Matthew devait bien se l’avouer, il fuyait l’ambiance lourde du QG. Bien qu’il ne passât son temps qu’à cela ces temps-ci, c’était plus fort que lui. Son voyage au Brésil lui avait appris que la Résistance était sa famille, et le QG sa maison. Son retour lui avait appris que comme dans toutes les familles, il lui fallait un bol d’air frais. Un grand bol d’air frais. Et sa chambre d’officier ne lui donnait pas l’espace souhaité. Alors, bien qu’il fût décidé à passer le maximum de son temps dans le repère de la Résistance, il avait pris la décision de s’offrir un loft en ville. D’une, ça lui permettrait de s’aérer les idées, et de deux, s’il voulait commencer une vie à côté, notamment avec l’entreprise familiale, il lui fallait bien un logement « normal ».  Et puis, même s’il refusait de se l’avouer, il y avait Pandore. Néanmoins, ce simple nom provoquant en lui des sentiments très contradictoires, il avait décidé de ne pas y penser.

Ce fut donc un peu morose qu’il signa le bail et alla, seul, fêter sa nouvelle acquisition. Il traversait une mauvaise passe, mais il estimait qu’il était temps que ça passe. Alors, il décida que ce soir serait le dernier qu’il passerait de mauvaise humeur, et qu’après cela, il se ressaisirait. Avec un soupir, il entra dans un bar et s’accouda au comptoir. Le regard noir, il commanda un scotch et la barmaid, sûrement consciente de son humeur maussade, lui servit sans rien dire. Du coin de l’œil, il remarqua une jeune femme qui le fixait avec assiduité. Elle papillonna des yeux et autrefois, il n’aurait pas hésité un seul instant à lui sauter dessus. Elle était jolie en plus. Mais actuellement, elle lui paraissait fade et sans saveur et il trouva son verre bien plus intéressant. Il voulait juste être tranquille. Etait-ce trop demander ?

Puis, une femme s’installa à côté de lui, et se mit à draguer ouvertement la barmaid qui rougissait. Quelle femme naïve ! Cela se voyait que la rousse – oui, elle était rousse – n’enchaînait que les coups d’un soir. Il soupira et vida son verre d’une traite, tentant d’ignorer les minauderies des deux femmes. Bonjour la tranquillité. En plus, elles transpiraient la joie et la bonne humeur. N’y pouvant plus et sentant qu’une niaiserie de plus finirait par l’achever, il dit sans même un regard pour la rousse :

- Tu ne peux pas aller draguer plus loin ?

Elle posa sa bière après avoir pris une longue gorgée avant de renvoyer la barmaid. Elle finit par se tourner vers lui en croisant ses jambes de manière plus que suggestive. Profondément agacé, Matthew se retint de lever les yeux au ciel. Par tous les dieux Olympiens, cette femme ne voulait que ça ? Elle passait du coq à l’âne assez rapidement et Matthew ne se trouvait que peu de points communs avec la barmaid. Donc, il en vint vite à la conclusion que cette femme voulait vraiment coucher ce soir.

- Quoi ? Tu sors dans un bar et tu t'attends à ce que tout le monde soit aussi morose que toi ?

Elle rit et Matthew ne vit pas du tout ce qu’elle trouvait de marrant dans cette situation. Elle eut tout de même l’obligeance de lui payer un verre avec sans doute le mince espoir de le voir sourire. Peine perdue. Il trouvait cette femme diablement agaçante et la seule envie qu’il avait était de la voir partir, certainement pas qu’elle lui tape la discute.

- Pardonne ma petite blague. Il ne faut pas prendre au premier degré tout ce qui sors de ma bouche... Ce verre est mon offrande de paix.

Affligé, il repoussa le verre, comprenant qu’elle ne le lâcherait pas de sitôt. En revanche, il en commanda un autre et le but d’une traite. Il laissa avec un certain soulagement les vapeurs de l’alcool lui monter au cerveau avant de la regarder et de dire froidement en poussant le verre encore rempli vers elle :

- Je refuse l’offrande de paix. Désolé je suis pour la discorde.

Il était méchant, et il en avait conscience. Mais il ne connaissait pas cette femme et il était heureux de pouvoir se défouler sur quelqu’un. Il voulait se décharger de tout ce poids qu’il portait, et il ne connaissait pas d’autres solutions que de soi-même attaquer. Il était comme ça.

- J’espère que tu n’espères pas coucher avec elle grâce à ton humour.

Dit-il mordant. Il voulait qu’elle parte. Qu’elle le laisse et qu’elle parte avec cette barmaid pour faire il ne savait quoi. Du moment que c’était loin de lui.

- Je sais ce tu vas dire… Je suis méchant blablabla, mais si on saute toutes ces étapes et qu’on arrive direct au moment où tu te casses ?