sais à quoi d'entendre avec moi."

Je lui fait un clin d'oeil, depuis combien de temps je n'avais pas dragué une fille ? Une éternité. Je n'ai me suis jamais vraiment intéressé aux filles, j'ai toujours préféré jouer aux baroudeurs et vivre le jour le jour. Je regarde Adriane, cette jeune femme ne me laisse pas indifférent, c'est vrai, pourtant, je reste fleur bleu. Je veux trouver l'amour sur un coup de foudre.

Peut-être est-ce le signe que j'attendais ? Celui qui me dit de profiter de la vie autrement. Je reprends une gorgée de bière avant de continuer.

"Mais si son altesse voudrait m'apprendre à lui conter fleurette, je ne suis pas contre. J'ai trop peur de vous blesser avec mes manières de brigand !"

Je mime une révérence avant de lui faire un baise-main, un sourire séducteur pendu aux lèvres, je devrais me verser dans les arts de la manipulation, je suis sûr que je ferais un carton !

"Le voulez-vous, votre majesté ? Ne me laissez pas ignorant de ces choses là."

Je lui lâche la main avant d'attraper une frite, je sens que je vais vraiment m'amuser. Cette fille est devenue ma petite victime de la soirée, finalement, ça ne me dérange pas vraiment de finir dans son lit.

Tu as de beaux yeux tu sais ?

"Bien sûr... Mais il y a du travail. Il me semble pourtant que ton cas ne soit pas totalement désespéré..."

Je me mets à rigoler. Un cas désespéré ? Mais j'en suis un à 300 % ! En tout cas, en matière de femme, j'ai le don exquis de me mettre dans la pire des situations quand je suis confronté à l'une d'elle, sûrement le karma, je ne vois que cela ! Après tout, ne suis-je pas un voyou ?

J'avale une gorgée de ma bière, cette fille m'amuse vraiment, il ne fait aucun doute que la manipulation de la gent masculine doit faire partie de ses passe-temps favoris. Les jeunes de nos jours ! A quoi bon rester à draguer quand on peut se retrouver au milieu d'une bonne bataille et se battre à mort contre l'ennemi ? Rah ! Je ne les comprends pas !

Elle change de place pour se mettre à côté de moi, je sens son parfum, j'ai l'impression de m'envoler vers le Nirvana. Depuis combien de temps n'avais-je pas sentie quelque chose d'aussi merveilleux ? Une éternité ? Mon dieu, que le temps file ! Je secoue légèrement la tête, l'alcool commence déjà à m'enivrer, je ne vais quand  même pas finir ivre avant d'avoir conclu !

"D'abord, il faut travailler ton regard. Tu as trop l'air d'un chien battu."

Je m'arrête dans mon élan. De quoi ? De quoi j'ai l'air ? Je me sens profondément vexé, ma splendide virilité vient de prendre un méchant coup. Je la regarde, la mine boudeuse:

"Un chien battu ? Non mais je rêve, je passe mes journées à embrocher des monstres et tu me dis que j'ai un regard ... inoffensif et tout mimi?"

J'attrape une frite et me penche vers elle pour lui murmurer à l'oreille :

"Laisse-moi deviner, tu préfères les preux chevaliers ? Le genre grand blond avec les yeux plus bleus que bleus ?"

Je me redresse avant de rajouter, avec un grand sourire.

"Tu voudrais que j'ai un regard de méchant, mais tu risques de t'enfuir, jolie princesse. Je ne suis pas vraiment ...le gars sympathique par excellence."

Je prends une gorgée, je regarde mon verre.

"Adriane, arrêtons de tergiverser, que veux-tu de moi ?"

Tu as de beaux yeux tu sais ?

"Ca me semble plutôt facile à deviner... J'ai bien envie de m'amuser... Pas toi?"

