Je tiens à préciser pour ma défense que cette merde, je ne l'ai pas cherchée. J'ai peut-être poussé un peu les évènements, mais autrement, ces derniers sont suffisamment dégourdis pour me trouver d'eux-même. Quitte à raconter ma vie, autant commencer par le début.
Mon avenir avait toujours été tracé. J'finirais dans un tailleur trop serré, assise dans mon beau fauteuil, la tête un peu lourde a cause des antidépresseurs et du vin, j'regarderais mes trois enfants s'abrutir devant la télé et ferait de mon mieux pour me persuader que si mon mari rentrait aussi tard, c'était a cause de «sa réunion avec les actionnaires chinois ma chérie». Une vie heureuse quoi.
C'était la vie de mes parents. De bons américains typiques, des gens bien comme il faut. Papa travaille à Wall Street et Maman reste à la maison et s'occupe du comité de quartier. Et quel quartier! Une petite banlieue dans le Connecticut, éloignée de New York et de ses vices, un joli havre de paix ou toutes les maisons se ressemble ou tout le monde va à l'église prier Notre Seigneur Jésus-Christ et bien sur, tout le monde est blanc.
Moi j'étais le mouton noir, la tache qui vient salir ce beau tableau. Ce que j'aimais moi, c'était le regard de dégout mais surtout de peur qu'il y avait dans le regard de mes parents, à chaque fois que je faisais une nouvelle connerie. C'était ma seule façon de passer le temps dans cette ville morte. Vandaliser les murs de mes tags pseudo profonds, sécher le lycée pour passer ma journée au skatepark, frapper tout ceux qui me faisait chier, faire une fugue et revenir au bout de deux jours comme si ne rien n'était... Je venais d'avoir dix-sept ans, et malgré tout j'avais une vie plutôt agréable dans un sens :
quoiqu'il arrivait je faisais ce que je voulais, on me laissait tranquille. J'avais beau faire ma grande gueule, je pense pas que j'étais prête a quitter cette légèreté.
Si vous demandiez aux voisins,ils vont diront que avec une fille comme moi, c'était une question de temps. Que de toute façon, c'était bien fait pour ma gueule, ça m'apprendra a jouer les catins.
Mais j'ai pas voulu de ça moi, moi j'voulais continuer à être superficielle et planquer des bouteilles dans les coffres à jouets qui restent dans ma chambre. Je ne voulais pas ne plus pouvoir rentrer dans ces sous-vêtements qui m'ont coûté un bras ni ne plus pouvoir fermer mes jeans. J'voulais pas repousser les mecs avec un bide énorme. Je voulais rester une enfant moi. Et puis t'es arrivé, toi.

J'ai jamais été très douée avec les mots, alors tu m'excuseras si ça part un peu dans tous les sens. Cette lettre, je sais pas si tu la liras ou pas, mais je l'écris quand même. J'sais même pas encore si t'es un garçon ou une fille.  Dans six mois, tu vas naitre. C'est terrifiant. J'aimerai dire que c'est le bon choix, que y'aura un sens tout ça. Mais j'y arrive pas. J'ai peur tu sais.
Bébé, ta maman n'est qu'une ratée. J'aimerais te faire comprendre à quel point je regrette de t'offrir cet appart pourri, ces meubles cassés, cette famille pathétique, cette absence paternelle, ces grands parents tarés mais personne ne me l'a fait comprendre à moi. Oui ta maman n'est qu'une pauvre fille. Mais toi, toi t'es exceptionnel. Et j'dis pas ça parce que je suis ta mère. Toi, tu es promis à de grandes choses. T'as du sang divin dans les veines. M'en demande pas plus, parce que je suis complètement paumée moi aussi. J'avais toujours tout fait pour échapper au fanatisme de mamie et voilà que je couche avec un dieu. Donc quand je te dirais que papa vit dans le ciel, faudra me croire. Enfin,essayer. J'aurais aimé dire que j'aimais ton père. Un jour quand tu seras grand, je te raconterais notre rencontre. tout s'est enchainé très vite. J'ai pas tout compris, et je ne sais pas si j'ai envie de comprendre d'ailleurs mais faudra que tu fasses très attention. Le monde des mortels est déjà assez dangereux mais celui de ton père l'est encore plus. Il te faudra du courage et de la débrouillardise. Je sais pas trop quoi dire. C 'est encore flou dans ma tete tout ça. j'espère juste qu'un jour, toutes les réponses apparaîtront comme des putains de lucioles et illumineront notre ciel, qu'un jour on se réveilleras avec le sourire et l'insouciance des gens heureux. Parce que tu mérites une belle vie.

en cours