Lionel (5 ans)
« Tu y es presque, vas-y Tom ! »

Le petit garçon leva les yeux, fier, et se concentra de plus belle sur son feu. Lionel l'encouragea et les autres enfants firent de même. C'était leur tout premier camp. Jeune pasteur, il avait eu du mal à dire non quand les parents lui avait demandé s'il était possible de faire un camp avec les enfants de sa petite église. Il était très apprécié, et les enfants l'adorait. Et en cette première soirée, le feu était à l'honneur.  Alors que les enfants chantaient, tapaient ds mains, un cris déchirant se fit entendre. Aussitôt ils se figèrent tous. Le petit groupe arrêta de rire quand un des enfants revint en courant, essoufflé. David était partis chercher d'autres branches sans permissions.

« Lionel, il faut que vous venir, vite ! Y'a une fille dans les bois ! Elle est morte ! »

Le garçonnet pleurait sans pouvoir s'arrêter. Lionel se leva, lui attrapa la main et se laissa conduire. Les autres enfants le suivirent en silence. David avait une imagination débordante. Sauf que pour une fois, il disait vrai. L'air était devenu plus frais. Lionel intima aux enfants de rester là, à l'entrée de la carrière. Pas un n'osa désobéir. C'était comme dans un de ses cauchemars qu'il faisait régulièrement. Une épaisse couche de brume couvrait le sol, étouffant les plantes et autres occupants de la carrière. Il se frotta les mains, soudain mal à l'aise. Il n'entendait plus les murmures des enfants, restés à l'écart. C'était comme si le bonheur en lui s'était évaporé. Il se sentait triste, malheureux. Comme dans ses cauchemars. Il s’avançait, presque à l'aveuglette et la vit.  Elle était au pied d'un épais pied de rose, noire comme la nuit. Les fleurs semblaient fanées, mortes. Tous comme les insectes et les petits animaux qui se trouvaient autour. Les rats des champs avaient les yeux révulsés et les insectes semblaient avoir été carbonisés. Il se retint de vomir tant l'odeur était insupportable. L'odeur de la mort. Et elle était là. Ses cheveux sombres emmêlés, les genoux écorchés, elle portait une robe aux couleurs pastels. Elle ne devait pas avoir plus de cinq ans. Elle avait les mains en sang, couvert d'épines, et semblait dormir. Il s'approcha encore, jusqu'à lui effleurer la joue. Elle était froide. Et son teint pâle ne disait rien qui vaille. Ce fut plus fort que lui, il ne pouvait pas laisser une fillette seule dans les bois. Pas comme ça. Pas dans le lieu de ces cauchemars. Alors il la souleva, notant au passage son poids plume et la ramena au camp. Ce soir là il passa la soirée à tenter de réveiller l'enfant. Et ce fut à l'aube qu'il la retrouva auprès du feu, à tenter de se réchauffer. Il s’avança vers elle, confiant. Elle était toujours aussi blanche avec son teint maladif. Il vint s'asseoir près d'elle.

« Petite, tu vas mieux ? » Pas de réponse. «  Comment t'appelles tu ? » Pas de réponse. « Je m'appelle Lionel.  » « Lionel. » « Oui voilà, et toi ? » « Lionel. » «  Non non tu ne comprends pas... Ton prénom à toi, c'est quoi petite ? Pourquoi tu étais là, avec les roses ? » « Lionel. Rose. » « Je... D'accord. D'accord Lionel, tu peux m'en dire plus ? »

La petite fille secoua la tête et se colla à lui. Elle le serra dans ses bras et ferma les yeux. Désemparé Lionel regarda la fillette et la serra à son tour dans ses bras. Peut-être que le ciel lui envoyait un signe ? Peut-être que ces cauchemars avaient un sens tout comptes faits ? Quelques jours plus tard, tout au nord de l'état de l’Alabama, bien loin du camp du pasteur Lionel, on retrouva le jeune couple des Parker dans leur maison. Tous les deux étendus dans leur lit, ils avaient les yeux révulsés et les lèvres noires.

Quelque jour plus tard, la nouvelle avait fait le tour de la ville. Le jeune pasteur venait d'adopter une petite fille. Beaucoup n'y avait vu que des choses négatives, mais Lionel voyait en elle un signe du ciel. Après tout, elle ne parlait qu'à lui, elle avait refusé une autre famille. Un cadeau, cette petite fille était un cadeau. Elle ne pouvait être que ça. Elle ne se souvenait de rien, même pas de son prénom. Alors, puisqu'elle s'entêtait à répéter « Lionel » et « Rose » en boucle, il lui avait donné son nom et le prénom de Lionel-Rose.


