Enfin. Pour la deuxième fois depuis qu'il avait pu revenir à la Colonie pour le mariage de sa fille, Hermès avait pleinement recouvré ses pouvoirs et pouvait à nouveau venir voir ce qu'il se passait en bas. Non pas qu'il s'ennuyait, là-haut, sur l'Olympe, mais l'idée d'y rester coincé ne l'enchantait guère.

Il était donc descendu une première fois, avec Héphaïstos, pour le mariage de leurs enfants respectifs, et il s'agissait là de sa deuxième. Voir les bungalows reconstruits, les pensionnaires déterminés à ne pas se laisser abattre et à continuer de vivre malgré tout lui faisait chaud au cœur : ça, c'était de la vraie résistance. Ils allaient voir, en face.

Il atterrit au niveau de la Grande Maison, assez tôt comme à son habitude : un facteur essaie toujours de passer au plus tôt pour livrer tous ses colis et courriers... Toujours vêtu d'un élégant costume, il aurait pu se faire passer pour n'importe qui mais certainement pas pour un pensionnaire, ces derniers privilégiant le confort au style - à moins d'être un enfant d'Aphrodite. Aussi fut-il un peu surpris lorsqu'une voix masculine lui lança :

Tu es bien matinal ! Tu es nouveau ? Tu es perdu, tu as besoin d'aide ?

Hermès se retourna : celui qui venait de lui parler était un nouveau colistier, déjà au travail vu la sueur qui perlait sur son front et les auréoles qui apparaissaient sous ses bras. Il posa son regard sur le jeune homme et sourit lorsqu'il lui lança de nouveau :

Moi c'est Morgan Baker, fils d'Iris ! Et toi ?

Oh, un beau-fils ! Décidément, c'était quelque chose d'assez rare en soi. Le dieu garda son sourire et lui répondit le plus naturellement du monde :

Oh, bonjour Morgan. Je suis ton beau-père, Hermès. Ravi de faire ta connaissance, je vois que tu as rejoint mes colistiers, crois-bien que ça me ravit. Tout se passe bien ?

Euh bah ouais je crois que tout se passe bien, je viens de commencer ma tournée. C'est normal que tu aies le même nom que ...?

Vu la tête que fit Morgan quand il comprit, il y avait de quoi rire franchement. Mais Hermès n'était pas du genre à se moquer, aussi se contenta-t-il de continuer à sourire et à lui répondre pour le rassurer, alors qu'il s'inclinait pour lui rendre hommage :

Relève-toi, mon garçon. J'ai beau être le protecteur de cette Colonie, ce n'est pas une raison pour te confire en dévotion en ma présence. Je suis beaucoup moins tatillon à ce sujet que d'autres.

Il attendit que Morgan reprenne contenance, et haussa un sourcil quand il lui lança :

Mais euh... Vous avez pas un caducée normalement ?

Oh que si, mais je ne me promène pas toujours avec. Je peux le faire apparaître n'importe quand, répondit Hermès en claquant des doigts, faisant apparaître son symbole. Mais il n'eut guère le temps d'en dire plus que Morgan reprenait, sur un coup de stress :

Alors, tout va bien pour vous dans votre vie... Euh.. Divine ? Que nous vaut l'honneur de votre visite ?

Crois-moi, fiston, des fois la curiosité est un vilain défaut, répliqua Hermès en souriant malicieusement. Et pour te répondre quand même, je suis tenté de te dire que depuis que j'ai retrouvé l'intégralité de mes pouvoirs, je me porte comme un charme. Et je passe juste pour vérifier que tout va bien, mais puisque tu es là, autant que tu me racontes les dernières nouvelles.

Il fit disparaître son caducée après que George et Martha lui eurent sifflé dans les oreilles pour les avoir réveillés, puis reposa son attention sur Morgan. Même si, de l'Olympe, il pouvait voir tout ce qu'il se passait sur terre, rien ne valait le conte des nouvelles par un pensionnaire de la Colonie. Et Iris serait ravie de voir qu'Hermès pouvait aussi s'entendre avec sa descendance...

