Le campement était calme. Trop calme pour Sandrine qui devait faire attention à ne pas se faire prendre. Il y avait quelques lumières qui la gênaient dans ses déplacements. C’était bien beau d’être nyctalope mais à la condition d’être entièrement plongée dans le noir le plus total. A la limite, la lumière des torches ou de la lune allaient encore. Son don fonctionnait encore un peu, moins puissant que si elle était complétement dans le noir mais avec les lumières artificielles, c’était quasiment impossible de voir ce qu’il y avait dans les parties sombres. Par chance, dans la colonie, ils n’utilisaient pas souvent des lumières artificielles. Max, son petit frère de onze – enfin demi-frère mais elle préférait dire qu’il était son frère – dormait à point fermé, ce qui était une bonne chose. Sinon, elle risquait de le réveiller trop facilement.

Il n’était pas encore deux heures, heure des extinctions des feux mais c’est vrai qu’elle aurait dû attendre ce moment-là. Le seul hic, c’était que c’était durant la soirée qui l’arrangeait le plus. Elle s’éloigna de son bungalow en silence, tel un félin qui prenait soin de ne pas attirer l’attention de sa proie. Sauf que la proie, il n’en avait pas ici. La jeune fille, un sac sur le dos, se retrouva à l’entrée du camp où elle avait caché un vélo. Elle complotait de se rendre en ville pour aller voir sa mère. Cela faisait des années qu’elle attendait ce moment et c’était le seul qu’elle avait trouvé. Elle avait pris avec elle quelques cadeaux qu’elle avait mis de côté pour Nyx, de simples cadeaux pour la fête des mères et deux ou trois de noël qu’elle avait fait elle-même. Une fois sur son vélo et après avoir vérifié que personne ne l’avait suivie, elle quitta le campement des sang-mêlé, prenant le risque de se mettre en danger mais elle avait encore du mal à comprendre la situation dont le monde des dieux et des demi-dieux se trouvait actuellement. Il n’y avait pas longtemps qu’elle était arrivée. Juste quelques semaines.

Lorsqu’elle fut enfin en ville, elle eut du mal de trouver la boîte de sa mère. Elle aurait dû faire du repérage avant. Elle avait entendu dire les plus âgés que le night-club de Nyx était en ville. Elle finir enfin par le trouver mais ne voulant pas passer par l’entrée, elle alla vers l’arrière. En même temps, elle se ferait certainement rejeter par le videur quand il verrait qu’elle était bien trop jeune pour aller dans un tel endroit. Elle essaya de se repérer mais la lumière artificielle la gênait.

- Argh ! Pourquoi faut-il que cette maudite lumière m’empêche de bien voir ?

Sandrine avait pris le risque de venir à la tombée de la nuit jusqu’à la boîte de nuit de sa mère après avoir quitté le campement quelques temps avant le début du couvre-feu. Avec ces lumières artificielles, la jeune fille avait du mal à se retrouver en se servant de sa vue nyctalope. Tout à coup, elle entendit une voix :

Nyx : -Quelle étrange phrase jeune fille. Que viens tu faire ici à cette heure ci? Ne devrais tu pas dormir???

L’adolescente se retourna, un peu gênée de s’être prendre et quand elle vit la jeune femme en face d’elle, elle la trouva magnifique. Était-ce sa mère ? Son père n’avait jamais pu lui montrer des photos de Nyx malheureusement.

- Ben euh … En fait … Je voulais voir ma maman ! J’ai des trucs pour elle !

En même temps, elle n’avait jamais été facile à s’endormir. La faute à son frère Hypnos sans doute. Peut-être quand elle était toute petite mais depuis qu’elle avait découvert son pouvoir, ça devenait difficile pour la faire dormir tôt et surtout la faire dormir tout court car l’envoyer au lit, c’était facile mais encore fallait-il qu’elle se décide à dormir tout de suite. Son père avait fini par laisser tomber l’idée de lui donner envie de dormir. Les seules fois où elle avait envie de dormir, c’était quand elle s’ennuyait parfois, que ce soit à la maison – à la colonie à présent – ou en cours. La jeune femme lui répliqua de la suivre jusque dans son bureau avant de lui tendre la main que Sandrine saisit mais sans la lâcher. Son imagination était en marge : c’était surement sa mère ou alors, elle se faisait vraiment un film. Une fois dans le bureau, la petite brune fut étonnée de voir un lit. Elle commençait même à avoir soif. Super soif !

Sandrine regardait un peu les lieux jusqu’à ce qu’elle remarqua la chaise que lui montrait sa mère. Elle s’assit donc, mettant son sac à dos par terre à côté d’elle tandis que celle-ci lui demanda si elle était en colère qu’elle l’ait laissée avec son père, expliquant que la plupart des autres dieux étaient tristes d’avoir dû laisser leurs enfants sur terre. Nyx prit une pause avant de reprendre en lui prenant doucement la main pour la serrer fort.

Nyx : -Je t'ai aimée dés ta naissance, je t'ai aimée comme j'ai aimé chacun de mes enfants. Ma petite Sandrine...

L’adolescente sourit. Elle avait vu juste. C’était bel et bien sa mère. Son père avait eu très bon goût. Elle la laissa d’ailleurs l’attirer contre elle. Cela lui fit bizarre mais qu’est-ce que ça faisait du bien de pouvoir avoir enfin sa maman contre soi. Sandrine ne regrettait pas d’avoir fait le mur. C’était en plus la première fois mais ça en valait le coup ! Elle allait parler à son tour mais sa mère lui dit de l’attendre, juste le temps qu’elle aille prendre de quoi boire.

Nyx : -Et voilà, bois Sandrine, je ne sais pas si tu connais, mais je suis certaine que tu vas adorer...
- Merci maman !

Elle but une gorgée qu’elle trouva délicieuse. Elle réfléchit aux paroles de sa mère. Elle lui sourit, chose qui devait être étrange pour les autres dieux. Contrairement aux autres demi-dieux, elle n’en voulait pas à sa mère. Son père lui avait dit que sa mère n’avait malheureusement pas pu la garder prés d’elle mais que malgré la distance, elle l’aimait et pensait très fort à elle. Elle avait juste des raisons qui étaient un peu compliquées à expliquer pour la petite fille à l’époque où elle avait posé la question sur l’absence de sa mère.

- Ah oui, j’allais oublier !

Elle prit son sac et en sortit les quelques paquets cadeaux qu’elle avait ramenés avec elle. Elle les tendit ensuite à sa mère.

- Joyeuses fêtes des mères en retard !

Elle lui fit le plus beau sourire qu’elle pouvait lui faire.

- Je ne suis pas en colère contre toi tu sais ! Papa m’a expliqué qu’en fait, c’était très compliqué pour toi de rester avec nous mais que là tu étais, tu pensais à nous, enfin plus à moi qu’à papa ! Alors je me suis dite que j’allais garder tes cadeaux pour quand je pourrais te les donner enfin !