Lionel (6 ans)
« C'est très bien Lionel-Rose, tu as une écriture magnifique ! » «  C'est papa qui m'a appris. »

La maîtresse lui passa une main dans les cheveux et alla voir à une autre table d'élève. Lionel-Rose se concentra sur ses lettres. Sa maîtresse était gentille. Si les autres élèves n'osaient pas vraiment lui parler à cause de son air maladif et parc qu'ils disaient qu'elle rendait tout le monde triste, elle, osait venir vers elle et lui parler. Ce soir là son père vint la chercher. Comme à chaque fois, l'infirmière lui lançait une petite réplique sur la santé sois disant fragile de sa fille et Lionel-Rose se réfugiait dans ses bras sans un mot. Son père savait qu'elle allait bien. Les gens la pensait malade, mais elle allait bien.

« La maîtresse m'a dis que tu as fais de grand progrès ma chérie ! Et que tu as tenté d'aller vers les autres, je veux que tu continue, d'accord Rosie ? »

Elle haussa des épaules. Ce que Lionel pouvait être concentré quand il écrivait ses discours. Elle admirait bien son père pour ça. Il lui adressa un sourire doux avant de lui attraper la main.

« Tu ne vas pas leur faire mal, d'accord ? Regarde, tu me touche, et je vais bien, d'accord ? Ce qui est arrivé au petit chien, ce n'était pas grave, il était malade, d'accord Rosie ? » « Oui... »

Elle baissa les yeux, ravalant ses larmes. Le petit chien de Lionel Hamilton était mort il y a une semaine. Un jeune chiot. Il avait voulu jouer avec elle, elle avait eu peur, elle l’avait repoussé. Et quelques minutes plus tard, elle avait retrouvé le chiot en boule, les yeux exorbités, crachotant les restes de son repas. Son père avait du faire piquer la pauvre bête mourante. Il lui avait promis que ce n'était pas de sa faute. Et pourtant, elle le savait. C'était elle. Et quelque fois elle se souvenait de cette nuit. Des images lui revenaient, d'elle dans les bois au pied de massif de rose.

L'agent Fisk, chargé de l'enquête des Parker tournait en rond. Cette histoire n'avait ni queue ni tête. Et bon sang, où était leur gamine ? Ils avaient bien une gamine, non ? Sa chambre avait été vidé. Avant ou après leur meurtre ? Son chef voulais clore l'affaire. Suicide. Et il n'y avait jamais eu d'enfant, la preuve, pas de photo, juste une chambre pour gosse. Ils étaient peut-être juste en train d'attendre un enfant ? Mais l'analyse ne releva aucune grossesse. Alors le major ferma l'enquête. Les Parker étaient juste des gens tentant d'avoir un enfant, il avait fait une chambre au cas où, basta. Il avait des affaires plus importante à régler.


Lionel (12 ans) Lionel avait eu du mal à la conduire jusqu'ici. Pour lui ces dieux n'existaient pas. Mais le satyre avait su lui prouver le contraire. Il lui avait dit que sa fille pouvait juste y passer l'été. Que durant l'année, elle pouvait quitter la « colonie ». Que tout ça serait mieux pour elle. Il voulait ce qu'il y avait de mieux pour sa fille. Et elle, ne voulait pas faire de peine à son père.

« Papa, tu sais que je crois en la même chose que toi, non ?  » « Ma petite Rosie...  » « Ma mère peut pas être une déesse, si ? » « Tu crois qu'on devient fou ma chérie ?  » Elle rigola. « J'y reste l'été. Pour devenir plus forte. Mais je reviens après pour toi. Tu ne te débarrassera pas de moi aussi facilement.  » « Merci Rosie, merci...  » Elle le serra dans ses bras.  Il ne méritait pas qu'on lui arracha sa fille de la sorte. Mais le satyre disait qu'il le fallait, qu'elle devait accepter, et lui aussi.

L'agent Fisk avait réussis à faire rouvrir le dossier. Jamais il ne ne laisserait tomber le couple Parker. Pas un meurtre aussi... étrange. Et puis, un nouvel indice venait de faire son apparition. Le meilleur ami de l'homme du couple. Il était maintenant certains que les Parker avait une fille.