Morgan sembla hésiter quelques instants avant de répondre à la demande du dieu face à lui :

Bah écoutez, pour le moment tout va bien. La plupart des bâtiments ont été reconstruits, les morts ont été pleuré et les blessés ont été soigné. J'ai veillé personnellement à ramener un maximum de blessés à l'infirmerie le plus vite que je pouvais.

Hermès hocha la tête : il avait pu voir que beaucoup de pensionnaires valides avaient fait au mieux pour aider les blessés, et il aurait voulu pouvoir aider lui aussi si ses pouvoirs n'étaient pas restés bloqués à ce moment.

Il continua de sourire alors que Morgan, après lui avoir montré son don de super vitesse, reprit :

Y'a pas grand chose à raconter en fait. On continue à s'entraîner, Chiron y vieille bien. Ceux qui doivent partir en quête le fond et les autres continuent. Ca pourrait être lassant mais chaque journée est pleine de surprise. Vous en êtes la preuve d'ailleurs.

Pas que Chiron, il ne s'en sortirait pas sinon, répondit Hermès en descendant les marches pour se mettre au niveau de Morgan.

Il sentait que le fils d'Iris avait quelque chose à lui demander, aussi attendit-il patiemment avant de l'entendre :

Est-ce que ma mère va bien ?

Il souffla ensuite un "désolé" en se mordant la lèvre inférieure, ce qui fit hausser un sourcil à Hermès ; Morgan craignait-il de se faire transformer en lézard pour oser demander des nouvelles de sa mère ?  Il mit ses mains dans les poches et souriant lui répondit :

Ta mère va bien, mon garçon. N'aie crainte de me poser des questions, je suis là pour y répondre. Et pour compléter ma réponse, je suis tenté de te dire qu'elle se porte comme un charme, même si elle s'inquiète de l'ambiance actuelle. Comme tout le monde là-haut et ici, je suppose...

Morgan semblait comme soulagé de ne pas se retrouver transformé en lézard, ce qui amusa Hermès ; il était de loin le dieu le plus cool dans le sens où il lui en fallait beaucoup pour s'énerver, par exemple en s'en prenant à ses enfants ou ses protégés. Il resta parfaitement immobile quand Morgan lui déclara, plus apte à la confidence :

Vous savez, j'ai toujours cru que vous aviez tout piqué à ma mère. Je veux dire, elle était déesse messagère aussi pendant la première guerre des titans.. Mais bon, si vous vous entendez bien, enfin j'espère, c'est tant mieux, non ?

Alors oui, Hermès était le dieu des Voleurs, mais il était lui aussi le dieu Messager, et il était vrai qu'Iris était là avant lui. Mais il n'avait pas pris sa place, elle s'occupait des dieux et lui des mortels, il y avait un juste équilibre. Continuant de sourire, il pencha légèrement la tête avant de reprendre :

Mais non. Oui, ta mère était là avant moi, mais elle occupe les strates les plus hautes du ciel alors que je me contente des mortels. Et cela nous convient très bien, je ne marche pas sur ses plates-bandes et elle ne marche pas sur les miennes. Et puis comme ça, je peux veiller sur sa descendance et la mienne...

Soudain, il jeta un coup d'oeil à son poignet, où une montre apparut, et il soupira :

Sur ce, jeune homme, je vais devoir te laisser, le devoir m'appelle. Continue comme ça et tu iras loin dans la vie.

Il lui tendit la main et attendit qu'il la serre avant de reculer pour disparaître dans un nuage de poussière dorée. En effet, il avait encore un peu de boulot sur l'Olympe avant de redescendre sur Terre, autant le finir avant qu'Héra ne lui tape sur les doigts... D'ailleurs il avait un truc urgent à lui demander.