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Matthew soupira une énième fois. Il était fatigué. La Résistance lui semblait tourner au ralenti depuis la mort d’Aldric. La colère de certains, la tristesse d’autres ou encore chez quelques-uns, une indifférence. Le deuil prenait une forme différente chez chacun mais s’il y avait bien un sentiment qui leur était commun à tous, c’était bel et bien la surprise. Personne ne s’attendait à cette mort.

Lui, il était partagé entre la colère et l’indifférence. Aldric n’avait jamais été présent et Matthew avait toujours reconnu Cyril comme le chef légitime de la Résistance. Sa mort ne changeait pas grand-chose mais il y avait quand même des questions qui méritaient des réponses. Malheureusement, personnes ne semblaient vouloir en fournir. Sauf qu’il était têtu, et qu’il était bien décidé retrouver le coupable. Avec détermination, il ouvrit la porte et fit entrer Dante d’un hochement de tête. Il tira une chaise l’invitant à s’asseoir.

Dante avait été un de ses élèves, et il était désormais espion à la Colonie. Il avait été un élève… compliqué. Le genre de demi-dieu qui se croit surpuissant. Il avait dû user de dureté pour essayer de… l’éduquer un minimum. Il était donc conscient que l’espion avait des raisons de ne pas l’aimer, mais Matthew veillait quand même sur lui.

- Du nouveau à la Colonie ?

Matthew avait pour habitude de gérer les rapports, mais habituellement, il ne le faisait pas comme, aussi formellement. Néanmoins, avec Dante, il estimait que c’était une chose indispensable. Le garçon ne voulait pas être ami avec lui, et il le savait. Il l’acceptait. D’autant plus que le savoir de l’espion pouvait s’avérer crucial, dans un moment comme celui-là.

- As-tu entendu parlé d’un Allié qui aurait perpétrer le meurtre d’Aldric ?

Il lui lança un regard explicite. Dante n’avait pas intérêt à lui mentir, sinon il le paierait.

Dante mit du temps à lui répondre, alors que Matthew continuait de le sonder du regard. Il comprenait que le jeune Résistant ne soit pas particulièrement triste. Lui-même ne l’était pas. Il était simplement en colère pour la Résistance. Et était conscient que si lui-même, vieux Résistant n’avait qu’entre-aperçu Aldric, les jeunes tel que Dante ne devait sans doute l’avoir jamais vu. Aussi, il comprenait parfaitement la non-réaction du jeune espion. En revanche, ce qu’il ne parvenait pas à comprendre, c’est le doute qu’il lisait dans ses yeux.

- Ah, Matthew, j’aimerais tellement pouvoir te dire : ouais, y a un bâtard d’allié qui se vante d’avoir buter notre boss. Mais malheureusement non, personne, à la colonie, tout le monde sait qu’Aldric est mort, mais c’est tout, en tout cas, toute les conversations que j’ai pu écouter, aucun coupable. A croire qu’un dieu est descendu du ciel. 

Un dieu ? Matthew sourit légèrement. Pourquoi pas. Il aurait pu se contenter de ça, et de passer aux points suivants mais, il ne pouvait se contenter de cette réponse. Parce qu’elle n’avait pas l’air sincère. Et que lui, il voulait la sincérité. Il le gratifia d’un regard dur. Bien puisque son ancien élève ne voulait pas lui dire la vérité de lui-même, il la prendrait de force. Il se servit de son pouvoir pour faire ressortir le pire chez lui. Il alla chercher la vérité dans les travers les plus sombres de Dante, conscient que ce qu’il allait dire ne lui plairait pas.

- Je croirais presque que c’est un des nôtres qui s’est rebellé contre lui. Et qui l’a buté.