Je craque, son sourire me rends fou. Est-ce que c'est l'alcool qui commence à embrumer mon esprit ou est-ce le fait que la solitude commence à peser sérieusement. Quand j'y repense, Papa n'arrête pas de me tanner pour que je trouve enfin une compagne -la vie est trop courte pour que tu n'en profites pas !- Seulement, essaie de me mettre avec une fille qui veuille bien nettoyer mes affaires pleines de sang !

Pourtant, j'hésite, est-ce que je franchi le pas ? L'image de Louna se forma dans mon esprit, je la chasse immédiatement, je ne pourrais jamais l'aimer, elle est immortelle et moi, un pauvre mortel ! D'une certaine manière, une partie de mon coeur reste fidèle à la nymphe, c'était un amour purement platonique, rien de concret ne pourra naître entre nous. Je ferme les yeux avant de les rouvrir: Adriane attend.

Je lui souris et je finis mon verre.

"Et bien, allons dans un endroit plus confortable dans ce cas !"

Je me lève et attrape ma veste. Je glisse ma main dans ma poche: je sens ma capsule de bière s'agiter: en effet, il suffit que je la lance pour qu'elle se transforme en épée double : deux lames scindées par la garde, l'arme ayant l'aspect d'un "bâton" avec deux épées à ses extrémités. Une arme mortelle en soit. Je souris à Adriane: c'est une guerrière et elle est loin d'être innocente, je reste sur mes gardes. Je ne sais vraiment pas quoi m'attendre avec la jolie blonde.

"Allons chez-moi, j'ai un appartement tout près."

Nous marchons côte à côte, comme un parfait jolie petit couple: amoureux et beau. L'image me fait bien rigoler, nous sommes tous les deux des demi-dieux, des guerriers et je ne serais pas surpris d'apprendre qu'Adriane est une tueuse. Elle est trop parfaite pour que ça ne soit pas louche. Mais je m'en fiche, ce soir, je pense à moi, en parfait égoïste.

Nous arrivons enfin chez moi: un appartement assez spacieux pour un célibataire, et, dieu merci, j'avais fait le ménage. Jade n'arrête pas de m'engueuler quand je ne rangeais pas, du coup, je ne supporte pas que mon logis soit dans un état délabré.

"Est-ce que sa majesté veut boire quelque chose ?"

Je passe ma main sur sa hanche, avant d'ajouter:

"Ou elle désire autre chose ?"

Tu as de beaux yeux tu sais ?

Elle s'approche de moi et murmure à l'oreille, enjôleuse :

"Si tu me sers une bière digne de ce nom, je crois que tu pourrais avoir droit à autre chose."

Et elle m'embrasse, c'est doux, agréable. Adriane est démoniaque, elle sait comment me manipuler. J'interromps notre baiser, bien trop court à mon goût. Je lui caresse la joue.

"Rien qu'une bière ? Je vais voir ce que j'ai."

Je la quitte un instant et je lui tourne le dos, je pose mes armes, mais je garde secrètement mon épée double. Je ne fais pas totalement confiance à la demi-déesse, même si ses intentions sont claires, elle reste trop mystérieuse, je me retourne vers mon invitée en souriant de toute mes dents:

"Tu es en sécurité ici, je te prierai d'enlever tes armes, je n'ai pas envie que nous nous battions alors que nous passons une soirée délicieuse."

Je la laisse seule quelques instants, je sais pertinemment qu'elle me teste et je tombe totalement dans son piège mais tant pis. Au moins, elle ne cherche pas à savoir ce que je suis. Je suis content que mes armes soient cachées, je n'ai pas envie qu'elle m'embroche. Je vais chercher une bière pour la demoiselle, et quand je reviens, je la vois assise sur le canapé, plus belle que jamais. Je lui tends sa boisson avant de m'assoir près d'elle.

"Cela vous convient-il ?"