Alors que Dante mettait la main devant sa bouche pour s’empêcher de continuer, Matthew se raidit sur sa chaise. Ainsi, il soupçonnait un Résistant ? Mais pour quoi un des leurs auraient fait une telle chose ? Pour prendre le pouvoir… Mais dans ce cas, il fallait forcément que ce quelqu’un soit déjà proche du but, sinon tuer Aldric serait complètement inutile. Donc un lieutenant. Ou Cyril lui-même. Tout cela n’était que de la pure logique. Mais il ne concevait pas que Dante puisse penser cela. Qui ? Alice ? Cyril ? Adriane ? Lui-même ?! Matthew fronça les sourcils. Dante avait vraiment une attitude étrange. Avec son regard… soupçonneux ? Le fils d’Eris finit par comprendre et il resta un instant immobile, digérant la nouvelle. Peut-être se trompait-il. Sûrement se trompait-il.

- Qui soupçonnes-tu ?

Il était resté parfaitement calme, maître de ses mots. Il continuait d’user de son pouvoir pour tout tirer de Dante. Il ne voulait pas seulement un nom. Il voulait les explications qui allaient avec. Et il voulait s’assurer de la sincérité de l’espion.

Stoïque, Matthew ne bougea pas d’un millimètre quand le jeune espion se leva pour de mettre à faire des cercles dans la pièce. Il le suivit des yeux sans un mot. Il avait parfaitement conscience de la tension présente dans la pièce et il savait que son pouvoir n’était pas le seul en cause. Au fond, il n’avait presque plus besoin de s’en servir tellement l’inimitié qu’éprouvait Dante pour lui était forte. Bientôt, en plus d’une simple animosité, l’air se chargea de… Le fils d’Eris l’ignorait mais la lampe se mit à trembler et il haussa un sourcil. Que le jeune Résistant l’accuse de trahison était un fait. Qu’il essaye de détruire le bureau en était un autre. Or, il n’avait pas spécialement envie de mourir dans une explosion juste parce que le jeune homme avait un mauvais contrôle sur ses pouvoirs. Ou sur son stress. Parce que oui, tout chez Dante rappelait qu’il transpirait le stress et Matthew n’y était pour rien. Pas pour l’instant.

L’espion sortit alors une cigarette et inhala de la fumée. Le fils d’Eris garda le silence, encore une fois. Si fumer pouvait l’empêcher de détruire la pièce, le lieutenant était d’accord pour transgresser la règle. Et puis, lui aussi fumait, alors, il n’était pas vraiment bien placé pour se plaindre. De plus, il nota avec un certain amusement que Dante n’avait même pas recracher la fumée.

- Encore accroc à cette vielle saloperie…

Un silence de plus accueillit les paroles de l’espion. Matthew n’avait toujours pas eu sa réponse. Et il la voulait cette réponse. Il le regarda se laisser glisser contre le mur sans même bouger le petit doigt, attendant simplement que Dante confirme ses soupçons. Après tout, il y avait toujours l’infime chance qu’il se trompe et qu’il ait mal interprété ses paroles.

- Oh, à qui je pense ? Je pense que tu l’as déjà compris, je pensais effectivement à toi. Quelle preuve j’ai ? Aucune bien entendu. J’ai juste une vague intuition. Mon intuition était-elle meilleure que celle des autres ? Non. C’est de l’insubordination ? En soi, oui. 

Cette fois, Matthew ne put retenir un sourire devant l’insolence flagrante de Dante, qui avait très certainement conscience d’être allé trop loin pour revenir en arrière. Ce dernier releva les yeux vers lui et ils s’affrontèrent du regard sans que ni l’un ni l’autre ne bronche. Le fait était que Matthew était en position de force et qu’aucun des deux ne l’ignoraient. Il pourrait, s’il en avait envie, le tuer. Facilement en plus. On pouvait remplacer des espions. Il finit par se lever de sa chaise et de contourner le bureau avant de s’appuyer négligemment dessus, inexpressif. Il ne savait pas encore quelle marche adoptée pour une situation comme celle-là. On ne venait pas lui dire tous les jours qu’on le soupçonnait d’avoir tué le chef.