Je la laisse boire sa bière avant de retirer la bouteille des mains, la posant sur la table, et je commence à embrasser la jolie guerrière, son parfum me rends fou, je suis en train de devenir fou d'elle. Mes mains se perdent, mais cela ne gêne pas, bien au contraire, je lui murmure à l'oreille :

"J'espère que tu n'as pas envie de me tuer dans mon sommeil, j'ai bien envie de te revoir."

Tu as de beaux yeux tu sais ?

J'ouvre les yeux, un peu péniblement d'ailleurs, je m'étire lentement comme un chat. Je touche quelque chose de doux, de chaud. Je me relève brusquement et je tourne lentement la tête.

Une magnifique blonde est allongée près de moi. Je cligne plusieurs fois des yeux, ce n'était pas un rêve ? J'ai vraiment passé une nuit paradisiaque avec la princesse ? Je me masse les tempes, lentement. Pourtant, je n'ai pas bu beaucoup, à vrai dire, on n'a pas vraiment eu le temps d'être ivre. Je me lève doucement pour ne pas la réveiller.

J'attrape une tasse de café et j'attrape machinalement un shuriken que je lance sur un poteau, oui j'ai un poteau en bois dans mon appartement parce que j'en avais marre de détruire tout mon mobilier.

Je tourne la tête, elle est là, dans l'encadrement de la porte. Je lui souris.

"Avez-vous bien dormi, princesse ?"

Je me lève doucement.

"Je te sers quelque chose ?"

J'arrête de la vouvoyer, après tout, on est des intimes maintenant, non ?

Tu as de beaux yeux tu sais ?

"Un café ce sera très bien. Pour le reste, on verra après..."

Je lui souris et je m’exécute. Elle me fait perdre mes moyens, diantre ! Serais-je redevenu un adolescent s'émouvant de ses premiers amours ? Je soupire intérieurement, je ne supporte plus d'être fleur bleue. Je regarde soudainement par la fenêtre, dès que je sortirai de cet appartement, je reprendrai le cours normal de mon existence, là-bas au loin, Jade est là. Je retiens mes larmes, je suis un homme et un homme ne pleure pas. Même quand il sait que sa petite soeur est torturée par l'ennemi.

Je retrouve Adriane et lui adresse un immense sourire, pas aussi lumineux que celui d'Apollon mais je pense pouvoir l'égaler un jour. Je lui donne sa tasse et j'embrasse le haut de sa tête, j'en profite pour humer son parfum enivrant.


"Ne t'inquiète pas, je ne vais pas t'embêter bien longtemps. C'était sympa mais tu dois avoir autre chose à faire..."

Je la regarde en souriant.

"Si tu as besoin, tu peux revenir ici si ton chevalier te manque."

Je regarde de nouveaux par la fenêtre, le regard plongé vers le lointain.

"Votre majesté, j'aimerais qu'on se revoit, vraiment. Vous êtes tel un baume pour moi."

J'avale une gorgée de café, je sens que mon esprit quitte mon corps, je me suis amusé pendant une soirée mais je ne dois pas fuir mes responsabilités, pas cette fois. Je regarde la princesse droit dans les yeux. L'air sérieux, dénué de sous-entendus.

"Mais avant de vous serrer de nouveaux dans mes bras, j'ai une mission à accomplir. Je ne dois pas me défiler."

Je m'approche d'elle et lui saisis les mains délicatement, un vrai romantique dans l'âme on dirait.

"Laissez-moi vous revoir. Je vous en prie. J'ai besoin de vous je crois."

Le temps s'arrête, peut-être est-ce idiot de ma part de vouloir la revoir, mais au final, quand je la vois en cet instant, je me dis que je pourrais peut-être heureux avec une autre personne que Jade. Ma jolie pierre précieuse, je te sauverai mais en échange, laisse-moi être amoureux. Non, je ne sais pas ce que c'est qu'être amoureux, mais j'aimerais bien apprendre, c'est sans doute moins dangereux que le métier de mercenaire ?