- De l’insubordination, oui. De l’inconscience même.

Il esquissa un sourire et s’accroupit pour se mettre à la hauteur de Dante, le regardant désormais franchement amusé.

- Le fait est que tu es coincé. Car si j’ai vraiment buté Aldric, comme tu le dis, tu crois vraiment que je vais te laisser vivre maintenant que tu l’as découvert ? Non. Et si ce n’est pas le cas, alors, je devrais te faire tuer pour de tels soupçons injustifiés. Donc, tu es coincé.

Il énonça les mots d’un ton las. Dante le fatiguait. Et pourtant, il continuait d’éprouver une certaine sympathie pour lui. Le jeune espion avait beaucoup de potentiel qu’il s’employait à gâcher dans des intuitions bidon et le fils d’Eris en était navré.

- Tu n’es qu’un vulgaire insecte pour moi. Un vulgaire insecte que je pourrais prendre plaisir à écrabouiller d’un simple geste. Pourtant je t’aime bien, malgré le fait que tu ferais un enquêteur vraiment nul. Je vais donc t’épargner. Mais, j’aimerais en échange que tu me dises d’où tu tires cette intuition. Elle n’est pas tombée du ciel, je suppose, et j’aimerais éviter que d’autres gamins viennent m’accuser, si tu veux bien.

Matthew observe Dante qui resta immobile, comme s’il réfléchissait longuement à ses paroles. Il avait conscient d’être dur avec lui. L’erreur était humaine après tout. Mais, s’il avait été voir quelqu’un d’autre. Un autre lieutenant, comme Alice. Il serait mort. Il fallait qu’il comprenne où était sa place. Tant pis s’il passait pour un persécuteur. Il fallait que le jeune homme comprenne. Il aurait beau être fort, invincible, s’il n’était pas discipliné, alors il ferait un médiocre combattant.

- Je ferais honneur à la chance que vous me laissez, je tâcherai de ne plus vous décevoir. Je vous remercie et m’excuse de mes piètres talents d’enquêteur… Le fait est, que mes preuves ne sont basé sur un évènement sans vraiment d’importance, mais je ne pouvais m’empêcher de penser, qu’une dispute que vous avez eu avec Cyril. Ainsi, je pense être le seul assez témé… stupide pour entreprendre une idée aussi bancale. Je m’en excuse sincèrement.

Le passage au vouvoiement n’échappa pas à Matthew qui écouta sans dire un mot. Il ne savait pas vraiment comment sa dispute avec Cyril avait quitté le bureau du chef. Mais, tout se sait, n’est-ce pas ? De plus, la dispute s’était finalement bien terminée et Matthew admettait qu’il avait dépassé les bornes en hurlant de la sorte. Il était quelque peu à fleur de peau ces temps-ci.

- Je sais que je suis un piètre enquêteur, mais je pense me débrouiller assez bien en tant qu’espion, je promets de faire plus pour rattraper ma faute. Je ne sais pas si cela suffira, mais j’ose espérer que vous ne daignerez plus vous occuper de quelqu’un aussi insignifiant à vos yeux que moi. 

Matthew poussa un soupir quand il lut la haine visible dans les yeux de Dante. Il ne voulait pas que le jeune homme ne quitte son bureau plein de ressenti, et qu’il se sente obligé de faire le lèche-cul. Il se releva et tandis sa main à son ancien élève pour le relever.

- Tu n’es pas insignifiant Dante.  Aucun Résistant ne l’est et quoique que tu penses de moi, je ne suis pas méchant volontairement avec vous. Dur peut-être. Mais pas méchant. Je sais que je l’ai été particulièrement avec toi mais c’est parce que tu as du potentiel. Que tu t’emploies à gâcher. N’est pas espion qui veut et pourtant c’est toi qui l’es. Arrête de me lécher le cul, et mets-toi au boulot. Et je peux te garantir que tu seras un bon résistant.

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